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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 19 septembre 1990, n° ECOC9010137X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Herlicq (SA), Serrumeca (SA), Établissements Deshais (SA), L' Entreprise industrielle (SA), Établissements Jules Verger et Delporte (SA), Segard (ès qual.), Anciens Établissements Guinier (SA), Servignat (SA), Société Fécampoise d'entreprises électriques, Entra (SA), Clemessy (SA), Clemancon entreprise (SA), Électricité Travaux Techniques (SA), Montcocol (SA), Satelec (SA), Entreprises Saunier Duval (SA), Spie Batignolles (SA), Fouga (SA), Spie Trindel (SA), Norelec (SA), Établissements Phibor (SA), Entreprise Lafon (SA), Compagnie des signaux et d'équipements électriques (SA), Société d'études et d'entreprises électriques, Preteux (SA), Cegelec (SA), GTIE (SA), Sogea (SA), Forclum (SA), Établissements G. Moulin, Société générale de travaux électriques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Borra

Avocat général :

M. Jobard

Conseiller :

Mlle Aubert

Avocats :

Mes Sitruk Baptiste, Elkaim, Threard, le Tarnec, Lucas de Leyssac, Delestrade, Guellette, Beauvais-Mery, Kunlin, Vassogne, Sebbah, SCPA Roussel-Sagon-Lasne, Me Leonis, SCPA Schwob Schultz Numinger Wetterer Chauvin, Lesage, Me Vitoux, SCPA Neveu Deleau Johanet Hatton Sudaka, SCP Villard Flament Brunois, SCP Rambaud-Martel-Devallon, SCP Lassier-Budry-Henriot-Bellargent.

CA Paris n° ECOC9010137X

19 septembre 1990

LA COUR est saisie des recours formés par la société Cegelec et trente autres sociétés contre la décision numéro 89-D-42 du 12 décembre 1989 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques d'entente dans le secteur de l'équipement électrique.

Il est fait référence, pour l'exposé des éléments de la cause, à cette décision et rappelé seulement que :

Le ministre chargé de l'économie, à la suite d'une enquête de la directiOn générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a, le 23 octobre 1985, saisi la commission de la concurrence de faits pouvant être qualifiés de concertations entre entreprises à l'occasion de marchés de travaux d'installation ou d'entretien électrique passés par la RATP, l'Etablissement public du parc de La Villette, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et la ville de Paris avec quarante-trois sociétés ;

Le Conseil de la concurrence a considéré que les pratiques constatées tombaient sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sans pouvoir bénéficier des dispositions des articles 51 ou 10 de l'un ou l'autre de ces textes ;

Il a infligé des sanctions pécuniaires d'un montant variant entre 25 000 000 de francs et 5 000 francs aux quarante-trois entreprises concernées et a ordonné la publication à leurs frais des motifs et du dispositif de la décision dans sept journaux.

Les demanderesses au recours concluent à l'annulation et à la réformation de cette décision. Chacune d'entre elles se défend d'avoir participé à des échanges d'informations et à une répartition de marchés. Toutes formulent en commun à l'encontre de la décision une série de critiques relatives à la régularité de la procédure, à la définition du marché pertinent, à l'administration de la preuve et à la façon dont les sanctions prononcées ont été motivées et fixées.

Il convient d'examiner ces moyens de portée générale avant les moyens particuliers à chaque entreprise, les problèmes soulevés par l'application de sanctions ne pouvant être abordés qu'après la constatation éventuelle de pratiques anticoncurrentielles.

Sur quoi, LA COUR :

I. Sur la délimitation du marché concerné :

Considérant que les demanderesses au recours, particulièrement les sociétés Spie Trindel, Spie Batignolles, Fouga et Cegelec, reprochent en premier lieu au Conseil de la concurrence d'avoir omis de définir le marché qu'il a pris en considération pour apprécier les conditions dans lesquelles s'est exercée la concurrence ;

Qu'elles en déduisent que l'assiette des sanctions a été déterminée arbitrairement ;

Considérant que le ministre chargé de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de deux rapports, l'un relatif à des pratiques d'ententes observées à l'occasion de huit appels d'offres émanant de la RATP, l'autre relatif à des pratiques similaires observées à l'occasion d'appels d'offres émanant de l'Etablissement public du parc de La Villette (trois marchés), du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou (deux marchés) et de la ville de Paris (un marché) ;

Que ces deux rapports ne concernent pas deux secteurs d'activité différents ;

Que les marchés considérés, bien que distincts géographiquement et matériellement, ont pour trait commun essentiel d'être des commandes publiques intervenant dans le secteur général de l'équipement électrique ;

Que dans chacun des cas considérés le croisement de l'appel d'offres et des réponses des candidats a réalisé un marché, c'est-à-dire la rencontre entre une demande et une offre de prestations ou de fournitures substituables ;

Qu'il importe peu que certaines entreprises soumissionnaires aient pu se trouver matériellement en concurrence à la fois sur des marchés d'équipements ferroviaires et sur des marchés d'installations électriques du bâtiment ;

Considérant qu'il est encore soutenu à propos de la délimitation du marché pertinent que la RATP a enfreint la réglementation des marchés publics en ouvrant après un appel d'offre infructueux une nouvelle négociation sur la base des prix précédemment obtenus et que cette modification des règles du jeu interdit toute possibilité de concertation entre candidats, et par suite toute possibilité de poursuites ;

Mais considérant que ce manquement supposé de l'acheteur public à ses obligations n'est pas de nature à modifier essentiellement la configuration du marché initial ci-dessus défini ;

Qu'en effet, si aucune entente n'est observable dans un marché négocié, elle peut néanmoins faire indirectement sentir ses effets dans la mesure où elle a préexisté à l'occasion de l'appel d'offres antérieur ;

Considérant en conséquence qu'aucun des moyens d'annulation tirés d'une absence de définition du marché pertinent ne peut être retenu' ;

2. Sur la régularité de la procédure :

Considérant que les sociétés requérantes soutiennent, selon les moyens ci-après énoncés, que l'enquête effectuée par l'administration et poursuivie par le rapporteur, ainsi que l'instruction par lui faite et la procédure devant le conseil, sont nulles en ce qu'elles ont été faites en violation, tout à la fois, des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des règles qui assurent les garanties de la défense et du principe du contradictoire ;

1. Sur la nullité de l'enquête :

Considérant que la procédure d'enquête, effectuée par la direction générale de la concurrence et de la consommation, a débuté au mois d'octobre 1984 ; qu'après la saisine de la commission de la concurrence le 22 octobre 1985 et le transfert du dossier au Conseil de la concurrence, elle a été continuée par le rapporteur dudit conseil, conformément aux dispositions de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, jusqu'à la notification des griefs intervenue les 9 juin et 22 novembre 1988 ;

Considérant qu'il est d'abord allégué qu'en faisant porter ses investigations à. la fois sur les marchés d'équipements électriques de la RATP et sur ceux d'installations électriques de musées, l'administration a artificiellement réuni des faits n'ayant aucun lien entre eux, impliquant des entreprises spécialisées dans l'un ou l'autre de ces travaux spécifiques et qu'il en résulte, notamment, un amalgame qui ne permet pas aux parties en cause de faire valoir individuellement leurs moyens de défense ;

Mais considérant que conformément aux dispositions de l'article 52 de l'ordonnance du 30 juin 1945, le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, a, par lettre du 22 octobre 1985, saisi la Commission de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur des travaux d'installation et d'entretien électrique (RATP, Etablissement public de La Villette, musée Carnavalet, Centre national d'art contemporain Georges Pompidou), telles qu'analysées et consignées dans deux rapports d'enquête, respectivement datés des 22 avril et 3 mai 1985, où les marchés publics à l'occasion desquels les pratiques incriminées ont été constatées sont clairement individualisés ;

Considérant que le ministre chargé de l'économie a pu réunir dans un même dossier, pour en saisir le conseil, des pratiques relevées sur différents marchés de travaux publics, dès lors que chacun d'eux suppose la mise en œuvre, pour partie au moins, de techniques, de matériels et de qualifications de même nature et que, pour certains, les mêmes entreprises ont concouru aux adjudications et ont exécuté les travaux ;

Considérant que le rapporteur s'est attaché à analyser le comportement individuel des entreprises en. cause à l'occasion des marchés de travaux publics concernés en examinant les pièces relatives à chacun d'eux et les explications fournies par les responsables des entreprises impliquées ; qu'il ne saurait par conséquent être prétendu que la multiplicité et la variété des faits soumis au conseil constituent un amalgame contraire aux garanties de la défense, dès lors que chacune des parties était en mesure de discerner précisément, autant dans la notification des griefs que dans le rapport, les pratiques retenues contre elles et les éléments de preuve qui les caractérisent pour faire valoir utilement ses moyens de défense ;

Considérant que plusieurs requérantes invoquent, pour en déduire une atteinte aux droits de la défense, qu'elles n'ont eu connaissance des auditions des responsables ou cadres d'entreprises concurrentes ou d'autres moyens de preuve allégués contre elles que par la notification des griefs et qu'en particulier, avant cette formalité, elles n'ont pas été appelées à fournir d'explications sur ces pièces ni confrontées avec les auteurs de ces déclarations ;

Qu'elles ajoutent qu'ayant, pour certaines d'entre elles, été tenues dans l'ignorance des investigations dont elles faisaient l'objet, elles n'ont pu conserver les archives relatives aux marchés incriminés ni consulter les personnels concernés, certains n'étant plus employés dans les mêmes entreprises et qu'il en résulte un dépérissement des éléments de preuve qu'elles auraient pu faire valoir ;

Mais considérant qu'aucune des règles qui régissent les enquêtes ne font obligation aux agents qui y procèdent ou au rapporteur du conseil de confronter immédiatement les responsables d'entreprises impliquées avec les auteurs de déclarations qui les mettent en cause ou de les interroger sur les pièces appréhendées chez des tiers ;

Qu'il ne peut en être tiré ni violation du principe du contradictoire ni atteinte aux droits de la défense, dès lors que, les observations des entreprises concernées ont été recueillies en temps utile, après communication de l'ensemble du dossier, lors de la notification des griefs, conformément aux dispositions des articles 18 et 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant en outre que de nombreux cadres des entreprises concernées ont été entendus au cours de l'enquête et que celles-ci étaient par conséquent au fait des pratiques sur lesquelles portaient les investigations ; que parmi celles qui se prévalent de ce moyen de nullité, aucune ne précise le témoignage qu'elle a été empêchée d'invoquer ou les pièces qu'elle n'a pu produire, lesquelles, au demeurant, devaient être conservées au moins jusqu'à l'expiration du délai de prescription en matière commerciale ;

Considérant que l'entreprise Satelec fait valoir que l'une des ententes retenues contre elle (appel d'offres du 24 octobre 1983, organisé par l'Etablissement public de La Villette) est fondée sur un procès-verbal d'enquête irrégulièrement établi ;

Qu'en effet, est visée, à propos de cette entente, une attestation émanant du commissaire Bourhis relatant l'audition d'un témoin anonyme ; que cette pièce, à laquelle aucune valeur probante ne peut être attachée, doit être écartée des débats, sans que, toutefois, il y ait lieu d'annuler tout ou partie de la procédure ;

Considérant qu'hormis des considérations générales sur la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ou sur la méconnaissance des garanties de la défense, il n'est rapporté aucune preuve de manœuvres ou de procédés déloyaux, contraires à l'équité du procès, auxquels se seraient prêtés les enquêteurs ou le rapporteur du conseil, dans le dessein de faire échec à ces garanties procédurales essentielles ;

2. Sur la nullité de la notification des griefs et de l'instruction :

Considérant que le conseil a notifié les griefs aux entreprises en cause le 9 juin 1988 et leur a imposé un délai expirant le 30 août suivant pour y répondre ;

Qu'ensuite des observations du commissaire du Gouvernement, d'autres griefs d'entente, portant, d'une part, sur un marché passé par le Centre national d'art contemporain Georges Pompidou, d'autre part, sur un appel d'offres lancé par la RATP, ont été notifiés le 22 novembre 1988 aux entreprises impliquées qui ont bénéficié d'un nouveau délai de deux mois pour faire valoir leurs moyens de défense ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent certaines requérantes, l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne fait pas obligation au conseil de dénoncer simultanément tous les griefs qu'il retient ; qu'en particulier, il peut procéder à une notification complémentaire sans porter atteinte aux droits de la défense à la condition que, comme en l'espèce, cette formalité soit accompagnée des garanties prévues par le texte susvisé ;

Considérant, en outre, que le fait que les délais de réponse à la notification des griefs ont couru durant la période estivale ne peut constituer une atteinte auxdites garanties ;

Considérant que l'Entreprise Preteux relève que, sur les deux ententes retenues contre elle par la décision déférée (concernant, d'une part, le marché relatif à l'extension des auvents du CNAC Georges Pompidou, d'autre part, pour le même donneur d'ordres, celui portant sur l'aménagement du quatrième étage électricité), seule la seconde lui a été notifiée ;

Qu'il est en effet vérifié qu'aucune pratique illicite n'est invoquée contre cette entreprise dans la notification des griefs au sujet de l'entente préalable à l'attribution du premier de ces marchés publics ; qu'il s'ensuit qu'aucune sanction ne peut lui être infligée de ce fait ;

Considérant que la même conséquence doit être tirée à l'égard des entreprises CSEE et Clemencon, contre qui une entente sur un marché passé par la RATP pour les travaux électriques de prolongement de la ligne 7 a été retenue et sanctionnée, sans que ce grief ne leur ait été notifié ;

Considérant que les entreprises Lafon et Phibor prétendent que, selon la notification des griefs et le rapport, aucune pratique illicite ne leur est reprochée mais que le conseil a néanmoins sanctionné celles qui lui sont imputées dans le mémoire du commissaire du Gouvernement qui, ne lui ayant pas été notifié, porte à son égard, atteinte aux garanties de la défense ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est affirmé, l'implication de la société Lafon dans une concertation entre sociétés soumissionnaires à un appel d'offres de la RATP du 10 octobre 1983 est clairement décrite dans la notification des griefs (pages 13 à 27) et reprise dans le rapport (pages 31 à 79) ;

Considérant que les griefs concernant la société Phibor, mise en cause dans une concertation portant sur un marché passé par le CNAC Georges Pompidou, pour les travaux d'électricité relatifs à l'aménagement de son quatrième étage, figurent dans la notification complémentaire du 22 novembre 1988 (pages 2 à 5) et sont repris dans le rapport (pages 179 à 186) ;

Considérant en conséquence que les deux sociétés requérantes ne peuvent se prévaloir de violations de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni d'une atteinte aux intérêts de la défense, dès lors que ce texte, dont les prescriptions ont été intégralement respectées, ne fait pas obligation au conseil de notifier aux entreprises en cause les observations écrites du commissaire du Gouvernement, lesquelles, comme les mémoires déposés par les parties, ont été laissées à leur libre consultation quinze jours avant la séance ;

Considérant qu'il est encore invoqué par certaines entreprises, qu'en autorisant le commissaire du Gouvernement à déposer, ensuite de la notification des griefs, un mémoire écrit qui n'est pas prévu par l'article 21 de l'ordonnance précitée, sans permettre aux parties d'y répondre par des observations écrites, le conseil a violé les dispositions de l'article 18 de ladite ordonnance qui lui fait obligation de prendre toutes mesures pour assurer le respect du principe du contradictoire ;

Mais considérant que le mémoire écrit déposé par le commissaire du Gouvernement, bien qu'il ne soit pas prévu par le texte susvisé, permet aux parties de connaître avant la séance du conseil les observations qu'il est admis à y développer oralement, notamment sur le montant des sanctions pécuniaires encourues ;

Que cette pratique procédurale, précisément destinée à renforcer les garanties de la défense et la contradiction des débats, ne saurait pour autant ouvrir aux parties un nouveau délai de réplique par écrit, dès lors qu'elles sont en mesure de réunir les arguments et les pièces leur donnant la possibilité de répondre utilement, lors de la séance du conseil, à l'avis du commissaire du Gouvernement qui, au demeurant, ne lie pas le conseil et ne peut être assimilé à des griefs ;

3. Sur la nullité de la procédure devant le Conseil de la concurrence :

Considérant qu'il est encore soutenu que la procédure devant le Conseil de la concurrence est entachée de nombreuses et graves atteintes aux droits de la défense, au principe du contradictoire ainsi qu'à l'équité et à la durée raisonnable du procès, notamment dans la tenue de la séance et les conditions du délibéré ;

Considérant que selon l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les parties peuvent demander à être entendues par le conseil et se faire représenter ou assister ; qu'afin d'organiser le déroulement de la séance, elles ont pu être priées de limiter leur temps d'intervention, sans que de telles mesures de police de l'audience portent atteinte aux droits de la défense, alors surtout qu'il n'apparaît pas que celles qui se prévalent de ce moyen auraient été empêchées de développer l'argumentation déjà exposée dans leurs mémoires écrits ;

Considérant qu'il est, en second lieu, allégué que, la séance ayant eu lieu le 12 décembre 1989, la décision mentionne que le conseil a délibéré le même jour, ce qui, selon les requérantes, implique, soit qu'il a arrêté sa décision avant que toutes les parties aient présenté leurs défenses orales et qu'en tous cas, eu égard à la multiplicité et à la complexité des faits dont il était saisi, il n'a pu examiner les pratiques incriminées et les moyens de défense invoqués, après la clôture des débats, dans des conditions de temps ménageant l'équité du procès ;

Considérant que la séance du Conseil de la concurrence s'est tenue te 12 décembre 1989, que la mention finale de la décision indique que le délibéré a eu lieu à l'occasion de cette séance, sans qu'il puisse être déduit de la formule employée qu'il a commencé avant la clôture des débats ;

Qu'en outre, la procédure écrite permettant la mise à la disposition de l'entier dossier aux membres du conseil dès avant la séance, aucun moyen ne peut être déduit de la brièveté du délibéré pour en affirmer l'irrégularité ;

Considérant que, en troisième lieu, il est relevé comme une cause d'irrégularité que la décision n'indique ni la présence ni le rôle du rapporteur général et du rapporteur au cours du délibéré ;

Mais considérant que le dernier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui autorise les intéressés à assister au délibéré du conseil n'impose pas de mentionner dans la décision s'ils y étaient effectivement présents et les interventions qu'ils y ont faites ;

Considérant enfin qu'il n'est pas démontré en quoi le temps qui s'est écoulé entre les auditions et saisies effectuées au cours de l'enquête et la notification des griefs et la séance du conseil, au demeurant justifié par l'ampleur et la complexité des pratiques examinées, aurait excédé le délai raisonnable dans lequel, au sens de la convention internationale susvisée, les parties auraient dû voir leur cause entendue ;

3. Sur l'administration de la preuve :

Considérant que les requérantes font grief à la décision attaquée d'avoir infligé de lourdes sanctions à partir de preuves non seulement obtenues dans certains cas sans respect des droits de la défense - critique à laquelle il a été déjà répondu - mais encore insuffisantes en elles-mêmes ;

Considérant que les entreprises qui participent habituellement à des marchés sur appels d'offres peuvent être tentées d'obtenir à leur profit mutuel une répartition des commandes présentes et à venir ;

Que celles d'entre elles qui entendent parvenir à ce résultat se concertent, selon des pratiques observées de longue date, pour coordonner leurs offres et échanger des informations sur l'identité des compétiteurs réellement intéressés et sur les prix envisagés ;

Qu'une telle concertation, qui a pour objet et pour effet de réduire l'autonomie d'offres qui devraient rester secrètes, s'opère avant les soumissions au moyen de réunions informelles ou de conversations téléphoniques ;

Qu'à l'évidence l'existence et l'effectivité d'une entente réalisée de la sorte ne sont normalement pas établies par des documents formalisés, datés et signés, émanant des entreprises auxquelles ils sont opposés ;

Que la preuve ne peut résulter que d'indices variés dans la mesure où, après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes ;

Qu'il est donc facile mais sans portée de critiquer tel élément qui, considéré isolément, est dépourvu de force probante ;

Qu'en l'espèce il y a lieu d'apprécier si les documents saisis: cahiers, agendas, comptes rendus de réunions ou de messages téléphoniques, permettent de constater l'existence d'une concertation destinée à fausser le jeu de la concurrence entre les sociétés intéressées par les quatre séries de marchés publics observés ;

4. Sur la licéité des offres de couverture et de principe ainsi que des offres distinctes présentées par les entreprises d'un même groupe :

Considérant que, si dans les faits apparaissent des échanges d'informations concernant l'identité, le nombre, la détermination des entreprises répondant à la consultation et les prix proposés, certaines des entreprises impliquées contestent le caractère anticoncurrentiel des comportements variés qu'elles ont adoptés en faisant valoir qu'elles ont déposé des offres de couverture ou de principe dites " cartes de visite", adressé des lettres d'excuses ou se sont volontairement abstenues de déposer une offre ;

Mais que la pratique d'offres dites " carte de visite", même provoquée par l'attitude des maîtres d'ouvrage qui exigent une participation habituelle des entreprises intéressées à leurs appels d'offres, ce qui ne vaut dans la présente affaire que pour trois marchés, ne saurait être rendue licite dès lors que, par des échanges d'informations sur les prix, elles trompent les maîtres d'ouvrage sur la réalité de la concurrence;

Que l'absence de dépôt d'une offre par l'entreprise qui se trouve impliquée dans la concertation ne peut être utilement invoquée puisqu'elle a justement pour effet de fausser le jeu de la concurrence en assurant le succès de la concertation en vue de désigner l'entreprise la moins-disante;

Considérant que des entreprises appartenant au même groupe qui ont présenté des offres distinctes mais préparées par des services techniques et des bureaux d'études du groupe prétendent trouver une justification en alléguant la connaissance par le maître de l'ouvrage des liens existants entre elles;

Considérant cependant que s'il est loisible à des entreprises unies par des liens juridiques et financiers mais disposant d'une réelle autonomie technique et commerciale de présenter des offres distinctes, elles doivent le faire en respectant les règles de la concurrence;

Qu'il est sans incidence que les maîtres de l'ouvrage aient connu les liens juridiques unissant les sociétés concernées dès lors qu'ils ignoraient qu'elles constituaient une entreprise unique ou que leurs offres procédaient d'une connivence;

Considérant qu'il convient de procéder à l'examen marché par marché des griefs retenus par le Conseil ;

5. Sur le fond :

Le marché 1 relatif aux travaux d'entretien d'équipements électriques sur le réseau RATP :

Considérant que la RATP a, le 10 octobre 1983, lancé un appel d'offres restreint pour l'exécution des travaux d'entretien répartis en six lots ;

Qu'après avoir déclaré l'appel infructueux et réuni les quinze entreprises moins-disantes en leur suggérant d'émettre de nouvelles propositions marquant un progrès de 5 à 8 p. 100 sur les premières, elle a, le 17 février 1984, lancé un deuxième appel d'offres qui a abouti à l'attribution des lots ;

Considérant que les documents saisis au cours de l'enquête sont constitués, par les pièces suivantes :

- la photocopie d'un même tableau saisi chez MJB, Servignat et Guillemin (pièces 15, 16 et 17) indiquant le nom des vingt-cinq soumissionnaires par groupes de trois au regard desquels des chiffres, qui représentent des majorations par rapport aux estimations de la RATP, sont mentionnés pour chaque lot ;

- le compte rendu d'une conversation téléphonique datée du 17 novembre 1983 entre le responsable de MJB, M. Lenel, et celui de Spie Batignolles, M. Bares, lequel souhaite voir les entreprises se grouper par trois " pour que tout le monde soit servi " (pièce 18) ;

- une note du 18 novembre 1983 comportant la liste des soumissionnaires et l'indication " majoration 32 à 46 p. 100" (pièce 19) ;

- un tableau portant en tête "le 23 (mercredi) à 15 heures chez Spie (pièce 20) et classant les soumissionnaires par trois avec la mention " conjoint ou pilote " et des chiffres conformes au résultat du premier appel d'offres ;

- la photocopie d'un tableau manuscrit saisie dans les locaux de quatre entreprises concernées, faisant état des futurs attributaires des lots avec l'indication des majorations qui présentent de légères divergences avec leurs offres respectives (pièces 27 à 30) ;

- la photocopie du tableau manuscrit relatif à la préparation du premier appel d'offres avec des corrections qui donnent avec quelques variations les deuxièmes offres (pièces 31 et 32) ;

Considérant que les grilles de prix (pièces 15 à 17, 27 à 32) ne sont pas datées mais ont pu grâce aux indications chiffrées qui correspondent au montant des offres déposées, être reliées au premier appel d'offres ou au second ;

Que si des entreprises prétendent que ces grilles de prix n'ont pas été établies avant la remise des plis mais ne font que récapituler des résultats, elle ne donnent aucune explication sur les modalités de leur élaboration à partir de données confidentielles conservées par la RATP, sur l'intérêt d'une telle récapitulation, sur le classement des entreprises qui figurent individuellement sur lesdites grilles alors qu'elles ont présenté des soumissions conjointes, sur la précision des offres les nioins-disantes et l'imprécision parfois constatée des offres les plus élevées alors qu'une récapitulation devrait être caractérisée par des données exactes ;

Que la comparaison entre les différentes grilles de prix et leur rapprochement avec les autres documents saisis montrent qu'en réalité ces tableaux ont été établis pour déterminer le montant de la soumission de chaque entreprise participant à la concertation ;

Considérant que l'organisation par la RATP, entre les deux appels d'offres, d'une réunion des quinze entreprises les moins-disantes auxquelles il a été demandé de modérer leur offre, n'a pas transformé le marché en négociation de gré à gré puisque aussi bien un nouvel appel d'offres a été lancé et qu'elle ne peut en aucun cas justifier un non-respect des règles de concurrence ;

Qu'il convient d'ailleurs, de relever que les conseils de modération de la RATP n'ont pas été suivis car les entreprises ont maintenu, lors du deuxième appel d'offres, le montant de leur soumission dans la fourchette de 32 à 46 p. 100 indiquée sur l'un des documents saisis et qui est le fruit de leur concertation ;

Considérant que les entreprises dont les noms apparaissent sur plusieurs documents saisis et dont la soumission à l'un ou l'autre des appels d'offres est identique aux coefficients mentionnés sur les grilles de prix ou légèrement divergente quant au choix des lots et au montant des offres, ces divergences n'étant d'ailleurs constatées que pour les offres qui n'ont été suivies d'aucune attribution, ont participé à une entente prohibée ;

Que cette participation a faussé le jeu de la concurrence même dans le cas où les entreprises ont déposé des offres de principe ;

Considérant que la société Clemessy, impliquée dans ce seul marché, figure sur les tableaux des pièces 15 à 17 comme se portant candidate à tous les lots avec une majoration de 70 p. 100 puis sur un autre document comme s'associant à Satelec et ETT alors qu'en définitive elle n'a lors du premier appel d'offres soumissionné que pour le cinquième lot et avec une majoration de 79 p. 100 ; que les divergences importantes constatées par rapport à la soumission ne permettent pas de retenir une incrimination à son encontre ;

Considérant que la société SGTE, dont le nom apparaît sur les seuls tableaux des pièces 15 à 17, a déposé une offre pour les lots 3, 4 et 5 avec un coefficient de majoration inférieur de 7 à 12 p. 100 à celui porté sur les tableaux ; que ces indices qui ne sont corroborés par aucun autre apparaissent insuffisants pour retenir une incrimination à son encontre ;

Considérant, en revanche, que la société Spie Batignolles, bien qu'elle ait déposé une offre dont le coefficient de majoration est inférieur à celui porté sur les tableaux, doit être retenue comme ayant participé à l'entente où elle a joué un rôle déterminant puisque la réunion relatée par la pièce 20 a eu lieu dans ses locaux et que l'un de ses responsables, M. Bares, a organisé la concertation ;

Considérant que certaines sociétés font état en vain de l'existence de rapports de mère à filiale ou des nécessités dues à la présentation d'une offre conjointe mais que les documents saisis mettent en évidence que chaque entreprise a fait l'objet d'une mention individuelle quant à la détermination des coefficients de majoration et dans les cas où elles ont participé à la réunion organisée chez Spie Batignolles, chacune l'a fait en son nom propre ;

Considérant que les sociétés Clemessy et SGTE, étant mises hors de cause, le grief de pratique anticoncurrentielle doit être retenu à l'encontre des dix-sept entreprises appelantes concernées par ce marché ;

Les marchés II pour l'élude et la réalisation d'armoires électriques de péage et d'ensembles platines commutatrices :

Considérant que la RATP a le 26 décembre 1983 lancé deux appels d'offres pour ces marchés et fixé au 10 février 1984 la date limite de remise des plis ;

Que l'enquête a révélé la présence de deux documents :

- l'un daté du 30 janvier 1984 intitulé "Appel d'offres armoires péages" mais portant sur les deux appels, lequel donne la liste des soumissionnaires avec l'attribution anticipée des deux marchés (pièce 44) ;

- l'autre intitulé " Réunion du 6 février 1984", lequel, se référant aux deux appels d'offres, reprend la liste des entreprises figurant sur le premier document, indique le prix moyen d'une armoire et le prix de pose de celle-ci ;

Que la tenue de deux réunions aux dates indiquées sur ces documents a été reconnue par les responsables des sociétés Servignat, Fouga et Amica ;

Que le premier marché a été attribué comme prévu à Arnica et Servignat qui ont fait une soumission conjointe tandis que le second a été attribué à Deshais alors qu'il avait été convenu que Fouga et la société La Signalisation se joindraient à Deshais ;

Considérant que, contrairement à ce que tente de faire valoir la société Fouga selon laquelle ces réunions n'avaient d'autre objet que de résoudre des problèmes techniques et de rechercher des entreprises conjointes, les documents et les déclarations recueillis ne peuvent laisser aucun doute sur l'objectif poursuivi par les entreprises qui ont participé aux réunions et qui était d'organiser une attribution anticipée des marchés ;

Que l'incrimination doit être maintenue à l'égard des sociétés Deshais, Fouga et Servignat ;

Le marché III pour le remaniement des équipements électriques de traction de la ligne 5, terminus de Pantin, prolongement Bobigny Préfecture :

Considérant que, le 9 février 1983, la RATP a lancé un appel d'offres restreint pour ce marché auquel dix entreprises répondaient parmi lesquelles Spie Batignolles et MJB qui était l'entreprise la moins-disante mais qui, quinze jours après la date limite de remise des plis, faisait parvenir une lettre de désistement en expliquant qu'elle avait commis une erreur dans le chiffrage de son offre ; qu'à la suite de cette défection, le marché était attribué à Spie Batignolles dont l'offre était de 1,45 MF alors que celle de MJB était de 1,42 MF ;

Qu'en réalité ce désistement dissimulait un accord de répartition par moitié des travaux entre les deux entreprises, révélé par une lettre signée de M. Bares adressée par Spie Batignolles le 8 mars 1983 à MJB et corroboré par la pièce n° 18 extraite du cahier de suivi de chantier de M. Lenel, où ce partage de marché est mis en balance avec le marché concernant les travaux d'entretien ;

Que le grief doit être retenu à l'égard des deux sociétés ;

Les marchés IV pour le prolongement de la ligne 7 au Sud de Villejuif III et pour le prolongement à Bobigny Préfecture de la ligne 5 :

Considérant que la RATP a, le 29 juin 1983, lancé deux appels d'offres restreints pour ces deux marchés divisés en deux lots et qui avaient pour objet des travaux de petite maçonnerie et de ferrures destinés à assurer le cheminement de câbles ; qu'elle a fixé au 28 juillet 1983 la date de remise des plis ; qu'après avoir déclaré ces appels d'offres infructueux, elle a négocié avec les entreprises moins-disantes ;

Considérant que les documents réunis au cours de l'enquête et décrits dans la décision du conseil sont constitués essentiellement par la liste complète des soumissionnaires saisie chez MJB alors qu'elle est confidentielle et qui mentionne l'attribution des lots (pièce 52), par la retranscription de messages et conversations téléphoniques faisant état d'une réunion dans les locaux de Spie Batignolles (pièces 53 et 54), par un compte rendu de réunion du 22 juillet 1983 qui comporte la liste des entreprises consultées et celles qui seront attributaires des lots, par des tableaux chiffrés faisant apparaître les offres les moins-disantes et les offres de couverture (pièces 57 à 59) ;

Que les responsables de diverses sociétés concernées ont reconnu que deux réunions avaient eu lieu les 25 et 26 juillet 1983 ;

Considérant que les entreprises dont les noms apparaissent sur plusieurs documents, qui ont participé aux réunions concernant ces marchés et qui ont déposé des offres en se conformant au schéma révélé par ces documents, qu'il s'agisse d'offres de principe ou de couverture, ne peuvent nier s'être concertées pour faire obstacle au jeu de la concurrence en prétextant que ces rencontres n'avaient d'autre objet que l'échange d'informations techniques alors qu'elles s'avèrent avoir servi à attribuer les lots et à fixer le montant des offres qui souvent correspondent à celles qui ont été déposées ;

Qu'elles ne peuvent mettre en cause le comportement de la RATP, contrainte à la négociation après l'échec des appel d'offres, dès lors que ceux-ci ne se sont pas déroulés dans des conditions normales de concurrence précisément à cause de l'entente entre les entreprises ;

Que celles qui sont spécialisées dans les travaux de maçonnerie telles que Montcocol, Serruméca et SGE-TPI sont également impliquées dans cette entente car les documents, en particulier la pièce 53, révèlent que les travaux de maçonnerie qui constituaient une part importante des deux marchés ont fait l'objet d'une concertation ;

Que si, pour répondre aux spécificités de ces marchés, certaines entreprises se sont groupées, telles que CGEE-Alsthom avec SGE-TPI, MJB avec Fouga qui est d'ailleurs sa filiale, cette circonstance n'atténue pas la responsabilité de chaque société qui a pris une part active à la concertation avec les entreprises autres que celles auxquelles elles se sont jointes ;

Considérant qu'une mention particulière doit être faite pour Spie Batignolles dont le responsable M. Bares était en contact avec M. Lenel responsable de MJB et qui apparaît comme l'animateur de l'entente et est intervenu dans d'autres marchés de la RATP ;

Que selon M. Carimantran, dirigeant de la société Electro-Eclair dont la déclaration a été relevée par le conseil, des entreprises consultées par la RATP parmi lesquelles se trouvaient Spie Batignolles et MJB ont pratiqué régulièrement la concertation ;

Considérant que, bien que Spie Trindel n'ait pas été consultée par la RATP pour ces deux marchés, elle figure néanmoins sur la liste de la pièce 52, et est mentionnée dans le compte rendu d'une réunion ; qu'il ressort de deux pièces saisies dans ses locaux (pièces 38 et 129) qu'elle souhaitait participer aux répartitions des affaires que M. Bares serait amené à faire et qu'elle se proposait de faire une offre de couverture pour le marché des ferrures si elle avait été appelée soumissionner ; que, si ces agissements n'ont pas eu l'effet escompté, c'est indépendamment de sa volonté ;

Que l'ensemble des éléments réunis justifie de retenir à l'égard de Spie Trindel comme à l'égard des treize autres entreprises requérantes concernées par ces marchés la participation à une entente prohibée ;

Le marché V pour le prolongement de la ligne 7 au Sud, à Villejuif Le Kremlin-Bicêtre, Villejuif-III :

Considérant que la RATP a le 20 juin 1983 lancé un appel d'offres pour ce marché qui a été divisé en quatre lots et fixé au 27 juillet 1983 la date limite de remise des plis ;

Considérant que la pièce 52 déjà visée pour les marchés précédents comprend, d'une part, la liste des entreprises consultées avec la liste exacte des lots et de leurs attributaires sauf en ce qui concerne le lot n° 1 attribué par anticipation à Spie Trindel, qui n'a pas été consultée par la RATP et qui sera remplacée par Satelec, d'autre part, à la page 3, sous le titre "Spie 202, quai Clichy", et à la date du 6 juillet 1983, la liste des soumissionnaires ainsi que la mention OK devant les noms de CSEE, Verger-Delporte, Electro-Eclair et Trindel ; que le nom des attributaires des quatre lots avec la mention de Spie Trindel pour le lot n° 1 est également inscrit sur le document n° 129 saisi chez Spie Trindel ;

Considérant que les entreprises qui sont énumérées sur la première liste et qui ont participé à la réunion ainsi que l'indique la mention du nom de leur représentant, ou qui ont donné leur avis à l'occasion de cette réunion, comme c'est le cas pour Verger-Delporte, se sont concertées pour faire échec au libre jeu de la concurrence ;

Que bien qu'elle ne figure pas sur le compte rendu de la réunion, MEMC a participé à cette concertation, car elle est mentionnée sur la liste des entreprises consultées et sur la pièce 129 où elle est portée comme attributaire du lot n° 2, ce qui s'est vérifié dans les faits ;

Que la participation de Spie Batignolles et de MJB à cette entente a été particulièrement active puisqu'elles y ont joué un rôle de leader, l'une en organisant la réunion dans ses locaux, l'autre en laissant à M. Lenel, son représentant, le soin de rédiger le compte rendu de la réunion saisi dans ses locaux ;

Considérant que la société Spie Trindel se trouve dans la même situation que celle évoquée pour les précédents marchés ;

Que les mêmes indices pèsent sur elle et se trouvent renforcés par le fait qu'elle a reçu par anticipation l'attribution d'un lot ; que sa participation à l'entente est établie en dépit de l'absence de consultation par la RATP ;

Considérant que les sociétés Fouga, Norelec et Satelec estiment qu'aucun grief ne peut être retenu à leur encontre puisqu'elles ont déposé des offres soit égales, soit inférieures aux estimations budgétaires de la RATP ;

Qu'indépendamment du préjudice subi par le maître de l'ouvrage l'entente prohibée subsiste par laquelle des entreprises se sont réparties les lots et ont fixé leurs offres sans que l'offre la moins, disante résulte d'une concurrence effective ;

Que, d'ailleurs, la similitude observée entre certaines offres et les estimations budgétaires faites par la RATP donne à penser que ces estimations ont été connues par les entreprises qui s'en défendent mal en invoquant l'analogie de nature de ce marché avec des marchés précédents ;

Considérant que la société Forclum, qui est intervenue comme membre du groupement dont Spie Batignolles était le pilote, assume néanmoins une responsabilité qui lui est propre car elle a pris une part active à la concertation en assistant à la réunion ;

Considérant que le grief doit être retenu à l'égard des quatorze entreprises appelantes concernées par ce marché à l'exclusion des sociétés Moulin, Clemancon et CSEE auxquelles il n'a pas été notifié ;

Le marché VI pour le remplacement des ascenseurs à la station Pré Saint-Gervais :

Considérant que la RATP a le 1er juillet 1983 lancé un appel d'offres restreint auquel dix entreprises ont répondu dont faisaient partie Servignat et Sarelec à laquelle le marché a été attribué ;

Qu'il ressort des documents saisis chez Servignat et qui ne sont pas sérieusement contestés par cette société et par Spie Batignolles que l'offre déposée par Servignat a été établie par Spie Batignolles qui n'avait pas été consultée par la RATP ;

Que les deux entreprises ont trompé la RATP sur le véritable maître d'œuvre de ce marché pour lequel Spie Batignolles entendait se substituer à Servignat et ont faussé le mécanisme des appels d'offres fondé sur la transparence ; qu'elles ne peuvent trouver aucune justification a posteriori dans le recours à la notion de sous-traitance ;

Le marché VII pour la modernisation du poste de manœuvre local de la porte de Saint-Cloud :

Considérant que la RATP a le 20 septembre 1982 lancé un appel d'offres restreint pour ce marché auquel six entreprises ont soumissionné et qui a été attribué à Sarelec ;

Considérant que les documents saisis au cours de l'enquête dans les locaux de l'Entreprise industrielle démontrent que cette société a communiqué une offre de couverture à tous les autres soumissionnaires qui ont repris dans leurs offres les indications fournies par elle, sauf Sarelec qui a fait une offre inférieure au modèle transmis ;

Que le responsable de l'Entreprise industrielle a reconnu s'être concerté avec les autres soumissionnaires afin d'obtenir l'attribution du marché et les responsables d'Amica et de Saunier-Duval ont admis avoir remis un prix de complaisance ;

Considérant que l'existence de l'entente est démontrée et que son échec, indépendant de la volonté des participants, laisse intacte la culpabilité de l'Entreprise industrielle qui en a eu l'initiative et celle des entreprises qui ont fourni des prix de complaisance, parmi lesquelles se trouvent Fouga, Saunier-Duval et Spie Batignolles ;

Le marché VIII principal d'installations électriques de la Grande Halle :

Considérant qu'après avoir procédé à un appel de candidatures pour ce marché, l'Etablissement public de La Villette a retenu dix candidats et attribué le marché à CGEE-Alsthom à la suite de la remise des plis fixée au 25 octobre 1983 ;

Considérant que CGEE-Alsthom et Satelec qui avaient présenté des offres indépendantes constituaient en mai 1984 une société en participation pour l'exécution de ce marché ;

Considérant que les deux entreprises ont reconnu avoir eu l'intention de se grouper pour faire une soumission commune mais y ont renoncé pour déposer des offres autonomes car selon Satelec, la société Inex déléguée par l'établissement public pour examiner les candidatures se serait opposée à ce projet, ce que conteste cette dernière qui invoque son absence de compétence à ce sujet ;

Que CGEE-Alsthom admet que les études techniques pour élaborer le prix de soumission ont été menées en commun tandis que Satelec prétend que chacune a procédé à une étude de prix séparée ;

Qu'il ressort de la déclaration de M. Isaac, ingénieur d'étude à Satelec, que quelles qu'aient été les conditions de déroulement de cette étude, les responsables des études dans les deux entreprises se sont réunis pour confronter leurs résultats et que cet échange d'informations a eu lieu en septembre-octobre 1983 avant la remise des plis ;

Considérant que CGEE-Alsthom et Satelec se sont donc concertées préalablement au dépôt de l'offre que chacune d'elles a présentée au maître de l'ouvrage indépendamment de l'autre ;

Que le grief retenu à leur égard par le conseil doit être maintenu étant souligné que la constitution d'un groupement après la soumission n'apporte aucune justification au comportement de ces deux entreprises ;

Le marché IX relatif au poste de livraison EDF de la Grande Halle :

Considérant que ce marché qui fait suite au marché principal d'installations électriques attribué à CGEE-Alsthom qui vient d'être examiné a fait l'objet d'un appel d'offres auquel ont répondu cinq entreprises parmi lesquelles CGEE-Alsthom et Santerne ;

Que Santerne, la moins-disante et la seule à s'engager à réaliser les travaux dans le délai imparti de deux mois, a obtenu ce marché à la suite de la remise des plis le 18 juillet 1984 ;

Considérant qu'une note interne du 15 mai 1984 émanant de CGEE-Alsthom et saisie chez Merlin-Gerin, le fournisseur du matériel, est rédigée en ces termes " Par ailleurs pour des questions d'équilibrage, la CGEE-Alsthom laissera passer dans le cadre de cette extension, la demande à Santerne en lui rétrocédant également la totalité des prestations MT" ;

Que contrairement à ce que soutient la CGEE-Alsthom, cette note ne peut être interprétée comme exprimant son intention de ne pas s'intéresser à ce marché ce qui aurait d'ailleurs dû la conduire à ne pas soumissionner, mais manifeste sa volonté d'intervenir sur ce marché pour donner une compensation à Santerne ;

Que le grief de participation à une entente prohibée a été à juste titre retenu à l'encontre de CGEE-Alsthom ;

Le marché X relatif au Musée national des sciences, des techniques et de l'industrie :

Considérant qu'un appel d'offres restreint pour le lot "équipement haute tension " a été adressé le 10 octobre 1983 à huit entreprises candidates retenues, auquel six ont répondu tandis que CGEE-Alsthom et Santerne s'abstenaient ;

Considérant que le tableau saisi chez Elmo (pièce 108) contient le nom des huit entreprises consultées avec pour sept d'entre elles la mention de leur accord sous la forme des lettres " OK " outre dans quelques cas l'indication de pourcentages et, pour la huitième, la SGTE, l'observation "servi sur luminaire" ;

Que ce tableau porte en outre l'indication "leader Elmo " ;

Que les dirigeants d'Elmo ont reconnu l'existence d'une concertation entre les entreprises figurant sur ledit tableau dont leur entreprise devait bénéficier mais qui a été limitée à ce premier appel d'offres déclaré infructueux ;

Considérant que le rapprochement entre le tableau qui indique la position prise par chaque entreprise consultée et l'aveu des dirigeants d'Elmo démontre l'existence d'une concertation entre les entreprises concernées par ce marché ;

Que l'indication pour la SGTE "OK servi sur luminaire" montre d'ailleurs que les entreprises ont arrêté leur position en fonction des compensations obtenues sur d'autres lots composant le marché ;

Considérant que si, à l'issue du deuxième appel d'offres, le maître de l'ouvrage a engagé une négociation avec Elmo, entreprise la moins-disante mais dont l'offre demeurait incomplète, ce comportement dicté par les insuffisances de la réponse d'Elmo n'a pas eu pour effet de transformer l'appel d'offres en marché de gré à gré ni ne justifie l'absence de concurrence entre les entreprises consultées lors du premier appel d'offres ;

Considérant que bien que CGEE-Alsthom n'ait pas déposé d'offre, la preuve de sa participation à l'échange d'informations découle des indications portées sur le tableau concordant avec la déclaration des dirigeants d'Elmo ; qu'il est établi que cette société a mis en œuvre sa volonté de s'entendre avec les autres entreprises consultées et que cette concertation l'a conduite à s'abstenir de soumissionner ;

Que le grief doit donc être maintenu tant a l'égard de la CGEE-Alsthom qu'à l'égard de la CSEE, ETT, Forclum, Satelec et SGTE ;

Le marché XI passé par la ville de Paris relatif aux installations électriques du musée Carnavalet :

Considérant que la ville de Paris a, le 19 août 1983, lancé un appel d'offres restreint pour ce marché qui a été attribué à Elmo après remise des plis fixée au 3 octobre 1983 ;

Considérant que les éléments rassemblés au cours de l'enquête comprennent une note manuscrite composée de deux feuillets (pièces 123, 124) saisie chez Elmo qui sous l'intitulé "Carnavalet" donnent le nom des dix sociétés consultées avec l'indication de pourcentages représentant l'écart entre leur offre pour la tranche ferme et le prix d'Elmo pour cette même tranche, trois notes manuscrites (pièces 125 à 127) saisies dans les locaux de la même société qui relatent des contacts pris avec les différentes entreprises consultées, des accords pris avec certaines d'entre elles comportant parfois des promesses de compensation ainsi qu'une note manuscrite intitulée " musée Carnavalet fin août 1983" qui apparaît comme la récapitulation des contacts pris par Elmo avec chaque entreprise intéressée par le marché dont le nom est accompagné souvent de la mention " OK si complet " et pour six d'entre elles de la mention " Veut un prix" ;

Que les dirigeants d'Elmo ont reconnu s'être concertés avec les entreprises consultées et ont admis que les sociétés mentionnées sur la pièce 121 afférente également à ce marché et dont le nom est précédé de la lettre C ont demandé un prix de couverture pour être présentés à l'appel d'offres ;

Considérant que l'ensemble de ces indices émane d'Elmo qui a joué un rôle directeur dans cette entente ; que le fait qu'ils proviennent d'une source unique ne diminue en rien la valeur qui doit être reconnue à chacun d'eux et celle qui résulte de leur rapprochement ;

Que la précision des annotations concernant les entreprises qui se sont impliquées fait apparaître comme évidente l'existence d'une concertation, au demeurant confirmée par la déclaration des dirigeants d'Elmo ;

Considérant que le dépôt d'offres " carte de visite " - comme le dépôt d'offres de couverture - témoigne de la volonté de se concerter lorsqu'elles correspondent comme en l'espèce pour toutes les entreprises appelantes, à l'exception d'ENTRA et de SFEE, au prix communiqué par Elmo; que tel est le cas notamment de l'Entreprise Clemancon qui a participé de son propre chef à cette entente pour faire une offre " carte de visite" conjointe avec MJB;

Considérant que la société ENTRA n'a pas reçu d'Elmo communication d'un prix et n'a pas déposé d'offre; que toutefois elle est mentionnée sur trois documents avec l'indication sur le premier " OK si complet ", sur le deuxième " OK si complet veut un prix " et sur le troisième avec l'indication d'un coefficient;

Qu'il résulte de ces éléments concordants qu'elle a participé à l'échange d'informations et que son absence de soumission est le résultat de cette concertation et équivaut à une offre de couverture;

Considérant que la société SFEE n'a également pas reçu de prix communiqué par Elmo et ne figure pas sur la pièce indiquant par des pourcentages l'écart entre son offre et celle d'Elmo ; que les deux seules pièces sur lesquelles elle figure portent l'une la mention: " le 6-6-83 me rappelle "l'autre, la mention "me rappelle veut 20 p. 100 des tableaux", qui peut être interprétée comme une demande. de sous-traitance partielle ;

Qu'il n'est pas démontré que le montant de son offre ait été concerté avec Elmo ;

Considérant en conséquence que l'existence d'une concertation doit être retenue à l'encontre de Clemancon, CSEE, ENTRA, ETT, Etablissements Guinier, MJB, Satelec, Saunier-Duval, SEEE ;

Le marché XII passé par le Centre national d'art et de culture (CNAC) : extension des auvents :

Considérant que l'appel d'offres a été lancé le 2 janvier 1984 et que la date de remise des plis a été fixée au 12 mars 1984 ;

Considérant que les dirigeants d'Elmo ont reconnu avoir provoqué une concertation et avoir indiqué un prix de principe aux entreprises mentionnées sur la pièce n° 114 ayant pour en-tête "Pompidou: donner un prix à " et qui comporte effectivement un prix en face du nom de chacune des entreprises suivantes: SEEE, Forclum, Guinier, SGTE ; qu'a été en outre saisie dans les locaux d'Elmo la liste des candidats parmi lesquels ne figure pas SGTE dressée par le maître de l'ouvrage et annotée par Elmo à la suite des contacts pris avec des entreprises candidates ;

Considérant que la réunion de ces indices démontre l'existence d'une concertation à laquelle ont participé les entreprises auxquelles Elmo a communiqué un prix ;

Que si Forclum et Guinier ont préféré en définitive ne pas déposer d'offre, leur participation à la concertation n'en est pas moins établie par l'échange d'informations avec Elmo ;

Que si SEEE a déposé une offre inférieure au prix communiqué, elle a néanmoins participé à l'échange d'informations avec Elmo ; que la réduction du montant de son offre est d'ailleurs en corrélation avec la baisse de l'offre d'Elmo qui, ayant eu connaissance du montant de la soumission de Verger-Delporte, a réduit son offre de 39 p. 100 ;

Que le grief doit être maintenu à l'égard de ces trois entreprises ;

Considérant que la participation de Saunier-Duval à cette concertation n'est pas démontrée, car aucun prix n'apparaît lui avoir été communiqué ;

Considérant qu'il convient de rappeler que la société Preteux n'a pas reçu la notification de grief concernant ce marché ;

Le marché XIII passé par le centre Pompidou, aménagement du quatrième étage (lot n° 6, électricité) :

Considérant que l'appel des candidatures a eu lieu le 14 mai 1984 et les offres ont été remises le 26 juin 1984 ;

Considérant que comme précédemment les dirigeants d'Elmo ont reconnu s'être concertés pour se faire attribuer le marché avec certains candidats dont la liste figure sur la pièce 116 intitulée " Beaubourg ", datée du 30 mai 1984 et qui ont remis une offre de principe ; que l'objectif n'a cependant pas été atteint puisque Satelec qui avait déposé une offre indépendante a été retenue ;

Considérant qu'à l'exception de Saunier-Duval mentionnée par ses initiales qui ont été ensuite barrées les noms des sociétés CSEE, ENTRA, Forclum, Phibor, Preteux, figurent sur la liste établie par Elmo précédés de la mention " OK " ;

Que Verger-Delporte et CGEE-Alsthom y figurent également, le nom de cette dernière étant relié par une flèche à celui de Verger-Delporte avec l'indication par " Bukman ", nom du correspondant " 6 de + " ;

Qu'il se déduit de ces diverses indications que des informations ont été échangées entre Elmo et les entreprises ci-dessus mentionnées hormis Saunier-Duval et que ces indices, éclairés par la déclaration des dirigeants d'Elmo, démontrent que les sociétés impliquées se sont concertées en vue de faire attribuer le marché à Elmo, but qui a failli se réaliser puisque cette entreprise était la moins-disante après Satelec ;

Que si en définitive CGEE-Alsthom et Phibor n'ont pas remis d'offre de principe et se sont excusées auprès du maître de l'ouvrage, leur participation à l'entente n'en ressort pas moins du contexte ci-dessus décrit ; que, compte tenu notamment de leur mise en cause par Elmo, leur abstention ne s'explique que comme une contribution à la manœuvre destinée à faire attribuer le marché à Elmo ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de ces différents appels d'offres que la preuve d'une participation à une entente tendant à une répartition des marchés est rapportée à l'égard de :

Cegelec (anciennement CGEE-Alsthom) pour les marchés I, IV, V, VIII, IX, X, XIII ;

Clemancon pour les marchés I et XI ;

CSEE pour les marchés I, X, XI, XIII ;

Deshais pour le marché II ;

ETT pour les marchés I, X, XI ;

ENTRA pour les marchés XI, XIII;

Entreprise industrielle pour les marchés I, IV, V, VII ;

Forclum pour les marchés V, X, XII, XIII ;

Fouga pour les marchés I, II, IV, V, VII ;

GTIE (anciennement MJB) pour les marchés I, III, IV, V, XI ;

Guinier pour les marchés XI, XII ;

Herlicq pour le marché V ;

Lafon pour le marché I ;

MEMC pour les marchés I, IV, V ;

Montcocol pour le marché IV ;

Moulin pour le marché I ;

Norelec pour les marchés I, IV, V ;

Phibor pour le marché XIII ;

Preteux pour le marché XIII ;

Satelec pour les marchés I, IV, V, VIII, X, XI ;

Saunier-Duval pour les marchés I, V, VII, XI, mais non pour les marchés XII et XIII ;

SEEE pour les marchés XI et XII ;

Serrumeca pour le marché IV ;

Servignat pour les marchés I, II, VI ;

Sogea (anciennement SGE-TPI) pour le marché IV ;

SGTE pour les marchés IV, V et X mais non pour le marché I ;

Spie Batignolles pour les marchés I, III, IV, V, VI, VII ;

Spie Trindel pour les marchés I, IV, V ;

Verger-Delporte pour les marchés I, IV, V, XIII ;

Considérant qu'aucune participation à des pratiques concertées ne peut être retenue à l'égard des entreprises Clemessy et SFEE ;

Considérant qu'en raison de l'absence de notification de griefs, aucune concertation concernant le marché V ne peut être reprochée à Clemancon, CSEE, Moulin et concernant le marché XII à Preteux ;

Considérant que les pratiques ci-dessus constatées tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 sans pouvoir bénéficier de celles de l'article 51 et sont également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

6. Sur les sanctions :

Considérant que les requérantes dans leur ensemble

soutiennent que les sanctions infligées par le conseil sont illégales et entraînent la nullité de la décision en ce qu'elles sont insuffisamment motivées pour permettre un contrôle de leur légalité, qu'elles ont été fixées en violation des principes d'individualisation et de proportionnalité des peines ;

Qu'à titre subsidiaire, les requérantes concluent à la réformation de la décision en sollicitant une réduction desdites sanctions ;

Considérant que suivant l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 applicable en l'espèce, si le contrevenant est une entreprise, le taux maximum de la sanction est de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos avant le premier acte interruptif de la prescription et que, si elle exploite des secteurs d'activité différents, le chiffre d'affaires à retenir est celui du ou des secteurs où a été commise l'infraction;

Qu'il est précisé que la détermination du montant de la sanction infligée obéit à quatre critères: la gravité des faits, l'importance des dommages causés à l'économie, la situation financière de l'entreprise, la dimension de celle-ci ;

Que la disposition susvisée ne prévoit pas d'autres règles qui permettraient de fixer à l'avance l'ordre de grandeur des sanctions encourues ;

Considérant que la décision déférée décrit en détail et qualifie les pratiques constatées, entreprise par entreprise, sur chacun des marchés considérés, en appréciant pour chacune d'elles la gravité de ses agissements et le dommage causé à l'économie ;

Qu'en outre en fixant de 5 000 F à 25 000 000 F les montants des sanctions appliquées, elle tient également compte du chiffre d'affaires à prendre en considération ainsi que de la situation financière propre à chacune des entreprises concernées ;

Qu'ainsi c'est au terme d'une analyse multicritères conforme aux exigences légales que le conseil a évalué le montant de chaque sanction infligée après un débat contradictoire ;

Qu'à supposer qu'il en ait eu la possibilité eu égard à la multiplicité des paramètres entrant dans le raisonnement, il n'était pas tenu d'expliciter chaque élément du bilan d'ensemble particulier à chaque entreprise au vu duquel il a pris sa décision ;

Considérant que parmi les critères d'appréciation énumérés par l'article 53 de l'ordonnance de 1945, celui relatif à la gravité des faits reprochés a été justement pris en considération de façon particulière en raison du caractère systématique de la concertation mise à jour à propos de chaque marché et du rôle d'organisateurs joué par diverses entreprises ;

Considérant que certaines requérantes dont les préoccupations sont limitées comme il est naturel, mais non légitime, à leur intérêt individuel immédiat, ont minimisé ou même nié le dommage à l'économie causé par l'entente, soit que les soumissions concertées n'aient pas dépassé les estimations du maître de l'ouvrage, soit que le marché ne leur ait pas été attribué;

Mais qu'elles ont méconnu l'importance fondamentale de ce critère;

Que le dommage causé à l'économie est présumé par la loi dès lors que l'existence d'une entente est établie;

Qu'il est sanctionnable par son seul objet, et a fortiori lorsqu'il est avéré comme en l'espèce;

Que la tromperie de l'acheteur public érigée en système perturbe profondément le secteur où elle est pratiquée et porte une atteinte grave à l'ordre public économique;

Considérant que le chiffre d'affaires à retenir comme assiette de chaque sanction doit être celui réalisé sur le territoire national par l'entreprise, s'agissant, soit d'une entreprise locale, soit d'une entreprise d'envergure nationale, mais ne saurait être celui réalisé seulement dans la région parisienne ;

Qu'en effet d'une part les marchés concernés présentent un intérêt national, de l'autre l'aire d'activité d'une société implantée en province devient nationale dès lors qu'elle soumissionne habituellement dans la région parisienne ;

Que le secteur d'activité doit s'entendre des travaux mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques voisins ou complémentaires, par des personnels de même qualification eu égard aux prestations spécifiquement fournies par l'entreprise à l'occasion du marché concerné;

Considérant qu'il est inexactement allégué que les sanctions prononcées étaient déterminées à l'avance ;

Que si, avant que le conseil n'ait rendu sa décision, la presse a pu faire état d'une sévérité accrue de sa part, elle se fondait sur la constatation d'une augmentation générale du montant des sanctions pécuniaires à partir de l'année 1989 et en tirait la conclusion logique qu'un effet dissuasif était recherché ;

Mais que ces considérations générales étaient extérieures au dossier ;

Considérant qu'il n'est justifié par aucune des requérantes que le maximum de la sanction ait été dépassé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus qu'aucune cause de nullité de la décision attaquée ne peut être relevée ;

Considérant en outre que la cour trouve dans le dossier, les écritures et les pièces produites les éléments qui lui permettent de reconsidérer le cas échéant, par voie de réformation, le montant des sanctions pécuniaires infligées en fonction des critères ci-dessus rappelés ;

Considérant qu'en fonction des critères d'appréciation ainsi précisé, des éléments comptables recueillis par le conseil et des observations des parties, il y a lieu de confirmer la décision déférée, sauf en ce qui concerne les sanctions prononcées à l'encontre des sociétés SFEE, Clemessy, Clemancon, CSEE, Moulin, Preteux et MEMC ;

Considérant que pour les motifs précédemment exposés, il convient d'exonérer les deux premières sociétés de toute sanction et de réduire le montant des sanctions encourues par les sociétés Clemancon, CSEE, Preteux, Moulin et Saunier-Duval ;

Que la société MEMC étant en liquidation judiciaire ne peut faire l'objet d'une condamnation à verser une somme d'argent en raison de l'arrêt des poursuites individuelles ; que le montant de ladite condamnation doit seulement être fixé,

Par ces motifs : Réforme la décision en ce qui concerne les sanctions prononcées à l'encontre des sociétés suivantes, et statuant à nouveau : Exonère de toute sanction la société Clemessy et la société Fécampoise d'entreprises électriques (SFEE) ; Réduit à la somme de 400 000 F la sanction infligée à la société Clemancon ; Réduit à la somme de 4 000 000 F la sanction infligée à la Compagnie de signaux et d'équipements électriques (CSEE) ; Réduit à 50 000 F la sanction infligée à la société Moulin ; Réduit à la somme de 75 000 F la sanction infligée à la société Preteux ; Réduit à la somme de 3 000 000 F la sanction infligée à la société Saunier-Duval ; Fixe à la somme de 1 500 000 F la sanction infligée à la société Matériel électrique et mécanique du Centre (MEMC), montant qui ne pourra être recouvré pendant la durée de la procédure collective dont cette société est l'objet ; Confirme pour le surplus la décision ; Laisse les dépens à la charge des requérantes, à l'exception de ceux concernant les sociétés Clemessy et SFEE.