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Décisions

Cass. com., 11 janvier 2000, n° 97-30.109

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Pont-à-Mousson (Sté)

Défendeur :

Directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Piwnica, Molinié, Me Ricard.

TGI Nancy, prés., du 20 janv. 1997

20 janvier 1997

LA COUR : - Attendu que, par décision du 13 décembre 1996, rendue en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17-62 du Conseil, du 6 février 1962, la Commission des Communautés européennes a ordonné une vérification dans les locaux de la société Pont-à-Mousson, sis à Nancy, 91, avenue de la Libération, en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par les articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté européenne, sur le marché français des canalisations en fonte ductile ; que, par l'ordonnance attaquée, rendue le 20 janvier 1997, le président du Tribunal de grande instance de Nancy a, en vertu de l'article 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autorisé des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à user des pouvoirs de visite et saisie prévus par l'article 48 de l'ordonnance précitée, en vue de prêter assistance aux agents mandatés par la Commission dans l'exécution de leur mission de vérification ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Pont-à-Mousson fait grief à l'ordonnance d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 4 du décret n° 72-151 du 18 février 1972, pris pour l'application des articles 13 et 14 du règlement CEE n° 17-62, les agents de la direction de la concurrence ne peuvent assister les agents mandatés par la Commission pour procéder à une vérification qu'en cas de réquisition écrite de ces derniers indiquant les circonstances qui motivent cette réquisition ; qu'en outre, cette assistance implique que l'entreprise visée dans la décision de vérification se soit préalablement opposée à celle-ci ; qu'en autorisant les agents de la direction de la concurrence à assister les agents mandatés par la Commission dans l'exécution de leur mission de vérification à l'intérieur des locaux de la société Pont-à-Mousson, sans constater que cette double condition se trouvait remplie, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ; alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 14-6 du règlement n° 17-62, tel qu'interprété par la Cour de justice dans son arrêt Hoechst du 21 septembre 1989, que les agents de la Commission ne peuvent requérir des autorités de l'Etat membre l'autorisation de procéder à des perquisitions qu'aux fins de surmonter ou de prévenir un refus de collaboration manifesté par l'entreprise ; qu'il appartient au juge judiciaire de s'assurer que l'autorisation de perquisition qui est sollicitée répond à cette nécessité ; qu'en énonçant que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " paraissait insuffisante " eu égard au caractère " manifestement confidentiel " des documents recherchés et à de possibles " pressions sur certains tiers ", sans faire ressortir, autrement que par des considérations à caractère général et hypothétique, les circonstances qui permettaient de tenir pour probable, en l'espèce, un refus de collaboration de la société Pont-à-Mousson, le président du tribunal a violé le texte communautaire visé ; alors, au surplus, que, même en présence d'une décision de la Commission des Communautés ordonnant une vérification, laquelle ne confère jamais à ses agents un pouvoir coercitif, le juge judiciaire ne peut ordonner qu'il soit procédé à des visites domiciliaires, sans exercer la plénitude du contrôle que la Constitution et l'ordonnance du 1er décembre 1986 lui ont confié en propre ; qu'il lui appartient de vérifier lui-même, au vu du dossier de pièces qu'est tenue de lui fournir l'Administration requérante, qu'il existe des présomptions sérieuses de pratiques anticoncurrentielles de nature à justifier de telles mesures ; qu'en déclarant que cette appréciation échappait à sa compétence en l'état d'une décision de la Commission ayant admis, en son principe, le bien-fondé d'une mesure de vérification, le président du tribunal a violé les articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 55 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le règlement CEE n° 17-62 et les articles 173 et 177 du traité de Rome ; et alors, enfin, qu'en statuant par voie de simple référence à la décision de la Commission, annexée à son ordonnance, et en énonçant que les motifs de cette décision constituaient la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal a méconnu ses pouvoirs et violé derechef les textes susvisés ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 14 du règlement du Conseil, tel qu'interprété par la Cour de Justice dans son arrêt Hoechst du 21 septembre 1989, que, si les agents mandatés par la Commission ne peuvent procéder à leurs investigations qu'avec la collaboration des entreprises concernées, ils peuvent, en vertu du paragraphe 6 de cet article, passer outre l'opposition d'une entreprise dès lors qu'ils agissent avec le concours des autorités nationales, qui sont tenues de leur fournir l'assistance nécessaire à l'accomplissement de leur mission selon les modalités procédurales prévues par le droit national pour garantir le respect des droits des entreprises ; que, si cette assistance n'est exigée que lorsque l'entreprise manifeste son opposition, elle peut également être demandée à titre préventif, en vue de surmonter l'opposition éventuelle de l'entreprise ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le président du tribunal a, en application de ce texte et de l'article 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, seul applicable désormais, autorisé des agents de l'administration de la Concurrence à recourir aux pouvoirs coercitifs de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en vue d'apporter leur concours aux agents mandatés par la Commission, et qu'il n'était tenu, pour ce faire, ni de constater que l'entreprise Pont-à-Mousson s'était déjà opposée à la vérification, ni de caractériser un risque particulier d'opposition de la part de cette dernière ;

Attendu, en second lieu, qu'il résulte aussi de l'arrêt précité de la Cour de Justice que, si l'instance compétente en vertu du droit national ne peut, à cette occasion, substituer sa propre appréciation du caractère nécessaire des vérifications ordonnées à celle de la Commission, dont les évaluations de fait et de droit ne sont soumises qu'au contrôle de légalité des juridictions communautaires, il entre en revanche dans ses pouvoirs d'examiner, après avoir constaté l'authenticité de la décision de vérification, si les mesures de contrainte envisagées ne sont pas arbitraires ou excessives par rapport à l'objet de la vérification et de veiller au respect des règles de son droit national dans le déroulement de ces mesures ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé à bon droit qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier les motifs de fait et de droit fondant la décision de la Commission, dont le contrôle relève de la compétence de la juridiction communautaire, le président du tribunal s'est assuré de l'origine licite des pièces qui lui étaient soumises par l'Administration, a reconnu l'authenticité de la décision de la Commission, puis, ayant analysé la motivation de cette décision, a estimé que, compte tenu de la nature des agissements dont la preuve était recherchée, qu'il a décrits, et du caractère confidentiel des documents s'y rapportant, nécessairement ignorés des enquêteurs, seuls les pouvoirs conférés par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui n'étaient pas disproportionnés par rapport aux mesures envisagées, étaient de nature à garantir l'accomplissement de la mission des agents mandatés par la Commission ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, le président du tribunal a procédé au contrôle qui lui incombait en vertu des articles 14, paragraphe 6, du règlement 17-62 précité et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches : (sans intérêt) ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.