Cass. com., 5 février 1991, n° 89-17.626
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Philips électronique domestique (Sté)
Défendeur :
Chapelle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
M. Bézard
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Mes Choucroy, Ricard.
LA COUR : - Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 1989) que M. Chapelle qui revend au détail et à marges réduites des matériels hi-fi, TV et vidéo, s'approvisionne pour partie auprès de la société Philips électronique domestique (la société Philips) ; que celle-ci lui ayant opposé plusieurs refus de vente, M. Chapelle a contesté la licéité d'une clause des conditions générales de vente de cette société subordonnant l'octroi de certaines ristournes, calculées en fin d'année, au respect par le revendeur de la réglementation économique en matière de concurrence, notamment en matière de vente à perte et de prix d'appel et a saisi le conseil de la concurrence qui a accueilli cette demande et a infligé à la société Philips une sanction pécuniaire assortie d'une mesure de publicité ;
Attendu que la société Philips reproche à l'arrêt d'avoir confirmé cette décision alors que, selon le pourvoi, d'une part, ayant reconnu que la condition tenant au respect de la réglementation économique n'était pas en soi illicite, la cour d'appel qui refuse cependant au bénéficiaire de cette clause la faculté de faire jouer ladite condition prive sa décision de base légale au regard de l'article 1172 du Code civil ; alors que, d'autre part, contrairement aux énonciations de l'arrêt, les parties peuvent, sans se substituer aux autorités judiciaires et administratives et sans s'arroger de pouvoirs exorbitants, prévoir librement, comme en l'espèce, la suspension de leurs obligations tant qu'une condition n'est pas satisfaite, de sorte qu'en subordonnant la validité de la clause relative à la suspension du paiement des ristournes litigieuses à une demande en justice préalable, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 1134, 1168 et 1176 du Code civil ; alors qu'en outre la condition subordonnant le paiement de certaines ristournes au respect par le revendeur de la réglementation économique qui lui est applicable ne constitue pas une action prohibée sur le jeu du marché qui s'exerce normalement dans le respect des lois et règlements, de sorte que l'arrêt, qui se fonde sur la condition litigieuse pour décider que la société Philips aurait contrevenu à l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ; alors que, encore, en discernant l'effet prétendument prohibé des conditions de vente de la société Philips dans le fait que les détaillants ne pouvaient faire bénéficier leurs clients des ristournes litigieuses sans se mettre en infraction avec l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour d'appel, qui se fonde ainsi sur une disposition légale étrangère à l'action et au comportement de la société Philips, a privé sa décision de base légale au regard des articles 50 et 7 susvisés ; alors que, de surcroît, en laissant sans réponse les conclusions de la société Philips faisant valoir que l'enquête de la DNEC, réalisée sur une période de 4 jours, trop courte pour enregistrer les évolutions de prix dans les grandes surfaces, était infirmée par les relevés de l'Administration faisant apparaître des écarts de prix se situant, selon les produits, entre 7,8 % et 16,5 % et que les différences entre le seuil de la vente à perte et les prix pratiqués allaient de 11,1 % à 40,1 % et que ces indications se trouvaient corroborées par les panels professionnels, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors qu'enfin en se bornant à constater le caractère non négligeable des ristournes litigieuses (entre 12 et 18 %) sans rechercher, comme elle y était invitée, si les marges effectivement pratiquées et enregistrées dans les relevés de l'Administration ne laissaient pas aux revendeurs une latitude suffisante pour se livrer à la concurrence, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la clause litigieuse, qui laissait à la seule société Philips le pouvoir d'apprécier en fin d'année si les conditions d'octroi de la ristourne étaient ou non réunies, interdisait à M. Chapelle, sous peine de se voir éventuellement reprocher ensuite une vente à perte, d'en tenir compte pour le calcul de ses prix ; qu'ayant retenu qu'une telle pratique avait pour effet de maintenir un niveau artificiellement élevé des prix de vente au détail et de rendre impossible la revente avec marge bénéficiaire réduite, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a décidé à bon droit que cette pratique était prohibée par les articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les moyens ne sont donc fondés en aucune de leurs branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.