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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 12 décembre 2000, n° ECOC0100031X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Compagnie Gazière de Service et d'Entretien CGST SAVE (Sté), Domoservices Maintenance (Sté), Proxima (Sté), Domotherm (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Radenne

Conseillers :

Mmes Bregeon, Deurbergue

Avoués :

SCP Jobin, SCP Monin

Avocats :

Mes Lucas de Leyssac, Michel, SCP Vogel, Vogel.

CA Paris n° ECOC0100031X

12 décembre 2000

Après avoir, à l'audience publique du 24 octobre 2000, entendu les conseils des parties, les observations du Ministre chargé de l'Economie et celles du Ministère public ;

Vu les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l'appui des recours ;

Vu la décision n° 00-D-22 du 16 juin 2000 du Conseil de la concurrence (le Conseil) relative à des pratiques constatées lors de la passation de six marchés d'entretien des installations individuelles de chauffage et de production d'eau chaude situées dans des immeubles de logements collectifs de Normandie et de Bretagne qui a :

Art. 1er - Dit qu'il est établi que les sociétés Somaco, Domoservices Ouest, Proxima et CGST SAVE ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, Art.2 - Infligé les sanctions suivantes :

- 4.300.000 F. à la société Domotherm, venant aux droits et obligations de la société Somaco,

- 13.500.000 F. à la société Domoservices Maintenance, venant aux droits et obligations de la société Domoservices Ouest,

- 2.700.000 F. à la société Proxima,

- 8.000.000 F. à la société CGST SAVE, Art.3 - Enjoint à ces sociétés de publier à leurs frais la décision, dans la revue "Actualités HLM", dans un délai de 2 mois à compter de la date de sa notification;

Vu le recours formé le 13 juillet 2000 par la société CGST SAVE (CGST) et l'exposé des moyens déposé au greffe, le 9 août 2000, tendant à la réformation de cette décision, motifs pris :

- de ce que, tant pour le marché de l'OPAC du Calvados que celui de l'OPHLM de la ville de Saint-Brieuc, les éléments retenus ne sont pas de nature à établir la volonté des entreprises de se concerter et que l'existence d'une entente de répartition avec la société Domoserviccs n'est pas démontrée, faute dans les deux cas d'indices précis, graves et concordants,

- de l'absence de démonstration que les ententes alléguées ont eu des effets sensibles,

- de la disproportion de la sanction avec la gravité des fautes;

Vu le recours formé par la société Domoservices Maintenance (Domoservices), le 13 juillet 2000, et l'exposé des moyens déposé au greffe le 4 août 2000 tendant:

- à titre principal, à l'annulation de la décision du Conseil, motifs pris :

-- d'une part, de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du non respect du principe du droit à l'égalité des armes:

-- en raison de la disproportion entre le temps dont elle a disposé en cours d'instruction pour préparer sa défense et de celui dont a bénéficié le rapporteur, et en raison de l'intervention du rapporteur général à l'audience,

-- en raison du non respect du principe de la publicité des débats, du principe du prononcé public de la décision et du droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable,

- d'autre part, du vice de forme tenant à l'absence d'authentification de la notification des griefs et du rapport du rapporteur,

- enfin, de l'insuffisance de la motivation de la décision, en violation de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- à titre subsidiaire, à sa réformation, motif pris qu'il n'est pas établi qu'elle se soit livrée à des pratiques anticoncurrentielles,

- plus subsidiairement, à sa réformation sur la sanction pécuniaire infligée, laquelle devra être réduite, au triple motif que le fonctionnement du marché n'a pas été perturbé, que la pratique incriminée ne présente pas de caractère de gravité et que la sanction est disproportionnée par rapport à celles prononcées contre les autres entreprises parties à la procédure;

Vu le recours formé par les sociétés Proxima et Domotherm, le 17 juillet 2000, et l'exposé des moyens déposé au greffe, le 10 août 2000, tendant à la réformation de la décision du Conseil, motifs pris, à titre principal, de l'absence de preuve des ententes alléguées pour les marchés concernés, et, subsidiairement, à la réduction substantielle de la sanction pécuniaire infligée ;

Vu les observations écrites du 25 septembre 2000 du Ministre chargé de l'économie qui tendent au rejet du recours ;

Vu les observations produites par le Conseil déposées, le 21 septembre 2000, tendant aux mêmes fins ;

Vu le mémoire en réplique déposé, le 16 octobre 2000, par la société CGST;

Vu le mémoire en réplique déposé, le 16 octobre 2000, par la société Domoservices ;

Le Ministère Public ayant été entendu en ses observations orales tendant au rejet du recours;

Les requérants ayant eu la parole en dernier;

Sur quoi, la Cour:

I. Sur les moyens d'annulation:

a) sur l'atteinte aux droits fondamentaux de la procédure:

1) sur la violation du principe de l'égalité des armes :

Considérant que le droit à un procès équitable exprimé à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article 14-1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques suppose le principe d'égalité des armes;

Que ce principe doit permettre à chaque partie d'avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse, ce qui suppose que la procédure permette un débat contradictoire effectif;

Que la société Domoservices soutient vainement que la procédure a été déséquilibrée à son détriment durant l'instruction, aux motifs qu'elle n'a eu que deux mois pour répondre à la notification de griefs et à la notification du rapport, tandis que le rapporteur n'a eu aucune limite de temps pour établir celui-ci, dès lors qu'elle ne démontre pas en quoi ce délai, conforme à l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dont les dispositions sont reprises par l'article L. 463-2 du Code de commerce, aurait été insuffisant pour lui permettre de réunir les éléments au soutien de sa défense;

Qu'elle ne peut encore sérieusement prétendre avoir été désavantagée par l'intervention du rapporteur général à l'audience, alors que cette intervention prévue par l'article 25 alinéa 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'a qu'un caractère oral et qu'elle a été en mesure d'y répondre à l'audience;

Que, par suite, le moyen ne peut être accueilli;

2) sur la publicité des débats et du prononcé de la décision:

Considérant que la société Domoservices fait valoir que la décision du Conseil a été rendue en violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 14-1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les débats n'ont pas revêtu le caractère de publicité exigé par ces textes et en ce que cette décision n'a pas été prononcée publiquement;

Qu'elle fait valoir que le caractère répressif de la procédure suivie pour la poursuite et la sanction des infractions en matière de concurrence exige le respect des garanties d'un procès loyal et équitable, dont la violation ne saurait être légitimée, notamment par le principe de protection du secret des affaires;

Mais considérant que si l'article 25 alinéa 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en vigueur à la date de la décision déférée dispose que les séances du Conseil ne sont pas publiques, il précise toutefois, pour sauvegarder les droits de la défense, que les parties peuvent y assister, demander à être entendues et se faire représenter ou assister, le Conseil ayant, en outre, la possibilité d'entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information;

Que le fait que le prononcé de la décision ne soit pas public ne saurait faire grief aux parties intéressées, dès lors que les décisions prises par le Conseil subissent a posteriori le contrôle effectif d'un organe judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens des textes susvisés;

Qu'en conséquence il convient de rejeter ces moyens;

3) sur la durée anormale de la procédure et ses conséquences sur l'exercice des droits de la défense:

Considérant que la société Domoservices observe que les pratiques en cause ont été mises en œuvre de 1993 à 1994, qu'un premier délai de dix-huit mois s'est écoulé entre la saisine du Conseil et la nomination du rapporteur, puis un second de plus de deux ans et demi entre cette saisine et la notification des griefs;

Qu'elle soutient que la lenteur anormale de la procédure l'a privée d'un procès équitable et lui a causé un préjudice, sa fusion intervenue durant cette période avec la société Domoservices Ouest, seule concernée par les faits, ayant rendu plus difficile la réunion des éléments nécessaires à l'organisation de sa défense;

Qu'elle en déduit que la décision doit être annulée dans sa totalité ou, qu'à tout le moins, cette durée doit être prise en compte pour réduire la sanction:

Considérant, toutefois, qu'à supposer ces délais excessifs au regard de la complexité de l'affaire, concernant 6 marchés différents et 4 entreprises, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable, résultant de l'article 6 alinéa I de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d'un tel délai ;

Que, par ailleurs, les difficultés alléguées, dues à des causes internes aux deux Sociétés tenant aux changements intervenus dans leur directions respectives par suite de leur fusion, sont sans lien avec le déroulement de l'instruction et de la procédure suivie devant le Conseil;

Que, par suite, le moyen ne peut être accueilli;

b) sur les vices affectant certains actes de la procédure :

1) sur l'authentification des actes de la procédure :

Considérant que l'article 18 du décret du 29 décembre 1986 ne prévoit pas la signature et la datation de la notification de griefs et du rapport;

Que la société Domoservices soutient, néanmoins, que les règles applicables aux actes administratifs et le droit à un procès équitable exigent le respect de ces formalités, et qu'excipant de leur absence, elle en déduit la nullité desdits actes et, par voie de conséquence, de la décision déférée;

Que, toutefois, elle est mal venue à prétendre qu'elle n'était pas en mesure de déterminer les règles de compétence et qu'elle n'avait pas de certitude sur le contenu de l'accusation portée contre elle, sa nature et sa date, alors qu'elle a reçu notification des griefs le 12 juillet 1999 et du rapport le 3 décembre 1999, et qu'il n'existe aucune ambiguïté sur l'auteur de ces documents, chacun d'entre eux indiquant expressément en page de couverture qu'il a été établi par Mme Leymonerie, Rapporteur auprès du Conseil;

Qu'enfin, la transmission formelle de ces actes par le président du Conseil, dans les conditions spécifiées à l'article 18 du décret du 29 décembre 1986, ne saurait valoir démonstration de la participation du président à l'instruction de nature à constituer une violation du droit à un procès équitable;

Que le moyen doit être rejeté;

2) sur l'insuffisance de la motivation:

Considérant que la société Domoservices ne peut sérieusement soutenir que la décision du Conseil est insuffisamment motivée, alors que chacun des griefs notifiés a été examiné et qu'il a été répondu à tous les moyens développés:

Que son argumentation à cet égard, qui ne se résume qu'à une critique des motifs par lesquels le Conseil s'est déterminé pour sanctionner les griefs notifiés par le rapporteur, sera examinée avec le fond;

II. Sur les pratiques:

Considérant qu'en matière de marchés publics ou de marchés soumis à des principes voisins du Code des Marchés publics, malgré leur caractère de conventions de droit privé, une entente anticoncurrentielle peut prendre la forme, notamment, d'une coordination des offres ou d'échanges d'informations entre entreprises, antérieures au dépôt des offres;

Que la preuve de telles pratiques, qui sont de nature à limiter l'indépendance des offres, condition du jeu normal de la concurrence peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants de nature à caractériser l'entente alléguée;

Considérant que s'agissant du marché de l'entretien de la robinetterie de la société d'HLM de l'Orne et du marché d'entretien des générateurs individuels de chauffage au gaz de l'OPAC de la Seine-Maritime, les Sociétés Domoservices et Domotherm reprennent les moyens qu'elles avaient développés devant le Conseil;

Que celui-ci y a pertinemment répondu en retenant qu'il y avait eu un échange d'informations sur les prix des marchés entre les requérantes avant la date limite de remise des offres fixée au 15 février 1994 pour le marché de l'Orne et au 15 décembre 1994 pour le marché de la Seine-Maritime, qu'une offre de couverture est constitutive d'une entente anticoncurrentielle quel que soit le nombre d'entreprises qui participent à cette concertation, et, pour le second marché, que le maître d'ouvrage concerné ne pouvait être que l'OPAC de la Seine-Maritime, à défaut de preuve que les sociétés Domoservices et Domotherm aient soumissionné pour un autre marché ayant le même objet et la même localisation géographique;

Qu'il convient, donc, par adoption de motifs de confirmer la décision sur ce point;

Qu'il doit seulement être ajouté que peu importe le sens de la phrase "concurrence ayant tendance à devenir plus intelligente avec CGST SAVE et Domoservices" figurant dans un compte-rendu du 7 juillet 1994 d'une réunion de la société COFIMA, dès lors que le Conseil n'a pas tenu compte de cet élément et que celui-ci n'était pas nécessaire pour caractériser l'entente, déjà établie par recoupement d'autres indices;

Considérant que s'agissant du marché de l'entretien des appareils de production d'eau chaude et de chauffage de la société Sodineuf à Dieppe et du marché de l'entretien des chauffe-eau, des chauffe-bain, des VMC et du dispositif de sécurité collective, de l'OPAC de la ville du Havre, les sociétés Proxima et Domotherm se bornent à soutenir que, pris séparément les indices retenus par le Conseil ne caractérisent pas une entente illicite, que, notamment, est sans incidence le fait que la société Proxima ait été attributaire du marché de la société Sodineuf, et que ne sont pas déterminantes les déclarations de leurs directeurs régionaux;

Mais considérant que le Conseil a apprécié de manière exhaustive et parfaitement cohérente l'ensemble des éléments présentés comme constitutifs d'une entente;

Qu'il a exactement relevé qu'il n'était pas établi que les maîtres d'ouvrage connaissaient les liens économiques et juridiques qui unissaient les requérantes, que les déclarations de leurs directeurs régionaux confirmaient que des informations précises sur les prix avaient été échangées entre elles, cet indice étant au surplus corroboré par la proposition faite par chacune d'entre elles au maître d'ouvrage d'une prestation non demandée dans l'appel d'offres;

Qu'il résulte de ces éléments de fait qu'il y a eu une action concertée entre les deux entreprises soumissionnaires pour un échange d'informations caractérisant une entente;

Considérant que, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'argumentation des sociétés Domoservices et CGST à laquelle le Conseil a répondu par des motifs pertinents auxquels la Cour se réfère expressément en les adoptant, il convient de retenir que les requérantes, entre lesquelles étaient répartis les marchés de l'entretien des chaudières, des radiateurs, des chauffe-bain et des VMC de l'OPAC du Calvados avant l'appel d'offres, et qui ne dénient pas avoir eu des contacts, sont mal venues à contester la valeur probante, d'une part de l'indication contenue dans la note du 21 septembre 1993 de la société Domoservices selon laquelle celle-ci partageait le marché avec la société CGST, qui devait répondre "aux prix de marché 93", et d'autre part, celle des tableaux cotés 174 et 175 émanant de la société Domoservices comportant des propositions précises de prix de la société CGST, en se bornant à affirmer qu'il s'agissait de simples hypothèses de travail, alors que, comme l'observe le Ministre, leur rédacteur ne pouvait simuler avec autant de précisions les propositions qui seraient faites par un concurrent;

Considérant que la connaissance de l'état du matériel à entretenir par les appelantes est insuffisante à expliquer la proximité de leurs offres, étant observé que toute entreprise spécialisée dans l'installation et l'entretien de ce type d'appareils était à même d'évaluer les prestations demandées, au besoin en procédant à leur examen préalable;

Que suivre le raisonnement de la société CGST, faisant reposer la décision de lui accorder 4 des lots du marché sur l'avantage qu'elle tirait de sa connaissance des installations, rendrait inutile la procédure d'appels d'offres qui consiste précisément à mettre en concurrence des entreprises précédemment attributaires d'un marché avec de nouvelles entreprises ;

Considérant que, par ailleurs, les requérantes soutiennent vainement que tout risque de concertation était écarté en raison des modalités de sélection des bénéficiaires du marché puisque les entreprises ne pouvaient déterminer le montant final de leur offre et que le choix se faisait au mieux disant, alors qu'elles ont été les seules à avoir proposé des offres complètes, dont la proximité a déjà été relevée, et que les remises accordées sur les pièces détachées, constituant un élément du prix, étaient fixées par elles et non par l'OPAC;

Qu'en conséquence la décision du Conseil sur ce grief sera confirmée;

Considérant que la société CGST a été attributaire du marché de l'OPHLM de la ville de Saint-Brieuc pour l'entretien des installations individuelles de chauffage et de production d'eau chaude;

Que les offres de la société Domoservices n'ont pas été prises en considération;

Considérant que le Conseil a estimé que les requérantes s'étaient entendues pour l'attribution de ce marché en se fondant sur deux documents internes de la société Domoservices cotés 257 et 445 des annexes du rapport, pour la description desquels il est renvoyé à la décision déférée;

Que la société Domoservices ne peut sérieusement prétendre avoir reconstitué les prix proposés par la société CGST lors de l'appel d'offres à partir d'informations données postérieurement à la remise des offres, alors que, comme l'a relevé le Conseil, ces informations n'ont été publiées qu'en juin 1994, qu'aux environs du 17 décembre 1993, M. Corbel, directeur technique de l'office d'HLM, a seulement indiqué à son représentant qu'elle n'était pas très bien placée sur ce marché et que ses actes d'engagement n'étaient pas correctement remplis, et que si de tels renseignements avaient été en sa possession les montants des prestations de la société CGST mentionnés dans son tableau seraient identiques à ceux figurant dans les actes d'engagement de cette entreprise;

Que le commentaire de M. Osmany, président du conseil d'administration de la société Domoservices, dans une note interne du 10 mars 1994, suivant lequel "CGST SAVE semble avoir joué le jeu au niveau des prix" confirme la volonté des deux entreprises de s'entendre pour une répartition du marché;

Qu'ainsi appréciés dans leur ensemble, les éléments de fait relevés par le Conseil constituent un faisceau d'indices précis ; graves et concordants, de nature à caractériser l'entente alléguée ;

Qu'il convient donc par adoption de motifs de confirmer la décision sur ce point;

Considérant que s'agissant des marchés de l'Orne, de la Seine-Maritime, du Calvados et de Saint-Brieuc, les sociétés Domoservices et CGST soutiennent que le Conseil a assimilé à tort le marché de référence au marché de l'appel d'offres, que les pratiques reprochées ne portent que sur quelques lots de montants peu importants et que l'atteinte à la concurrence est mineure, voire inexistante;

Mais considérant qu'en matière de marchés publics ou de marchés obéissant à des principes voisins de ceux du Code des Marchés publics, tels ceux passés par les organismes gestionnaires d'HLM, le marché qui fait l'objet d'un appel d'offres constitue en soi le marché pertinent au sens du droit de la Concurrence;

Que c'est donc à bon droit que le Conseil a recherché pour chaque marché concerné l'effet sensible sur la concurrence des pratiques reprochées;

Considérant que ces pratiques étaient destinées à tromper le maître d'ouvrage sur l'étendue de la concurrence et à faire obstacle à la libre fixation des prix et à l'indépendance des offres, qu'elles avaient nécessairement pour objet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, peu important que les échanges d'informations aient concerné l'ensemble de chaque marché ou seulement quelques lots;

Que cette atteinte à la concurrence sur des marchés de cette nature affecte, de surcroît, les intérêts de la collectivité, comme l'a justement relevé le Conseil;

III. Sur les sanctions:

Considérant que pour demander la réduction des sanctions, les appelantes excipent du caractère disproportionné de leur montant en raison de l'absence de gravité des faits et de dommage à l'économie;

Que, notamment, la société Domotherm fait valoir qu'elle n'a pas pris l'initiative des pratiques incriminées, que la société CGST prétend que l'attribution des marchés s'est faite en fonctions d'autres critères que le prix, que de manière générale les prix ont été moindres que ceux proposés antérieurement et que les maîtres d'ouvrage avaient la faculté de résilier les contrats avant l'expiration du délai de cinq ans;

Que, toutefois, le Conseil a justement apprécié la gravité des faits en tenant compte de la spécificité des marchés, de leur montant total s'élevant à 11.777.772 F. HT pour un an, de leur durée, du nombre important de logements concernés et des charges pesant sur les organismes gestionnaires des HLM;

Que le fait que certaines des offres de prix des requérantes aient été inférieures à celles de leurs concurrents n'est pas de nature à supprimer le grief d'atteinte à la concurrence dès lors que cette atteinte a pu avoir pour effet d'empêcher de fixer un prix qui aurait été plus bas;

Que la société Domotherm, attributaire d'une partie du marché de la société d'HLM de l'Orne, a bénéficié de ces pratiques et, de surcroît, s'y est associée directement en présentant une offre concurrente de la société Proxima pour le marché de la ville de Dieppe sans préciser au maître d'ouvrage qu'elle appartenait au même groupe que cette société;

Considérant qu'après avoir examiné, à la date où il statuait, la situation des sociétés Domoservices et Domotherm en fonction de leurs chiffres d'affaires respectifs, le Conseil a fixé le montant de chaque sanction pécuniaire en faisant l'exacte application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que c'est en vain que la société Domoservices allègue qu'à l'époque des faits elle n'était qu'une PME et qu'elle n'a bénéficié que d'une partie infime des marchés, alors qu'elle a pris l'initiative de certaines pratiques sanctionnées et qu'elle ne démontre pas, au jour où la Cour statue, qu'elle n'est pas en mesure de régler l'amende prononcée, tenant compte de son chiffre d'affaires du dernier exercice disponible;

Considérant que les pratiques sanctionnées mettent en jeu l'intérêt des organismes gestionnaires d'HLM, de sorte qu'est justifiée la publication de la décision dans le journal désigné par le Conseil;

Considérant, en définitive, que les recours doivent être rejetés;

Par ces motifs : rejette les recours, condamne les sociétés Proxima, Domotherm, Domoservices et CGST SAVE aux dépens.