Conseil Conc., 21 mars 2000, n° 00-A-09
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Bergaentzlé, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice- présidente, M. Cortesse, vice-président.
Le Conseil de la concurrence (Commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 25 mars 1999, par laquelle la Fédération française du bàtiment a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis portant sur la possibilité de diffusion d'éléments relatifs aux " temps de pose " et, en particulier, sur un projet de document Anaprix ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er septembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement entendus, Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent : Par lettre du 25 mars 1999, la Fédération française du bàtiment a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'une demande d'avis portant sur un projet de document intitulé Anaprix destiné aux entreprises du bàtiment nouvellement créées et analysé comme une étude détaillée de prix. Après avoir présenté les caractéristiques de la Fédération française du bàtiment et le projet d'ouvrage qu'elle envisage de développer, le présent avis s'attachera à répondre à la question posée, étant rappelé qu'il n'appartient pas au Conseil de la concurrence, saisi d'une demande d'avis sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance précitée, de qualifier les pratiques de tel ou tel opérateur au regard des dispositions des articles 7 ou 8 de ladite ordonnance. Seules une saisine contentieuse et la mise en œuvre de la procédure pleinement contradictoire prévue par le titre III de l'ordonnance sont de nature à conduire à une appréciation de la licéité de la pratique ou des pratiques considérées au regard des dispositions prohibant les ententes illicites ou les abus de position dominante ou de dépendance économique.
I. - LE CONSTAT EFFECTUE PAR LA FEDERATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT
Comptant environ 50 000 adhérents, parmi lesquels 35 000 entreprises de forme artisanale et 15 000 entreprises de plus de dix salariés, la Fédération française du bàtiment est une organisation professionnelle chargée de la défense des intérêts des entreprises du secteur.
Dans le cadre de cette mission, la Fédération s'intéresse, en particulier, aux créateurs et repreneurs d'entreprises auxquels il lui paraît indispensable d'apporter une aide et un soutien à la gestion. Elle allègue que la moitié des entreprises nouvellement créées disparaissent dans les trois années de leur création en raison de leur manque de connaissance des méthodes de calcul du coût de revient.
Dès lors, la profession dans son ensemble estime qu'il existe " une réelle nécessité économique de mettre en ce domaine des outils fiables à disposition des entrepreneurs qui créent ou reprennent une entreprise et qui, de ce fait, ne possèdent pas d'éléments de référence antérieurs, notamment en l'absence du compte d'exploitation ". Selon la Fédération, un tel outil est d'autant plus nécessaire que la formation obligatoire d'une durée de quatre jours, à laquelle sont assujettis les futurs entrepreneurs avant leur inscription à une chambre des métiers, s'avère insuffisante.
Cet organisme envisage donc de développer un outil de formation, Anaprix, conçu " comme une aide à la gestion de ces entreprises pour leur première année d'activité, celles-ci étant invitées à utiliser par la suite, dès lors qu'elles maîtrisent leur gestion, d'autres outils ".
La Fédération indique qu'elle a voulu que le projet de document Anaprix, analysé comme une étude détaillée de prix, soit conforme, d'une part, à la décision du conseil n° 97-D-41 du 4 mars 1997 relative à des pratiques mises en œuvre par différents syndicats du bàtiment affiliés à la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises (CAPEB), dans la mesure où il ne donne " aucune information sur les coefficients forfaitaires de frais généraux, ni sur ceux de marge bénéficiaire " et, d'autre part, à l'avis du conseil n° 88-A-14 du 27 septembre 1988 relatif à des documents concernant le calcul des prix dans le secteur du bàtiment élaborés et diffusés par la Fédération du bàtiment et des travaux publics des Pyrénées-Atlantiques, dès lors que la Fédération française du bàtiment " n'entend nullement substituer sa propre appréciation à celle des entreprises sur leurs prix de revient et de vente. "
Toutefois, la Fédération française du bàtiment a constaté que l'étude de prix ayant fait l'objet de la décision n° 97-D-41 du 4 mars 1997 précitée fournissait aux entreprises des temps horaires pour chaque opération élémentaire. Dès lors, cet organisme s'interroge sur la conformité aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 des éléments d'information relatifs aux temps de pose qu'elle propose de faire figurer dans Anaprix et s'en remet à l'avis du conseil pour lui confirmer que " la diffusion de déboursés, qui prennent en compte obligatoirement les temps de pose, mais qui laissent à chaque artisan le soin de calculer sa marge bénéficiaire, n'est pas jugée anticoncurrentielle ".
II. - METHODE D'ELABORATION D'ANAPRIX
A. - Présentation d'Anaprix
La Fédération diffuse déjà à l'usage de ses adhérents un ouvrage didactique intitulé Anabase. Cet ouvrage se définit comme une méthode d'analyse des coûts et une base d'établissement des prix à l'usage des entreprises du bàtiment. Il expose la démarche à suivre pour calculer les prix de revient et de vente de leurs prestations sans faire référence à des éléments chiffrés.
Anaprix, selon la présentation qui en est faite par la Fédération, reprend la méthodologie d'Anabase pour devenir " un outil d'aide à l'établissement des prix sous forme d'une bibliothèque de sous-détails en déboursé " destiné " aux créateurs/repreneurs d'entreprise qui s'installent et ne disposent donc d'aucune référence pour établir leurs devis ". Ce document, en l'état actuel de son élaboration, se compose de trois pages à caractère général et de bordereaux personnalisés.
La partie théorique, consacrée à la méthode d'établissement d'un prix de vente, propose des définitions de base relatives aux éléments constitutifs des prix de revient et de vente sans comporter d'éléments chiffrés. Ainsi, Anaprix définit le prix en déboursé, les prix de revient et de vente de l'entreprise et énumère, de manière non exhaustive, les frais à prendre en compte pour calculer les coefficients de frais généraux et de marge bénéficiaire.
La partie applicative d'Anaprix prend la forme de bordereaux personnalisés d'ouvrages du bàtiment comportant six colonnes respectivement intitulées : " Description des ouvrages, U (unité), M.O. (main-d'œuvre), Déboursé, Prix de revient et Observations ". Seules sont systématiquement renseignées les rubriques " U " (pièce, mètre linéaire...), " M.O. ", correspondant au temps de pose et " Déboursé ". L'entrepreneur dispose, à titre d'information, du temps nécessaire à la réalisation de la prestation, le prix en déboursé incluant déjà cette donnée. Ainsi, l'ouvrage Anaprix permet de lire en direct le prix unitaire en déboursé de la mise en œuvre de la prestation technique décrite dans la partie " Description des ouvrages ". Le prix de revient s'obtient en multipliant le nombre d'unités par le déboursé, auquel il convient d'ajouter les frais généraux. Les prestations techniques concernent tous les corps de métier du bàtiment. A titre d'exemple, les indications relatives aux " Extraction de souche " et " Voirie provisoire " sont reproduites ci-dessous :
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Enfin, la Fédération prévoit une mise à jour annuelle des prix en fonction du taux d'inflation constaté, sauf en cas de décision législative ou réglementaire conjoncturelle ayant une incidence sur le niveau général des prix.
De ce qui précède, il résulte que le projet de document Anaprix comporte des prix en déboursé calculés à partir de quatre éléments constitutifs, les quantités et le prix des fournitures et des matériaux, le coût moyen horaire de la main-d'œuvre et le temps de pose dont les modalités d'établissement sont examinées ci-après.
B. - Modalités d'établissement du prix en déboursé
En premier lieu, le document Anaprix comporte un encadré signalé " important " précisant que les quantités de fournitures et de matériaux " comprennent les pertes d'emploi (coupes, déchets, etc.) ou de mise en œuvre (recœuvrement) " et que " les prix des fournitures et des matériaux sont calculés remise déduite ". Il est également indiqué que le coût horaire moyen de main-d'œuvre " tient compte des temps improductifs (déshabillage, temps perdu entre les chantiers, entretien du matériel, visite médicale...), des primes et indemnités (repas, transport et trajet) et des charges sociales et professionnelles imposées par la loi et les conventions collectives, y compris les jours fériés chômés payés et les autorisations d'absence exceptionnelle ".
En second lieu, la Fédération a précisé, au cours d'un entretien avec le rapporteur du projet d'avis qui a donné lieu à un compte rendu du 8 juillet 1999 ainsi que dans une fiche technique versée au dossier le 27 septembre 1999, que les prix des fournitures et des matériaux sont établis à partir des tarifs, remises déduites (10 à 30 %), de deux à trois grands fournisseurs de la région Ile-de-France pour chacun des produits entrant dans la composition d'un ouvrage. En outre, ces tarifs ont été comparés aux cours et mercuriales des fabricants et négociants. Par ailleurs, le prix des fournitures et des matériaux découle de la formule suivante : " prix rendu chantier (franco) remise déduite (10/30 %) " auquel est ajouté le " coût de main-d'œuvre pour déchargement et mise en dépôt sur chantier ". Enfin, partant du principe que les disparités régionales affectent peu les prix des fournitures et des matériaux, ces tarifs sont considérés valables sur tout le territoire national.
Le coût horaire moyen de main-d'œuvre fait l'objet de correctifs géographiques afin de tenir compte des accords de salaire locaux. Le coefficient de temps improductifs intégré au coût de main-d'œuvre est évalué à partir des moyennes de temps improductifs constatées dans chaque corps de métier.
Enfin, s'agissant du temps de pose, celui-ci tient compte du temps nécessaire à l'installation des outils en fonction de la technologie employée et des gains de productivité dégagés par la qualité de la mise en œuvre.
Dans ces conditions, il ressort que le prix en déboursé d'une prestation décrite dans Anaprix résulte, d'une part, d'éléments techniques tels que la méthode et la technologie utilisées, les contraintes de chantier et le savoir- faire pour ce qui concerne les quantités de fournitures et de matériaux employées, les temps improductifs et le temps de pose et, d'autre part, des prix établis à partir de valeurs moyennes, pour ce qui concerne les prix des fournitures et des matériaux, les remises appliquées à ces prix, le coût horaire moyen de main-d'œuvre, les primes et indemnités et les charges salariales.
III. - ANALYSE DU CONSEIL
Dans sa saisine, la Fédération se réfère à l'avis n° 88-A-14 du 27 septembre 1988 relatif à des documents concernant le calcul des prix dans le secteur du bàtiment et des travaux publics des Pyrénées-Atlantiques et à la décision n° 97-D-41 du 4 mars 1997 déjà citée, rendus par le Conseil de la concurrence, lesquels, selon elle, ne condamneraient pas la diffusion d'éléments d'information concernant les déboursés qui prennent obligatoirement en compte le temps de pose.
A. - Rappel de la position du conseil
Il convient, préalablement, de rappeler la position adoptée, à maintes reprises, par le conseil à l'égard des séries de prix, des barèmes ou des études de prix.
Le Conseil de la concurrence s'est prononcé sur les effets anticoncurrentiels des études de prix, même données à titre indicatif, quelle que soit la forme qu'elles prennent (barèmes, séries de prix, études de prix), dans la mesure où les prix des travaux déterminés forfaitairement sont sans relation avec les éléments de coût réels constatés dans chaque entreprise.
En effet, les coûts de gestion des entreprises travaillant dans des secteurs d'activité identiques varient de l'une à l'autre en fonction de la qualification professionnelle des salariés, de la localisation et de la taille de l'entreprise, des moyens techniques dont elle dispose, des conditions locales d'approvisionnement en fournitures et en matériaux, de la nature, du lieu et des conditions techniques de réalisation des chantiers. En outre, l'ensemble de ces facteurs influent directement ou indirectement sur les gains de productivité et sur les économies que peut réaliser l'entreprise.
Dans plusieurs de ses décisions et avis, le conseil a reconnu qu'un syndicat ou un groupement professionnel peut diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité. En effet, ainsi que le fait observer la Fédération, les créateurs et les repreneurs d'entreprises rencontrent fréquemment des difficultés liées à des connaissances insuffisantes dans le domaine de la gestion des coûts d'une entreprise. Toutefois, le conseil a mis en garde les organisations professionnelles contre certaines pratiques en précisant que : " L'aide à la gestion ainsi apportée ne doit pas avoir pour effet d'exercer une influence directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l'intérieur de la profession " et, en particulier, que : " Les indications données ne doivent pas avoir pour effet de détourner les entreprises d'une appréhension directe de leurs propres coûts qui leur permet de fixer individuellement leurs prix ".
En ce sens, outre les décisions auxquelles la Fédération se réfère, le conseil a rendu, dans des secteurs en relation directe avec celui du bàtiment, notamment l'avis n° 91-A-07 du 24 septembre 1991 relatif à une série de prix édictée par la ville de Nancy concernant les travaux d'entretien et petits travaux neufs, les décisions n° 91-D- 55 du 3 décembre 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts, n° 93-D- 54 du 30 novembre 1993 relative à des pratiques relevées dans le secteur du béton prêt à l'emploi, n° 97-D-45 du 10 juin 1997 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil national de l'Ordre des architectes, n° 99-D- 08 du 2 février 1999 relatuive à des pratiques mises en œuvre par l'Académie d'architecture dans le secteur du bàtiment et des travaux publics, cette décision ayant été confirmée par la cour d'appel de Paris, par arrêt du 8 février 2000.
En outre, la Commission technique des ententes et des positions dominantes avait rendu, dès le 4 juin 1975, un avis relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la distribution des montures de lunettes portant sur une étude de tarification dont les effets anticoncurrentiels avaient été mis en évidence. De même, dans un avis du 15 avril 1982, la Commission de la concurrence avait souligné les risques anticoncurrentiels de l'usage des séries de prix dans le secteur du bàtiment et des travaux publics, notamment dans l'établissement des marchés publics.
Dans ces conditions, l'étude détaillée de prix envisagée par la Fédération française du bàtiment dans le cadre du projet Anaprix, qui conduit à donner à l'entrepreneur en lecture directe le prix unitaire en déboursé d'une prestation comportant plusieurs éléments constitutifs qui résultent à la fois d'une approche technique normalisée et de calculs effectués à partir de valeurs moyennes, présente des inconvénients qui n'échappent pas aux critiques précédemment faites.
B. - Observations concernant Anaprix
Il convient, tout d'abord, d'observer que, dans la présentation générale de l'ouvrage, la Fédération affirme qu'Anaprix est conforme à la décision du conseil n° 97-D-41 du 4 mars 1997 relative à des pratiques mises en œuvre par différents syndicats du bàtiment affiliés à la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises (CAPEB), " qui a considéré comme licite la diffusion d'études de prix ne comportant pas de coefficients forfaitaires de frais généraux et de marge bénéficiaire ", dans la mesure où l'étude de prix soumise au conseil ne comportait pas de telles données et où il en serait de même pour le projet Anaprix. Or, le conseil, à l'évidence, n'a pas entendu énumérer, dans le cadre de cette seule décision, toutes les pratiques susceptibles d'être sanctionnées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Le prix d'achat des fournitures et des matériaux se calcule sur la base de quantités fixes supposées nécessaires à la réalisation d'une prestation spécifique fragmentée qui tient compte des pertes d'emploi ou des conditions de mise en œuvre. Ainsi, le paramètre " quantités " n'intègre pas les contraintes techniques auxquelles l'entrepreneur peut être soumis ou les avancées technologiques lui permettant, à l'inverse, de réaliser des économies de fournitures et de matériaux.
S'agissant des prix unitaires, ceux-ci ne résultent pas de constatations objectives vérifiables eu égard au fait que ces prix ont été obtenus à partir d'une enquête restreinte à la région Ile-de-France, auprès d'un échantillon de fournisseurs considérés comme représentatifs des tarifs pratiqués sur le territoire national. De surcroît, ces prix sont minorés de remises variant de 10 à 30 %, sans que le mode de calcul en soit indiqué (taux de remise retenus, quantités minimums achetées). Ainsi, les prix d'achat retenus résultent d'un arbitrage opéré par l'auteur de l'étude sur des bases inconnues des entrepreneurs. Outre le fait qu'un tel procédé n'est pas le reflet des conditions économiques locales auxquelles sont soumis les entrepreneurs, il est de nature à susciter des hausses artificielles de prix.
Par ailleurs, la Fédération précise que le temps de pose, c'est-à-dire le temps de main-d'œuvre, intègre " le temps d'installer les outils (aspects technologiques) et les gains de productivité qui sont fonction de la qualité de mise en œuvre ".
La solution retenue présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte les évolutions susceptibles d'améliorer la productivité. A cet égard, on peut, d'emblée, remarquer que la mise à jour d'Anaprix est envisagée uniquement en fonction de l'inflation constatée et non sur la base de considérations technologiques pouvant améliorer les conditions de mise en œuvre. Par ailleurs, s'il est admis que des gains de productivité peuvent aussi être obtenus par le savoir-faire et l'expérience, un tel résultat suppose, entre autres, que seuls soient employés des personnels qualifiés ayant une connaissance parfaite de leurs métiers. Par ailleurs, la détermination a priori d'un temps de pose pour une opération ne prend pas en compte la qualification professionnelle variable, voire évolutive, des salariés, la technologie employée ni l'environnement du lieu des travaux.
En matière de coût de main-d'œuvre, Anaprix se réfère à une notion de coût horaire moyen qui prend en compte les temps improductifs, les primes, les indemnités et les charges salariales et professionnelles. Le document ne fournit pas d'éléments objectifs d'information vérifiables sur les salaires ou sur les indemnités fixés par les conventions collectives qui ont servi au calcul de ce coût moyen, si sur la méthode adoptée pour calculer ce coût. De plus, la lecture d'Anaprix est de nature à fournir des informations erronées en laissant penser que les primes et leur niveau ont un caractère réglementaire et en écartant l'hypothèse où certains de ces avantages seraient accordés et déterminés par voie contractuelle.
En outre, le coût horaire moyen de main-d'œuvre intègre, notamment, un coefficient moyen de temps improductifs qui a pour objet de quantifier les temps non directement consacrés, au cours de la période légale de travail, aux travaux de mise en œuvre de la prestation. A titre d'exemples, Anaprix présente quelques situations caractéristiques considérées comme " improductives ", mais ne fournit d'indications ni sur la manière dont ont été déterminées les situations qui ont été prises en compte ni sur la méthode de calcul du coefficient de temps improductifs. Cette démarche relève, comme précédemment, de choix empiriques fondés sur une bonne connaissance du secteur et sur l'expérience, mais elle ne saurait être considérée comme la traduction objective des différentes situations susceptibles de se présenter. En particulier, une telle démarche ne tient pas compte des divers modes d'organisation de chaque chantier qui peuvent contribuer à réduire les périodes de temps improductifs.
Enfin, si le conseil a rappelé qu'il admettait que l'établissement d'une mercuriale n'était pas en soi contraire aux règles du droit de la concurrence, pour autant qu'un tel document se limite à publier des prix effectivement constatés pendant une période déterminée et relevés selon des méthodes scientifiques, le projet de document Anaprix ne peut, en aucun cas, compte tenu de ses modalités d'élaboration, être qualifié comme tel.
Conclusion
Le conseil ne peut finalement que confirmer sa position défavorable vis-à-vis des pratiques consistant soit à donner des indications chiffrées de coûts, qu'il s'agisse de coûts s'inscrivant dans des fourchettes ou de coûts forfaitaires, soit à fournir des prix dont les composantes sont établies, d'une part, à partir d'éléments techniques normalisés et, d'autre part, à partir de valeurs moyennes ne résultant pas de constatations objectives, dès lors que de telles pratiques induisent des rigidités dans la fixation des prix et dissuadent les entreprises de fixer ceux-ci de façon autonome à partir d'une meilleure connaissance de leurs coûts. De surcroît, les études de prix fournissent à chaque entreprise des indications sur les prix considérés comme normaux dans la profession, ce qui peut avoir pour effet non seulement de favoriser un alignement artificiel des prix, mais de conduire à des pratiques concertées en matière de passation des marchés publics.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur l'aspect positif d'une aide à la gestion apportée sous cette forme aux entrepreneurs, car, sous couvert d'une apparente facilité, la fourniture de prix standards peut avoir l'effet inverse de celui recherché par la démarche pédagogique de la Fédération en dissuadant les chefs d'entreprise de calculer leurs coûts et de fixer leurs prix en fonction de la situation réelle de leur exploitation et des caractéristiques de chaque chantier.