CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 31 octobre 1991, n° ECOC9110144X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Parouty
Défendeur :
Relais Hachette (SA), SNCF, Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
Mme Ezratty
Présidents :
Mme Hannoun, M. Canivet
Avocat général :
Mme Thin
Conseillers :
M. guérin, Mme Mandel
Avocats :
Mes Devallon, Momège.
Mme Yvette Grandperrin, épouse Parouty, a formé le 24 mai 1991 un recours contre la décision n° 91-D-20 du Conseil de la concurrence en date du 24 avril 1991 qui a déclaré irrecevable sa demande tendant à constater les pratiques anticoncurrentielles auxquelles se seraient livrées la SNCF et la société Hachette à son égard.
Cette instance a été engagée dans les circonstances suivantes :
Par contrat du 19 mars 1984, la SNCF a autorisé Mme Parouty à occuper un emplacement de 9 mètres carrés dans le hall de la nouvelle gare de Suresnes pour y exploiter une croissanterie. Ce contrat, conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er février 1984, était renouvelable par tacite reconduction avec faculté de dénonciation par lettre recommandée six mois avant la fin de l'année contractuelle, la SNCF pouvant y mettre fin pour nécessité de service ou tout autre motif dont elle demeurait seule juge ;
Mme Parouty ayant fait connaître qu'elle souhaitait que sa soeur reprenne l'exploitation de la croissanterie, la SNCF lui a répondu par lettre du 25 juillet 1990 que son contrat ne serait pas renouvelé à son échéance du 31 janvier 1991 et qu'une consultation serait organisée pour une nouvelle attribution de la concession ;
Six candidatures, dont celles de Mme Parouty et de sa soeur, s'étant manifestées à la suite de l'appel d'offres lancé le 19 octobre 1990, la concession a été attribuée à la société des Relais Hachette qui offrait la redevance la plus élevée ;
Tout en engageant une procédure devant le conseil de prud'hommes de Nanterre pour rupture de son contrat de travail, Mme Parouty a présenté devant le tribunal administratif de Paris une requête en annulation de la consultation relative à l'attribution de la concession, puis a saisi le Conseil de la concurrence le 15 mars 1991, date à laquelle elle devait libérer les lieux, en lui demandant de constater les pratiques anticoncurrentielles auxquelles se seraient livrées la SNCF et la société des Relais Hachette et de surseoir à l'attribution du local litigieux ;
Relevant que la mesure conservatoire sollicitée se trouvait subordonnée à la constatation de comportements susceptibles de se rattacher aux pratiques visées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que le non-renouvellement du contrat d'occupation du domaine public ainsi que le choix d'un nouvel attributaire se trouvaient exclus du champ d'application de cette ordonnance dans la mesure où ils ne constituaient pas une activité de production, de distribution ou de service au sens de son article 53, le Conseil de la concurrence a déclaré sa saisine irrecevable.
Mme Parouty poursuit la réformation de cette décision en demandant à la cour :
- de surseoir à statuer jusqu'à ce que le conseil de prud'hommes de Nanterre ait statué sur sa compétence ;
- d'ordonner à la SNCF de produire les pièces relatives à l'appel d'offres par elle organisé ;
- de dire que la SNCF et la société des Relais Hachette se sont concertées pour l'évincer du marché en exploitant son état de dépendance économique ;
- et que la société Hachette, personne morale de droit privé, a abusé de sa position dominante.
Exerçant la faculté d'intervention qui leur est réservée par l'article 7 du décret du 19 octobre 1987, la SNCF et la société Hachette ont présenté des observations tendant à la confirmation de la décision entreprise.
Le représentant du ministère de l'économie a conclu également au rejet du recours.
Sur ce, LA COUR :
Considérant que Mme Parouty demande tout d'abord qu'il soit sursis à statuer sur son recours jusqu'à ce que le conseil des prud'hommes de Nanterre se soit prononcé sur l'action engagée contre la SNCF sur le fondement d'un prétendu contrat de travail ; que toutefois la solution de cette action prud'homale est sans incidence sur l'issue du présent recours, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'intéressée a pu saisir le Conseil de la concurrence par application de l'article 11 de l'ordonnance précitée ;
Considérant au fond que dans le cadre du transport ferroviaire qu'elle a mission d'assurer, la SNCF offre dans l'enceinte des gares des prestations annexes comprenant notamment des services de restauration;
Que dans l'exercice de cette activité entrant dans le champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986, elle peut faire exécuter ces prestations commerciales par des entreprises à qui, pour ce faire, elle concède l'occupation de locaux situés dans le domaine public dont elle assure la gestion;
Considérant toutefoisque les conventions par lesquelles elle choisit les entreprises chargées de fournir les services s'incorporant à sa propre activité n'ont pas en elles-mêmes pour objet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés spécifiques concernés;
Qu'en l'espèce il n'est pas soutenu que la convention litigieuse ait eu un quelconque effet sur le marché de la croissanterie ;
Qu'en conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens tirés de son caractère administratif, le contrat par lequel la SNCF a concédé à la société Hachette un local dans l'enceinte de la gare de Suresnes pour y exercer une activité commerciale de croissanterie ne tombe manifestement pas sous le coup de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant par ailleurs que la requérante ne saurait soutenir que la société Hachette occupait une position dominante sur le marché de la croissanterie dans l'enceinte de la SNCF, alors qu'elle reconnaît elle-même qu'il n'existait que quatorze cafétérias Hachette sur l'ensemble du réseau à l'époque des faits litigieux ;
Considérant enfin que la requérante ne peut soutenir que le nonrenouvellement par la SNCF de la concession dont elle était attributaire constitue au sens de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 un abus de dépendance économique, dès lors qu'il lui est loisible de poursuivre la même activité dans tout autre local approprié et disponible sur le marché de la location d'immeubles à usage commercial ;
Considérant qu'il s'ensuit que le présent recours se trouve donc dénué de tout fondement et ne peut qu'être rejeté ;
Par ces motifs : Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ; Rejette le recours formé par Mme Parouty contre la décision du Conseil de la concurrence n° 91-D-20 du 24 avril 1991 ; Condamne la requérante aux dépens.