Conseil Conc., 26 mars 1996, n° 96-D-18
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne et des cabinets d'architecture à l'occasion d'un marché public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de M. Philippe d'Ayrenx, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, M. Rocca, membre, remplaçant M. Jenny, vice-président empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 1er septembre 1994 sous le numéro F 695, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu le code des marchés publics ; Vu les observations présentées par le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne, la société civile professionnelle Bosloup et Ravoux, les cabinets Archi 3 A et Pavlovic et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants du conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne, de la société civile professionnelle Bosloup et Ravoux, des cabinets Archi 3 A et Pavlovic entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. CONSTATATIONS
A. Le marché
Par un appel public à candidature publié le 14 février 1992, la commune de Chappes (63) a lancé un concours d'architecture en vue de la conception-réalisation d'un complexe sportif. Parmi les vingt et une candidatures qui lui sont parvenues, la commune de Chappes a retenu cinq cabinets d'architectes appelés à concourir en déposant avant le 21 août 1992 une esquisse du projet, accompagnée de plans de masse, de descriptifs sommaires et de chiffrages divers.
En raison de l'imprécision du cahier des à charges et de l'extrême diversité des projets qui lui ont été remis, la commune de Chappes n'a pu effectuer de choix et a demandé à l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) du Puy-de-Dôme, en qualité de mandataire, d'organiser un nouveau concours élargi à la conception-réalisation d'une caserne de pompiers et de garages communaux. L'enveloppe financière pour l'ensemble de ces travaux avait été fixée à 5 500 000 F. Les candidats sélectionnés pour le premier concours ont perçu l'indemnité de 4 000 F initialement prévue et ont été seuls conviés à participer au deuxième concours. Etaient ainsi concernées les équipes Pavlovic-Berzine, Chavarot-Souchayre, Bosloup et Ravoux, Cornet et Bourdonnais-Jacob.
La demande de prestations, résultant du cahier des charges diffusé le 12 mars 1993, consistait en une notice explicative sur le parti retenu, un tableau des surfaces, un plan de masse, un plan des niveaux au 1/100e, façades et coupe au 1/100e en noir et blanc, une notice explicative et estimative et un bilan d'exploitation sommaire.
Le règlement prévoyait une indemnisation des candidats à hauteur de 15 000 F par équipe si la collectivité désignait un lauréat ou si elle déclarait le concours sans suite, et une indemnité de 12 000 F si le concours était déclaré infructueux.
A ce propos, le directeur de l'OPAC du Puy-de-Dôme et du Massif central a déclaré lors de son audition par les enquêteurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le 23 décembre 1993 : " (...) Le montant de 15 000 F TTC a été proposé par l'OPAC par référence à des projets similaires (...). "
La remise des offres était prévue pour le lundi 17 mai 1993 et la réunion du jury était programmée pour le 21 mai 1993. M. Boilon, maire de Chappes, a indiqué, qu'avant la réunion du jury trois types d'information lui étaient parvenues :
- des informations orales " selon lesquelles un des cinq architectes aurait saisi l'Ordre des architectes au motif que l'indemnité était insuffisante " ;
- une lettre du 5 mai 1993 de l'Ordre des architectes qui était assortie " de menace de saisine du tribunal administratif si je (s'il) ne revoyais(t) pas les conditions de la consultation " ;
- une lettre du 14 mai 1993 de l'Ordre des architectes qui " m(l)'informais(t) que l'Ordre des architectes avait convoqué, devant mon (son) silence, les cinq équipes admises à concourir en leur demandant de ne pas répondre à la consultation ".
Le maire de Chappes a indiqué en outre : " Après cet appel au boycott de l'Ordre des architectes, deux offres ont été remises, deux cabinets ont fait connaître qu'ils suivaient le mot d'ordre syndical malgré leur envie de répondre et un cabinet ne s'est pas manifesté... Devant cette situation, nous avons déclaré le concours infructueux et nous n'avons ouvert aucun pli ".
Le conseil municipal du 21 mai 1993 décida, en conséquence, de déclarer l'appel d'offres infructueux pour insuffisance des offres et d'indemniser les candidats ayant déposé une offre. A la suite de cette délibération, un recensement des maîtres d'œuvre a été publié par l'OPAC le 8 juin 1993 et un choix direct sur références fut approuvé par le conseil municipal de Chappes le 7 juillet 1993, en dehors des candidats sélectionnés pour les premier et deuxième concours.
B. Les pratiques ayant affecté le concours d'architecture de mars 1993
1. Les pratiques de l'Ordre régional des architectes d'Auvergne
Dans sa lettre du 14 mai 1993, adressée au maire de Chappes, l'Ordre régional des architectes d'Auvergne écrivait : " pour notre part, nous avons convoqué... les cinq équipes admises à concourir afin d'attirer leur attention sur la non-conformité de cette consultation. Il leur a été demandé de bien vouloir se conformer à la déontologie de notre profession en ne répondant pas à cette consultation en son état. La concertation des équipes s'est faite au cours d'une réunion où les cinq équipes étaient présentes ; tenue le 26 avril 1993, elle fut présidée par M. Espagne, vice-président de l'Ordre régional qui a déclaré : " L'Ordre des architectes avait été alerté par un confrère le 23 avril 1993 sur les conditions du concours de Chappes pour un rendu le 17 mai 1993 ... ".
Dans le procès-verbal de déclaration aux enquêteurs du 13 décembre 1993, M. Espagne a décrit les conditions de déroulement de cette réunion et les décisions prises : " Nous avons exposé notre position et nous les avons informés également des articles traitant des concours dans le cadre du code des devoirs professionnels des architectes, et notamment de ses articles 18, 19 et 20 qui disent que la concurrence entre confrères ne peut se faire par sous-évaluation trompeuse des opérations projetées et des prestations à fournir et que l'architecte doit s'abstenir de participer à tout concours ou toute consultation dont les conditions seraient contraires au présent décret. Nous les avons informés de l'existence des articles du code des devoirs, de la possibilité de faire annuler ce marché devant le tribunal administratif, des sanctions disciplinaires possibles ". En ce qui concerne les conclusions de la réunion, M. Espagne a précisé : " Nous leur avons dit qu'ils étaient assez grands et qu'ils nous fassent connaître leur position définitive car une position unanime ne s'était pas dégagée ".
Dans la même audition, M. Espagne a ajouté : " Les cinq candidats ont répondu... C'est sur la synthèse de ces réponses que nous avons écrit au maire de Chappes le 5 mai 1993. Nous n'avons pas repris contact avec le maître de l'ouvrage ". La lettre du 5 mai 1993 critiquait le niveau des prestations demandées au regard du montant d'indemnisation des concurrents ainsi que l'absence d'indication sur la composition du jury et demandait une révision des conditions de la consultation, à défaut de quoi l'Ordre régional se réservait la possibilité de saisir les tribunaux compétents.
Le maître de l'ouvrage a alors reçu une lettre, en date du 14 mai 1993, par laquelle l'Ordre des architectes a confirmé avoir convoqué les cinq équipes admises à concourir et leur avoir demandé de bien vouloir se conformer à la déontologie en ne répondant pas à cette consultation en son état.
2. Les pratiques de MM. Pavlovic et Berzine, architectes
M. Pavlovic, architecte à Chappes, faisait équipe avec M. Berzine, architecte à Clermont-Ferrand.
Dans son procès-verbal de déclaration aux enquêteurs du 6 avril 1993, M. Pavlovic a reconnu être l'architecte à l'origine de l'intervention de l'Ordre. " L'indemnisation était, me semble-t-il, de 12 000 F dans l'hypothèse où le concours serait infructueux. " C'était " l'indemnisation qui paraissait la plus probable par rapport à l'indemnisation de 15 000 F TTC prévue par ailleurs dans le programme du concours. J'ai donc réagi. J'ai alerté l'Ordre car cette succession de mise en concurrence pouvait continuer longtemps. Les architectes ne sont pas là pour faire plaisir aux élus et obéir sans se poser de questions ". II ressort donc de ces propos que c'est un problème d'indemnisation qui est à l'origine de la saisine de l'Ordre des architectes.
Cette motivation a été reprise sous une autre forme dans la lettre que M. Pavlovic a écrite, avec M. Berzine, à l'Ordre des architectes d'Auvergne, à la suite de la réunion organisée par celui-ci le 26 avril 1993, pour confirmer la position de son équipe. Dans ses déclarations aux enquêteurs du 17 décembre 1993, M. Berzine a, en effet, reconnu avoir également participé au premier concours et il a confirmé que c'est son équipe qui a réagi sur le deuxième concours car " le dossier était rémunéré à hauteur de 12 000 F TTC et qu'il avait été étendu à la construction d'une caserne des pompiers et de garages municipaux ". Il a, en outre, précisé que " l'Ordre a conseillé de ne pas remettre et, pour ne pas être torpillé par qui que ce soit, il a demandé de confirmer par écrit ". M. Berzine a ajouté à sa déclaration : " Nous, nous avons confirmé que nous ne rendions pas. II n'y a pas de petite affaire. C'est une question de principe. Et nous n'avons pas rendu ... "
3. Les pratiques de MM. Bosloup et Ravoux, architectes
M. Bosloup a reconnu pour le compte des deux associés qu'ils avaient bien participé à un premier concours suite à un appel de candidatures dont la date de reddition était fixée au 21 août 1992 alors que ce concours était indemnisé à hauteur de 4 000 F.
M. Bosloup a été amené à préciser à propos du deuxième concours : " Nous avons reçu le programme et le règlement du concours et nous avons travaillé sur le projet jusqu'à ce que nous ayons reçu la lettre de l'Ordre régional des architectes datée du 23 avril 1993 " qui " était une convocation impérative de nous rendre au siège de l'Ordre ... pour régler des problèmes contraires à notre déontologie dans l'affaire de Chappes suite à l'intervention d'une des équipes concernées ". A propos de cette réunion, M. Bosloup a indiqué que le problème était de savoir, vu le faible montant des indemnités, si les équipes devaient rendre un projet et il devait ajouter qu'ils étaient d'accord sur le fond mais que l'intervention leur paraissait tardive. Le cabinet Bosloup et Ravoux a alors confirmé à l'Ordre des architectes sa position prise en réunion par une lettre précisant que le cabinet se soumettrait à la décision de la majorité. Il a, par ailleurs, complété cette déclaration en indiquant que, suite à la lettre de l'Ordre adressée au maire de Chappes le 14 mai 1993, le cabinet avait écrit au maire de Chappes le 14 mai également en lui précisant qu'il restait à sa disposition mais qu'il suivait les directives données par l'Ordre. Le cabinet Bosloup et Ravoux n'a donc pas remis de dossier.
4. Les pratiques du cabinet Archi 3 A
M. Cornet dirige le cabinet Archi 3 A situé à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). II a confirmé avoir participé à un premier concours rémunéré à hauteur de 4 000 F dont il n'a jamais eu le résultat. Il reconnaît avoir travaillé sur une deuxième consultation organisée sous forme de concours d'architectes avec l'OPAC comme mandataire. Il a précisé qu'au cours de la période des études il a été convoqué par l'Ordre des architectes de la région Auvergne pour assister à une réunion de tous les candidats participant à ce concours. M. Cornet a relevé qu'au cours de cette réunion " il a été constaté que les rémunérations ne correspondaient pas aux prestations à rendre en se référant à la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques ".
M. Cornet a, en outre, fait état de deux lettres, l'une adressée au maire de Chappes pour l'informer qu'il ne rendait pas de projet malgré l'intérêt qu'il portait à l'affaire, l'autre posant à l'Ordre le problème des architectes qui répondraient malgré la décision qui avait été prise à la majorité lors de la réunion de tous les candidats au siège de l'Ordre.
II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur les pratiques constatées :
En ce qui concerne l'Ordre régional des architectes d'Auvergne :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion du concours restreint d'architecture lancé le 12 mars 1993 par l'OPAC du Puy-de-Dôme, mandataire de la commune de Chappes, pour la conception-réalisation d'un complexe sportif, d'une caserne de pompiers et de garages communaux, le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne, alerté par le cabinet Pavlovic, a convoqué l'ensemble des candidats appelés à concourir à une réunion au cours de laquelle a été contesté l'ensemble du montant de l'indemnisation des concurrents qui avait été arrêté par le maître d'ouvrage ; qu'à la suite de cette réunion le conseil régional de l'Ordre, se référant au code des devoirs professionnels des architectes qui interdit à ceux-ci de participer à toute consultation dont les conditions seraient contraires audit code et se fondant sur l'insuffisance de l'indemnisation proposée par le maître de l'ouvrage, a informé les participants des sanctions disciplinaires possibles et leur a demandé de ne pas répondre à la consultation ;
Considérant qu'après avoir tenté, le 5 mai 1993, de faire revenir le maître d'ouvrage sur les conditions d'indemnisation des concurrents en menaçant de saisir de la procédure les tribunaux compétents, l'Ordre régional des architectes d'Auvergne a fait connaître au maire de Chappes, par lettre du 14 mai 1993, qu'il avait demandé aux candidats sélectionnés de ne pas répondre à la consultation; qu'en diffusant auprès de tous les architectes sélectionnés ce mot d'ordre l'Ordre régional des architectes d'Auvergne a mis en œuvre une action concertée de boycott, de nature à entraver l'accès des architectes à ce marché ;
En ce qui concerne les cabinets d'architecture :
Considérant que les cabinets Pavlovic, Berzine, Bosloup et Ravoux, Archi 3 A, convoqués à la réunion de concertation du 26 avril 1993 et y ayant participé, ont fait connaître ultérieurement par écrit à l'Ordre régional des architectes d'Auvergne soit qu'ils ne répondraient pas à la consultation (M. Pavlovic et M. Berzine), soit qu'ils se soumettraient à la décision de la majorité (cabinets Bosloup et Ravoux et Archi 3 A) ; qu'il est établi que ces cabinets n'ont pas répondu, participant à l'action de boycott du marché ; que le cabinet Pavlovic a pris une part active à cette action prohibée en étant à l'origine de l'intervention de l'Ordre régional des architectes d'Auvergne ;
Considérant que la SCP Bosloup et Ravoux soutient que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est de nature pénale et qu'à raison de sa nécessaire interprétation stricte le terme de boycott résultant des griefs qui lui ont été notifiés n'est pas de ceux qu'est susceptible de viser cet article ;
Mais considérant que les pratiques visées à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont prohibées que dans la mesure où elles ont pour objet ou qu'elles sont susceptibles d'avoir pour effet de porter atteinte au jeu de la concurrence sur un marché ; que cette prohibition d'ordre public n'est pas de nature pénale ; que les sanctions pécuniaires prises par le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article 13 de l'ordonnance précitée n'ont pas le caractère d'amendes pénales ;
Considérant que cette action de boycott concertée menée par l'Ordre régional des architectes d'Auvergne et les cabinets Pavlovic, Berzine, Bosloup et Ravoux et Archi 3 A a été suivie d'effet puisque deux seulement des cinq équipes sélectionnées ayant répondu à la consultation, le maître d'ouvrage a dû déclarer le concours infructueux, au motif d'une concurrence insuffisante ; que, par son objet comme par ses effets, cette action de boycott concertée constitue une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur l'application du 1 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne soutient qu'au titre de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et de ses décrets d'application, il est garant de la bonne application des textes et qu'avant même la publication du décret du 29 novembre 1993 pris en application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, le principe d'indemnisation des candidats à un concours d'architecture était inscrit dans le code des marchés publics ; qu'au regard des dispositions du décret précité comme de celles du code des devoirs professionnels institué par le décret n° 80-2 17 du 20 mars 1980, les actions litigieuses doivent bénéficier de l'exonération prévue par l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, notamment, les actuels articles 18 et 20 dudit code interdisent aux architectes de se prêter à des pratiques de sous-évaluations trompeuses des prestations à fournir et de participer à des consultations qui seraient contraires à ce code ; qu'en l'espèce, l'Ordre régional était fondé à exiger l'application de ces dispositions dont le respect était passible de poursuites disciplinaires ;
Considérant que le cabinet Archi 3 A se prévaut de la même exonération au titre de son obligation de respecter l'article 20 du code de déontologie ; que, sans se prévaloir du bénéfice de l'article 10 de l'ordonnance, la SCP Bosloup et Révoux soutient qu'elle était dans l'obligation de se conformer aux injonctions de l'Ordre régional des architectes d'Auvergne ;
Mais considérant que la défense de la qualité des constructions et des intérêts de la profession d'architecte par l'Ordre régional des architectes d'Auvergne ou par un ordre professionnel, s'agissant des conditions d'organisation d'un concours d'architecture par une collectivité publique et de la détermination de l'indemnité versée aux candidats, ne saurait autoriser cet organisme à recourir à un mot d'ordre de boycott dudit concours, visant à imposer la modification des conditions d'organisation du concours et un montant minimal pour l'indemnisation des candidats ; que ni la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, ni le décret n° 80-217 du 20 mars 1980 pris pour son application n'ont édicté des normes restrictives de concurrence concernant l'indemnisation des concurrents ayant participé à un concours public de maîtrise d'œuvre ; que les dispositions des décrets du 29 novembre 1993, relatifs respectivement aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, aux concours d'architecture et d'ingénierie organisés par les maîtres d'ouvrage publics à l'application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, et aux termes de laquelle l'indemnisation ne peut être inférieure au coût estimé des études de conception affecté d'un abattement maximum de 20 p. 100, n'étaient pas applicables à l'espèce ;
Considérant que les allégations du cabinet Archi 3 A et de la SCP Bosloup et Ravoux sur l'obligation de se conformer aux injonctions de l'Ordre régional des architectes d'Auvergne visant au respect des obligations du code des devoirs professionnels ne sont pas de nature à les soustraire à l'application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance précitée ;
Considérant, par ailleurs, que si les cabinets concernés et l'Ordre régional des architectes d'Auvergne entendaient répondre par une action concertée à des agissements qu'ils estimaient illicites du maître d'ouvrage, s'agissant des conditions d'organisation et de publicité du concours, ou de l'indemnisation des candidats, il leur appartenait de faire valoir leur point de vue auprès des autorités compétentes et d'utiliser, le cas échéant, les voies de droit à leur disposition ;
Considérant que les actions menées, qui avaient pour objet d'empêcher ou de limiter l'accès au marché ne pouvaient constituer une conséquence inéluctable de l'application des textes évoqués par leurs auteurs ; que, par suite, le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne et les cabinets Pavlovic, Berzine, Bosloup et Ravoux et Archi 3 A ne peuvent utilement invoquer ni les dispositions du 1 de l'article 10 de l'ordonnance du P' décembre 1986 ni celles du code des devoirs professionnels des architectes, pour s'exonérer de la prohibition définie à l'article 7 de la même ordonnance ;
Sur les suites à donner :
Considérant que M. Berzine, ayant fait équipe avec M. Pavlovic, a personnellement participé à la réunion du 26 avril 1993 et a partagé les mêmes responsabilités ; que si les griefs notifiés sont établis par les éléments du dossier, il doit être relevé qu'il a cessé définitivement l'exercice de la profession ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanctions à son encontre ;
Sur les sanctions :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. II peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction... Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ; qu'en application de l'article 22, alinéa 2 de la même ordonnance, la commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13, les sanctions infligées ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;
Considérant que la mise en œuvre d'une pratique concertée de boycott visant à empêcher le déroulement normal d'un concours d'architecture est d'une particulière gravité ; que le dommage à l'économie est avéré dès lors que cette action illicite a eu pour effet de faire échec à la consultation organisée par l'OPAC du Puy-de-Dôme pour un marché d'une valeur de plus de 5 millions de francs ;
En ce qui concerne le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne :
Considérant que le conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne a délibérément écarté les voies de droit évoquées dans sa lettre du 5 mai 1993 ; que l'évocation par l'Ordre d'éventuelles sanctions disciplinaires à l'encontre de candidats souhaitant soumissionner a été un élément déterminant de la décision prise par certains d'entre eux, alors même qu'aucune action disciplinaire n'a été engagée ensuite à leur encontre ; que le conseil régional de l'Ordre a été l'organisateur, de l'action concertée illicite et a exercé des pressions sur les cabinets concernés ;
Considérant que les ressources du conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne, au cours de l'exercice 1995, se sont élevées à 761 097 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 170 000 F ;
En ce qui concerne le cabinet d'architecte Pavlovic :
Considérant que M. Pavlovic a reconnu être à l'origine de l'action concertée dont l'Ordre des architectes d'Auvergne a été l'organisateur ; qu'il a clairement pris position en faveur d'un refus collectif de soumissionner et donc activement participé au mot d'ordre de boycott ; que M. Pavlovic a réalisé, au cours de l'exercice 1994, un chiffre d'affaires de 366 000 F, qu'il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 3 000 F.
En ce qui concerne la SCP d'architectes Bosloup et Ravoux :
Considérant que la SCP Bosloup et Ravoux a participé à la réunion du 26 avril 1993 et mis en œuvre la décision concertée de boycott en ne soumissionnant pas au concours d'architecture ; que, toutefois, il n'est pas établi qu'elle ait pris une part active à cette action illicite ; que la SCP Bosloup et Ravoux a réalisé, au cours de l'exercice 1995, un chiffre d'affaires de 650 000 F, qu'il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 500 F.
En ce qui concerne la SARL Archi 3 A :
Considérant que la SARL Archi 3 A a participé à la décision concertée de boycott en ne soumissionnant pas au concours d'architecture et qu'elle a confirmé sa position par lettres adressées le 28 avril et le 10 mai 1993 à l'Ordre des architectes d'Auvergne ; que la SARL Archi 3 A ayant réalisé, au cours de l'exercice 1994, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires de 6 658 741 F, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 20 000 F,
Décide :
Article unique : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
170 000 F au conseil régional de l'Ordre des architectes d'Auvergne ;
3 000 F à M. Dragoljub Pavlovic (cabinet d'architecte Pavlovic) ;
2 500 F à la SCP Bosloup et Ravoux ;
20 000 F à la société Archi 3 A.