Livv
Décisions

Cass. com., 5 juillet 1994, n° 92-20.064

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Association d'aide aux infirmes La Farigoule, Association des femmes responsables familiales La Chaumière

Défendeur :

Rollot-Schneider

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Goutet, SCP Rouvière, Boutet.

TGI Aix-en-Provence, du 14 juin 1990

14 juin 1990

LA COUR : - Sur le moyen unique pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juin 1992) que Mme Rollot-Schneider exploite à La Roque-d'Anthéron (Bouches-du-Rhône), une officine de pharmacie ; que, jusqu'au mois de janvier 1989, elle a bénéficié, ainsi que le gérant de l'autre officine locale, de la clientèle de deux associations para-médicales privées : l'association d'aide aux infirmes La Farigoule (La Farigoule) et l'association des femmes responsables familiales La Chaumière (La Chaumière) ; qu'à partir de cette date ces deux associations ont cessé de s'approvisionner chez elle et se sont adressées à son concurrent ; que Mme Rollot-Schneider a estimé que cette brutale cessation commerciale avec elle était due au fait que son mari avait présenté à la même époque à La Roque-d'Anthéron une liste aux élections municipales opposée à celle du maire sortant, ce dernier étant président des deux associations litigieuses ; qu'elle les a alors assignées devant le tribunal de grande instance pour abus de droit et a demandé leur condamnation à des dommages-intérêts ;

Attendu que, pour faire droit à la demande de Mme Rollot-Schneider, l'arrêt retient que celle-ci démontre l'intention de nuire qui était celle des deux associations à son égard, leur attitude s'expliquant par la rivalité politique qui opposait le maire de la commune et le mari de cette pharmacienne et leur but étant, soit de la ruiner, soit de l'obliger à vendre son fonds de commerce dans les pires conditions ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser en quoi, eu égard à la liberté fondamentale de toute personne de s'approvisionner chez un commerçant, les associations avaient commis un abus de droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur la seconde branche du moyen : - Vu les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur la liberté des prix et la concurrence ; - Attendu que, pour accueillir la demande de Mme Rollot-Schneider, l'arrêt retient encore que les faits reprochés aux deux associations litigieuses constituent un abus de position dominante au sens des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 8-2° de l'ordonnance précitée concernent l'état de dépendance économique dans lequel se trouve un client ou un fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente par rapport à une autre entreprise ou à un groupe d'entreprises, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

Par ces motifs, casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 1992, entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.