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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 3 novembre 1994, n° ECOC9410235X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société méditerranéenne de béton, Béton de France (SA), Super Béton (Sté), Béton Chantiers du Var (EURL)

Défendeur :

Ministre de l'Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Conseillers :

Mmes Nerondat, Beauquis

Avoué :

SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Bazex, Donnedieu de Vabres, Didier, Rivalland, SCP Rambaud-Martel

CA Paris n° ECOC9410235X

3 novembre 1994

LA COUR est saisie sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 des recours formés par la Société Méditerranéenne de Béton (SMB), ainsi que par les sociétés Béton de France, Superbéton, et Bétons Chantiers du Var contre la décision n° 94-MC-10 prononcée le 14 septembre 1994 par le Conseil de la concurrence (ci-après le conseil) qui leur a enjoint, jusqu'à l'intervention de la décision au fond, de cesser de vendre directement ou indirectement, dans un rayon de 25 kilomètres autour de la ville de Toulon, du béton prêt à l'emploi à un prix unitaire inférieur à son coût moyen variable de production tel qu'il résulte de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises concernées pour chacune de ses centrales.

La décision du conseil précise que le coût moyen variable s'entend du coût du ciment, des granulats, des adjuvants et des autres matières premières entrant dans la composition du produit commercialisé ainsi que du coût de l'énergie, augmentés, hormis les cas de livraison sous centrale, du coût de livraison sur chantier et qu'à défaut d'informations actualisées sur ses coûts chacune des entreprises devrait prendre comme référence, pour l'exécution de l'injonction, le dernier coût moyen variable mensuel connu.

Référence étant faite à cette décision pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que le ministre de l'économie a, par lettre du 5 juillet 1994, saisi le conseil de pratiques anticoncurrentielles sur le marché du béton prêt à l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et, dans le même temps, a demandé le prononcé de mesures conservatoires visant à imposer à certaines des entreprises concernées de mettre un terme à leur pratique ayant consisté, à partir du mois de novembre 1993, à baisser de 150 à 200 F leur prix de vente du mètre cube de béton afin d'empêcher une centrale concurrente, la Société Nouvelle des Bétons Techniques (SNBT), de s'implanter sur le marché.

Estimant qu'il existait des indices sérieux d'une pratique de prix prédateurs mise en œuvre par les quatre entreprises précitées pour éliminer la société SNBT du marché et que cette pratique portait une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur, le conseil a, dans l'attente de l'examen de l'affaire au fond, rendu la décision ci-dessus rappelée.

A l'appui de leurs recours tendant à l'annulation de la décision déférée et subsidiairement à sa réformation, la Société méditerranéenne de béton et les sociétés Béton de France, Béton Chantiers du Var et Superbéton font valoir, aux termes de leurs mémoires individuels, un certain nombre de moyens de procédure ;

- la demande de mesures conservatoires formée devant le conseil par le ministre de l'économie est irrecevable dès lors que celui-ci n'a pas qualité pour demander l'application de mesures conservatoires dans l'intérêt d'une entreprise en particulier et que cette entreprise n'a pas elle-même saisi le conseil ;

- en édictant une mesure conservatoire qui réglemente le prix du béton et porte ainsi une atteinte grave aux principes de liberté des prix et de non-immixtion de l'Etat en cette matière, le Conseil de la concurrence a excédé ses pouvoirs ;

- le conseil a violé le principe du contradictoire posé par l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en ne notifiant pas le rapport préalablement à la séance et en modifiant en cours de séance la nature des intérêts prétendument lésés ainsi que la mesure conservatoire sollicitée.

Sur le fond, les quatre sociétés requérantes font valoir que :

- la preuve d'une collusion entre elles n'est pas rapportée, le fait d'avoir baissé leurs prix de façon concomitante pour s'aligner sur les prix pratiqués sur le marché ou pour vendre à un prix inférieur à leurs coûts moyens variables ne pouvant suffire à constituer un indice de concertation;

- la seule prise en compte du niveau des prix ne suffit pas à établir l'existence d'un prix de prédation, d'autant que la preuve de l'intention de nuire n'est pas rapportée, la société Béton Chantiers du Var contestant, de son côté, avoir pratiqué en tout état de cause des prix de vente inférieurs aux coûts variables de production ;

- l'injonction prononcée par le conseil est discriminatoire dans la mesure où elle ne concerne que quatre entreprises alors que l'atteinte invoquée porte sur l'ensemble d'un secteur, elle est inapplicable car ne contient aucune indication précise sur les obligations des entreprises et, en toute hypothèse, elle introduit plus de distorsions à la concurrence qu'elle n'est censée en supprimer.

Les sociétés Superbéton et Béton de France relèvent, pour leur part, qu'une atteinte grave et immédiate au secteur économique n'est pas démontrée et que la situation de la SNBT, qui a toujours été bénéficiaire et enregistre un résultat positif en septembre 1993 et mars 1994, ne révèle pas que sa survie soit compromise.

Ayant examiné chacun des moyens soulevés, le ministre de l'économie conclut à la confirmation de la décision du conseil de la concurrence objet des recours.

Aux termes des observations écrites qu'il a déposées par application de l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, le Conseil de la concurrence répond à chacun des moyens des requérants et fait observer que la procédure prévue devant le conseil par l'article 12 de l'ordonnance est spécifique en matière de demandes conservatoires et se trouve sans rapport avec les dispositions des articles 808 et suivants du nouveau Code de procédure civile, inapplicables en l'espèce.

Les requérantes, reprenant en les développant leurs moyens initiaux, répliquent par des mémoires individuels aux observations faites par le ministre de l'économie et par le conseil. La société Superbéton estime pour sa part que la procédure civile de droit commun des articles 808 et suivants du nouveau Code de procédure civile s'applique à la procédure d'urgence institué par l'article 12 de l'ordonnance, excluant ainsi que de telles mesures puissent être prononcées en cas de difficultés sérieuses comme en l'espèce.

Aux termes de ses observations orales, le ministère public souligne que le conseil n'a ni violé le principe du contradictoire ni outrepassé ses pouvoirs et, faisant siens les arguments développés sur le fond par le ministre de l'économie, il conclut à la confirmation de la décision attaquée.

Sur quoi, LA COUR ;

Sur la procédure :

En ce qui concerne la qualité du ministre de l'économie pour solliciter des mesures conservatoires,

Considérant que les sociétés requérantes font valoir que le ministre de l'économie n'avait pas qualité pour demander l'application de mesures conservatoires en se fondant sur la protection des intérêts privés de la SNBT, laquelle s'était abstenue de saisir le conseil ;

Mais considérant que le pouvoir du ministre de l'économie de demander au Conseil de la concurrence de prendre des mesures conservatoires s'exerce dans le cadre du pouvoir général de saisine qui lui est conféré par l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que le ministre de l'économie a, dans sa lettre de saisine du 5 juillet 1994, dénoncé des pratiques qui " portent atteinte à l'intérêt des utilisateurs de béton prêt à l'emploi " en relevant que " l'entente conduit, en effet, à limiter le nombre d'intervenants sur le marché, ce qui réduit les possibilités de choix et favorise la pratique de prix élevés " ;

Qu'insérant le cas particulier de la SNBT dans ce contexte de la défense des intérêts généraux du marché le ministre souligne que " les comportements en matière de prix (...) paraissent particulièrement graves dans la mesure où ils sont susceptibles d'entraîner la disparition d'un opérateur sur un marché qui compte, du fait de sa dimension restreinte, un nombre d'offreurs réduit " ;

Considérant en conséquence que c'est dans l'exercice régulier de ses prérogatives relevant de la protection générale de l'ordre public économique lié au libre jeu de la concurrence que le ministre a demandé au Conseil de la concurrence le prononcé des mesures provisoires critiquéeset que le moyen n'est pas fondé ;

En ce qui concerne les pouvoirs du conseil quant à la mesure conservatoire prononcée ;

Considérant qu'il est d'abord soutenu que le conseil ne pouvait, par application de l'article 808 du nouveau Code de procédure civile, prononcer de mesure conservatoire dès lors qu'il se trouvait en présence d une contestation sérieuse ;

Mais considérant que seules sont applicables à la procédure suivie devant le conseil les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de son décret d'application du 29 décembre 1986 ;

Considérant qu'il est aussi fait grief au conseil d'avoir excédé ses pouvoirs en édictant une mesure qui réglemente le prix du béton prêt à l'emploi, et d'avoir porté ainsi atteinte au principe de la libre détermination des prix ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance précitée le conseil peut prendre des mesures conservatoires à la condition, notamment, que ces mesures soient strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ;

Considérant qu'en l'espèce le conseil a enjoint aux entreprises de cesser de vendre du béton prêt à l'emploi " à un prix unitaire inférieur à son coût moyen variable de production tel qu'il résulte de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises concernées par chacune de ses centrales ", étant précisé que " ce coût s'entend du coût du ciment, des granulats et des adjuvants et des autres matières premières entrant dans la composition du produit ainsi que du coût de l'énergie, augmentés, hormis les cas de livraison sous centrale, du coût de livraison sur chantier ".

Que, sauf à rendre inopérante toute injonction relative à des pratiques de prix,la circonstance que le conseil ait entendu donner, compte tenu de l'urgence, une efficacité pratique à sa décision en définissant, non un prix de marché, mais un niveau de prix déterminable par les entreprises elles-mêmes par référence au seul coût variable de leur produit au-dessous duquel elles ne sauraient descendre sans pratiquer des prix de prédation, ne modifie ni dans son principe ni dans sa finalité l'injonction qui, telle qu'elle était initialement proposée par le ministre de l'économie, visait à enjoindre aux entreprises en cause de " cesser les pratiques de prix de dumping et de revenir au niveau des prix pratiqués au 30 septembre 1993 " ;

Qu'il ne saurait en conséquence être soutenu que le conseil, qui a strictement limité la mesure ce qui était nécessaire pour faire face à l'urgence, aurait " réglementé " le prix du béton et ainsi excédé ses pouvoirs en prononçant l'injonction critiquée ;

En ce qui concerne le respect du contradictoire :

Considérant que les sociétés requérantes exposent qu'en ne leur notifiant pas de rapport avant la tenue de la séance et en modifiant au cours de celle-ci la nature des intérêts prétendument lésés ainsi que la mesure conservatoire sollicitée par le ministre de l'économie le conseil a porté atteinte au principe du contradictoire ;

Mais considérant que le respect du principe du contradictoire doit s'apprécier au regard de la procédure d'urgence prévue et organisée par l'article 12 de l'ordonnance précitée qui ne prévoit ni d'instruction ni d'établissement d'un rapport préalable à l'examen de l'affaire par le conseil ; que le rapporteur ayant, tant en ce qui concerne les intérêts en cause qu'en ce qui concerne la formulation de l'injonction proposée au conseil, exposé oralement l'affaire en séance en présence des parties, celles-ci ont été, sans que cela soit contesté, appelées à s'exprimer les dernières et ont eu la possibilité de débattre contradictoirement ;

Sur le fond :

En ce qui concerne le marché pertinent :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le marché pertinent du béton prêt à l'emploi est géographiquement circonscrit à une zone d'environ 25 kilomètres autour de Toulon ;

Qu'il résulte des éléments d'enquête que les sociétés Superbéton, Béton de France, Béton Chantiers du Var et SMB détiennent environ 80 p. 100 de ce marché ;

En ce qui concerne la collusion et les prix prédateurs reprochés aux sociétés concernées ;

Considérant que les sociétés requérantes exposent que le fait, retenu à leur encontre, d'avoir baissé leurs prix de façon concomitante pour s'aligner sur les prix pratiqués sur le marché, ou même de vendre à des prix inférieurs à leurs coûts moyens variables sur un marché dont elles détiennent une part importante, ne peut constituer un indice de concertation, mais tout au plus un parallélisme de comportement ;

Mais considérant qu'il résulte du rapport administratif un niveau général des prix du béton type 25 normalisé retenu comme référence compris, selon le mois et les entreprises considérées, entre 407 et 474 F ;

Que ce prix de vente connaît une baisse brutale aux alentours de 300 F la tonne au mois de novembre 1993 pour descendre encore jusqu'à 270 F au mois de décembre ;

Que cette baisse, en raison de son importance et de sa brutalité, ne peut trouver d'explication dans la baisse générale de la consommation du béton prêt à l'emploi dans le département du Var, alléguée par certaines requérantes ;

Qu'en effet, d'une part, cette consommation qui a connu effectivement une baisse en 1991-1992 s'est stabilisée en 1993 et, d'autre part, les entreprises implantées sur le marché de l'Est varois ont, en novembre, décembre 1993 et janvier 1994, continué à pratiquer des prix compris entre 400 et 500 F la tonne, la société Express Béton annonçant même à ses clients une augmentation de ses tarifs à compter du 1er janvier 1994 ;

Que dans ce contexte il y a lieu de relever, comme le fait le conseil la coïncidence existant entre la baisse brutale du prix du béton prêt à l'emploi par les sociétés requérantes et l'ouverture du centre SNBT d'Ollioules en octobre 1993 ; que cette entreprise n'a jamais baissé ses prix au-dessous de 350 F la tonne de béton 25 avant la fin du mois de décembre 1993 ;

Considérant, ainsi que le rappelle justement le conseil, que le fait que les entreprises qui commercialisent un produit banalisé et se trouvent confrontées à l'apparition d'un nouveau concurrent s'alignent sur les prix pratiqués sur celui-ci pour vendre à des prix inférieurs à ceux pratiqués avant l'arrivée du nouvel opérateur est insuffisant pour constituer à lui seul un indice d'entente anticoncurrentielle entre ces entreprises ;

Considérant toutefoisqu'un tel comportement ne peut être compatible avec l'intérêt individuel de chacune des entreprises concernées qu'à la condition que celles-ci ne vendent pas à un prix inférieur à leur coût variable de production, sous peine d'augmenter leurs pertes par rapport à celles qu'elles enregistreraient si elles s'abstenaient de vendre le produit puisqu'à la perte intégrale sur coûts fixes qu'elles encourraient en tout état de cause, elles ajoutent une perte supplémentaire sur coûts variables auxquels elles doivent faire face pour produire et livrer le produit concerné ;

Considérant que les sociétés requérantes, qui contestent avoir pratiqué des prix prédateurs, font valoir, d'une part, que la notion de coût variable n'est pas fiable dans la mesure où elle n'intègre pas des données de la comptabilité analytique telles que les écarts de production, la régularisation des stocks, ainsi que d'autres éléments non connus lorsque l'entreprise facture ses clients et, d'autre part, qu'il ne peut être procédé à une comparaison cohérente entre des prix unitaires de vente et des coûts variables moyens calculés sur l'ensemble des quantités produites durant une période donnée, tous chantiers confondus ;

Considérant que le prix prédateur est défini comme étant le prix de vente unitaire d'un produit inférieur au coût variable unitaire de celui-ci; que l'examen des factures établies par les sociétés requérantes permet de connaître les prix de vente unitaires alors que seuls les coûts variables moyens sont disponibles en l'état de la procédure d'urgence dont était saisi le conseil ;

Considérant cependant qu'il est établi, notamment par l'examen des niveaux des prix de revient matières et des prix de revient totaux relevés au rapport administratif, que, sur la courte période concernée, les coûts variables unitaires n'ont pas connu de variations d'une amplitude notable ; que, dès lors, le coût variable moyen doit être considéré comme étant représentatif de chacun des coûts variables unitaires ; que le rapprochement fait par le conseil entre les prix de vente unitaires et les coûts variables moyens n'est donc pas entaché d'incohérence ;

Considérant que le conseil a relevé à cet égard des prix de vente unitaires pratiqués par la société Béton du Var en novembre 1993 de 300 F pour un coût moyen variable de 304,17 F ; que la société Béton de France a pratiqué sur ses centrales de La Valette et de La Seyne des prix de 300 F au mois de novembre 1993 puis de 280 F au cours des mois suivants alors que ses coûts moyens variables s'établissaient respectivement pour ces centrales aux mêmes périodes à 328 F et 336,47 F, puis à 318,23 F et 296,57 F ;

Considérant qu'en ce qui concerne la société Superbéton qui ne définit pas et justifie encore moins " la conjonction complexe de circonstances de fait " qu'elle invoque, le conseil fait pertinemment observer que, comparés aux coûts moyens variables de 311 F et 339 F enregistrés en novembre 1993, les prix de vente de 300 F et 280 F enregistrés à La Garde et à La Seyne ne peuvent s'expliquer par des économies faites sur le transport dès lors que celui-ci est forfaitairement facturé par zones géographiques par des " locatiers " ;

Considérant que la SMB a reconnu dans ses écritures devant le conseil avoir pratiqué en décembre 1993 un prix moyen de départ de 246,52 F à partir de sa centrale de Sanary, c'est-à-dire inférieur au coût moyen de ses matières premières ressortant de sa comptabilité analytique à 266,03 F ;

Considérant que les divers éléments qui viennent d'être rappelés constituent un faisceau précis et concordant d'indices duquel résulte la présomption, non d'un simple parallélisme de comportement, mais d'une entente visant à empêcher, par la pratique de prix de prédation, l'entrée d'entreprises concurrentes sur le marché ;

Considérant qu'il est encore soutenu qu'il appartenait au conseil de caractériser l'intention de nuire des entreprises faisant l'objet de l'injonction ;

Mais considérant quel'intention de nuire résulte clairement de l'objectif de la présomption d'entente relevée à l'encontre des entreprises concernées qui est d'empêcher l'accès d'une entreprise concurrente sur le marché ;

En ce qui concerne la contestation de l'existence d'une atteinte grave et immédiate à l'entreprise SNBT et au secteur concerné :

Considérant que certaines des sociétés requérantes font observer que la survie de la SNBT, qui enregistre des résultats, positifs, n'est pas compromise ;

Mais considérant, d'une part, que si les résultats globaux de la SNBT sont actuellement positifs, son chiffre d'affaires dans l'activité du béton prêt à l'emploi a baissé de 45 p. 100 en avril 1994 par rapport au mois précédent, puis encore de 35 p. 100 au mois de mai ; que cette forte perte de rentabilité est de nature à compromettre la survie de l'entreprise ;

Qu'en ce qui concerne, d'autre part, l'atteinte économique au secteur, celle-ci résulte de l'étroitesse géographique du marché précédemment décrit et du fait que les requérantes détiennent une part d'environ 80 p. 100 de celui-ci ;

Considérant enfin que les quatre entreprises requérantes sont des filiales de grands groupes industriels et peuvent disposer, de ce fait, d'un appui financier sans commune mesure avec celui dont disposent les entreprises indépendantes concurrentes à l'encontre desquelles s'exercent les pratiques de prix prédateurs ;

En ce qui concerne l'allégation du caractère discriminatoire de l'injonction :

Considérant que les sociétés requérantes font encore valoir que la décision du conseil est discriminatoire dans la mesure où elle ne s'adresse qu'à elles alors que l'atteinte à l'économie invoquée porte sur l'ensemble du secteur ;

Mais considérant que les indices de pratiques anticoncurrentielles relevées par le rapport administratif ayant conduit à la saisine du conseil concernent les sociétés Béton de France, Béton Chantiers du Var, Superbéton et la Société méditerranéenne de béton ;

Qu'il n'existe pas d'indices, en l'état de la présente procédure, de pratiques de prix de prédation par d'autres entreprises que les sociétés requérantes, et que c'est sans faire de discrimination que le conseil a pu prononcer une injonction à l'encontre de celles-ci ;

Par ces motifs : Ordonne la jonction des saisines enregistrées sous les numéros de rôle général 94-22395, 94-22396, 94-22513 et 94-22514 ; Rejette les recours formés par la Société méditerranéenne de béton et les sociétés Béton de France, Béton Chantiers du Var et Superbéton contre la décision n° 94-MC-10 prononcée le 14 septembre 1994 par le Conseil de la concurrence ; Laisse à chacune des requérantes la charge de ses propres dépens.