Conseil Conc., 20 septembre 2000, n° 00-D-38
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées dans le secteur de la restauration de monuments historiques en Ile-de-France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de M. d'Aumale, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, M. Cortesse, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 1er avril 1992 sous le numéro F 494, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles mises en place lors de marchés de travaux de restauration de monuments historiques et d'édifices publics en région parisienne ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Zell, Balas-Mahey, Bayon, UTB et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés CREBPP, Balas-Mahey, Bayon et UTB entendus lors de la séance du 12 juillet 2000 ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur concerné
En 1989 et 1990, ont été engagés, en région parisienne, des travaux de couverture ou de plomberie réalisés dans des bâtiments publics classés monuments historiques.
La réalisation de ces travaux requiert un savoir-faire particulier. C'est la raison pour laquelle peu d'entreprises sont susceptibles de les réaliser et le maître d'œuvre, le plus souvent le ministère de la culture, a recours, en général, à la procédure d'appels d'offres restreints.
B. - Les pratiques relevées
Le 12 mars 1991, les enquêteurs de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont procédé à des saisies, sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dans les locaux de neuf sociétés intervenant dans ce secteur d'activité.
Ces documents ont révélé, pour sept marchés publics, des indices de pratiques anticoncurrentielles.
1. Le marché relatif au réaménagement de la cuisine de l'Hôtel Matignon
a) Le marché
En 1989, l'Etat a lancé un appel d'offres restreint portant sur le lot de plomberie du réaménagement de la cuisine de l'Hôtel Matignon.
Les entreprises Balas-Mahey, Gallozzi, Clavel, Union Technique du Bâtiment (UTB), Capra et Société d'entreprises de canalisations et de couverture (SECC) ont déposé les offres suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 19 juin 1989, la commission, réunie par le bureau des marchés du secrétariat général du Gouvernement, a procédé à l'ouverture des plis et noté que l'entreprise Balas-Mahey était la moins-disante.
b) Les documents recueillis
La visite effectuée au siège de la société SECC a permis la découverte d'une télécopie émanant de la société Balas-Mahey (rapport pages 91 et 92), destinée à M. Dheilly, président-directeur général de la société SECC. Ce document a été reçu le 9 juin 1989 alors que les plis devaient être déposés au plus tard le 14 du mois : il donne tous les éléments du bordereau de prix à remplir par la société SECC. La soumission de la SECC datée du 13 juin est identique à ce bordereau (pages 89 et 90 du rapport).
2. Le marché relatif aux travaux de plomberie au domaine national de Saint-Cloud
a) Le marché
En 1989, l'Etat a lancé un appel d'offres restreint à forfait pour l'installation du chauffage individuel dans les bâtiments de " l'ancienne régie " et de la " gendarmerie de chasse " à Saint-Cloud.
Les entreprises Union Technique du Bâtiment, Sauvaget, Valentin Barousse, Tournois, Piollet et SECC ont déposé les offres suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 20 juillet 1989, la Commission des marchés a procédé à l'ouverture des plis et noté que la société Union Technique du Bâtiment était la moins-disante.
b) Les documents recueillis
La visite effectuée au siège de la SECC a permis la découverte d'une télécopie, datée du 17 juillet 1989 (rapport pages 105 à 107), émanant de la société Union Technique du Bâtiment alors que la date limite de dépôt des soumissions était fixée au 20 juillet. Cette télécopie comporte, notamment, un tableau récapitulatif des offres à déposer par la SECC. La soumission de SECC est identique au montant total du bordereau transmis par UTB.
3. Le marché relatif à la réfection des chemins de circulation sur toiture à l'Union centrale des arts décoratifs
a) Le marché
A la suite de l'appel d'offres lancé par le ministère de la culture, les entreprises Miège et Buhler, Balas-Mahey, Battais, SECC, Lagrange et Partiot, Gallozzi, Etablissements Jules Zell et Roussière ont déposé les offres répertoriées dans le tableau ci-dessous :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 5 octobre 1989, la Commission des marchés a procédé à l'ouverture des plis et noté que la société Miège était la moins-disante.
b) Les documents recueillis
Lors de la visite des enquêteurs de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au siège de la société SECC, a été découverte une télécopie émanant de la société Miège, datée du 28 septembre 1989, et fournissant les éléments d'un bordereau de prix à la SECC (rapport pages 97 à 100).
Le prix remis par la société SECC le 29 septembre, en réponse à l'appel d'offres, tel qu'il figure dans le procès-verbal de la commission des marchés, est identique à celui figurant dans le bordereau du 28 septembre.
4. Le marché relatif au Musée national de Sèvres
a) Le marché
Le ministère de la culture a lancé un appel d'offres restreint pour la réfection de la couverture du versant ouest de l'aile nord du Musée national de la céramique.
Les entreprises Etablissements Jules Zell, Rousseau, Battais et Meunier, Lagrange-Partiot, Miège et Piollet, SECC et Gallozzi ont déposé les offres suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 3 août 1989, la Commission des marchés a procédé à l'ouverture des plis et noté que la société Etablissement Jules Zell était la moins-disante.
b) Les documents recueillis
Lors de la visite qu'ils ont effectuée au siège de la société SECC, les enquêteurs ont saisi une télécopie émanant de la société Miège et Piollet, datée du 27 juillet 1989 (pages 102 à 104 du rapport) et comportant un projet de bordereau de prix.
L'offre déposée par la société SECC reprend les chiffres figurant sur ce document.
5. Le marché relatif à la réfection des couvertures et des façades de la maison du Piqueur à Rueil-Malmaison
a) Le marché
A la suite de l'appel d'offres lancé par le ministère de la culture, les entreprises Miège et Piollet, Balas-Mahey, Union Technique du Bâtiment, SECC et Gallozzi ont déposé les offres répertoriées dans le tableau ci-dessous :
EMPLACEMENT TABLEAU
b) Les documents recueillis
Au cours de la visite domiciliaire effectuée au siège de la SECC, les enquêteurs ont découvert une télécopie, datée du 19 mai 1989 (alors que le dépôt des plis était fixé au 24 mai), émanant de la société Miège et Piollet et comportant un bordereau de prix (pages 94 à 96 du rapport).
L'offre déposée par la SECC est identique aux éléments portés sur ce document.
6. Le marché relatif aux travaux de couverture au château de Maisons-Laffitte
a) Le marché
Le ministère de la culture a lancé un appel d'offres restreint pour la réfection des menuiseries extérieures et pour des travaux divers au château de Maisons-Laffitte.
Les entreprises Etablissements Jules Zell, Sauvaget, Roussière, Gallozzi, Battais, Union Technique du Bâtiment, Balas-Mahey et SECC ont déposé les offres suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 14 mars 1990, la Commission des marchés, réunie par la direction régionale de l'Ile-de-France, a procédé à l'ouverture des plis et noté que la société Zell était la moins-disante.
b) Les documents recueillis et les déclarations
Une télécopie, en date du 8 mars 1999, découverte au siège de la société SECC et émanant de la société Etablissements Jules Zell, comporte un bordereau de prix (pages 108 et 109 du rapport) dont les données ont été reproduites exactement par la SECC dans l'offre qu'elle a déposée.
7. Le marché relatif aux travaux de couverture de l'hôtel de ville de Paris
a) Le marché
La ville de Paris a lancé un appel d'offres ouvert sans variante pour la réalisation de la couverture de la partie centrale et du campanile de son hôtel de ville.
Les sociétés Bayon, La Lousianne, Etablissements Jules Zell, Union Technique du Bâtiment, Lagrange-Partiot, Balas-Mahey, Roussière, Battais et Hory-Marcais ont déposé les offres suivantes :
EMPLACEMENT TABLEAU
Le 29 mars 1990, la Commission des marchés, réunie par la ville de Paris, a procédé à l'ouverture des plis et noté que la société Bayon était la moins-disante.
b) Les documents recueillis
Les enquêteurs ont découvert, au siège de l'entreprise Etablissements Jules Zell, une télécopie, en date du 21 mars 1990, émanant de la société Bayon et adressée à la société Etablissements Jules Zell comportant un bordereau des prix à déposer (pages 212 à 214 du rapport).
L'offre soumise par l'entreprise Etablissements Jules Zell est identique poste par poste à celle figurant dans la télécopie (pages 209 à 211 du rapport).
A l'issue de l'instruction ont été notifiés les griefs suivants :
- aux sociétés SECC et Balas-Mahey, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offres relatif au réaménagement de la cuisine de l'Hôtel Matignon ;
- aux sociétés SECC et UTB, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offres relatif aux travaux de plomberie du domaine national de Saint-Cloud ;
- aux sociétés SECC et Miège et Piollet, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offres relatif à la réfection des chemins de circulation sur toiture à l'Union centrale des arts décoratifs ;
- aux sociétés SECC et Miège et Piollet, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offres relatif au Musée national de Sèvres ;
- aux sociétés SECC et Miège et Piollet, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offres relatif à la réfection des couvertures et des façades de la maison du Piqueur à Rueil-Malmaison ;
- aux sociétés SECC et SA Zell, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offre relatif aux travaux de couverture du château de Maisons-Laffitte ;
- aux sociétés Bayon et SA Zell, d'avoir échangé des informations sur les prix avant l'appel d'offre relatif aux travaux de couverture de l'hôtel de ville de Paris.
II. - SUR LA BASE DE CES CONSTATATIONS, LE CONSEIL,
Sur la procédure
En ce qui concerne la société Bayon
Considérant que la société Bayon invoque l'irrégularité de l'ordonnance ayant autorisé, par application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les saisies de documents la concernant, dans les bureaux de la SECC ; qu'elle fait valoir, par ailleurs, qu'elle a introduit une action en référé auprès du Président du Tribunal de grande instance de Bobigny tendant à voir déclarer la procédure irrégulière ;
Mais considérant que le Conseil de la concurrence n'a pas compétence pour apprécier la régularité des ordonnances des présidents de tribunaux de grande instance autorisant des visites et saisies en application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'au demeurant, et en tout état de cause, il résulte des indications fournies en séance par le commissaire du Gouvernement que la société a été déboutée de son instance de référé par une décision du 9 septembre 1998 ;
En ce qui concerne la société UTB :
Considérant que la société UTB, s'appuyant sur l'article 6-1 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, invoque la nullité de la procédure en raison du caractère anormal du temps écoulé entre la survenance des faits et la décision du Conseil de la concurrence ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ; qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 3, de la même convention, tout accusé a le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
Mais considérant, d'une part, qu'à supposer que la cause n'ait pas été entendue dans un délai raisonnable, la sanction qui s'attache à cette circonstance est le versement d'une indemnité en réparation du préjudice éventuellement subi et non la nullité de la procédure ; que, d'autre part, si une telle nullité pourrait résulter de ce que, du fait de la durée excessive de la procédure, l'entreprise mise en cause n'a pas été en mesure d'exercer normalement son droit de se défendre, la société UTB n'allègue, ni ne démontre, avoir rencontré, de ce fait, un obstacle dans l'exercice de ses droits ;
Sur les pratiques constatées :
En ce qui concerne le marché relatif au réaménagement de la cuisine de l'Hôtel Matignon :
Considérant que la société SECC a déposé avant la date limite de dépôt des soumissions une offre identique à celle figurant sur une télécopie qui lui a été adressée par la société Balas-Mahey ; que ces faits n'ont pas été contestés ;
Considérant que les deux entreprises ont déposé des offres distinctes en s'abstenant de porter à la connaissance du maître de l'ouvrage les échanges d'informations auxquels elles avaient procédé ; que ces pratiques étaient de nature à tromper le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence et qu'elles ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques auxquelles se sont livrées les entreprises SECC et Balas-Mahey constituent des pratiques prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché relatif aux travaux de plomberie au domaine national de Saint-Cloud
Considérant que la société SECC a déposé avant la date limite de dépôt des soumissions une offre qui lui a été communiquée par la société Union Technique du Bâtiment, ainsi que le démontre le rapprochement du prix de soumission de SECC, figurant au procès-verbal d'ouverture des plis du 20 juillet 1990, et du prix figurant sur la télécopie envoyée par UTB à la SECC en date du 17 juillet 1990 ; que ces faits n'ont pas été contestés ;
Considérant que cette concertation avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence sur ce marché et qu'elle est donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché relatif à la réfection des chemins de circulation sur toiture à l'Union centrale des arts décoratifs
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société SECC a déposé avant la date limite de dépôt des soumissions une offre identique aux éléments qui lui avaient été communiqués par la société Miège et Piollet avant le dépôt des plis ;
Considérant que cette concertation avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence sur ce marché et qu'elle est donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché relatif au Musée national de Sèvres :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société SECC a déposé avant la date limite de dépôt des soumissions une offre conforme aux éléments qui lui avaient été communiqués par la société Miège et Piollet ;
Considérant que cette concertation avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence sur ce marché et qu'elle est donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché relatif à la réfection des couvertures et des façades de la maison du Piqueur à Rueil-Malmaison :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société SECC a déposé une offre conforme aux éléments qui lui avaient été communiqués avant la date limite de dépôt des soumissions par la société Miège et Piollet ;
Considérant que cette concertation avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence sur ce marché et qu'elle est donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché de travaux de couverture au château de Maisons-Laffitte :
Considérant que la société SECC a déposé des offres qui lui ont été communiquées par la société Etablissements Jules Zell avant la date limite de dépôt des soumissions ; que ces faits n'ont pas été constestés ;
Considérant que cette concertation avait pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser la concurrence sur ce marché et qu'elle est donc prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne le marché relatif aux travaux de couverture de l'hôtel de ville de Paris :
Considérant que les offres déposées par la société Etablissements Jules Zell correspondent très exactement aux offres figurant sur la télécopie qui lui a été adressée par la SARL Bayon avant le dépôt des plis ; que ces faits n'ont pas été contestés ;
Considérant que la SARL Bayon fait valoir que cet échange d'informations n'était dicté que par une volonté commune de réaliser le marché en co-traitance ; que l'accord entre les deux entreprises n'a pu, finalement, se concrétiser, faute pour la société Etablissements Jules Zell de revoir ses prix à la baisse ; qu'elle soutient qu'elle n'avait pas à informer le maître d'ouvrage de ce projet de co-traitance et que de telles pratiques ne sont pas prohibées par l'ordonnance du 1er décembre1986 ;
Mais considérant que l'existence d'un projet de co-traitance entre les deux entreprises n'est démontrée par aucun élément du dossier ; qu'en tout état de cause, les sociétés Bayon et Etablissements Jules Zell, en présentant des offres distinctes sans porter à la connaissance du maître de l'ouvrage les échanges d'informations auxquels elles avaient procédé, fût-ce dans le cadre d'une co-traitance envisagée, ont trompé celui-ci sur la réalité et l'étendue de la concurrence;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques auxquelles se sont livrées les entreprises Etablissements Jules Zell et Bayon sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur l'effet des pratiques
Considérant que la SARL Bayon avance que l'offre faite par la société Etablissements Jules Zell pour les travaux de couverture de l'Hôtel de ville de Paris n'est pas la plus élevée ; que l'offre de la société Bayon est la meilleure des neuf offres présentées ; que ce marché est celui qui a fait l'objet du plus grand nombre d'offres parmi les marchés en cause et que la société Bayon est une très petite entreprise qui n'est que très rarement en concurrence avec les grandes sociétés telles que Zell, Galozzi, SECC, Union Technique du Bâtiment et Balas-Mahey ; qu'ainsi, les pratiques constatées n'auraient eu aucun effet sur ce marché ;
Mais considérant qu' un marché est constitué par la rencontre de l'offre et de la demande; qu' au demandeur unique, représenté par le maître d'ouvrage, dont la demande précise était exprimée dans les documents contractuels, répondaient les offres des entreprises; que, dès lors, chaque appel d'offres constitue un marché en soi; que les pratiques constatées ont pu avoir un effet sensible d'autant que la procédure d'appels d'offres des marchés de monuments historiques est réglementée et ne permet qu'à quelques entreprises, préalablement agréées, de soumissionner; que, dans ce contexte, toute entente a un effet potentiel anticoncurrentiel certain; que la circonstance que la SARL Bayon ne détient qu'une part minime du marché de la plomberie en Ile-de-France est sans incidence sur l'effet de la pratique sur le marché en cause dans la présente affaire;
Sur les suites à donner
En ce qui concerne les sociétés SECC et CGCE
Considérant que des griefs ont été notifiés à la société CGCE au titre des pratiques reprochées à la société SECC, le rapporteur ayant estimé qu'à la suite de deux jugements, en date respectivement du 7 octobre 1992 et du 10 mars 1993, du Tribunal de commerce de Bobigny, la société CGCE avait repris les activités de la société SECC ;
Mais considérant qu'il résulte d'un extrait de registre du commerce et des sociétés de Nanterre, annexé au rapport, que la société CGCE a été comprise, avec la société SECC, dans le jugement d'ouverture de redressement judiciaire rendu, le 7 octobre 1992, par le Tribunal de commerce de Bobigny ; que, par jugement du 16 décembre 1992, le même tribunal a ordonné la cession totale de la société SECC à la SARL BPG pour le compte d'une SA SECC Entreprise à créer ; qu'il a, le 10 février 1993, rendu un jugement d'extension de redressement judiciaire et constaté la confusion des patrimoines, notamment des sociétés SECC et CGCE ; que rien ne permet d'affirmer, dans ces conditions, que la continuité économique de la société SECC a été assurée par la société CGCE ; que cette dernière ne peut donc être sanctionnée au titre de pratiques qui sont le fait de la société SECC ;
En ce qui concerne les sociétés Etablissements Jules Zell et Zell SA
Considérant que des griefs ont été notifiés à la société Zell SA au titre des pratiques reprochées à la société Etablissements Jules Zell ;
Considérant qu'à la suite de l'ouverture, le 7 mai 1991, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Etablissements Jules Zell, le Tribunal de commerce de Bobigny a, par jugement du 23 juillet 1991, arrêté un plan de cession partielle des actifs de cette société au profit de M. Tardy avec faculté de substitution ; que ce dernier était bien cessionnaire, entre autres, de l'activité " couverture monuments historiques " en cause dans la présente affaire ; que, cependant, par acte sous seing privé du 14 mai 1992, la société Etablissements Jules Zell, assistée de l'administrateur judiciaire chargé de la mise en œuvre du plan, a cédé à la société Zell SA, substituée à M. Tardy, certaines activités dont ce dernier avait été déclaré cessionnaire, à l'exception de l'activité de couverture des monuments historiques ; que si, par un arrêt du 11 mai 1993, la Cour d'appel de Paris a modifié le plan de cession en l'arrêtant au seul profit de la société financière Zell, en cours de formation, il ne résulte d'aucun élément du dossier que l'activité de couverture de monuments historiques a fait l'objet d'une cession à la société Zell SA, seule destinataire de la notification de griefs ; que cette société doit donc être mise hors de cause ;
Sur les sanctions
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs. Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne (...). Les frais sont supportés par la personne intéressée" ;
Considérant que, pour apprécier le dommage causé à l'économie, il y a lieu de prendre en compte le fait que les marchés publics dont il s'agit s'adressent à des entreprises spécialisées dans les travaux relatifs aux monuments historiques qui sont nécessairement en nombre limité ; que cette circonstance est de nature à accentuer le trouble causé à l'économie par la présentation d'offres ne résultant pas du jeu normal de la concurrence ; qu'il convient, cependant et à l'inverse, de tenir compte également du faible montant des marchés en cause ;
En ce qui concerne la société Miège et Piollet :
Considérant que la société Miège et Piollet a participé aux appels d'offres lancés par l'Etat pour l'exécution de travaux à l'Union centrale des arts décoratifs, au Musée national de Sèvres et à la maison du Piqueur à Rueil-Malmaison et a adressé à la société SECC une télécopie contenant les éléments de bordereau de prix que cette dernière devait déposer ;
Considérant que cette société a réalisé, en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 159 694 806 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 F ;
En ce qui concerne la société Balas-Mahey :
Considérant que la société Balas-Mahey a répondu à l'appel d'offres lancé par l'Etat pour le réaménagement de la maison de l'hôtel Martignon et a adressé à la société SECC une télécopie contenant les éléments de bordereau de prix que cette dernière devait déposer ;
Considérant que cette société a réalisé en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 181 463 000 F ; qu'en fonction des éléments généraux individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 120 000 F ;
En ce qui concerne la société Union Technique du Bâtiment :
Considérant que la société UTB a participé à l'appel d'offres lancé par l'Etat pour l'exécution de travaux de plomberie au domaine national de Saint-Cloud, en adressant à la société SECC une télécopie contenant les éléments de bordereau de prix que cette dernière devait déposer ;
Considérant que cette société a réalisé, en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 246 846 686 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F ;
En ce qui concerne la société Bayon :
Considérant que la société Bayon a participé à l'appel d'offres lancé par la ville de Paris pour l'exécution de travaux de couverture de l'hôtel de ville de Paris, et a adressé à la société Etablissements Jules Zell une télécopie contenant les éléments de bordereau de prix que cette dernière devait déposer ;
Considérant que cette société a réalisé, en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 10 002 646 F ; qu'après un exercice 1998 lourdement déficitaire, elle a fait l'objet d'un redressement judiciaire qui a abouti à un plan de continuation ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'appréciés ci-dessus, il n'y a pas lieu de lui infliger de sanction pécuniaire,
Décide :
Article 1er : - Il est établi que les sociétés Miège et Piollet, Balas-Mahey, Union Technique du Bâtiment et Bayon ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Article 2 : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
300 000 F à la société Miège et Piollet ;
120 000 F à la société Balas-Mahey ;
100 000 F à la société Union Technique du Bâtiment (UTB).