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Décisions

Conseil Conc., 30 avril 1996, n° 96-D-27

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine dans le secteur du béton prêt à l'emploi dans l'Est et le Nord de la région parisienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Jean-René Bourhis, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 96-D-27

30 avril 1996

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 4 mai 1995 par laquelle le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi dans l'Est et le Nord de la région parisienne ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus ;

Considérant que, par lettre enregistrée le 5 mai 1995, le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées lors d'une enquête effectuée en 1992, en application des dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et relatées dans un rapport d'enquête daté du 9 mai 1994 ;

Considérant que l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée dispose que "les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports" ; que l'article 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 susvisé dispose que "les procès-verbaux prévus à l'article 46 de l'ordonnance sont rédigés dans le plus court délai. Ils énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués" ; qu'ainsi que l'a rappelé la Cour d'appel de Paris (arrêts en date des 5 juillet et 16 décembre 1994), "les enquêteurs sont tenus de faire connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de leur enquête" ; qu'à cette fin, le procès-verbal rédigé à l'issue de l'enquête doit être "suffisamment clair et précis pour ne pas créer une méprise sur son objet" ;

Considérant en premier lieu que, le 4 février 1992, des enquêteurs de la brigade interrégionale d'enquête de Metz se sont présentés au siège social de la société Cedest à Thionville et se sont fait remettre des rapports mensuels d'activité internes à l'entreprise et d'autres documents dont certains portent la mention "confidentiel" ; que le "constat de remise de documents" rédigé le 4 février 1992, qui se borne à indiquer que la remise de documents par le responsable de la société Cedest a été effectuée dans le but de faciliter l'accomplissement de la mission des enquêteurs, "conformément à l'article 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986" ne comporte aucune indication quant à l'objet des contrôles effectués ; que ce document ne répond pas aux exigences de l'article 46 de l'ordonnance qui exige la rédaction d'un "procès-verbal" conforme aux énonciations de l'article 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ; qu'ainsi, dans l'ignorance de l'existence d'une enquête de concurrence dans un secteur précis, le responsable de la société Cedest a pu être amené à communiquer "spontanément" des documents de nature confidentielle qui ont pu être utilisés par la suite à l'encontre de l'entreprise qu'il dirige ; que, contrairement à ce qu'a laissé entendre le commissaire du Gouvernement en séance, l'omission de l'objet précis de l'enquête du 4 février sur le procès-verbal ne saurait être valablement rachetée par une mention de cette nature portée sur un procès-verbal rédigé plusieurs jours après la première communication de documents ; que le "constat de remise de documents", daté du 4 février 1992, ainsi que les pièces annexées à cet acte d'enquête doivent donc être écartés du dossier ;

Considérant, en second lieu, que le 6 juillet 1992 a été rédigé un autre procès-verbal reprenant notamment des déclarations faites le 2 avril 1992, soit plus de trois mois avant, par M. Renard, directeur général du groupe Cedest ; que ce même procès-verbal, qui se borne à mentionner qu'il "reprend les déclarations de M. Renard' ne permet pas de savoir dans quelles circonstances avaient été recueillies les déclarations faites le 2 avril 1992, et notamment si M. Renard, avait, à ce moment, été informé de l'existence d'une enquête de concurrence dans le secteur du béton prêt à l'emploi ; que ce procès-verbal doit donc être écarté du dossier ;

Considérant en outre que, parmi les documents remis aux enquêteurs, le 4 février 1992, par M. Dellile, un certain nombre de pièces ne figurent pas au dossier transmis au Conseil de la concurrence ; qu'ainsi, les pièces mentionnées sur le "constat de remise de documents" et cotées 90/46 (10 feuillets), 91/87, 91/110 (1 feuillet), 5 RH/CJ (2 feuillets), 2/ST 215 (2 feuillets), Baroni n° 153 (30 feuillets), 196/91 DAG (1 feuillet), 24/91 DGA (2 feuillets) ainsi que le dossier intitulé "rachat d'affaires, méthodes d'évaluation (réunion Cedest-Lafarge)' (27 feuillets) ne figurent pas au dossier ; que, de la même manière, plusieurs pièces mentionnées sur le procès-verbal de communication de documents rédigé le 6 février 1992 ne sont pas jointes au dossier de saisine du ministre enregistré au Conseil de la concurrence ; qu'ainsi, le rapport de gestion trimestriel de la société Béton Prêt pour le troisième trimestre 1990 (3 feuillets), les rapports de gestion trimestriels de la société Ebange Béton pour les années 1990 et 1991, les rapports de gestion trimestriels de la société Béton Rhin, les rapports de gestion trimestriels de la société Docks des cimenteries réunies (DCR) et les rapports de gestion trimestriels de la société Béton Prêt Nord qui, bien que mentionnés sur le procès-verbal du 6 février 1992, ne figurent pas au dossier ; que seuls 2 feuillets sur les 10 mentionnés sur le procès-verbal de M. Bossu en date du 23 mars 1992 comme constituant le rapport d'activité de septembre 1991 de la société Cedest sont joints au dossier de saisine (cotes 293 et 294) ; que ces procès-verbaux, ne pouvant valablement permettre la mise en œuvre d'une procédure contradictoire devant le Conseil, doivent être écartés du dossier ;

Considérant qu'en raison des irrégularités ayant entaché les procés-verbaux des 4 et 6 février ainsi que des 23 mars et 6 juillet 1992, il y a lieu d'écarter lesdits procès-verbaux du dossier F 762 ainsi que les pièces recueillies lors de l'enquête ; que, dès lors que ne subsistent au dossier que des éléments qui ne sont pas suffisamment probants, la saisine doit être déclarée irrecevable,

Décide :

Article unique. - Le dossier enregistré sous le numéro F 762 est déclaré irrecevable.