Conseil Conc., 4 mai 1993, n° 93-D-10
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine de l'EURL Maison Aron
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Adopté sur le rapport de Mme Marie-Jeanne Texier par MM. Barbeau, président, Jenny, vice-président, Blaise, Robin, Sloan, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre enregistrée le 18 mai 1992 sous le numéro F 506, par laquelle l'Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Maison Aron a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques émanant du grand rabbinat de Nice et de la région et de l'Union rituelle des communautés ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de l'EURL Maison Aron entendus ;
Considérant que l'EURL Maison Aron, qui exploite à Nice un fonds de commerce de boucherie, a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques émanant de l'Union rituelle des communautés et du grand rabbinat de Nice et de la région qu'elle estime prohibées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que l'EURL Maison Aron fait valoir en premier lieu que le grand rabbin de Nice et de la région, qui refuse de lui accorder l'agrément de kacherout permettant de commercialiser de la viande kacher, a fait obstacle à la régularisation d'un acte de cession de fonds de commerce, a interdit à la communauté juive de se servir dans l'établissement ; qu'elle exploite et demandé à tous les bouchers et commerçants kacher de Nice de ne pas lui fournir de marchandise qu'elle soutient que le grand rabbin aurait ainsi organisé une entente tacite en vue de l'empêcher d'accéder au marché, et que de telles pratiques sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance précitée du 1er décembre 1986 ;
Considérant que l'EURL Maison Aron fait valoir en second lieu que le grand rabbin, qui est seul à pouvoir accorder ou retirer un agrément de kacherout, détient une position dominante sur le marché " constitué par l'intégralité de la communauté juive soucieuse de respecter les règles de la religion ", et que le refus de l'agrément de kacherout qui lui a été opposé ainsi que l'interdiction qui lui est faite d'apposer sur la vitrine de son magasin la mention Kacher constituent un abus de cette position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 " le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants " ;
Considérant qu'en admettant même que les pratiques contestées puissent être regardées comme portant atteinte au fonctionnement normal d'un marché ou susceptibles d'en affecter le fonctionnement, aucun des éléments produits au dossier ne permet d'établir que l'impossibilité pour l'EURL Maison Aron d'accéder au marché aurait pour origine une action concertée ou une entente explicite ou tacite ; qu'en outre, les dispositions de l'article 8 ne visent que les pratiques imputables à une entreprise ou un groupe d'entreprises; que, dès lors, elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre du grand rabbinat de Nice et de la région et de l'Union rituelle des cornmunautés, qui ne constituent pas des entreprises;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la saisine présentée par l'EURL Maison Aron n'est pas recevable,
Décide :
Article unique. - La saisine enregistrée sous le n° F 506 est déclarée irrecevable.