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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 5 octobre 1995, n° 40-94

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Duval (Époux)

Défendeur :

Prodim (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Credeville

Conseillers :

Mme Masselin, M. Dragne

Avoués :

Mes Couppey, Reybel

Avocats :

Mes Guillemin, Boniface, Cosse.

T. com. Saint-Valéry-en-Caux, du 7 déc. …

7 décembre 1993

FAITS ET PROCEDURE

Le 4 février 1986, les époux Duval ont pris en location-gérance un fonds de commerce d'alimentation, de type supermarché, sis à Cany Barville, jusqu'alors exploité sous couvert d'un contrat de franchise par le bailleur : la société Suca, à l'enseigne " Banco ".

Cette mise en location-gérance faisait suite à la décision de la société Suca d'entreprendre, également sous couvert d'un contrat de franchise, l'exploitation d'un autre supermarché, de plus grande taille, à l'enseigne " Champion ".

Le jour même, les époux Duval ont conclu avec la société Promodès, animatrice des deux réseaux " Banco " et " Champion ", un contrat de franchise emportant notamment autorisation d'utiliser la première enseigne qui sera remplacée, en cours d'exécution du contrat, par celle de " Shopi ".

Dans le courant de l'année 1988, la société Promodès a, par suite d'un traité d'apport partiel d'actif, transféré à sa filiale, la société en nom collectif Prodim, son secteur d'activités dans le cadre duquel le contrat avait été conclu. Le transfert a pris effet le 1er janvier 1989.

Fin 1992, des difficultés se sont élevées entre les parties, liées à la constatation par les époux Duval d'une baisse de chiffre d'affaires et de rentabilité de leur exploitation, qu'ils ont imputée à la politique commerciale du " groupe Promodès " et aux tarifs non concurrentiels d'approvisionnement qu'il leur aurait appliqué.

Les époux Duval ont dénoncé ces circonstances à l'occasion de nombreuses lettres (8, 27 et 29 novembre ; 10 décembre 1992) adressées audit " groupe " et visant notamment la concurrence anormale dont ils seraient victimes de la part du supermarché " Champion ", auquel auraient été accordées des conditions très avantageuses.

Les parties se sont alors acheminées vers une complète rupture, notamment marquée en dernier lieu par les échanges ci-après :

- notification par les époux Duval au " groupe Promodès " de leur décision de ne plus le considérer " comme fournisseur privilégié... jusqu'à nouvel ordre ", de mettre fin à autorisation de prélèvement bancaire qu'ils lui avaient consenti, et de désormais payer les livraisons par chèque, celui-ci étant invité à adresser ses factures à leur comptable : la société Socogere (8 janvier 1993) ;

- mise en demeure faite par la société Prodim Ouest aux époux Duval d'avoir à régler sans délai une somme de 437 879,87 F correspondant à des livraisons impayées (17 février 1993) ;

- lettre des époux Duval au " groupe Promodès " pour lui faire part qu'il venaient d'apprendre qu'il avait " donné instruction à [ses] différents services de ne plus livrer " et prenant ainsi " acte de [sa] décision de mettre un terme à [leurs] relations commerciales et de dénoncer l'accord de franchise signé le 4 février 1986 " (23 février 1993) ;

- obtention par la société Prodim d'une ordonnance l'autorisant à reprendre en nature les marchandises impayées, toujours en possession des époux Duval, compte tenu d'une clause de réserve de propriété assortissant ses fournitures (22 février 1993) et exécution de cette reprise (24 février 1993) ;

- dénonciation par la société Suca du contrat de location-gérance, pour prendre effet trois mois plus tard, soit le 5 juin 1993, " en raison des faits soulevés par la société Promodès avec laquelle la société Suca a signé un contrat de franchise prenant fin au terme des engagements financiers... " (3 mars 1993) ;

- rejet par le Président du Tribunal de Commerce, saisi en référé, d'une demande des époux Duval tendant à voir les sociétés Promodès et Prodim condamnées à leur verser une provision de 1 200 000 F à valoir sur le remboursement d'un trop perçu de redevances de franchise, et à voir désigner un expert en prévision d'une action judiciaire qu'ils se proposaient d'engager (13 avril 1993) ;

- assignation en référé des époux Duval, par la société Prodim, aux fins de condamnation à paiement d'une provision de 401 600 F à valoir sur le prix de marchandises restant impayées malgré la reprise en nature effectuée.

A l'audience de référé, le Président du Tribunal a décidé - en accord avec les parties - de renvoyer l'ensemble du différend devant la formation collégiale du Tribunal.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 7 décembre 1993, le Tribunal de Commerce de Saint-Valéry-en-Caux a notamment :

- retenu à titre liminaire, " qu'une confusion certaine des deux entités juridiques Prodim-Promodès est entretenue volontairement ou involontairement par les parties ", que " la société Promodès doit être considérée comme intervenant volontaire à l'instance ", dès lors " qu'elle a pu développer ses arguments et exposer ses moyens de défense en sa qualité de franchiseur partie au contrat de franchise " ;

- écarté les moyens que les époux Duval prétendaient tirer de leur dépendance absolue à l'égard du franchiseur et de l'absence de transfert de tout savoir-faire, pour prétendre à la nullité du contrat de franchise ;

- admis que les époux Duval pouvaient en revanche réclamer le remboursement de la différence entre les redevances de franchise qu'ils s'étaient contractuellement engagés à verser (0,40 % sur le chiffre d'affaires) et celles effectivement payées (selon un taux n'ayant jamais cessé de progresser, passant à 1,6 % en 1988 pour atteindre 2,12 % en 1992) ;

- constaté que la société Promodès était étrangère au contrat de location-gérance du fonds de commerce conclu avec la société Suca, et qu'elle ne pouvait donc être recherchée du fait de sa résiliation ;

- estimé que les époux Duval ne pouvaient sérieusement contester, notamment en mettant en cause les conditions de chiffrage des marchandises reprises en nature, les sommes dont ils restaient redevables au titre des livraisons restées impayées.

Il a en conséquence statué comme suit :

- Reçoit la société Prodim en sa demande en paiement ; la déclare bien fondée,

- Condamne les époux Duval à payer à la société Prodim la somme de 401 604,26 F avec intérêts de droit à compter du 22 mars 1993, date de l'assignation,

- Reçoit M. Philippe Duval et Mme Jacqueline Duval en leur demande reconventionnelle de restitution du trop perçu, la déclare bien fondée,

- Condamne la société Promodès SA à payer à M. et Mme Duval la somme de 1 223 337,71 F avec intérêts de droit à compter de ce jour,

- Déclare irrecevable la demande des époux Duval en dommages et intérêts,

- Déboute les parties de toutes conclusions contraires ou plus amples.

Première à conclure au fond, après avoir interjeté appel de cette décision, la société Promodès fait grief aux premiers juges de l'avoir condamnée alors qu'elle n'aurait nullement été partie à l'instance.

De toute manière, c'est vainement que les époux Duval prétendraient la rechercher :

- nullité du contrat de franchise : l'action serait frappée de prescription conformément à l'article 1304 du Code Civil ; les moyens invoqués par les époux Duval seraient en outre entièrement inopérants, à commencer par la référence faite à la " dépendance économique " visée par l'ordonnance du 1er décembre 1986, inapplicable à l'espèce comme postérieure au contrat.

- répétition de l'indû : l'action se heurterait ici encore à la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du Code Civil pour les cotisations antérieures à mars 1988 ; de par l'effet de l'apport partiel d'actif, elle ne pourrait au mieux être concernée que par les redevances perçues entre cette dernière date et le 31 décembre 1988 ; mais, celles-ci auraient été parfaitement justifiées, les parties étant normalement convenues d'une augmentation du taux.

La Cour devrait donc :

- Recevoir la société Promodès en son appel contre le jugement du 7 décembre 1993,

- Annuler purement et simplement cette décision en ses dispositions concernant la société Promodès, et dire qu'il n'en sortira aucun effet à son encontre,

Subsidiairement, réformant ledit jugement,

- Déclarer irrecevable comme prescrite - par l'article 2277 du Code Civil - l'action en répétition de l'indû des époux Duval contre Promodès, et déclarer également irrecevable comme prescrite - sur le fondement de l'article 1304 du Code Civil - leur action en nullité du contrat de franchise,

Plus subsidiairement,

- Rejeter comme mal fondées au fond, les actions et prétentions des époux Duval,

- Débouter les époux Duval de toutes leurs demandes contre la société Promodès et décharger celle-ci des condamnations contre elle prononcées par le jugement entrepris,

- Condamner les époux Duval à payer à la Société concluante la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Concluant à l'appui de l'appel qu'ils avaient également interjeté, les époux Duval soulignent qu'en l'état des circonstances particulières à l'espèce - et notamment des conditions dans lesquelles l'affaire a été renvoyée en formation collégiale - c'est à bon droit que les premiers juges auraient estimé que la société Promodès devait être considérée comme intervenante volontaire.

Contrairement à ce que soutient la société Promodès, leur demande de nullité du contrat de franchise ne se heurterait nullement à la prescription, ne serait-ce que parce que formulée en défense à une action engagée par la société Prodim.

Et, l'annulation s'imposerait alors que :

- il n'y aurait eu transmission d'aucun savoir-faire, la société Promodès ayant " mis en place, sous le vocable de franchise, un système qui lui permet de tirer parti des avantages d'une franchise, tout en maintenant le réseau de franchisés sous une dépendance absolue, incompatible avec le statut d'exploitant indépendant... " ;

- les prix et quantités auraient été indéterminés, malgré l'obligation d'approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif qui résultait pour eux d'un contrat consacrant leur soumission à l'arbitraire du franchiseur ;

- le contrat les aurait placés dans une situation de complète dépendance dont le franchiseur aurait abusé en développant son emprise à tous les niveaux (modalités de passation des commandes ; tenue de la comptabilité jusqu'en 1991 ; augmentation du taux de redevances ; délégation bancaire, prix imposés selon diverses techniques...) et en rompant abusivement le contrat lorsque les époux Duval auraient tenté de s'en affranchir ;

L'annulation ne serait-elle pas prononcée que l'action des époux Duval en répétition de l'indû serait parfaitement recevable et bien fondée. En effet, comme exactement retenu par les premiers juges, les prélèvements de redevances auraient excédé les prévisions contractuelles et n'auraient présenté aucun caractère volontaire puisque effectués d'office par le franchiseur.

Seul serait critiquable le point de départ des intérêts retenus par les premiers juges, compte tenu de la mauvaise foi de la société Promodès, et de la faute qu'elle aurait commise en provoquant la résiliation du contrat de location-gérance.

S'agissant des prétentions de la société Prodim au titre des marchandises impayées, l'annulation du contrat de franchise la priverait du droit de réclamer leur montant au prix facturé. En outre, la consistance même des marchandises restées en possession des époux Duval ne pourrait être définie compte tenu des conditions dans lesquelles la reprise aurait été effectuée.

Il appartiendrait en conséquence à la Cour de :

- Recevoir Promodès en son appel, l'y déclarer mal fondée,

- Recevoir les époux Duval en leur appel, les y déclarer bien fondés,

- En conséquence, prononcer la nullité du contrat conclu entre les parties en février 1986 avec toutes conséquences de droit,

- Condamner Promodès et/ou Prodim à restituer aux époux Duval la somme de 1 612 901,84 F au titre des rémunérations indues et sans cause et ce avec intérêts de droit à compter du jour de leur perception,

Subsidiairement,

- Condamner la société Promodès et/ou Prodim à payer à M. et Mme Duval 1 223 337,71 F avec intérêts de droit à compter du jour de la perception, ou à défaut du jour de la demande,

- Condamner la société Promodès SA et Prodim à payer aux époux Duval la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,

- Condamner Promodès et Prodim à payer aux époux Duval la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Pour la société Prodim, force serait de constater qu'elle a été étrangère à la formation du contrat de franchise.

Cette circonstance ferait obstacle à ce que les époux Duval puissent poursuivre à son encontre la nullité dudit contrat. Au demeurant, cette action se trouverait de toute manière prescrite par application de l'article 1304 du Code Civil, au moins en ce qu'elle tend à fonder la demande de restitution des redevances de franchise.

En irait-il d'ailleurs différemment que ne serait justifié aucun des moyens invoqués, qu'il s'agisse des prétendues absence de communication de savoir-faire, indétermination du prix, dépendance économique.

Les demandes des époux Duval, distinctes des moyens de nullité, ne seraient pas plus fondées.

La rupture entre les parties serait imputable aux époux Duval ainsi qu'il résulterait de leur lettre du 23 février 1993.

Les taux appliqués en matière de redevances de franchise s'expliqueraient par les prestations supplémentaires dont ces derniers auraient bénéficié. Ils auraient été implicitement acceptés par les intéressés qui pourraient se voir opposer les dispositions de l'article 1338 al 2 du Code Civil afférentes aux conséquences de l'exécution volontaire.

Enfin, c'est vainement que les époux Duval tenteraient de remettre en cause la reprise des marchandises effectuée en application d'une décision de justice et sous le contrôle d'huissier.

La Cour ne pourrait donc que :

- Condamner les époux Duval au règlement d'une indemnité de rupture conformément à l'article 6 du contrat ; soit : 199 791,42 F,

- Dire et juger irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande de nullité du contrat de franchise du 4 février 1986 en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de Prodim SNC qui n'était à l'origine pas partie audit contrat,

- En toute hypothèse, débouter les époux Duval de toutes leurs demandes dirigées contre Prodim SNC,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux Duval au règlement à la société Prodim SNC de la somme en principal de 401 604,26 F,

- Condamner les époux Duval au règlement à la société Prodim SNC d'une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

Sur la jonction des procédures

Attendu qu'aux termes du Nouveau Code de Procédure Civile :

Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de bonne administration de la justice de les faire instruire ou juger ensemble (art. 367 du NCPC) ;

Que tel est le cas des appels successivement interjetés par les époux Duval et la société Promodès à l'encontre de la décision entreprise, et enregistrées sous les numéros 40-94 et 42-94 ;

Qu'il sera donc procédé à la jonction des procédures correspondantes et statué par un seul et même arrêt ;

Sur la mise en cause de la société Promodès

Attendu que le 4 février 1986, a été conclu entre la société Promodès, franchiseur - " ou toute personne physique ou morale qu'elle voudrait se substituer en tout ou partie " - et M. Philippe Duval, franchisé, un contrat de franchise se rapportant à l'exploitation d'un surper-marché à l'enseigne " Banco " qui sera remplacée par celle de " Shopi " ;

Que la société Promodès a exercé quelque temps après la faculté de substitution qu'elle s'était expressément réservée ; que, selon traité d'apport partiel d'actif en date du 28 septembre 1988, elle a apporté à sa filiale, la société Prodim, une branche d'activité incluant ledit contrat, qui s'est poursuivi entre celle-ci et les époux Duval ;

Que des difficultés étant survenues entre les parties, la société Prodim a fait assigner les époux Duval en paiement de factures restées dues ; que ceux-ci se sont alors portés demandeurs reconventionnels en nullité du contrat et remboursement de redevances de franchise qui auraient été indûment perçues ;

Attendu que, d'une manière générale, " nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée " (art. 14 du NCPC) ;

Qu'il n'est ni allégué ni justifié que la société Promodès aurait été appelée en cause dans l'instance engagée par la société Prodim ; qu'il n'est pas plus allégué ni justifié que le conseil de cette dernière aurait, à quelque moment que ce soit, précisé qu'il interviendrait également au nom de la société Promodès ;

Que ce n'est que parce qu'il a relevé une " confusion certaine des deux entités juridiques Prodim Promodès... entretenue... de la part des parties ", que le Tribunal a cru pouvoir en déduire que la seconde devait " être considérée comme intervenant volontaire " ;

Attendu qu'une telle déduction ne saurait s'inférer des circonstances retenues par les premiers juges et que les époux Duval se bornent à développer devant la Cour ;

Qu'en effet, il importe peu qu'en première instance :

- les époux Duval aient pris l'initiative de présenter leurs conclusions écrites comme dirigées tout à la fois contre la société Prodim (auteur de l'assignation) et la société Promodès, alors que le conseil de la société Prodim s'est toujours borné à répondre au seul nom de cette dernière ;

- ces réponses aient pu inclure une réfutation des griefs articulés à l'encontre du contrat conclu avec la société Promodès, alors que - se trouvant désormais aux droits de cette dernière - c'est tout naturellement à la société Prodim qu'il incombait de réfuter l'argumentation des époux Duval ;

Attendu d'ailleurs que, sur ce dernier point, ce n'est que pour les besoins de la cause que la société Prodim tente aujourd'hui de tirer argument de sa non-participation à la formation du contrat, pour soutenir que les époux Duval seraient irrecevables à diriger contre elle leur demande de nullité ;

Qu'il est intéressant de relever que, sous la signature de leur avoué commun, la société Promodès souligne exactement que :

- le traité d'apport ayant les mêmes effets qu'un traité de fusion - puisqu'entraînant transmission universelle - elle n'a plus aucun lien de droit avec ses cocontractants d'origine ;

- les époux Duval en ont eu connaissance et l'ont accepté puisqu'à compter du 1er janvier 1989, ils n'ont pas contesté la qualité de leur nouvel interlocuteur dans l'exécution du contrat de franchise ;

Qu'au demeurant, la société Prodim se serait-elle indûment substituée à la société Promodès dans la défense du contrat, qu'il n'en résulterait aucun changement dans l'identité des parties à l'instance, exclusivement liée entre la société Prodim et les époux Duval ;

Attendu dans ces conditions que la décision entreprise sera annulée en ce qu'elle a retenu l'intervention volontaire de la société Promodès et statué à son égard ;

Sur la communication de savoir-faire

Attendu que lors de la conclusion du contrat litigieux, la société Promodès et ses réseaux de franchise étaient parfaitement connus des époux Duval ; que ces derniers avaient, comme ils le rappellent à titre liminaire, été " formés depuis 1972 " - soit depuis presque quinze années - " à la direction de différents établissements dépendants ou affiliés au Groupe Promodès " ;

Qu'à raison de la spécificité de la formation qu'elle exprime, cette indication emporte déjà reconnaissance, de la part des intéressés, d'une spécificité des établissements concernés, et notamment de leur mode de gestion commerciale ;

Qu'elle souligne, s'il en est besoin, la gratuité de leur affirmation - au demeurant tardive et dépourvue de la moindre justification - selon laquelle il n'aurait été fait application dans ces établissements que de " normes communes à toute l'activité de la distribution alimentaire " ;

Attendu qu'en l'état de leur expérience, c'est en parfaite connaissance de cause que les époux Duval ont tout au contraire souscrit au préambule du contrat rappelant l'existence chez le franchiseur :

- d'un savoir-faire progressivement mis au point tant en ce qui concerne la technique d'implantation des points de vente, leur présentation, le choix des méthodes à privilégier, qu'en ce qui concerne le fonctionnement du point de vente pour parvenir à un standard de qualité assurant le meilleur impact sur la clientèle tout en permettant un développement du chiffre d'affaires et une rentabilité satisfaisante...

Qu'il est d'ailleurs notoirement connu que ce savoir-faire, souligné par plusieurs décisions de justice et articles de doctrine versés aux débats, lui a permis :

- d'affirmer sur le plan national plusieurs enseignes, distinctes selon la superficie des points de vente : " 8 à 8 " (moins de 400 m2), " Banco " puis " Shopi " (de 400 à 800 m2), " Champion " (1000 m2 et plus) ;

- de fidéliser autour de celles-ci une importante clientèle, grâce notamment à une stratégie spécifique d'implantation, d'organisation et de sélection des produits - fruit de son expérience et non directement accessible aux tiers - conciliant l'unité et l'homogénéité nécessaires à l'impact d'une image de marque nationale, et une adaptation des points de vente à l'environnement local ;

- d'accéder à une place de premier plan dans la distribution des produits alimentaires et produits courants à usages domestiques ;

Attendu que les époux Duval apparaissent d'autant plus mal venus à contester la réalité de la communication de savoir-faire dont ils ont bénéficié que :

- la conclusion du contrat n'avait d'autre objet que de leur permettre de poursuivre l'exploitation d'un fonds de commerce qu'ils recevaient en location-gérance d'un autre franchisé : la société Suca, c'est-à-dire d'un fonds déjà implanté, organisé et fonctionnant selon les normes spécifiques au franchiseur ;

- ce dernier s'engageait et s'est employé à entretenir et développer le savoir-faire ainsi communiqué, au travers d'une actualisation dans la sélection des produits, d'actions publi-promotionnelles, informations sur la qualité, conseils dans la tenue des rayons...

- c'est, au moins pour partie, grâce à ce savoir-faire que les époux Duval ont manifestement pu dans un premier temps parvenir à des résultats d'exploitation satisfaisants, comme ils l'admettent dans leurs écritures : + 189 057 F en 1987 ; + 314 870 F en 1988 ; + 243 899 F en 1989 ; + 245 484 F en 1990 ;

Attendu que pour ces motifs - et ceux des premiers juges, que la Cour adopte - la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a écarté le moyen tiré d'une prétendue absence de communication de savoir-faire ;

Sur la prétendue exclusivité d'approvisionnement et l'indétermination des prix

Attendu que lors de la signature du contrat, les parties sont notamment convenues :

Article 2 - Prestations fournies par le franchiseur :

... 25 - Assortiment et approvisionnement : Le franchiseur, en fonction de l'expérience acquise a déterminé les rayons et la structure de l'assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le type de magasin... pour assurer une image homogène... le franchisé ayant toujours le loisir de compléter cet assortiment minimum en fonction de son environnement propre...

252 - Approvisionnement : ... 2522 - Les conditions de tarif correspondent au tarif appliqué aux franchisés appartenant à la même catégorie de magasins que celui du franchisé compte tenu de la zone géographique et du volume d'achats...

Les modifications de tarif intervenant ultérieurement en fonction de l'évolution du prix du marché seront communiquées par le franchiseur au franchisé...

Article 3 - Engagements du franchisé

L'usage de l'enseigne et des services proposés à l'article 2 entraîne pour le franchiseur le respect des normes suivantes...

31 - Commerciales : 313 - Suivre la politique de vente tarifaire tout en pouvant l'adapter, dans le respect de l'image de l'enseigne. Participer aux actions publi-promotionnelles nationales ou régionales, car elles sont de nature à renforcer l'image de l'enseigne

314 - S'approvisionner chez le franchiseur ou chez des fournisseurs que celui-ci aura spécialement agréés, pour les produits faisant partie de l'assortiment minimum tel que défini au paragraphe 25 - introduction...

Article 11 - Contestation et interprétation du présent accord

... en cas de contestation relative au prix des fournitures, la partie la plus diligente pourra demander par voie de requête auprès du président du Tribunal de Commerce du lieu du magasin, la désignation d'un expert qualifié indépendant des parties contractantes.

Attendu que l'appréciation de ces stipulations, à la date du contrat, ne saurait être dissociée de la longue implication personnelle des époux Duval dans les réseaux de franchise de la société Promodès, et de la connaissance qu'ils n'avaient pas manqué de prendre du fonctionnement du fonds de commerce qu'ils recevaient simultanément en location-gérance de la part de la société Suca ;

Qu'à l'évidence, ils étaient alors parfaitement au fait de " l'assortiment minimum " visé audit contrat, ainsi que des tarifs du franchiseur ;

Qu'ils apparaissent d'autant moins fondés à soutenir aujourd'hui que le contrat devrait être annulé pour indétermination des prix et quantités que, pour le futur :

- leurs engagements portaient essentiellement sur une clause d'approvisionnement prioritaire et non pas exclusif, une marge négligeable de liberté leur étant laissée pour adapter leur politique d'approvisionnement à leur environnement propre ;

- les prix du franchiseur n'était pas abandonnés à sa discrétion, puisque devant correspondre à ceux appliqués aux autres franchisés de la même catégorie, et susceptibles d'être à tout moment soumis à un arbitrage selon une procédure simple à mettre en œuvre ;

Attendu dans ces conditions que le moyen tiré de la non-conformité du contrat aux prescriptions de l'article 1129 du Code Civil sera ici encore écarté ;

Sur l'abus de l'état de dépendance économique, à la date du contrat

Attendu qu'aux termes de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence :

Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions... (art 7) ;

Est prohibée dans les mêmes conditions, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises :

2. - de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente ;

Ces abus peuvent notamment consister en... rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées (art 8) ;

Attendu que le contrat litigieux, conclu le 4 février 1986, est antérieur à l'ordonnance précitée ; que les dispositions de cette dernière n'étaient donc pas applicables à sa formation ; que, contrairement à ce que suggèrent les époux Duval sans d'ailleurs autrement s'en expliquer, celles afférentes à l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique n'étaient nullement incluses dans l'état de droit antérieur ;

Qu'en irait-il différemment que l'on ne saurait voir dans le contrat, à la date de sa formation, la traduction d'une telle exploitation abusive par la société Promodès ;

Qu'en effet, il n'est nullement justifié que les époux Duval n'auraient disposé d'aucune solution équivalente ou de substitution, lorsqu'ils ont accepté d'y souscrire, en même temps qu'ils recevaient en location-gérance le fonds de commerce de la société Suca ;

Qu'en outre, les stipulations correspondantes - dont rien ne permettrait de supposer qu'elles ne seraient pas exécutées de bonne foi - se limitent au strict nécessaire pour assurer l'efficacité et la cohésion du réseau de franchise ; qu'elles étaient insuffisantes pour placer les époux Duval dans un état de dépendance économique, et a fortiori les exposer à un abus de ce chef ;

Qu'indépendamment de la marge d'action et des garanties ménagées à leur profit en ce qui concerne l'approvisionnement, leur obligation de " suivre la politique tarifaire de vente " du franchiseur était notamment conçue en termes particulièrement souples ; qu'en effet, elle était tempérée par la possibilité de " l'adapter dans le respect de l'image de l'enseigne " ;

Attendu que les époux Duval seront donc déboutés de leur demande d'annulation du contrat de franchise, tel que conclu le 4 février 1986 ;

Qu'au demeurant, l'essentiel de leurs critiques - du chef de l'abus de dépendance économique - ne porte pas sur le contrat ainsi conclu, mais sur les pratiques que les sociétés Promodes et Prodim ont déployées à l'occasion ou au prétexte de services complémentaires qu'ils ont été conduits à leur confier ;

Qu'il apparait effectivement que ces services, censés les décharger des tâches annexes ou leur en faciliter l'exécution, ont rapidement revêtu une toute particulière ampleur ; qu'ils ont sensiblement modifié le dispositif initialement convenu, même si - de façon surprenante - aucun écrit n'est le plus souvent intervenu pour formaliser l'accord des parties ;

Que, selon la société Prodim elle-même, c'est cette ampleur qui expliquerait que la redevance de franchise contractuellement fixée à 0,40 % sur le chiffre d'affaires, n'ait jamais été appliquée, et qu'elle se soit trouvée remplacée par une redevance bien supérieure (fixée globalement, sans indication aucune sur les ventilations pouvant être effectuée) qui n'a cessé d'augmenter au cours des ans (sans que les motifs ne soient pas plus explicités), pour atteindre en dernier lieu le taux global de 2,13 % ;

Sur l'abus de dépendance économique, postérieur au contrat

Attendu que c'est ainsi qu'à l'initiative des sociétés Promodès puis Prodim, les époux Duval se sont rapidement trouvés enfermés dans un système les conduisant à :

- devoir passer leurs commandes à l'aide d'un dispositif télématique (avec usage des codes barres et du Minitel) sans connaître à l'avance les prix d'achat, sauf à se reporter aux factures antérieures ne révélant évidemment pas les changements éventuellement intervenus ;

- recevoir automatiquement les étiquettes nécessaires à l'information légale due aux clients (balisage des rayons) pré-établies aux prix unilatéralement définis par le franchiseur (cf. lettre du 7 novembre 1989 informant les époux Duval d'une décision prise en ce qui concerne leur marge globale), sans possibilité de les modifier sauf à se livrer a posteriori aux fastidieuses tâches correspondantes ;

Attendu qu'est à cet égard inopérant l'argument de la société Prodim selon lequel :

" une enquête effectuée par la répression des fraudes en date du 1er juillet 1993... révèle que les prix d'achat sont connus avant la passation des commandes par le franchisé, soit en considération des factures d'achat précédentes, soit par consultation de listings envoyés par Prodim (ces listings intitulés cadenciers sont envoyés environ tous les mois), soit par le service Minitel " ;

Qu'en effet, c'est vainement que l'ont chercherait dans la lettre de la DGCCRF du 1er juillet 1993 - produite à titre de justificatif, bien que ne visant pas les époux Duval - une quelconque indication relative à l'information préalable sur les prix ; que seule y est évoquée la possibilité d'utiliser l'équipement informatique pour modifier les prix de revente à porter sur les étiquettes, mais au conditionnel et suivie de l'observation : " si cette possibilité existait, elle n'a donné lieu à aucune information auprès des responsables des magasins " ;

Que la société Prodim ne verse aux débats aucune pièce permettant de connaître avec précision les conditions concrètes dans lesquelles elle a, dans le cas particulier des époux Duval, exécuté ses prestations de ce chef ; qu'elle préfère procéder par affirmations générales et renvoi à des décisions de justice dont il n'est nullement établi qu'elles soient transposables à l'espèce ;

Que les époux Duval établissenten revanche le bien fondé de leurs griefs portant notamment sur les limites du système informatique auquel ils se sont trouvés assujettis, qu'il s'agisse de l'absence d'information préalable sur les prix d'achat(cf. : constat de Me Ribette, huissier de Justice, dressé le 16 juin 1993 chez M. Lebourgeois) ou, nonobstant une option purement formelle qui était offerte, de la possibilité de modifier l'étiquetage(cf. : constat de Me Coignard du 26 mars 1993 ; lettre de la société Prodim du 21 octobre 1991) ;

Attendu par ailleurs que, jusqu'au début de l'année 1992 - époque à laquelle la société Prodim s'est trouvée contrainte de tirer les conséquences de l'ouverture d'une instruction pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable - les sociétés Promodès puis Prodim se sont employées à obtenir des époux Duval non seulement qu'ils leur transfèrent l'essentiel de la tenue de leur comptabilité, mais encore qu'ils consentent à une " délégation de pouvoirs et de signature bancaire " ;

Que cette délégation, renouvelée les 31 juillet 1987 et 17 mars 1988, emportait non seulement habilitation de certains salariés de ces deux sociétés à effectuer toutes opérations (signatures des chèques notamment) sur le compte bancaire des époux Duval, mais encore obligation pour la banque d'adresser toutes les correspondances concernant ledit compte à la boite postale du franchiseur ;

Qu'ici encore, la société Prodim tente d'atténuer la portée des prérogatives exorbitantes ainsi transférées, sans justifier des conditions précises dans lesquelles elle exécutait ces prestations, de même que des précautions éventuellement prises pour éviter toute immixtion excessive dans la gestion des époux Duval; qu'elle continue à procéder par affirmations et renvoi à des décisions de justice consacrant pour d'autres franchisés des solutions dont il n'est nullement établi qu'elles soient transposables au cas d'espèce ;

Attendu qu'il est manifeste qu'au prétexte, ou à l'occasion de simplifications et rationalisations de leurs tâches accessoires, les sociétés Promodès puis Prodim ont privé les époux Duval de l'essentiel de la marge de liberté initialement convenue; qu'elles les ont placés puis maintenus dans une situation les conduisant à s'en rapporter à la politique tarifaire du franchiseur et renoncer pratiquement jusqu'à la rupture aux sources extérieures d'approvisionnement, au profit de celui-ci et des fournisseurs agréés par lui ;

Que, pour être sans doute caricaturale et réductrice de l'apport du franchiseur, l'attestation de M. Payen, ancien salarié de la société Promodès, permet de prendre la mesure de la situation créée et - surtout en l'état de l'insuffisante formalisation des accords entre les parties - des dérapages qu'elle permettait :

"J'ai exercé... chez Promodès au poste de conseiller de franchise...

ma mission consistait à vérifier si l'assortiment Promodès était bien suivi et s'il n'y avait pas d'autres produits... et que les prix correspondait bien au tarif Promodès...

En ce qui concerne les factures autres que celles de Promodès (fournisseurs non référencés) dont le franchisé avait besoin, elles n'étaient pas honorées de suite :

Je veux dire que ... dans le but de dissuader les franchisés de s'approvisionner ailleurs ... Prodim qui avait la délégation de signature sur la plupart des comptes des franchisés... laissait systématiquement une, deux ou trois factures impayées afin que le franchiseur se lasse..."

Attendu que l'exploitation abusive d'état de dépendance économique est d'autant plus caractérisée que les époux Duval ne pouvaient se soustraire à la volonté du franchiseur puisque :

- le contrat de franchise avait été conclu sans indication de durée, de sorte qu'il pouvait être dénoncé à tout moment avec pour inévitable conséquence d'entraîner la dénonciation du contrat de location-gérance par la société Suca, en raison des engagements financiers la liant au franchiseur ;

- c'est bien cette conséquence qui a résulté de la rupture entre les parties, dont la société Prodim impute abusivement la responsabilité exclusive aux époux Duval;

Sur les demandes des parties

Attendu que, visant les manquements aux prohibitions qu'elle édicte, l'ordonnance précitée du 1er décembre 1986 dispose en son article 9 :

"Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8."

Qu'il s'agit d'une nullité d'ordre public frappant, après l'entrée en vigueur de l'ordonnance, l'acceptation tacite par les époux Duval des pratiques ci-dessus évoquées et de la perception des rémunérations correspondantes par les franchiseurs, à fixer à défaut de toute autre ventilation possible - à la différence entre celles initialement convenues et celles effectivement perçues ;

Que cette nullité s'impose d'autant plus que la société Prodim ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle pourrait bénéficier de l'exception prévue à l'article 10 de l'ordonnance, à commencer par le caractère indispensable des restrictions à la concurrence qu'elle a imposées ;

Qu'en l'état des pièces du dossier, et plus particulièrement du relevé des époux Duval vérifié par l'expert comptable ainsi que des avoirs non contestés produits par la société Prodim, le montant du remboursement à mettre à la charge de cette dernière sera fixé à 1 110 819 F, avec intérêts de droit à compter de leur demande ;

Attendu que les époux Duval ne justifient pas que la dénonciation du contrat de location-gérance par la société Suca, à la suite de leur rupture avec la société Prodim, aurait été le résultat d'une manœuvre exercée par cette dernière ;

Qu'en réalité, c'est spontanément que - pour les motifs précédemment évoqués - la société Suca y a vu une conséquence normale de ladite rupture ; que cette dernière lui étant pour l'essentiel imputable, la société Prodim ne doit pas moins réparation aux époux Duval pour le préjudice résultant directement de sa faute ;

Que toutefois cette réparation ne saurait atteindre les chiffres auxquels les époux Duval prétendent, alors surtout que le contrat de location-gérance, à durée indéterminée et stipulé résiliable moyennant un préavis de trois mois, ne leur assurait aucune pérennité dans le fonds même s'ils pouvaient raisonnablement envisager de s'y maintenir plus longtemps ;

Que compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières à la cause, le montant de l'indemnisation sera fixé à 50 000 F ;

Attendu que la résiliation trouvant largement son origine dans son fait, la société Prodim ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnité de résiliation ;

Que cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse réclamer aux époux Duval le montant des marchandises livrées et restées impayées, aux prix qu'elle a facturés ;

Qu'en effet, les époux Duval fondent essentiellement leur contestation de ce chef sur les quantités reprises sur autorisation du Président du Tribunal de Commerce ; que, pas plus que devant les premiers juges - dont la décision sera en conséquence de ce chef confirmée - ils n'articulent aucun moyen sérieux permettant de remettre en cause l'inventaire minutieusement établi sous le contrôle d'un huissier ;

Attendu que la société Prodim qui succombe doit supporter les dépens ;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Duval les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés ; qu'il sera fait droit, comme dit au dispositif, à leur demande formée au titre de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs, LA COUR, Joint les procédures n° 40-94 et 42-94 ; Reçoit en leur appel les époux Duval et la société Promodès ; Annule le jugement du Tribunal de Commerce de Saint-Valery-en-Caux du 7 décembre 1993, en ce qu'il a considéré que la société Promodès était intervenante à l'instance et a statué à son égard ; L'infirme, pour le surplus, sauf en ce qu'il a dit que les époux Duval devaient payer à la société Prodim la somme de 401 604,26 F avec intérêts de droit à compter du 22 mars 1993, date de l'assignation ; Dit que la société Prodim doit payer aux époux Duval une somme de : - 1 110 819 F, avec intérêts de droit à compter de leur demande, au titre des redevances de franchise trop perçues, - 50 000 F, à compter du présent arrêt, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la dénonciation du contrat de location-gérance, - 25 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Prodim et autorise les avoués de la cause à recouvrer ceux d'appel dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC.