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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 7 février 1991, n° ECOC9110017X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société d'exploitation des établissements R. Lazaar

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vengeon

Avocat général :

M. Jobard

Conseillers :

Mme Hannoun, MM. Canivet, Guérin, Mme Mandel

Avocat :

Me Tricot.

CA Paris n° ECOC9110017X

7 février 1991

La société d'exploitation des établissements Lazaar (ci-après Lazaar), entreprise d'électricité générale, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'entente selon elle mises en œuvre pour l'attribution des marchés publics du département du Doubs.

Par décision délibérée en commission permanente le 4 septembre 1990, le conseil a déclaré cette saisine irrecevable en estimant, d'une part, qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur la régularité des procédures de dévolution des marchés publics par une collectivité locale et, d'autre part, qu'aucune des pièces versées au dossier ne révèle l'existence de conventions contraires aux dispositions du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

La cour statue sur le recours formé contre cette décision par la société Lazaar qui en poursuit en premier lieu l'annulation, au motif que le conseil a fait une inexacte application de l'article 53 de l'ordonnance précitée, en considérant que les faits dénoncés relevaient de l'organisation du service public alors que, selon les termes de son mémoire, il s'agit d'opérations de construction préalables à l'organisation du service public et indépendantes de lui.

La requérante conclut, en second lieu, à la réformation de la décision, en soutenant que le conseil a estimé à tort que les ententes dénoncées n'étaient pas prouvées, alors que l'enquête de police diligentée en suite de la plainte qu'elle a déposée établit que :

- statistiquement, le cabinet Gillot-Jeanbourquin est désigné en qualité de technicien en économie de la construction dans la quasi-totalité des marchés du département de même que les entreprises GTFC pour le gros œuvre et la maçonnerie, Thermique Franc-Comtoise pour le chauffage, Mounie et Verdot pour la menuiserie, Est Electrique pour l'électricité, Verdot pour la charpente, Obliger pour la serrurerie et Laffond pour les plafonds ;

- dans de nombreux appels d'offres, le cabinet GillotJeanbourquin est associé à plusieurs candidats à un même marché :

- les services techniques du département incitent les architectes qui concourent à des marchés publics à utiliser les services de ce cabinet ;

- bien qu'adjudicataire d'un lot d'ingénierie du marché de la construction des pavillons de la gendarmerie de Miserey (25), ledit cabinet a facturé au titre du pilotage du chantier et s'est fait payer par les autres adjudicataires 2 p. 100 du montant de leurs travaux.

Selon la société Lazaar, ces faits sont constitutifs d'ententes prohibées et ont pour effet d'empêcher le libre exercice de la concurrence en répartissant entre certaines entreprises les marchés publics du département dont l'accès est interdit à d'autres et en provoquant ainsi une hausse artificielle des prix d'adjudication.

Elle soutient que la preuve en est notamment rapportée par les relations, révélées par l'enquête, existant entre le cabinet Gillot-Jeanbourquin et M. Georges Gruillot, président du conseil général, ensemble associés dans une société civile immobilière exploitant un immeuble rénové et les gratifications servies par ce cabinet à diverses personnes participant au choix des entreprises chargées des marchés publics.

Dans ses observations, le représentant du ministre chargé de l'économie conclut au rejet du recours.

Sur quoi LA COUR :

Considérant que la société Lazaar dénonce tout d'abord des actes de collusion entre des élus ou des fonctionnaires du département du Doubs et certaines entreprises attributaires de marchés publics ;

Considérant que,même s'ils sont déterminés par des relations ou des manœuvres préalables, ces faits participent de la décision de choix des entreprises chargées de la fourniture de travaux ou la prestation de services, prise par l'acheteur public pour lui-même, décision qui, en elle-même, n'est pas un acte de production de distribution ou de service auquel s'appliquent les règles définies par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que par ailleurs les facturations abusives et injustifiées lors de l'exécution de marchés publics reprochées au cabinet Gillot-Jeanbourquin ne peuvent être assimilées à des pratiques prohibées par les articles 7 et 8 de ladite ordonnance ;

Considérant enfin qu'il ne résulte de l'enquête produite aucun indice de ce que les offres faites par ce cabinet en association avec plusieurs concurrents à une même adjudication et la fréquente désignation des mêmes bureaux d'étude et entreprises pour l'exécution de marchés publics soient dues à des actions concertées, conventions, ententes ou coalitions entre les opérateurs économiques concernés ;

Considérant en conséquence que le conseil a estimé à juste titre que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence et qu'à bon droit il a déclaré sa saisine irrecevable.

Par ces motifs : Rejette le recours ; Condamne la société requérante aux dépens.