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Décisions

Conseil Conc., 19 mars 1996, n° 96-D-16

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées dans le réseau de franchise des centres de mise en forme Gymnasium

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Jean-Pierre Bonthoux, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 96-D-16

19 mars 1996

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre en date du 28 décembre 1993 enregistrée sous le numéro F 649, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques relevées dans le réseau de franchise des centres de mise en forme Gymnasium; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application; Vu les observations présentées par la société Financière de Luxeuil, le mandataire-liquidateur des sociétés du réseau Gymnasium et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, le représentant de la société Financière de Luxeuil entendus, le mandataire-liquidateur des sociétés du groupe Gymnasium ayant été régulièrement convoqué, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés:

I. - CONSTATATIONS

A. - Le secteur concerné : le marché de la " forme " et le réseau Gymnasium

1. Le marché de la "forme"

Le secteur des clubs de forme s'est développé en France depuis la fin des années 70, à partir de trois disciplines classiques de culture physique: gymnastique, danse, musculation, dont les contenus ont été modernisés et les appellations américanisées et regroupées sous le terme général de " fitness " (aérobic, intense aeroba, basic training, body-building, body-crunch, cardio-training, cross-robbing, gym-music, hilo-combo, jogging, low impact, step, step and sculpt, streching, power step, strech and motion, cardio-funk, over the top, rubberband, modern-jazz, slide...), alliées à des activités de relaxation et de détente (piscine, solarium UVA, bain à remous, aquagym, hydro-jet, sauna, hammam, balnéothérapie...) et, éventuellement, à d'autres activités annexes (arts martiaux, boxe, yoga, tennis, squash, danse classique, danse africaine, claquettes...) ou services de santé (médecin, masseur-kinésithérapeute...). Il existe actuellement 2 700 salles de ce type, les installations municipales ou associatives représentant par ailleurs environ 3 000 salles. Le chiffre d'affaires total du marché est évalué à 1,5 milliard de francs.

Ces clubs, indépendants (90 p. 100) ou organisés en réseau, proposent à des degrés divers une partie ou l'ensemble de ces activités sous forme de cours encadrés par des professeurs ou en mettant à disposition de leur clientèle des plateaux de matériels nécessaires aux exercices physiques. Ils se distinguent donc par leur taille (400 mètres carrés en moyenne, mais une cinquantaine de centres ont une surface de 1 500 mètres carrés), l'investissement nécessaire à leur création (6 à 10 millions de francs) et leur chiffre d'affaires (5 à 6 millions de francs) des salles monodisciplinaires. Même s'il est possible dans la plupart des salles de payer les prestations à l'unité, la très grande majorité de la clientèle est abonnée sous forme de forfait annuel compris entre 2 500 et 8 000 F, avec ou sans droit d'entrée (jusqu'à 35 000 F), selon la qualité des installations et le niveau de clientèle recherché.

2. Le réseau Gymnasium

Gymnasium est un réseau de franchisés constitué à partir de 1983, la première enseigne ayant été fondé en 1973. Le réseau compte actuellement 78 salles de 1 000 mètres carrés en moyenne, réparties dans toute la France, 450 employés et un chiffre d'affaires cumulé de 270 millions de francs. Il revendique 150 000 adhérents alors que les inventaires en répertorient 50 000. Le fondateur, M. Palusci, ne possédait aucune salle en propre, mais contrôlait l'enseigne par l'intermédiaire de l'EURL Evasion et Loisirs au capital de 50 000 F, propriétaire de la marque, et dont il était le gérant et l'unique associé, et de la holding Evasion loisirs SA au capital d'un million de francs, détenue à 80 p. 100 par l'EURL Evasion et Loisirs.

Le groupe comptait une société de gestion de la franchise (Gymnasium franchise SA: 17,3 millions de francs de chiffre d'affaires, appartenant à 100 p. 100 à la holding), une société de construction et d'agencement de salles (SCG: 10,9 millions de francs de chiffre d'affaires, appartenant à 100 p. 100 à la holding), une société de publicité (Temax publicité: 9,9 millions de francs de chiffre d'affaires, appartenant aux deux tiers à la holding, au tiers aux franchisés), une société de distribution de matériel de sport et de loisirs (Temax distribution: 9,5 millions de francs de chiffre d'affaires, appartenant à 100 p. 100 à la holding) et une société d'édition (Gymnasium magazine: 5,5 millions de francs de chiffre d'affaires).

L'ensemble de ces sociétés a fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire devant le tribunal de commerce de Brest. Ainsi, ont été mises en liquidation la SARL Gymnasium Magazine par jugement du 21 février 1995, la SARL SCG et la SARL Temax Distribution par jugement du 14 mars 1995, la SA Evasion et Loisirs et la SA Gymnasium Franchise par jugements du 28 mars 1995, enfin, la SARL Temax Publicité par jugement du 11 avril 1995. M. Palusci est lui aussi en liquidation judiciaire à titre personnel. Les opérations de liquidation sont en cours à ce jour. Le mandataire liquidateur a par ailleurs assigné en extension l'EURL Evasion et Loisirs un raison de la confusion existant entre les différentes sociétés du groupe. Le tribunal de commerce a prononcé cette liquidation par jugement du 7 novembre 1995.

Par déclaration au greffe du Tribunal de commerce de Brest en date du 13 avril 1995, M. Palusci, gérant et unique associé de l'EURL Evasion et Loisirs, propriétaire de la marque " Gymnasium " enregistrée et publiée au registre du Bulletin officiel de la propriété industrielle le 7 juin 1984, sous le numéro 1 343, a fait abandon de cette marque à la liquidation judiciaire de la SA Gymnasium Franchise, afin de permettre la cession de cette marque dans le cadre de la liquidation judiciaire. Le juge-commissaire, par ordonnance en date du 27 avril 1995, a autorisé la cession du nom Gymnasium, le passif étant exclu de cette cession. Cette ordonnance a fait l'objet d'un recours et a été confirmée par le tribunal le 21 juillet 1995.

3. Le contrat de franchise Gymnasium

Ce contrat consiste de la part du franchiseur à transférer aux franchisés l'utilisation de son savoir-faire en matière de vente de prestations de " mise en forme " décrites précédemment dans un environnement matériel et publicitaire uniformisé grâce à l'intervention des sociétés du groupe (agencement, publicité, édition, distribution). Le franchiseur accorde au franchisé une exclusivité d'un an dans le département dans lequel est située l'entreprise du franchisé.

Chaque nouvel adhérent doit payer un droit d'entrée de 120 000 F à 500 000 F selon l'implantation géographique et une redevance de 7 p. 100 du chiffre d'affaires du groupe, dont 2 p. 100 alloués à la publicité. Le contrat de franchise est renouvelé tous les cinq ans moyennant un versement de 60 000 F.

Les obligations contractuelles du franchisé comportent:

- une exclusivité d'agencement et d'approvisionnement auprès du franchiseur;

- la conduite de la publicité du réseau par l'agence de publicité du franchiseur;

- l'obligation d'abonner certains adhérents au magazine du franchiseur;

- le respect d'un barème d'abonnement fixé par le franchiseur;

- la transmission des données d'inscription au fichier central du franchiseur au jour le jour et par l'intermédiaire des moyens mis en place par le franchiseur;

- la réversion de 50 p. 100 du prix de l'abonnement d'un client non-résident à un autre franchisé;

- l'exclusivité dus abonnements d'entreprises au franchiseur.

Il est par ailleurs fixé un minimum de chiffre d'affaires à réaliser, inférieur de 15 p. 100 au chiffre d'affaires prévisionnel présenté aux banques. La majorité des franchisés réalisent cet objectif. Ceux qui n'y parviennent pas n'ont pas vu leur contrat résilié.

B. - Les pratiques constatées

1. L'aménagement exclu4f des locaux au profit du franchiseur

Le contrat de franchise prévoit que " les aménagements, qui sont aux frais du franchisé, devront obligatoirement être effectués par le décorateur Gymnasium afin de correspondre au profil des centrés franchisés " (art. IV, a, 2). Le décorateur Gymnasium est la SARL SCG. Les franchisés sont donc non seulement soumis obligatoirement aux conditions fixées par le franchiseur pour l'agencement des centres, mais n'ont pas le choix du prestataire chargé d'effectuer les travaux.

Lors de l'enquête administrative, Mme Palusci, gérante de la SARL SCG, précisait que cette obligation prévue au contrat de franchise faisait l'objet, depuis le début de 1992, d'avenants personnalisés permettant aux franchisés de faire exécuter eux-mêmes les travaux. Elle n'a pu cependant communiquer ces avenants aux enquêteurs.

Cette clause ne figure pas au contrat type proposé par la société Financière de Luxeuil aux franchisés.

2. L'approvisionnement exclusif au profit du franchiseur

Le contrat de franchise Gymnasium prévoit que le franchisé s'engage à commander exclusivement auprès des fournisseurs agréés et référencés par le franchiseur ou directement auprès de la centrale, d'achats Temax Distribution tout matériel servant à l'exploitation du centre (art. 3-1-a). Ne sont communiquées aux franchisés que les coordonnées des fournisseurs de produits non distribués par Temax Distribution et non de ceux qui fournissent la centrale d'achats du franchiseur alors qu'ils assurent la distribution de l'essentiel des équipements des centres (appareils de musculation, tubes de solarium, générateurs de vapeur.) Les franchisés ne peuvent donc s'approvisionner qu'auprès de Temax Distribution pour ce type de produits, dont une liste leur est communiquée, vierge de prix.

Le franchiseur a confirmé lors de l'enquête l'interdiction faite aux franchisés d'acheter directement leurs équipements auprès des fournisseurs de la centrale Temax Distribution. Ces déclarations ont été corroborées par celles des franchisés, dont certains ont précisé avoir demandé en vain au franchiseur communication de la liste des fournisseurs agréés pour les matériels fournis par Temax Distribution ou leurs équivalents.

Cette clause ne figure pas au contrat type proposé par la société Financière de Luxeuil aux franchisés.

3. L'existence d'un tarif national imposé par le franchiseur

Le contrat de franchise prévoyait depuis septembre 1988 la fourniture aux franchisés d'une tarification " indicative " non contractuelle à travers deux documents: les tarifs d'abonnement national (TAN) et les tarifs d'abonnements exceptionnels (TAE), qui recouvraient les abonnements de comités d'entreprises, les journées Portes ouvertes, les journées d'ouverture, les anniversaires, les tarifs Cofinoga, club Diamant et carte Solidarité.

Ces tarifs étaient accompagnés de circulaires qui invitaient les franchisés à les afficher dès réception et leur rappelaient qu'ils ne pouvaient en appliquer d'autres. Le contrat de franchise précisait en outre que les redevances dues au franchiseur étaient calculées sur la base du tarif conseillé. Le franchiseur précisait cependant que contrairement à cette clause la redevance était calculée sur les recettes réellement encaissées par les franchisés.

Les franchisés ont confirmé le caractère unique des tarifs Gymnasium sur tout le territoire et l'obligation qui leur était faite de l'appliquer scrupuleusement. L'ensemble des franchisés n'a été consulté ni lors de l'établissement des tarifs ni sur leur évolution, qui relevaient du franchiseur après avis des dix franchisés les plus importants.

Exceptionnellement, les franchisés qui souhaitaient procéder à des actions promotionnelles spécifiques (anniversaire d'ouverture du centre) devaient soumettre leur projet au franchiseur pour accord. Certaines circulaires du franchiseur précisaient à cet égard qu'il était formellement interdit de pratiquer des tarifs spéciaux sans son autorisation.

Les logiciels informatiques qui servaient de support à l'enregistrement des inscriptions étaient programmés de telle sorte qu'il était impossible à un franchisé de procéder à une inscription à un tarif différent du tarif du franchiseur qui s'affichait automatiquement. Il devait, pour déroger à ce tarif, obtenir du franchiseur un code informatique spécial.

Certains franchisés s'accordaient une certaine marge de manœuvre en matière de prix dès lors que le tarif du franchiseur n'avait pas prévu certaines prestations (groupes, famille, collectivités, durée d'abonnement supérieure ou inférieure...) ou que leurs installations ne comportaient pas les mêmes prestations.

Des lettres de rappel, adressées par le franchiseur aux franchisés qui ne respectaient pas le tarif national, ont montré que le franchiseur exerçait une surveillance étroite sur le respect des prix qu'il diffusait. Par ailleurs, la question des tarifs était régulièrement évoquée au cours des réunions bimestrielles avec le franchiseur et faisait l'objet de développements systématiques dans les bulletins de liaison ou les circulaires du réseau. Or, la répartition des centres a montré que certains franchisés étaient situés sur des zones assez proches pour être en concurrence, comme par exemple dans le Finistère (Concarneau, Douarnenez, Landerneau, Morlaix, Pont-l'Abbé, Quimper) ou un région parisienne (Paris 12e, 15e, Boulogne, Colombes, Rueil-Malmaison, Montreuil-sous-Bois, Noisy-le-Grand).

Certains franchisés ont fait valoir à cet égard que l'unicité du tarif " évitait les problèmes de concurrence entre centres voisins " et permettait de créer une " solidarité " entre les centres sous forme de pressions par voie de pétitions ou d'appels téléphoniques, de " boycott ", voire de l'exclusion des centres qui dérogeaient à la politique de prix du franchiseur. A cet égard, le " club des dix " franchisés les plus importants avait une mission fondamentale de définition et de surveillance de la politique tarifaire commune.

Le franchiseur a indiqué que les franchisés pouvaient fixer librement leurs tarifs mais qu'en cas de tarifs différents du tarif franchiseur les abonnés ne pouvaient bénéficier de la carte nationale donnant accès à tous les centres. A cet égard, jusqu'en octobre 1991, les adhérents pouvaient fréquenter l'ensemble des centres sur présentation de leur contrat d'abonnement délivré par le franchisé. A partir de cette date, cet accès a été réservé aux titulaires de la carte d'accès délivrée par le franchiseur au vu des caractéristiques tarifaires de l'abonnement souscrit. De fait, le franchiseur a déclaré que " seule la délivrance de la carte permettait d'intimider les franchisés ". Enfin, le franchisé qui encaissait l'inscription d'un adhérent non résident devait reverser 50 p. 100 du prix de l'abonnement au centre Gymnasium situé dans la ville de résidence du client s'il en existait un.

Le franchiseur a précisé que la plupart des contrats établis par les franchisés étaient rédigés manuellement et que ceux-ci pouvaient inscrire le prix qu'ils souhaitaient pratiquer, indépendamment des contraintes du système informatique. En effet, si le prix du tarif national s'inscrivait automatiquement pour chaque type d'abonnement et ne pouvait être modifié, les franchisés pouvaient choisir les codes qui correspondaient aux prix qu'ils souhaitaient pratiquer, sans intervention possible du franchiseur puisque la transmission mensuelle des informations ne permettait pas une intervention immédiate du franchiseur pour faire corriger le prix.

Le franchiseur a indiqué qu'il n'y avait jamais eu de sanction ou de résiliation d'un contrat de franchise pour prix non respectés. Il reconnaissait cependant que la délivrance de la carte nationale constituait un moyen de pression permettant d'assurer l'unité du réseau. L'entrée d'un client non résident dans un autre centre était conditionnée par la présentation de sa carte et non plus de son contrat, ce qui permettait au franchiseur de contrôler les caractéristiques tarifaires de l'abonnement souscrit. Par ailleurs, certaines lettres mettaient en évidence que le franchiseur n'a pas hésité à utiliser la menace de sanctions " importantes ", voire de rupture de contrat à l'égard des franchisés qui ne respectaient pas les tarifs diffusés.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL

Sur les pratiques mises un œuvre par les sociétés SARL Gymnasium Franchise, SARL & CG, SARL Temax Distribution, EURL Evasion et Loisirs et SARL Temax Publicité:

En ce qui concerne l'aménagement exclusif des locaux au profit du franchiseur:

Considérant que, s'il est possible à un franchiseur d'exiger pour assurer l'unité du réseau de faire respecter par les franchisés les éléments d'identification de la marque à travers le respect d'un cahier des charges, rien ne justifie en l'espèce que le décorateur du franchiseur soit seul à pouvoir effectuer ce type de prestation ; qu'une telle clause a pour objet et a pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence un limitant l'accès au marché d'agencement et de fourniture de tels locaux; que, n'étant ni nécessaire à la distribution on franchise, ni indispensable au maintien de l'identité du réseau, déjà protégée par l'agrément du local et des aménagements par le franchiseur, son absence ne mettrait pas en péril l'unité du réseau et le savoir-faire du franchiseur ;

En ce qui concerne l'approvisionnement exclusif au profit du franchiseur:

Considérant que le franchiseur est en droit d'imposer au franchisé de vendre ou d'utiliser dans le cadre des prestations de services exclusivement des produits répondant aux spécifications objectives minimales de qualité fixées par lui ou de vendre ou d'utiliser dans le cadre de la prestation de services des produits fabriqués seulement par le franchiseur ou par des tiers désignés par lui, lorsqu'il n'est pas possible en pratique, en raison de la nature des produits qui font l'objet de la franchise, de définir des spécifications objectives de qualité, dans la mesure où le respect de ces obligations est nécessaire à la protection des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé ;

Considérant en l'espèce que l'article 3 (1, a) du contrat de franchise oblige le franchisé à commander les matériels et fournitures exclusivement auprès des fabricants agréés et référencés par le franchiseur ou auprès de la centrale d'achat Temax Distribution; que l'essentiel des matériels utilisés dans les centres sont référencés par cette société, obligeant les franchisés à s'adresser à elle pour l'équipement des centres; que les restrictions ainsi imposées aux franchisés en matière d'approvisionnement, et notamment l'interdiction de se fournir directement auprès de fournisseurs distribuant des produits substituables à ceux distribués par la centrale d'achat, ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché de la fourniture de matériels de centres de remise en forme sans que le franchiseur ait pu justifier cette situation par les exigences du maintien de l'identité ou la protection de l'image du réseau de franchise ;

En ce qui concerne l'existence d'un tarif national imposé par le franchiseur:

Considérant que la fixation concertée de prix par des commerçants indépendants regroupés sous une même enseigne ne constitue pas une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 lorsque ces commerçants ne se situent pas sur les mêmes zones de chalandise; qu'il est, en outre, possible à un franchiseur de communiquer à des franchisés, situés dans la même zone de chalandise, des barèmes de prix maxima de revente ou des prix conseillés, à condition que ces indications soient sans ambiguïté et que ces prix ne revêtent pas en réalité le caractère de prix imposés ou de prix minima; qu'à l'inverse, lorsque des franchisés sont regroupés sous la même enseigne et situés sur les mêmes zones de chalandise, la fixation de prix de revente identiques ou minima que tous les membres du réseau se trouvent, en fait, dans l'obligation d'appliquer constitue une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que les clauses de prix conseillés sont ainsi prohibées dès lors qu'elles ne peuvent être analysées comme de simples recommandations et qu'elles sont effectivement appliquées, dans la mesure où elles opèrent des restrictions à la concurrence que pourraient se faire les franchisés entre eux;

Considérant, en l'espèce, que les lettres circulaires qui invitaient les franchisés à afficher dès réception les tarifs envoyés par le franchiseur, les rappels individuels visant à l'application par les franchisés du tarif national, l'obligation d'en référer au franchiseur pour enregistrer un abonnement à un tarif différent du tarif national et la délivrance de la carte d'accès à l'ensemble des centres du réseau par le seul franchiseur, limitaient la liberté commerciale des franchisés et imposaient le respect des tarifs élaborés par le franchiseur alors même que certains centres de remise en forme du réseau étaient en situation de se faire concurrence compte tenu de leur proximité géographique; que ces pratiques ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de la remise en forme en limitant la libre détermination de leurs prix par chacune des entreprises du réseau Gymnasium.

Sur l'imputabilité des pratiques:

Considérant que les sociétés SARL Gymnasium Franchise, SARL SCG, SARL Temax Distribution, EURL Evasion et Loisirs et SARL Temax Publicité font l'objet de procédures de liquidation judiciaire en cours et qu'elles ne subsistent que pour les besoins des opérations de liquidation;

Considérant que le juge commissaire à la liquidation judiciaire des sociétés susvisées a, " considérant que l'offre de M. Mevel, agissant pour le compte d'une société anonyme au capital de 4 millions de francs à constituer, constituait un véritable projet d'entreprise en ce qu'elle répond aux exigences de l'article 155 de la loi du 25 janvier 1985 et permet le maintien de neuf emplois suivant l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail et le maintien de l'activité avec apport de garanties sur la capacité financière du repreneur, à assurer le paiement comptant du prix de vente et à disposer du besoin un fonds de roulement suffisant, ordonné la cession à M. Mevel, pour le compte de la société Financière de Luxeuil, de l'unité de production dépendant des liquidations judiciaires des sociétés susvisées des éléments corporels composés de l'actif mobilier dépendant de la procédure suivant inventaire, par commissaire-priseur à l'exclusion du matériel en contrat de leasing ou crédit-bail; des éléments incorporels composés du savoir-faire, des fichiers, enseignes et marques commerciales, à l'exclusion du droit du bail des locaux sis 17, rue Puebla, à Brest; des créances à recouvrer auprès des franchisés et de la marque Gymnasium, étant précisé que la propriété de cette marque a été cédée à la procédure et ne constituait pas un élément dépendant des fonds de commerce d'une des sociétés on liquidation judiciaire ";

Considérant que le mandataire liquidateur a indiqué que la cession s'était faite à l'exclusion des contrats de franchise et de tout passif; que la société Financière de Luxeuil a précisé que les contrats avec les franchisés n'ont pas été repris; que, cependant, elle a indiqué s'être engagée auprès du tribunal de commerce à accueillir dans les centres Gymnasium tous les titulaires de cartes Gymnasium, même souscrites auprès de franchisés ayant quitté l'ancien réseau; que, par ailleurs, elle a ajouté que les deux tiers des franchisés avaient quitté le réseau pour en former un nouveau sous une autre enseigne et qu'elle était en cours de négociation avec ceux des anciens franchisés désirant poursuivre l'exploitation sous l'enseigne Gymnasium; qu'à cet égard elle a fait parvenir au Conseil de la concurrence le 7 novembre 1995 la liste des anciens franchisés ayant signé un nouveau contrat avec elle et des nouveaux franchisés qui établissait que dix-neuf nouveaux contrats avaient été signés entre le 13 mai et le 6 juillet 1995 avec les franchisés appartenant à l'ancienne structure, étant précisé que sept autres étaient un cours de signature;

Considérant qu'en la matière, il convient d'examiner, au-delà de la personnalité juridique, si la continuité économique et fonctionnelle d'une entreprise a été assurée par celle qui lui succède; qu'en l'espèce, la société Financière de Luxeuil a repris l'essentiel des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce des sociétés animatrices du réseau et la marque "Gymnasium ", qui est l'élément fondamental du réseau de franchise en l'espèce; que les centres franchisés, qui demeurent dans le réseau, n'ont jamais changé d'enseigne; que l'opération est restée neutre pour les adhérents; que le repreneur a repris une part importante du personnel de Gymnasium franchise et que cet élément a été déterminant dans la décision du juge-commissaire d'attribuer à la société Financière de Luxeuil les éléments du fonds de commerce précités; que cette société a par ailleurs repris les créances sur les franchisés pour la somme de 990 000 F et que les contrats passés avec les anciens franchisés connue avec les nouveaux reprennent, à l'exception des dispositions sur l'agencement des centres par le décorateur du franchiseur et l'approvisionnement exclusif par la centrale d'achat du franchiseur, la forme et les termes des anciens contrats; qu'ainsi la société Financière de Luxeuil assure la continuité économique et financière des sociétés du groupe Gymnasium et qu'en conséquence, les pratiques de l'ancien franchiseur caractérisées précédemment lui sont imputables;

Considérant cependant que, conformément aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, il ne peut être imposé au cessionnaire d'une entreprise placée sous le régime de la liquidation judiciaire d'autres charges que celles qui sont prévues dans son plan de cession;

Sur les pratiques mises en œuvre par la société Financière de Luxeuil:

Considérant, en ce qui concerne la société Financière de Luxeuil en son nom propre, que si la présentation, la nature et l'objet ainsi que les dispositions sur l'enseigne du nouveau contrat proposé par la société Financière de Luxeuil aux franchisés sont identiques à celles de l'ancien contrat, les clauses relatives à l'aménagement des locaux et à l'approvisionnement ont été modifiées; qu'ainsi, l'aménagement des locaux ne dépend plus du décorateur du franchiseur mais est soumis à un cahier des charges et l'approvisionnement des franchisés relève désormais de fournisseurs référencés et non plus de la centrale d'achat du franchiseur;

Considérant enfin que la société Financière de Luxeuil fait valoir que le nouveau contrat de franchise qu'elle conclut avec les franchisés ne fait plus, à la différence du précédent contrat, référence à la fourniture par le franchiseur d'un tarif simplifié complet;

Considérant cependant qu'un certain nombre de contrats ont été conclus par la Financière de Luxeuil avec les nouveaux franchisés, mentionnant la référence à ce tarif simplifié (Gymnasium Lambersart et Lille [59], Courbevoie et Levallois-Perret [92] ou Reims [51]); que, néanmoins, cette référence est accompagnée d'un nota indiquant que ce tarif adressé régulièrement au franchisé n'a aucun caractère obligatoire et qu'il s'agit d'un tarif indicatif conseillé, conformément à la législation on vigueur; qu'enfin, il n'a pas été établi que l'envoi de ce tarif ait été accompagné de circulaires mentionnant son affichage obligatoire, immédiat et sans modification, ou de lettres de rappel visant à le faire respecter; que, dès lors, cette clause est insuffisante, à elle seule, à caractériser une pratique anticoncurrentielle,

Décide:

Article unique

Il n'y a lieu ni à sanction ni à injonction à l'encontre de la société Financière de Luxeuil.