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Décisions

Conseil Conc., 6 décembre 2000, n° 00-D-59

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Les prestations mises en œuvre par la société PFG (nouvellement OGF) dans le secteur des pompes funèbres dans le département de la Seine-Maritime

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Taoumi, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Boutard-Labarde, Mader-Saussaye, Perrot, MM. Nasse, Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 00-D-59

6 décembre 2000

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE (section IV),

Vu les lettres en date des 11 août et 9 septembre 1993, enregistrées sous le numéro F 616, par lesquelles la société Pompes funèbres dieppoises a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur des pompes funèbres dans le département de la Seine-Maritime et mises en œuvre par la société Pompes funèbres générales Nord-Ouest ultérieurement dénommée CS2N, aux droits et obligations de laquelle est venue la société OGF ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu le Code général des collectivités territoriales ; Vu les observations présentées par la société Pompes funèbres dieppoises, la société OGF ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 11 octobre 2000 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs ( II) ci après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - L'organisation du service des pompes funèbres

1. Un secteur réglementé au moment des faits

Le service des pompes funèbres comprend le service intérieur, le service extérieur et le service des prestations libres.

Le service extérieur est un service public qui, en application de la loi du 28 décembre 1904, appartenait aux communes. Il comptait différentes prestations énumérées limitativement par le même article :

- le transport de corps après mise en bière ;

- la fourniture des corbillards, des cercueils, des tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que les fournitures et le personnel nécessaires aux inhumations, exhumations et crémations.

- Le contenu actuel de ce service est défini par l'article L. 2223-16 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 362-1 du Code des communes) dans sa rédaction issue de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire.

- Les prestations relevant du service extérieur comprennent désormais, outre celles déjà prévues antérieurement :

- le transport de corps avant mise en bière ;

- l'organisation des obsèques ;

- les soins de conservation ;

- la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ;

- la gestion et l'utilisation des chambres funéraires.

Les communes, qui avaient le monopole du service extérieur en application de la loi du 28 décembre 1904, pouvaient assurer ce service soit directement, soit par l'intermédiaire d'une entreprise concessionnaire.

Depuis la loi du 8 janvier 1993 précitée, les communes n'ont plus le monopole de ces activités qui peuvent être assurées non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute entreprise ou association bénéficiaire d'une habilitation délivrée par le représentant de l'Etat dans le département. Toutefois, la loi a prévu que, pendant une période de trois ans, les contrats de concession conclus avant sa date de publication continueraient à produire effet jusqu'à leur terme, ceux venant à échéance durant cette période pouvant être prorogés ou renouvelés.

Jusqu'au 1er janvier 1987, date d'entrée en vigueur de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986, les familles ne pouvaient recourir, pour les prestations du service extérieur, qu'à l'entreprise implantée dans la commune de mise en bière, lorsque la commune avait organisé ce service. Pour accroître la liberté des familles, la loi susmentionnée a assoupli les conditions d'exercice du service extérieur des pompes funèbres en prévoyant que " lorsque la commune du lieu de mise en bière n'est pas celle du domicile du défunt ou du lieu d'inhumation ou de crémation, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ou son mandataire , si elle ne fait pas appel à la régie ou au concessionnaire de la commune de la mise en bière (...) peut s'adresser à la régie, au concessionnaire ou, en l'absence d'organisation du service, à toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d'inhumation ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt ".

La loi du 8 janvier 1993 a abrogé cette disposition et supprimé toute restriction quant au choix de l'entreprise de pompes funèbres.

En vertu de l'article R. 361-35 du Code des communes dans sa rédaction antérieure à la réforme de 1993, les chambres funéraires étaient définies comme les lieux destinés à recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes dont le décès n'a pas été causé par une maladie contagieuse. Depuis la loi du 8 janvier 1993, la gestion des chambres funéraires fait partie intégrante du service extérieur. Leur création ou leur extension est autorisée par décision préfectorale après avis du conseil municipal (décret n° 94-1024 du 23 novembre 1994). L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique.

Enfin, les funérariums, terme qui correspond à une marque déposée par la société Roblot en 1965, sont des lieux qui abritent l'activité privée d'une entreprise de pompes funèbres, celle-ci comprenant aussi bien, selon les cas, des activités liées aux soins de conservation des corps que la mise à disposition des familles de salons privés.

2. Les caractéristiques du marché des pompes funèbres dans la ville de Dieppe et ses environs

Cette zone correspond au secteur sanitaire de Caux-Maritime, lequel comprend 312 communes réparties en 18 cantons.

Dans ce secteur existent trois hôpitaux et huit maisons de retraite médicalisées. L'INSEE a recensé 1 973 décès en 1992, 1 987 décès en 1993 et 1 844 décès en 1994. Les décès enregistrés dans les trois hôpitaux susmentionnés et les huit maisons de retraite médicalisées s'élèvent à 845 en 1992, 804 en 1993 et 803 en 1994. Ces chiffres représentent une moyenne annuelle de 42,3 % du total des décès enregistrés dans le secteur.

Il n'existe qu'une seule chambre funéraire dans ce secteur. Elle est située à Dieppe. Les hôpitaux locaux d'Eu et Saint-Valéry-en-Caux, ainsi que l'hôpital général de Dieppe, disposent d'une morgue.

L'admission à la chambre funéraire est de droit pour toute personne décédée sur le territoire de la ville de Dieppe et, dans la limite des disponibilités, pour les personnes décédées sur le territoire d'autres communes. La chambre funéraire fait office de morgue municipale et doit accueillir, sur réquisition des autorités publiques, les corps des personnes décédées sur la voie publique ou dans tout lieu public.

Par convention en date du 1er novembre 1990, modifiée les 12 juillet 1991 et 15 juillet 1992, la ville de Dieppe a concédé le service extérieur des pompes funèbres à la société PFG pour une durée de quinze ans.

Une autre convention, en date du 24 février 1993, conclue pour une durée d'un an avec le centre hospitalier général de Dieppe, prévoit que les " corps des personnes décédées au centre hospitalier de Dieppe seront transférés par le personnel des Pompes Funèbres Générales Nord-Ouest à la chambre funéraire ".

Selon l'enquête administrative, pour la période du 1er août 1993 au 31 mai 1994, 95 % des défunts admis à la chambre funéraire provenaient de la ville de Dieppe et d'une zone de 40 kilomètres autour de cette ville.

L'activité des treize entreprises de pompes funèbres agréées opérant sur le secteur a correspondu à 80,44 % des décès recensés en 1992, 78,80 % des décès recensés en 1993 et 84,71 % des décès recensés en 1994. L'activité de ces sociétés en dehors de ce secteur est marginale.

Dans la ville de Dieppe, deux entreprises sont actives : la société des Pompes funèbres dieppoises, société saisissante, et la société Pompes funèbres générales Nord-Ouest, aux droits et obligations de laquelle vient la société OGF. Cette dernière a été titulaire jusqu'au 1er novembre 1996 de la concession du service extérieur des pompes funèbres de la ville de Dieppe et de 30 communes avoisinantes.

Au total, au moment de l'enquête, la société PFG bénéficiait de la gestion de la chambre funéraire, de la concession du service extérieur consentie par la ville de Dieppe et par une trentaine de communes voisines et de la convention conclue avec le principal établissement hospitalier du lieu prévoyant le transfert systématique des corps des personnes décédées dans ce centre hospitalier à la chambre funéraire gérée par elle.

B. - Les pratiques

Il s'agit de pratiques susceptibles de créer la confusion dans l'esprit des familles des défunts et pouvant les inciter, dans le moment difficile qu'elles traversent, à recourir, par commodité ou par manque d'information, aux services de la société PFG pour l'ensemble des opérations de funérailles.

L'enquête administrative a permis de réunir les éléments suivants :

A l'entrée du parking de la maison funéraire, un panneau portait à la fois la mention " maison funéraire " et le logo de la société incriminée.

Sur la porte d'entrée de la maison funéraire était fixée une plaque avec les mots " PFG informations ".

Dans l'annuaire téléphonique de la Seine-Maritime, l'annonce relative aux " Pompes Funèbres Générales 76 200 Dieppe " comportait quatre rubriques dont l'une renvoyait à la " maison funéraire de Dieppe ". Réciproquement, l'annonce relative à la maison funéraire renvoyait à la société des " Pompes Funèbres Générales Nord-Ouest ".

Par ailleurs, la société saisissante a produit plusieurs témoignages concordants de familles ayant fait l'objet d'offres de services de la part du personnel de la société PFG.

En revanche, même s'il a constaté l'existence d'un accès direct entre les locaux de la chambre funéraire et les bureaux de la société PFG, l'enquêteur note que celui-ci n'était pas vraiment praticable pour la clientèle.

Il n'a pas non plus été relevé, à l'intérieur de la chambre funéraire, de publicité pour la société PFG.

Par ailleurs, une liste des entreprises de pompes funèbres agréées du département était mise à la disposition des familles par le centre hospitalier général.

Le grief notifié à la société PFG à l'issue de l'instruction reproche à cette société " d'avoir, sur le marché des pompes funèbres de la ville de Dieppe et des communes avoisinantes relevant du même secteur sanitaire, et dans le contexte juridique dans lequel s'inscrit l'activité de cette entreprise, exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 d'une façon abusive sa position dominante en mettant en place des indications et des informations destinées au public susceptibles de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle potentielle entre l'activité de la chambre funéraire municipale dont elle est la gestionnaire et son activité de prestataire de service en matière d'organisation de funérailles, pratiques prohibées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ".

II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la régularité de la procédure

En ce qui concerne le moyen selon lequel certains actes n'ont pas donné lieu à l'établissement de procès-verbaux contrairement aux exigences de l'ancien article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable, codifié sous l'article L. 450-2 du Code de commerce

Considérant que la société OGF soutient que certains documents sur lesquels se fonde le grief notifié ont été recueillis sans qu'un procès-verbal ait été établi et qu'il doivent, dès lors, être écartés. ;

Mais considérant, en premier lieu, que la collecte d'éléments d'information librement accessibles au public n'est pas soumise aux prescriptions de l'article L. 450-2 du Code de commerce (décision du Conseil de la concurrence n° 99-D-45 du 30 juin 1999, relative à des pratiques relevées dans le secteur du jouet); que, dès lors, les cartes des cantons de la Seine- Maritime, avec l'indication des communes composant ces cantons, échappent à la critique du moyen ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 51 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable et codifié sous l'article L. 450-7 du Code de commerce, " les enquêteurs peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services et établissements de l'Etat et des autres collectivités publiques " ; que l'arrêté préfectoral du 15 juillet 1994 fixant la limite du secteur sanitaire pour la région de Haute-Normandie et plus particulièrement celui du secteur sanitaire de Caux-Maritime, le document réalisé par la direction informatique du centre hospitalier général de Dieppe précisant la domiciliation des patients ayant séjourné en 1993 au service clinique du centre hospitalier, le tableau indiquant le nombre de personnes décédées en 1992, 1993 et 1994 dans cet établissement et dans les deux autres hôpitaux du secteur, ainsi que l'état dressé par l'INSEE qui précise, pour toutes les communes de la zone sanitaire concernée, le nombre de décès en 1992, 1993 et 1994 et indique le nombre d'habitants dans chacune de ces communes selon le recensement de 1990, sont des documents à caractère administratif qui entrent dans les prévisions de l'article L. 450-7 du Code de commerce ; qu'en revanche, doit être écarté de la procédure le tableau établi à partir d'informations recueillies téléphoniquement par l'enquêteur auprès des maisons de retraite médicalisées du secteur et faisant apparaître le nombre de personnes décédées dans ces établissements dont le statut, public ou privé, n'est pas précisé ; que doit également être écarté le tableau, établi à partir d'informations recueillies auprès de M. Delaporte, chef de service à l'agence PFG de Dieppe, précisant la répartition entre les entreprises de pompes funèbres des convois assurés pour les défunts séjournant dans la maison mortuaire de Dieppe pour chaque semestre entre le 14 juillet 1993 et le 31 décembre 1994, à défaut de toute précision sur les conditions dans lesquelles ces informations ont été recueillies ;

Considérant, enfin, que le tableau faisant apparaître le nombre de convois assurés en 1992, 1993 et 1994 par seize entreprises de pompes funèbres du secteur concerné a été réalisé à partir des réponses apportées par ces entreprises à une lettre-type de l'enquêteur ainsi rédigée : " dans le cadre d'une enquête concurrence menée par mon service conformément aux dispositions de l'ordonnance n° 86- 1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, je vous demande de me communiquer au plus tôt le nombre de convois funèbres (porteur, corbillard, cercueil) assurés chaque année par votre entreprise en 1992, 1993 et 1994 " ; que cette lettre indique de manière explicite l'objet de l'enquête et que la régularité des éléments recueillis en réponse ne peut donc être contestée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'ancien article 21-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors applicable et codifié sous l'article L. 463-2 du Code de commerce

Considérant qu'aux termes de cette disposition : " le rapport est ensuite notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés " ;

Considérant que la société PFG soutient que certaines pièces n'étaient pas jointes au rapport, alors que les éléments qu'elles contiennent ont servi à la démonstration du grief notifié par le rapporteur ;

Mais considérant, d'une part, que la convention en date du 24 février 1993, relative au transport par la société PFG des corps des personnes décédées au centre hospitalier général de Dieppe à la chambre funéraire, le registre des admissions et sorties de la maison funéraire, la liste des communes dont la société PFG est concessionnaire et les photographies de l'entrée du bâtiment abritant la maison funéraire de Dieppe sont connus de cette société dans la mesure où elle est signataire de ces conventions, concessionnaire des services dont émanent ces documents et propriétaire ou occupante des bâtiments représentés par ces photos ;

Considérant, d'autre part, que le relevé des opérations funéraires effectuées en 1992 et 1993, dressé à partir des fiches volantes établies par l'agent d'amphithéâtre du centre hospitalier général, et la note d'enquête complémentaire avec ses annexes ont été cités dans la notification de griefs et discutés par la société PFG dans son mémoire en réponse ; que la société PFG n'allègue pas que la situation qu'elle dénonce aurait porté atteinte à ses droits en l'empêchant de présenter sa défense ; que le dossier a été ouvert à la consultation des parties et que ces pièces ont pu être discutées contradictoirement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen est sans fondement ;

Sur le marché concerné et la position de la société

Considérant, en premier lieu, que les prestations funéraires comportent les prestations du service extérieur, celles qui relèvent du service intérieur dans les édifices religieux et, enfin, les prestations libres ; qu'eu égard au comportement des familles et aux pratiques des opérateurs, il apparaît que l'ensemble des produits et services funéraires est indissociable ; qu'ainsi, les services assurés dans les chambres funéraires appartiennent au même marché que celui sur lequel sont proposées les autres prestations funéraires ;

Considérant, en deuxième lieu, que tant pour des raisons de droit liées à la législation funéraire alors applicable, que pour des raisons de fait, il est constant que les familles font appel, dans la majorité des cas, à des entreprises locales pour l'organisation des funérailles ;

Considérant, en troisième lieu, que, sous l'empire de la législation en vigueur à l'époque des faits, les familles ne pouvaient s'adresser, dès lors que le service extérieur était organisé par la commune, qu'au titulaire du monopole, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une agence funéraire, et que les dérogations prévues par la loi du 9 janvier 1986 ne pouvaient s'appliquer que lorsque la commune du lieu de mise en bière n'était pas celle du domicile du défunt ou du lieu d'inhumation ou de crémation ; que, dans le cadre de ces dérogations, la régie, le concessionnaire ou, en l'absence d'organisation du service, toute entreprise de pompes funèbres soit de la commune du lieu d'inhumation ou de crémation, soit de la commune du domicile du défunt, pouvaient assurer les prestations du service extérieur concurremment avec la régie ou le concessionnaire de la commune de mise en bière lorsque le service public y était organisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le marché géographique pertinent pour l'appréciation des pratiques en cause est constitué par le secteur sanitaire de Caux-Maritime, lequel comprend la ville de Dieppe et 312 communes avoisinantes réparties en 18 cantons ;

Considérant que la société PFG soutient que l'instruction n'a pas permis de démontrer sa position dominante sur le marché des pompes funèbres ainsi délimité ; qu'elle fait valoir qu'en matière de pompes funèbres, la part de marché d'une entreprise doit être évaluée sur la base du nombre de convois organisés par cette entreprise par rapport au nombre total de décès survenus dans le marché géographique pertinent, ainsi que cela résulterait de la jurisprudence du conseil ;

Mais considérant que la part de marché d'une entreprise de pompes funèbres s'évalue sur la base du nombre de convois réalisés par cette entreprise dans la zone de référence, par rapport au nombre total des convois organisés(décision n° 93-D-14 du 18 mai 1993, confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 25 février 1994 - BOCCRF du 29 mars 1994, pourvoi rejeté par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 avril 1996 - BOCCRF du 24 mai 1996) ; que le rapport entre le nombre de convois réalisés et le nombre total de décès n'est utilisé, à titre subsidiaire, que lorsque les données disponibles ne permettent pas de calculer le rapport entre le nombre de convois réalisés par l'entreprise et le nombre total des convois organisés dans la zone de référence;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en faisant abstraction des éléments qui ont été écartés de la procédure en raison de l'irrégularité des conditions dans lesquelles ils ont été recueillis, que la société PFG a réalisé 60 % des convois dans le secteur en 1992, 49 % en 1993 et 43,5 % en 1994; que la société Pompes funèbres dieppoises arrive au deuxième rang avec 7,8 % des convois en 1992, 12,26 % en 1993 et 15,17 % en 1994 ; qu'il doit, en outre, être rappelé que la société PFG bénéficiait, au moment des faits, de la concession du service extérieur consentie par la ville de Dieppe et par une trentaine de communes avoisinantes, ainsi que de la gestion de la chambre funéraire de Dieppe et d'une convention conclue avec le principal établissement hospitalier de la zone prévoyant le transfert des corps de personnes décédées dans ce centre à la chambre funéraire gérée par elle ; qu'il convient encore de préciser que, selon le registre des admissions et des sorties de la chambre funéraire, pour la période du 1er août 1993 au 31 mai 1994, la société PFG a réalisé près de deux tiers des funérailles des personnes dont les corps ont été transportés à la chambre funéraire; qu'ainsi, à l'époque des faits, cette société détenait une position dominante sur le marché considéré ;

Sur les pratiques constatées

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans l'annuaire téléphonique du département, l'annonce relative aux Pompes funèbres générales comportait une rubrique qui renvoyait à la chambre funéraire ; que, réciproquement, l'annonce relative à la chambre funéraire faisait mention de la société des Pompes funèbres générales ; qu'à l'entrée du parking de la maison funéraire un panneau portait à la fois la mention " maison funéraire " et le logo de la société PFG ; qu'à la porte d'entrée de la maison funéraire était fixée une plaque portant la mention " PFG informations " ; que l'agencement de ces informations était de nature à créer la confusion dans l'esprit de la clientèle potentielle entre les activités pour lesquelles la société mise en cause détenait un monopole et celles pour lesquelles elle était en concurrence avec d'autres opérateurs et à empêcher les sociétés concurrentes de développer leurs activités sur le marché;

Considérant que la mise en œuvre de ces pratiques par un opérateur en position dominante sur un marché a eu pour objet et a pu avoir pour effet de fausser la concurrence; qu'elle est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce (ancien article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicable au moment des faits) ;

Sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence " peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions ;

Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ;

Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos ".

Considérant que, pour apprécier la gravité des faits et le dommage causé à l'économie, il convient de relever que les pratiques tendant à entretenir la confusion dans l'esprit des proches des défunts séjournant dans la chambre funéraire de la ville de Dieppe émanent d'une entreprise appartenant à un groupe important traditionnellement chargé de l'exploitation du service public des pompes funèbres, et de tenir compte de la situation de fragilité particulière des familles frappées par un décès ; qu'il doit, cependant, être noté qu'à la suite de l'enquête administrative diligentée, la société PFG a mis fin à ses pratiques ;

Considérant que la société OGF a réalisé en France, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999, un chiffre d'affaires de 2 587 489 520 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 F,

Décide :

Article 1er : Il est établi que la société Pompes funèbres générales Nord-Ouest a enfreint l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 2 : Il est infligé à la société OGF, venant aux droits et obligations de la société Pompes funèbres générales Nord-Ouest, une sanction pécuniaire de 300 000 F.