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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 8 octobre 1998, n° 98002079

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

3S Systemtechnick AG (Sté)

Défendeur :

Hydrochim (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lerdennois

Conseillers :

MM. Puechmaille, Lebrun

Avoués :

Me Garnier, SCP Laval-Lueger

Avocats :

Me Fittante, SCP Laloum-Arnoult.

T. com. Tours, du 26 juin 1998

26 juin 1998

Statuant sur l'appel régulièrement formé par la société 3S Systemtechnick AG (3S) contre une ordonnance de référé rendue le 26 juin 1998 qui lui a ordonné de livrer sous trois semaines toutes commandes reçues de la SA Hydrochim et ce sous astreinte provisoire de 20 000 F par infraction constatée dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Suivant acte du 15 avril 1980, la société 3S a confié à la société Hydrochim le droit de distribution exclusif des appareils de nettoyage de piscines type Submatic et Mariner par elle fabriquées ainsi que leurs éventuels développements pour la France. Par cette convention Hydrochim s'est notamment engagée à ne plus fabriquer elle-même les produits objets du contrat ou entrer en concurrence de toute autre façon avec 3S avec les produits objets du contrat.

Ce contrat a été résilié le 23 septembre 1981 à effet du 31 décembre suivant à l'initiative de la société 3S qui estimait que l'évolution des affaires n'était pas conforme à sa conception et qu'elle était trop faible.

Cependant la société Hydrochim a continué de vendre sur le marché français le matériel fabriqué par la société 3S et dont elle a assuré le service après-vente par contrat avec ses clients acquéreurs dudit matériel.

Par lettre du 4 juin 1996, la société 3S a fait savoir à la société Hydrochim qu'elle cesserait la collaboration actuelle avec elle à la fin de la saison 1996 en lui indiquant qu'il serait toutefois possible que pendant l'année 1997 ladite société Hydrochim puisse encore vendre ses robots sur une base exclusive, s'agissant d'une année de transition.

Par lettre du 30 octobre 1996, la société 3S a précisé :

" En ce qui concerne la saison 1997, vous pourrez continuer à acheter les appareils ainsi que les pièces de rechange nécessaires aux mêmes conditions que par le passé. Dans le même ordre d'idées, nous prenons l'engagement de ne pas fournir directement ni à partir de Remigen ni à partir de la nouvelle succursale aucune adresse connue du réseau de vente et de service après-vente Hydrochim en métropole ".

Afin que Hydrochim puisse bénéficier de ce qui précède pendant l'année 1997 que nous considérons comme une année transitoire, deux conditions seront à remplir à savoir :

- Hydrochim ne commercialise aucun autre épurateur pour piscines municipales tels que par exemple les appareils Weda,

- Hydrochim continue à servir sans aucune obstruction les propriétaires des robots 3S et le réseau des STR ".

Courant 1997, la société 3S a créé en France une filiale dénommée Mariner 3S France laquelle a démarché la clientèle ayant acquis des robots Mariner de Hydrochim.

Le 4 août 1997, a été signé entre la société Weda Poolcleaner et Hydrochim un contrat de distribution commerciale.

Fin novembre 1997, la société 3S a cessé d'honorer les commandes de pièces détachées et par lettre du 27 novembre 1997 a fait savoir à Hydrochim qu'elle résiliait avec effet immédiat toute collaboration commerciale en prenant pour motif la signature du contrat avec Weda. Elle a en outre fait interdiction à Hydrochim d'intervenir sur les robots Mariner 3S.

Suivant acte du 6 mai 1998, la société Hydrochim a fait assigner en référé la société 3S sur le fondement de l'article 873 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, aux fins de voir constater que le refus de vente en cause constituait un abus de position dominante et afin de voir ordonner la livraison de toutes commandes de marchandises et ce sous astreinte.

La société 3S s'y est opposée en alléguant d'une contestation sérieuse et par voie de demande reconventionnelle a sollicité la restitution des matériels objet d'un procès verbal d'huissier en date du 25 novembre 1997, des contrats d'entretien, des robots par elle fournis ainsi que de la liste des clients disposant de robots.

Sur quoi a été rendue la décision déférée.

Devant la cour, la société 3S soutient d'abord que la signification de l'ordonnance de référé serait entachée de nullité car faite à domicile élu en l'étude de la SCP Jean-Gabriel et Pierre Morfoisse et ce alors même qu'elle n'y aurait pas élu domicile.

Elle prétend ensuite à l'infirmation de ladite ordonnance au rejet des prétentions de la société Hydrochim, à sa condamnation à lui restituer l'ensemble des matériels conformément au procès verbal de constat dressé par Maître Morfoisse et ce sous astreinte de 50 000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, à lui remettre l'ensemble des contrats d'entretien des robots par elle fournis ainsi que l'ensemble des clients disposant de robots et ce sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, à l'allocation de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société 3S prétend que le juge des référés serait radicalement incompétent pour connaître de la demande de Hydrochim compte tenu des contestations sérieuses. Elle soutient ainsi que c'est à tort que le premier juge a considéré que cette société serait devenue un client ordinaire après la rupture du contrat de distribution alors que leurs relations se sont poursuivies comme par le passé et que de ce fait s'en serait suivi un nouveau contrat de distribution à durée indéterminée dont le contenu aurait été calqué sur le contrat antérieur. Elle fait valoir qu'il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier la légalité d'un tel contrat, ses modes de rupture et de reconduction, en reprochant à Hydrochim d'avoir violé l'obligation d'exclusivité.

De même la société 3S prétend que l'appréciation d'une quelconque position dominante et de son abus échappe à la compétence du juge des référés en contestant en toute hypothèse avoir eu un comportement abusif d'une quelconque position dominante.

Enfin elle justifie sa demande reconventionnelle en indiquant avoir confié l'exclusivité à une société tiers.

La société Hydrochim conclut à l'irrecevabilité de la société 3S en sa demande d'annulation de la signification de l'ordonnance et à titre subsidiaire au mal fondé de cette demande.

A cet égard elle fait valoir que :

- ladite société a élu domicile en l'étude de Maître Morfoisse huissier lorsqu'elle lui a fait signifier l'ordonnance du 17 novembre 1997 du président du tribunal de grande instance autorisant à faire un constat et le procès-verbal dudit constat,

- ladite société a été assignée en référé audit domicile élu et ne s'est prévalue d'aucune exception à s'en prévaloir devant la cour,

- il s'agirait d'une demande nouvelle en cause d'appel qu'il conviendrait de soumettre à la juridiction compétente,

- la société 3S ne justifierait d'aucun grief puisque sa déclaration d'appel est recevable.

La société Hydrochim sollicite par ailleurs la confirmation de l'ordonnance, le rejet des prétentions de la société 3S et sa condamnation à lui payer 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle prétend que l'attitude de la société 3S de bloquer toute livraison de nouvelles pièces détachées et toute nouvelle commande correspond à un refus de vente constitutif d'un abus de position dominante interdit par l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et que le juge des référés était donc compétent pour faire cesser cette violation caractérisée des règles de libre concurrence laquelle constitue un trouble manifestement illicite. Elle indique à cet égard qu'elle dépend entièrement de la société 3S pour s'approvisionner en matériel et en pièces détachées de maintenance dès lors que celle-ci a en outre interdit à ses correspondants en Espagne de livrer ses produits en dehors de ce pays.

La société Hydrochim rappelle par ailleurs que le contrat de représentation exclusive a été résilié le 23 septembre 1981, qu'il n'y a pas eu tacite reconduction et qu'en conséquence la société 3S ne peut plus s'en prévaloir.

Elle ajoute que dès lors que les relations commerciales étaient rompues en 1996, il lui appartenait de rechercher un nouveau partenaire ce qu'elle a fait avec Weda.

Elle prétend aussi que la société 3S n'a pas signé de nouveau contrat d'exclusivité avec une société tierce mais a créé une filiale et qu'elle est quant à elle parfaitement libre d'assurer la maintenance des appareils qu'elle a vendus à ceux qui sont ses clients et non ceux de la société 3S ou de Mariner France.

Enfin la société Hydrochim s'oppose à la demande reconventionnelle en faisant valoir que les pièces en question sont sa propriété et que par le biais de ladite demande la société 3S tente en fait de récupérer gratuitement sa clientèle.

Sur ce,

Sur la nullité de la signification :

Attendu que la cour statuant sur l'appel d'une ordonnance de référé n'est pas compétente pour statuer sur cette demande alors que ledit recours a été fait dans les délais et que n'est en cause qu'une question d'exécution de la décision sus-visée.

Qu'il convient en conséquence de déclarer la société 3S irrecevable en cette demande.

Au fond :

Attendu que aux termes de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile sur le fondement duquel la société Hydrochim a présenté sa demande, le président peut ... même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu'un abus de position dominante constitue à l'évidence un trouble manifestement illicite ; que cet abus peut notamment aux termes de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 consister en un refus de vente ; que l'appelante ne peut donc invoquer une éventuelle contestation sérieuse pour s'opposer à la demande de Hydrochim ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas contesté qu'après la résiliation du contrat de distribution en 1981, la société Hydrochim est restée le seul distributeur en France des appareils fabriqués par la société 3S jusqu'en 1996 ; que celle-ci ne peut toutefois pas se prévaloir d'une poursuite tacite dudit contrat avec les mêmes clauses alors même qu'il a été rompu à son initiative et que dans une lettre du 11 février 1997 elle a écrit à son adversaire :

" En ce qui concerne la clientèle Mariner en France, il n'est nullement question de verser une indemnité compensatrice pour un quelconque dédommagement. De plus, nous ne nous sommes jamais engagés par écrit à nous acquitter d'une indemnité lors de la cessation de la collaboration une telle obligation ne figurait même pas dans le contrat initial qui nous a lié peu de temps au début des années 80 " ;

Attendu que les robots en question sont des aspirateurs pour piscines collectives lesquels nécessitent des entretiens périodiques assurés en l'état du moins pour certains clients par la société Hydrochim venderesse, en vertu de contrats dits " contrats Assistance Mariner " signés par les acquéreurs pour une durée de 3 ans ;

Que pour satisfaire aux obligations résultant desdits contrats dont il est démontré que certains sont toujours en cours, l'intimée doit notamment pouvoir disposer de pièces détachées de la marque Mariner fabriquée par la société 3S ; que, pour s'en procurer et dès lors qu'il apparaît que la société 3S Mariner France n'est qu'une filiale de 3S la société Hydrochim ne peut que les acheter auprès de l'appelante laquelle a par ailleurs interdit à ses revendeurs espagnols de faire sortir du matériel hors des frontières de leur pays ;

Attendu que si l'on prend comme marché de référence comme le soutient en cause d'appel la société Hydrochim, celui des pièces détachées des robots Mariner lequel est distinct du marché général des aspirateurs de piscine, la société 3S se trouve à l'évidence en position dominante sur le marché français puisqu'aucune autre entreprise ne peut lui être substituée et qu'elle bénéficie d'un véritable monopole de fait ;

Que, en refusant de vendre lesdites pièces détachées et le matériel nécessaire à la maintenance à la société Hydrochim dont le premier juge a considéré à juste titre qu'elle n'était plus qu'un client ordinaire, la société 3S a abusé de sa position dominante; que c'est donc à bon droit que pour faire cesser ce trouble manifestement illicite, il a accueilli les prétentions de l'intimé; que la décision déférée doit être confirmée de ce chef ;

Attendu que la demande reconventionnelle que l'appelante ne précise pas ce qui justifierait qu'il soit fait droit à sa demande par le juge des référés alors qu'elle invoque l'existence d'une contestation sérieuse et ne précise pas en quoi serait constitué un trouble manifestement illicite ou que cette mesure s'imposerait pour prévenir un dommage imminent ; qu'en l'état, la société Hydrochim est le légitime acquéreur du matériel inventorié par l'huissier en novembre 1997 tandis que la liste des clients ainsi que les contrats d'entretien sont des pièces lui appartenant en propre ; que la décision déférée doit donc aussi être confirmée en ce qu'elle a débouté la société 3S de ce chef de demande ;

Attendu enfin que l'équité commande de faire application en faveur de la société Hydrochim des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Déclare irrecevable la demande en annulation de la signification de l'ordonnance déférée, Confirme ladite ordonnance, Y ajoutant, Condamne la société 3S Systemtechnick AG à payer à la société Hydrochim la somme de quinze mille francs (15 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, Accorde à la SCP Laval-Lueger le droit prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.