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Décisions

Conseil Conc., 21 juin 2000, n° 00-D-26

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées lors d'un marché d'électrification rurale dans le département des Pyrénées-Atlantiques

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme de Mallmann, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, MM. Nasse, Robin, membres.

Conseil Conc. n° 00-D-26

21 juin 2000

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre du 14 décembre 1995, enregistrée sous le numéro F 828, par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par diverses entreprises lors de l'appel d'offres lancé en février 1994 par le Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques en vue de la réalisation de travaux d'électrification rurale et d'éclairage public ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés L'Entreprise Industrielle, ETDE (anciennement ETDE Réseaux d'Energies), SNEF (anciennement SNEF Electric Flux), Saunier Duval Electricité, Forclum Midi-Pyrénées, Alstom Entreprise (anciennement Cegelec), Spie-Trindel, STEE, SCLE, le Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés L'Entreprise Industrielle, ETDE, SNEF, Saunier Duval Electricité, Forclum Midi-Pyrénées, Alstom Entreprise, Spie-Trindel, STEE, SCLE et du Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques entendus au cours de la séance du 26 avril 2000 ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général adjoint ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés ;

I. - CONSTATATIONS

A. - La description du marché

1. La conclusion du marché

Tous les trois ans, une procédure d'appel d'offres en vue de la réalisation des travaux d'électrification rurale et d'éclairage public est mise en place par le Syndicat départemental d'électrification rurale des Pyrénées-Atlantiques (SDEPA). L'avis d'appel public à la concurrence du SDEPA en date du 3 février 1994 est paru au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) le 12 février 1994 et au JOCE le 15 février 1994. Le dernier appel d'offres a eu lieu durant le premier semestre 1994, le précédent remontant à 1991. En 1994, le marché concernait des travaux d'électrification rurale aériens et souterrains et des travaux d'éclairage public qui ont été attribués, après un appel d'offres restreint, au rabais sous la forme d'un marché à bons de commande. Le règlement particulier d'appel d'offres (RPAO) indiquait que les travaux feraient l'objet de seize lots géographiques, dont quatre réservés aux sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP), et précisait qu'une même entreprise pourrait présenter une offre au maximum pour trois lots de son choix. La date limite de réception des offres était fixée au 2 mai 1994 à 12 heures.

Le marché conclu en 1991 concernait des travaux d'électrification rurale et d'éclairage public. Sur les seize lots que comprenait le marché, les SCOP bénéficiaient de trois lots réservés. Entre 1991 et 1994, la répartition géographique des lots n'a subi que des modifications de détail.

En 1994, le Syndicat départemental a modifié la numérotation des lots à répartir entre les entreprises et les SCOP. Toutefois, la nouvelle numérotation n'a pas eu d'incidence sur leur consistance. En 1991 les lots 6, 7 et 8 étaient réservés aux SCOP, les autres étant attribués aux entreprises, alors qu'en 1994 les lots 13 à 16 étaient réservés aux SCOP tandis que les lots 1 à 12 étaient attribués aux entreprises. En fait, entre 1991 et 1994, la seule modification du marché se trouve dans la réduction du nombre de lots mis en concurrence entre les entreprises, qui est passé de treize en 1991 à douze en 1994, quatre lots étant réservés aux SCOP, contre trois en 1991.

S'agissant du montant prévisionnel des travaux estimé par le maître d'ouvrage, il s'élevait, lors du lancement de la procédure d'appel d'offres en 1994, aux montants ci-après :

EMPLACEMENT TABLEAU

2. Les entreprises concernées

La date limite de réception des demandes d'admission était fixée au lundi 14 mars 1994 à 16 heures. Dix-huit entreprises et quatre coopératives ont présenté leur candidature. Les quatre coopératives et seize entreprises ont été agréées. Le 3 mai 1994, la commission d'appel d'offres a procédé à l'attribution des lots de la manière ci-après :

EMPLACEMENT TABLEAU

Les résultats de l'attribution des lots ont été publiés au BOAMP le 8 juillet 1994.

B. - Les pratiques constatées

Sur les indices d'entente de répartition de marché,

1. La comparaison des appels d'offres lancé en 1991 et 1994

EMPLACEMENT TABLEAU

La société SCLE qui avait obtenu les lots 12 et 16 en 1991 (tableau I) n'a été attributaire que d'un lot en 1994 (tableau II).

En fait, hormis le lot 7, concernant une zone montagneuse, qui a été attribué à la société Forclum, pour onze des douze lots attribués en 1994, l'entreprise attributaire n'a consenti un effort sur le montant de sa prestation que sur le lot qui l'intéressait et qu'elle a obtenu.

Parmi les nouveaux concurrents, la société Cepecca est une filiale de l'entreprise Saunier Duval Electricité, la société Drouard une filiale de Spie-Trindel et la société Electro France de Eiffage, groupe auquel appartiennent les entreprises Forclum et sa filiale STEE. Ainsi, ces sociétés appartiennent à des groupes titulaires eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'autres filiales de lots sur le marché en cause. Exception faite du lot 10 pour lequel l'entreprise Cassagne Electricité a proposé un rabais de 0,50 % et se place en deuxième position dans les soumissions mais qui ne s'est pas vu attribuer de lot, aucune autre société non titulaire de lot n'a déposé une offre compétitive.

2. Les documents saisis lors des visites effectuées dans les entreprises le 9 mars 1995 ou communiqués par ces dernières

Les documents provenant de l'entreprise ETDE

Lors de la visite effectuée dans les locaux de la société ETDE à Toulouse, les enquêteurs ont saisi, d'une part, un rapport de l'agence Midi-Pyrénées de la société ETDE intitulé " Segment III, collectivités locales, sous segment III.A, Electrification rurale ", dans lequel il est indiqué que, dans la région Midi-Pyrénées et la région Béarn, ETDE est dans une situation de " co-leader avec la SPIE sur un marché contrôlé à 55 % par les majors de la profession ", ce qui lui " assure une certaine stabilité concurrentielle ", et que " les derniers renouvellements font apparaître une stabilisation des prix à la hausse ". Il est également fait référence aux barrières à l'entrée au marché, lesquelles " sont nombreuses et efficaces " et précisé : " Nous ne constatons jamais de nouveaux entrants extérieurs à la profession ". Le rapport indique encore que " le marché est un champ clos étanche, grâce à ses barrières à l'entrée, où nous sommes co-leader, mais où l'équilibre économique ne se fait que par le respect des parts de nos concurrents... Tous les efforts de la profession consistent à conserver étanche cette bulle régionale et à y faire régner le calme ".

D'autre part, un document établi en mars 1994 relatif à l'activité commerciale de l'agence Midi-Pyrénées de la société ETDE Réseaux d'Energie, qui mentionne dans sa partie " synthèse agence " au sujet des prises de commandes, " trois marchés en reconduction (SDEPA ; 2 marchés-Hautes Pyrénées-un marché) dans le premier semestre 1994 ". Par ailleurs, pour les centres Aquitaine Sud-Ustaritz et Aquitaine Sud-Pau, des tableaux " 1re actualisation 94 " datés des 15 et 14 mars 1994 se présentent comme suit.

Pour le centre Aquitaine Sud Ustaritz :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Pour le centre Aquitaine Sud Pau, le tableau indique :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

En outre, M. Rey responsable du site ETDE d'Ustaritz (64480) a communiqué le 5 avril 1995 une note en date du 2 mars 1994 de l'agence Pyrénées centre d'Ustaritz relative à l'appel d'offres SDEPA 94 dont il ressort que M. Douet, directeur des travaux du SDEPA, a provoqué une réunion confidentielle à laquelle " étaient présents les titulaires d'un lot sur le pays basque dont 3 SCOP ". Le but de cette réunion était d'informer les participants sur certains points de l'appel d'offres. Il est précisé dans cette note que, pour l'appel d'offres futur, le " receveur " du syndicat a imposé à M. Douet " la confection de lots avec communes géographiquement rattachées ". Il est ajouté que cette nouvelle disposition va " générer des problèmes pour les entreprises qui ont réalisé des travaux par anticipation sur des communes hors lots ". Il est encore indiqué que le problème est le même " pour les études réalisées ". En conclusion, M. Douet espère que les entreprises actuelles seront " reconduites, afin de se rétrocéder les parts d'études ou de travaux engagés... ". Par ailleurs, l'instruction a mis en évidence que l'agenda de M. Daguerre, chef de l'agence Saunier Duval Electricité à Anglet, saisi dans les locaux de l'agence Saunier Duval Electricité à Anglet, mentionne à la date du 1er mars à 10 heures : " DDA M. Douet ".

Cette réunion se situe entre la date de l'avis d'appel public à la concurrence du 3 février 1994, paru au BOAMP le 12 février, et la date limite de réception des demandes d'admission fixée au 14 mars 1994.

Par ailleurs, une télécopie de l'agence d'Ustaritz de la société ETDE datée du 4 mai 1994, soit deux jours après la date limite de réception des offres, à l'attention de M. Stadler, de l'agence Midi Pyrénées de cette société, mentionne le montant des travaux du lot n° 6 commune par commune. Une autre télécopie de la même agence en date du 6 mai 1994 adressée à M. Savary, qui mentionne " Vous trouverez ci-joint quelques éléments concernant le SDEPA ", fait état des résultats de l'appel d'offres " SDEPA 94 " pour l'ensemble des lots attribués aux entreprises.

- Le document provenant de l'entreprise SNEF Electric Flux

M. Salamens, chef de centre de l'agence SNEF Electric Flux de Vic-en-Bigorre Nerac, a communiqué le 11 mai 1995 un rapport du mois d'avril 1994 qui indique dans sa partie 7 " Devis ou affaires à venir " : " travaux d'électrification rurale et d'éclairage public 1994-1995-1996 pour le S.D.E. des Pyrénées-Atlantiques : marchés positifs. " lots n° 3 et n° 10 pour environ 6 000 KF par an ".

- Les pièces provenant de l'entreprise Saunier Duval Electricité

Plusieurs pièces ont été saisies dans le bureau de M. Daguerre, chef d'agence. Une fiche non datée comporte les mentions suivantes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Or, la société Saunier Duval Electricité a bien été attributaire des lots 4 et 5.

En outre, une carte du département des Pyrénées-Atlantiques contient les mentions ci-après : quatre lots non numérotés portent la mention " lot réservé " encadrée en rouge. Ces lots ont été attribués aux SCOP. Les lots n° 1, 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11 et 12 portent le nom de leur titulaire. Pour les lots 2, 3, 4, 5, 8, 9, 11, le nom est écrit en bleu avec la même écriture et encadré. Le nom du titulaire du lot 1 est écrit en bleu mais n'est pas encadré. Pour le lot 10, le nom est écrit en bleu mais d'une manière différente et non encadré. Enfin, le nom du titulaire du lot 12 est écrit au crayon et n'est pas encadré. Quant aux lots 6 et 7, ils ne comportent aucune mention.

- Le document provenant de l'entreprise Forclum Midi-Pyrénées

Lors de la visite effectuée dans les locaux du centre de Pau de la société Forclum Midi-Pyrénées, les enquêteurs ont saisi une liste des travaux 1994 recensés pour les lots 1 à 12. Pour le lot 7, dont la société Forclum a été attributaire, cette liste porte une mention manuscrite au crayon mine " + 2,5 % " rayée et remplacée par " + 2,4 % ", majoration qui a été proposée pour ce lot. Pour les lots 9, 10 et 12, les rabais sont de - 0,5 %, - 0,6 % et - 0,5 %.

- Le document provenant de l'entreprise Spie-Trindel

Les pièces saisies par les enquêteurs lors de la visite effectuée dans les locaux de la société Spie-Trindel comportent un cahier de communications téléphoniques du 9 mars 1994 au 1er mars 1995. Sur la première page cartonnée de ce cahier est écrit le nom du chef d'agence " M. Zamuner " et à la date du 14 avril est indiqué : " Rappeler M. Harritchabalay Cegelec ".

- Les documents provenant de l'entreprise STEE

Il s'agit de notes manuscrites au crayon noir, saisies lors de la visite effectuée dans les locaux de la société STEE à Tarbes, portant sur des études de travaux à effectuer. Certaines de ces notes portent la mention " simulation 1994 ". Une page manuscrite portant la mention " choix des lots " analyse les lots 10, 11, 12. A côté du lot 11 est portée la mention " faire effort attention concurrence ", et à côté du lot 12, " intéressant faire prix compétitif ". La fiche indique : " conclusion lot 11 plus intéressant. Réponse en M.O. sera supérieure sur les lots 10 et 12 ".

- Les documents provenant de la société SCLE

Parmi les pièces saisies par les enquêteurs dans les locaux de la société SCLE, deux pages manuscrites du 17 janvier 1994 font un bilan prévisionnel pour 1994. A côté de la référence " 5100 " apparaît le lot 16 et à côté de la référence " 5101 " le lot 12 avec la mention " AO fin 1994 ". Plus loin, il est indiqué : " espère ... SDEPA 08 " (MF).

Sur les éléments d'échanges d'informations sur les prix :

Les enquêtes, conduites sur le fondement des dispositions des articles 48 et 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ont mis en évidence que la société ETDE a adressé à la société Saunier Duval Electricité des études portant sur le bordereau des prix du Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques. Tout d'abord, a été saisie dans les locaux de l'agence Saunier Duval à Anglet une télécopie de l'agence ETDE d'Ustaritz en date du 6 janvier 1994 qui fait le point sur les postes du marché qu'il convient de modifier. Ensuite, M. Jacky Rey, responsable du site ETDE d'Ustaritz, a communiqué, le 5 avril 1995, une télécopie en date du 6 janvier 1994 de M. Bourgmeyer, chef du centre de travaux Aquitaine Sud d'ETDE, à destination de M. Daguerre, responsable de l'agence de la société Saunier Duval Electricité, qui constitue la suite de la télécopie susvisée. La première page de cette télécopie indique : " suite à notre conversation téléphonique de ce jour, tu trouveras ci-joint mes notes concernant le bordereau SDEPA 91 ". Ces études mentionnent par articles de travaux, et par rapport aux prix retenus pour le marché passé en 1991, les modifications de prix qu'il faudrait appliquer en 1994, les prix retenus en 1991 étant trop faibles ou inadaptés. En outre, elles comportent des indications sur les modifications qu'il faudrait apporter au contenu des articles de travaux.

A l'issue de l'instruction, les griefs suivants ont été notifiés :

- d'une part, aux sociétés L'Entreprise Industrielle (EI), ETDE Réseaux d'Energies, SNEF Electric Flux devenue SNEF, Saunier Duval Electricité, Forclum Midi-Pyrénées, Cegelec devenue Alstom Entreprise, Spie-Trindel, STEE et SCLE le grief de s'être entendues afin de se répartir les lots du marché d'électrification rurale organisé par le SDEPA pour 1994, pratique ayant eu pour objet et pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et constitutive d'une violation de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- d'autre part, au Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques, le grief d'avoir participé à l'entente précitée, pratique ayant eu pour objet et pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et constitutive d'une violation de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- enfin, aux sociétés ETDE et Saunier Duval Electricité, le grief d'avoir échangé des informations sur les prix avant la remise des plis lors de l'appel d'offres public organisé en 1994 pour des travaux d'électrification rurale dans le département des Pyrénées-Atlantiques, auquel elles ont soumissionné, pratiques ayant eu pour objet et pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et constitutives d'une violation de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur les destinataires de la notification de griefs et du rapport :

Considérant, d'une part, que la société Cegelec, devenue Alstom Entreprise, soutenait, suite à la notification de griefs, qu'en l'espèce était en cause son agence Cegelec-Pau ; que la société Alstom Entreprise, qui a été destinataire du rapport, souligne qu'une restructuration est intervenue dans l'ancienne société Cegelec par voie de filialisation de ses anciennes directions régionales ; que, dès lors, est concernée par les pratiques relevées en l'affaire, l'agence Cegelec Pau qui, à l'époque des faits, faisait partie de la direction régionale Sud Ouest de la société Cegelec dénommée depuis Alstom Entreprise ;

Mais considérant que l'agence Cegelec Pau de la société Cegelec n'était pas, lors de la conclusion du marché, une personne morale juridiquement indépendante ; qu'ainsi, les griefs retenus lors de l'établissement de la notification de griefs ne pouvaient qu'être notifiés au siège social de la société Cegelec, devenue, suite à un changement de dénomination sociale, Alstom Entreprise ; que, par ailleurs, si la société Alstom Entreprise a fait apport à la société Perimon dénommée, depuis, Cegelec Sud Ouest, à titre d'apport partiel d'actif placé sous le régime juridique des scissions avec effet rétroactif au 1er juillet 1998, de sa branche complète et autonome de l'activité direction régionale Sud Ouest, il est constant que la société Alstom Entreprise continue d'exister ; que, dès lors, il lui appartient de répondre des griefs retenus par le rapporteur à son encontre ; qu'ainsi, les moyens soulevés par la société Cegelec, devenue Alstom Entreprise, doivent être écartés ;

Considérant, d'autre part, que le Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques (SDEPA) soutient que son directeur de travaux, M. Douet, ou son administration, la DDA, aurait dû être destinataire de la notification de griefs ;

Mais considérant que c'est en tant que représentant du SDEPA, établissement doté de la personnalité morale, que M. Douet a organisé, selon une note du 2 mars 1994 de l'agence Pyrénées Centre d'Ustaritz de la société ETDE, une réunion confidentielle sur certains points de l'appel d'offres ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur la prescription :

Considérant que la société Alstom Entreprise fait valoir qu'au cas particulier, en l'absence de procès-verbal de communication de pièces relatives à l'appel d'offres de 1991, le premier acte susceptible d'interrompre la prescription est la demande d'enquête de l'administration en date du 14 février 1995 dans le secteur de l'électrification rurale à l'occasion des marchés publics soumis à appel d'offres dans le département des Pyrénées-Atlantiques en 1994, soit plus de trois ans après l'appel d'offres lancé en 1991 ; qu'en conséquence, les pièces relatives à l'appel d'offres de 1991, concernant des faits couverts par la prescription, doivent être écartées du dossier ; que, de plus, et dans la mesure où la comparaison entre le marché de 1991 et celui de 1994 est à la base de l'argumentation des griefs notifiés, la mise à l'écart du dossier des pièces de l'appel d'offres de 1991 devrait entraîner l'abandon des griefs ;

Mais considérant qu'en l'espèce aucun grief n'a été formulé à l'encontre des entreprises concernant leur comportement lors de l'appel d'offres de 1991 ; que, par ailleurs, si le Conseil de la concurrence ne peut retenir de griefs pour des pratiques prescrites, il peut cependant décrire des faits survenus dans la période prescrite dès lors que cette description est de nature à permettre de mettre en perspective les pratiques mises en œuvre dans la période non prescrite ; qu'ainsi, le rapporteur constatant que la répartition des lots lors de l'appel d'offres de 1994 était quasiment identique à celle de 1991, pouvait valablement rechercher si cette circonstance résultait d'une pratique d'entente lors de l'appel d'offres de 1994 et notifier des griefs aux entreprises s'il estimait que cette entente était établie ;

Sur l'absence de procès-verbaux de communication de pièces :

Considérant que la société Alstom Entreprise relève, d'une part, qu'il est indiqué dans le rapport d'enquête, sans qu'il puisse être fait référence à un procès-verbal, que " les responsables du syndicat départemental interrogés sur les conditions d'information des entreprises ont assuré ne les avoir informées par téléphone que pour les lots qui leur revenaient et en aucune façon en leur donnant les résultats exhaustifs de l'appel d'offres. Cette dernière information n'a été communiquée que par voie de presse par le BOAMP du 8 juillet 1994. Un membre de la commission d'appel d'offres a, cependant, donné très rapidement aux entreprises les noms des nouveaux titulaires de lots " ;

Considérant que ces déclarations ne sont effectivement pas consignées dans un procès-verbal ; qu'en conséquence, elles ne peuvent pas être utilisées pour établir l'existence d'une pratique anticoncurrentielle et doivent être retirées du dossier ;

Considérant que la société Alstom Entreprise prétend, d'autre part, que les procès-verbaux de communication des documents établis sur le fondement des dispositions de l'article 51 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, relatifs à l'appel d'offres lancé en 1991, à savoir, l'extrait du registre des délibérations du bureau syndical du 23 mai 1991, le procès-verbal d'appel d'offres restreint du 1er juillet 1991, les actes d'engagement pour les lots 1 à 16, et à l'appel d'offres lancé en 1994, à savoir, le procès-verbal d'appel d'offres restreint-ouverture des candidatures, le procès-verbal d'ouverture des offres, le règlement particulier d'appel d'offres (RPAO) et les actes d'engagement pour les lots 1 à 16, ne figurent pas au dossier ;

Considérant qu'en l'espèce les pièces citées par la société Alstom Entreprise ont été soumises au contrôle du juge qui a délivré l'ordonnance du 23 février 1995 autorisant les visites et saisies dans les locaux des entreprises en ce qui concerne leur provenance, puis ont été ensuite versées au dossier soumis à la procédure contradictoire devant le Conseil de la concurrence ; que la société Alstom Entreprise a ainsi pu les consulter à la suite de la notification de griefs ; que, s'il est exact que la réunion de ces documents n'a pas donné lieu à l'établissement de procès-verbaux de communication de pièces, il résulte d'un arrêt rendu le 26 janvier 1999 par la Cour de cassation, chambre commerciale, que l'article 51 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux termes duquel les enquêteurs peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services et établissements de l'Etat et des autres collectivités publiques, ne subordonne pas l'exercice de ce droit par les enquêteurs à une forme particulière, pas plus qu'il n'interdit aux services concernés de leur communiquer spontanément tous documents susceptibles d'intéresser leur mission " ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;

Sur la régularité des procès-verbaux :

Considérant que la société SNEF, après avoir d'abord soutenu que le procès-verbal d'audition de M. Lacoste, chef du service ligne de la SCLE, en date du 11 mai 1995, était nul à défaut de précision sur l'objet de l'enquête, prétend que les conséquences de l'irrégularité de ce procès-verbal, constatée dans le rapport, n'ont pas été totalement tirées ; qu'ont été annexés à ce rapport des extraits de la notification de griefs qui décrivent le contenu dudit procès-verbal, un extrait qui cite un passage de ce dernier pour corroborer d'autres indices résultant des pièces saisies dans les locaux de la société SCLE et que l'intégralité du procès-verbal est annexée au rapport ;

Considérant que le procès-verbal dont il s'agit, ne comportant ni la mention que l'enquête était effectuée en application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, ni la mention que l'objet de l'enquête avait été indiqué et l'indication de cet objet, a été retiré du dossier par le rapporteur au stade du rapport ;

Considérant, par ailleurs, que, si cette pièce était annexée au rapport dès lors qu'elle était commentée dans la notification de griefs, il est constant que le rapporteur l'a explicitement éliminée de celles sur lesquelles il se fondait pour établir les griefs finalement retenus au stade du rapport ; qu'il est expressément mentionné dans ce dernier que le procès-verbal en cause est " irrégulier " et que " les déclarations et les documents remis par M. Lacoste doivent être retirés du dossier " et " ne peuvent pas servir à l'appui du maintien des griefs qui ont été notifiés " ;

Considérant que la société SNEF soutient encore que le procès-verbal de déclaration et de remise de documents de M. Rey, responsable du site ETDE d'Ustaritz, en date du 5 avril 1995, est irrégulier, l'intéressé n'ayant pas été suffisamment renseigné sur l'objet de l'enquête ; qu'il devrait être écarté du dossier ainsi que les documents qui ont été remis ;

Mais considérant, qu'il résulte d'un arrêt rendu le 15 juin 1999 par la Cour d'appel de Paris, 1re chambre, section H, sur le recours formé par la SA Société Languedocienne de travaux publics et de Génie civil (Solatrag), la SA Joulie et Fils TP, la SA Bec Frères, la SA Sacer, la SA Screg Sud-Est et la SA Colas Midi Méditerranée, contre la décision n° 98-D-33 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre à l'occasion de la passation de marchés publics de voirie et réseaux divers dans le département de l'Hérault, qu'une société n'est pas fondée " à remettre en cause la régularité du procès-verbal concernant une entreprise qui n'a jamais discuté avoir été valablement informée de l'objet de l'enquête et de la nature des investigations exercées dans le cadre de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 expressément visée " ; qu'au cas particulier, l'entreprise ETDE, à laquelle appartient M. Rey, n'a pas discuté avoir été valablement informée de l'objet de l'enquête ; que, dès lors, le moyen de la société SNEF sur la régularité du procès-verbal de M. Rey doit être écarté ;

Considérant, au surplus, que le procès-verbal dont il s'agit fait référence aux titres III et IV de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; qu'ainsi, le cadre juridique de l'enquête est précisé ; que, si l'objet de l'enquête ne figure pas sur le procès-verbal, il convient, cependant, de relever que M. Rey a déclaré aux enquêteurs : " Etant en poste à l'agence ETDE d'Ustaritz depuis le mois de décembre 1994, je ne suis pas en mesure d'évoquer avec vous, l'appel d'offres 1994 du syndicat d'électrification rurale des Pyrénées-Atlantiques qui a eu lieu en avril 1994. Ce marché a été traité par mon prédécesseur, M. Bourgmeyer, qui a maintenant quitté le site d'Ustaritz " ; qu'il ressort de ces déclarations que l'intéressé connaissait l'objet de l'enquête qu'effectuaient les enquêteurs, à savoir le marché d'électrification rurale dans le département des Pyrénées-Atlantiques conclu en 1994 ; que c'est donc en connaissance de cause qu'il a remis des pièces et fait des déclarations à ces derniers ;

Sur le fond :

En ce qui concerne le grief fait aux entreprises de s'être entendues, afin de se répartir les lots du marché et le grief fait au Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées Atlantiques d'avoir participé à cette entente :

Considérant qu'il est constant que les entreprises qui avaient été moins disantes en 1991 et qui ont soumissionné en 1994 pour le lot qu'elles détenaient ont toujours été moins disantes sur le lot et ne l'ont jamais été sur les autres lots ;

Considérant que les entreprises soumissionnaires qui ont obtenu un lot soutiennent que ce résultat était normal dès lors que chacune d'elles détenant un lot dans le précédent marché était à même, grâce à sa connaissance des spécificités de celui-ci et de sa localisation, de faire une offre plus compétitive pour le lot qu'elle détenait déjà que pour les autres lots auxquels elle soumissionnait ;

Mais considérant que l'instruction a permis d'établir que la société ETDE a proposé une majoration de + 1,5 % sur le lot 5 qu'elle n'a pas obtenu, alors qu'elle a proposé une majoration de + 2,5 % sur le lot 6 qu'elle détenait antérieurement et qui lui a été attribué ; que, de même, la société Forclum a proposé un rabais de - 0,5 % sur le lot 9 qu'elle n'a pas obtenu et une majoration de + 2,4 % sur le lot 7 qu'elle détenait antérieurement et qui lui a été attribué ; que, par ailleurs, la société SNEF n'a proposé ni rabais ni majoration sur le lot 9 qu'elle n'a pas obtenu, alors qu'elle a proposé une majoration de + 4 % sur le lot 3 qu'elle détenait antérieurement et qui lui a été attribué ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les parties, il n'apparaît pas que les entreprises soumissionnaires faisaient des offres plus compétitives sur les lots qu'elles détenaient antérieurement que sur les autres lots ; que, dès lors, la stabilité absolue de la répartition des lots en 1994 par rapport à 1991 constitue un indice d'une pratique anticoncurrentielle, indice qui, s'il est insuffisant en lui-même, peut avec d'autres indices contribuer à établir l'existence d'une telle pratique ;

Considérant, cependant, que les autres éléments retenus au stade du rapport sont insuffisamment probants pour constituer des indices d'une pratique anticoncurrentielle ;

Considérant, en premier lieu, que le rapport intitulé " Segment III collectivités locales sous-segment III.A électrification rurale " de la société ETDE, saisi dans ses locaux à Toulouse, contient une partie " présentation-situation de l'entreprise sur le marché ", qui mentionne que la société ETDE est dans " une situation de co-leader avec la Spie sur un marché contrôlé à 55 % par les majors de la profession, ce qui lui assure une certaine stabilité concurrentielle " ; qu'il est également indiqué sur ce document, dans sa partie " Attraits du sous-segment...-points positifs ", que les barrières à l'entrée " sont nombreuses et efficaces... " et " nous ne constatons jamais de nouveaux entrants extérieurs à la profession " ; que, dans sa partie " synthèse et alternatives ", ce document indique que " cette activité représente l'épine dorsale actuelle de l'agence Midi-Pyrénées... ", et au sujet de la " croissance interne ", que " le marché est un champ clos étanche, grâce à ses barrières à l'entrée, où nous sommes co-leader... " ;

Mais considérant que ce document n'est pas daté ; que, selon la société ETDE, il a été rédigé plus de trois années avant la date de l'appel d'offres de 1994 ; qu'il donne des indications sur le comportement des entreprises durant une période précédant le marché passé en 1994 ; qu'en conséquence, cette pièce ne peut constituer un indice tendant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en deuxième lieu, que le rapport de la société ETDE Réseaux d'Energies, région Sud-Ouest, comprend une synthèse agence Midi-Pyrénées du 22 mars 1994 qui mentionne dans sa partie " synthèse agence ", à propos des prises de commandes, " trois marchés en reconduction (SDEPA-2 marchés-, Hautes-Pyrénées-un marché) dans le premier semestre 1994 " ; que le tableau intitulé " 1re actualisation 94 " du 15 mars 1994, contenu dans la partie " centre Aquitaine Sud-Ustaritz " et celui du 14 mars 1994, contenu dans la partie " centre Aquitaine Sud-Pau " de ce rapport, font apparaître que l'entreprise estimait que le renouvellement des lots 2 et 9 (devenu 6 en 1994) devait être classé dans la catégorie des affaires probables ; qu'il est également indiqué dans la partie " centre Aquitaine Sud-Ustaritz prises de commandes " de ce rapport, " reconduction difficile du marché du SDEPA (AO restreint en cours) " ;

Considérant que, si ces éléments suggèrent que la société ETDE espérait pouvoir obtenir le lot 2 et le lot 9 (devenu 6 en 1994), elle craignait la concurrence et n'était pas sûre d'être attributaire de ces deux lots ; qu'en conséquence, le contenu de cette pièce est insuffisant pour pourvoir constituer un indice tendant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'une note de l'agence Pyrénées, centre d'Ustaritz, de la société ETDE du 2 mars 1994 fait état d'une réunion qualifiée de " confidentielle ", organisée par M. Douet, directeur des travaux du SDEPA, dont le but était d' "informer sur certains points concernant l'appel d'offres " ; qu'y " étaient présents les titulaires d'un lot sur le pays basque dont 3 SCOP " ; que, dans cette note, " M. Douet espère que les entreprises actuelles seront reconduites... " ; que, si cette pièce a été préparée avant la date limite de réception des demandes d'admission, fixée au 14 mars 1994, et la date limite de réception des offres, fixée au 2 mai 1994, et concerne l'appel d'offres SDEPA 1994, sa date exacte n'est pas connue ;

Considérant, par ailleurs, que la mention " DDA M. Douet " portée sur l'agenda de M. Daguerre, chef de l'agence Saunier Duval Electricité à Anglet, à la date du 1er mars 1994, saisi dans les locaux de cette dernière, ne permet pas de conclure que la réunion qui serait ainsi visée a eu effectivement lieu à cette date ; que, de plus, les participants à cette réunion et son objet ne sont pas connus avec précision ; qu'en conséquence, le contenu de cette pièce est insuffisant pour pouvoir constituer un indice tendant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en quatrième lieu, que les deux télécopies de la société ETDE Ustaritz, l'une en date du 4 mai 1994 adressée à M. Stadler, responsable de la maîtrise de travaux à l'agence Midi-Pyrénées de Toulouse, qui précise les montants, commune par commune, des travaux du lot 6 dont la société ETDE a été attributaire, l'autre, en date du 6 mai 1994, à destination de M. Savary, chef d'agence Midi-Pyrénées, contenant des éléments concernant le marché SDEPA 94, sont toutes les deux postérieures à la réunion de la commission d'appel d'offres qui s'est tenue le 3 mai en vue de procéder à l'attribution des lots ; que, par ailleurs, la société ETDE a communiqué la copie du courrier en date du 5 mai 1994 que le SDEPA a fait parvenir aux directeurs ETDE Ustaritz (64480) pour le lot 2 et Lescar (64230) pour le lot 6, et qui mentionne : " J'ai l'honneur de vous informer que la commission d'appel d'offres réunie le 3 mai 1994 a retenu vos propositions pour le lot n° 2 à savoir une majoration de 1 % (pour le lot n° 6 à savoir une majoration de 2,5 %). Le marché vous sera notifié très prochainement...) ; qu'en outre, s'agissant de la télécopie du 4 mai 1994, il ne peut être exclu, en l'absence d'autres éléments dans le dossier, que la société ETDE l'ait préparée alors qu'elle avait eu connaissance officieusement des résultats de l'appel d'offres ;

Considérant, dans ces conditions, que ces pièces, qui sont postérieures à l'attribution des lots par la commission d'appel d'offres, ne peuvent pas être retenues pour établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en cinquième lieu, que le rapport du mois d'avril 1994 de la société SNEF Electric Flux, qui indique dans sa partie 7 " Devis ou affaire à venir " : travaux d'électrification rurale et d'éclairage public 1994-1995-1996 pour le S.D.E. des Pyrénées-Atlantiques : marchés positifs. Lots n° 3 et n° 10 pour environ 6 000 KF par an ", a été communiqué par l'agence de Vic-en-Bigorre le 4 mai 1994 au secrétariat direction du siège social de la société SNEF Electric Flux, donc deux jours après la date limite de réception des offres et un jour après la réunion de la commission d'appel d'offres qui a procédé à l'attribution des lots ; qu'en l'absence d'autres éléments au dossier, et bien que ce rapport soit du mois d'avril 1994, il n'est pas établi qu'il ait été préparé avant le dépôt des offres ;

Considérant, en conséquence, que cette pièce, dont la date d'établissement n'est pas connue avec certitude, ne peut être retenue pour établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en sixième lieu, que la fiche manuscrite saisie dans les locaux de la société Saunier Duval Electricité mentionne les attributaires des lots 1, 2, 3, 4, 5, 13, 14 et 16 ; qu'en ce qui concerne les lots 4 et 5 dont la société Saunier Duval Electricité a été attributaire, elle indique :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Mais considérant que cette pièce n'est pas datée ; que, dès lors, elle ne peut être retenue pour établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en septième lieu, que la carte saisie dans les locaux de la société Saunier Duval Electricité, découpant le département en lots et portant la mention Syndicat départemental d'électrification des Pyrénées-Atlantiques, " programme 1994 ", contient la délimitation de quatre lots non numérotés qui portent la mention " lot réservé " encadrée en rouge ; que les lots 2, 3, 4, 5, 8, 9 et 11 portent le nom de leur titulaire écrit en bleu et encadré ; que le lot 1 et le lot 10 contiennent le nom de leur titulaire écrit en bleu, mais de manière différente, et le lot 12 le nom de son titulaire écrit au crayon ; que les noms figurant sur cette carte correspondent aux noms des titulaires effectifs des lots pour le marché passé en 1994 ;

Mais considérant que cette carte n'est pas datée ; qu'en conséquence, cette pièce ne peut être retenue pour établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en huitième lieu, que la liste des travaux " recensés 1994 ", saisie dans les locaux de la société Forclum Midi-Pyrénées, contient les mentions manuscrites pour les lots 7 (+ 2,4 %, + 2,5 % étant rayé), 9 (- 0,5 %), 10 (- 0,6 %), 12 (- 0,5 %) ; que la société Forclum, qui a proposé une majoration de + 2,4 % pour le lot 7, en a été attributaire ; qu'elle a répondu pour le lot 9 avec un rabais de - 0,5 % et, pour le lot 10, n'a pas proposé de rabais ;

Mais considérant, d'une part, que la société Forclum Midi-Pyrénées soutient que ce document, loin de constituer un indice d'entente, confirme au contraire sa volonté de jouer le jeu de la concurrence en présentant des offres travaillées et compétitives ; qu'aucun élément ne permet d'infirmer cette thèse ; qu'en conséquence, la pièce dont il s'agit ne peut être retenue pour établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en neuvième lieu, que la mention " Rappeler M. Harritchabalay Cegelec " figurant à la date du 14 avril 1994 dans le cahier de communications téléphoniques saisi dans les locaux de la société Spie-Trindel, qui porte sur la première page cartonnée le nom de M. Zamuner, chef d'agence, ne permet de connaître ni les raisons pour lesquelles ce dernier devait être rappelé ni, d'ailleurs, si M. Harritchabalay a été effectivement rappelé ;

Considérant, en conséquence, que le contenu de cette pièce est insuffisant pour pouvoir constituer un indice tendant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, en dixième lieu, que les notes manuscrites au crayon noir saisies dans les locaux de la société STEE à Tarbes portent, pour certaines d'entre elles, la mention " simulation 1994 " ; qu'une page manuscrite portant la mention " choix des lots " comporte, à côté du lot 11, l'indication " faire effort attention concurrence ", à côté du lot 12 " intéressant faire prix compétitif ", et indique " conclusion lot 11 plus intéressant réponse en MO sera supérieure sur les lots 10 et 12 " ; que la société STEE fait valoir que les écrits du chargé d'affaires ont été annotés par une autre personne qui a décidé de présenter un rabais sur le lot 11, les lots 10 et 12 appelant une majoration ou un prix égal, ce qui laisse présumer l'existence d'une pression concurrentielle ;

Considérant toutefois que la fiche intitulée " choix des lots " n'est pas datée ; qu'en outre, les mentions qu'elle contient suggèrent que la société STEE était confrontée à la concurrence sur les lots 10, 11 et 12 et s'interrogeait sur le lot qui pouvait être le plus intéressant pour elle compte tenu de cette concurrence ; que, dans ces conditions, cette pièce ne peut constituer un indice tendant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant, enfin, que les pages manuscrites datées du 17 janvier 1994 saisies dans les locaux de la société SCLE contiennent un bilan prévisionnel pour 1994 ; que, sur ces pages, apparaissent, à côté de la référence " 5100 ", le lot 16, à côté de la référence " 5101 ", le lot 12 avec la mention " AO fin 1994 " ; qu'il est indiqué plus loin " espère ... SDEPA 08 " (MF) ; que ces pages manuscrites sont antérieures à l'avis d'appel public à la concurrence du 3 février 1994 ; que, par ailleurs, aucun élément ne permet de contredire l'allégation de la SCLE selon laquelle les mentions susvisées constituent des prévisions ; que la mention " espère ... SDEPA 08 " conforte cette interprétation ; que, dans ces conditions, le contenu de cette pièce est insuffisant pour pouvoir constituer un indice contribuant à établir l'existence d'une entente relative à l'appel d'offres de 1994 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que seule la stabilité dans l'attribution des lots constitue un indice d'une pratique anticoncurrentielle lors des soumissions au marché de 1994 ; que cet indice isolé est insuffisant pour constituer une preuve ; que, dès lors, il n'est pas établi que les sociétés L'Entreprise Industrielle, ETDE (anciennement ETDE Réseaux d'Energies), SNEF (anciennement SNEF Electric Flux), Saunier Duval Electricité, Forclum Midi-Pyrénées, Alstom Entreprise, Spie-Trindel, STEE et SCLE se soient entendues avant le dépôt de leurs offres pour se répartir les lots du marché ; que, de même, il n'est pas établi que le SDEPA ait participé à cette entente ;

En ce qui concerne le grief fait aux sociétés ETDE et Saunier Duval Electricité d'avoir échangé des informations sur les prix,

Considérant que la société ETDE indique que la télécopie, datée du 6 janvier 1994, adressée par M. Bourgmeyer, de l'agence ETDE d'Ustaritz, à M. Daguerre, de la société Saunier Duval Electricité, et qui contient une analyse du bordereau des prix de l'appel d'offres 1991, serait antérieure à une réunion organisée par le SDEPA le 11 janvier 1994, dont l'objet aurait été la révision du bordereau des prix en vue de l'appel d'offres de 1994 ; qu'il s'agirait d'une démarche courante, permettant au maître d'ouvrage de modifier les prix ; que la société Saunier Duval Electricité précise que cette télécopie résume les conclusions que la société ETDE a pu tirer de l'exécution du marché de 1991 et fait état des positions que cette société entendait prendre lors de la réunion organisée par le SDEPA le 11 janvier 1994 ;

Mais considérant qu'il ne peut être sérieusement allégué que cette télécopie a été préparée en vue de la réunion du SDEPA du 11 janvier 1994 ; que la convocation à cette réunion, dont les destinataires étaient M. " Ph. Lassale Directeur de travaux du S.D.E. Cabinet C.E.T.R.A. " à Pau, M. " R. Douet Directeur de travaux du S.D.E. D.D.A. " à Bayonne, M. " le Directeur EDF-GDF Service Béarn Bigorre ", à Billere, et M. le " Directeur EDF-GDF service Sud Aquitaine " à Bayonne, était libellée comme suit : " Dans le cadre de la préparation des programmes d'électrification rurale 1994, j'ai l'honneur de vous inviter à participer à la réunion de travail, qui se tiendra le mardi 11 janvier 1994... au siège du syndicat, pour la révision de nos bordereaux de prix " ; que la tenue de cette réunion, à laquelle n'étaient conviées ni la société ETDE, ni la société Saunier Duval Electricité, ne justifie pas l'échange d'informations entre ces dernières sur les prix devant figurer sur le bordereau SDEPA 1994 ; qu'en effet, à supposer même, ce qui n'est nullement établi, que chacune des deux sociétés ait été sollicitée pour donner au SDEPA son sentiment sur la manière dont le bordereau devrait être révisé, il leur appartenait de répondre au SDEPA chacune pour son compte et non pas de se concerter entre elles ;

Considérant que les prix qui ont fait l'objet d'un échange d'informations ont été déterminés à partir du bordereau SDEPA 91 ; que les prix de ce bordereau ne correspondant plus à ceux en vigueur, ils ont été réétudiés, critiqués et réajustés dans l'objectif du marché SDEPA 1994 ; que la société ETDE, en échangeant ainsi avec la société Saunier Duval Electricité, son concurrent potentiel, des informations sur ce qu'elle estimait constituer les aménagements nécessaires par rapport au bordereau de prix SDEPA 91, a pu donner à la société Saunier Duval Electricité des indications sur ce que serait le montant de ses soumissions et influencer cette dernière dans la détermination de ses propres prix de soumission ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les entreprises ETDE et Saunier Duval Electricité ont échangé des informations sur les prix devant figurer sur le bordereau SDEPA 1994, avant même la publication de l'avis d'appel d'offres à la concurrence lancé pour le programme d'électrification rurale pour 1994 dans les Pyrénées-Atlantiques, en date du 3 février 1994, et, a fortiori, avant le dépôt des offres, marché pour lequel elles ont soumissionné séparément et ont été attributaires de lots ; que cette pratique a pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre elles lors de l'appel d'offres de 1994 ; qu'elle est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence peut " ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;

Considérant que le dommage à l'économie doit s'apprécier en tenant compte du fait que l'échange d'informations sur les prix entre les sociétés ETDE et Saunier Duval Electricité, toutes deux soumissionnaires au marché ci-dessus, et qui ont obtenu un lot, a eu lieu dans le cadre d'un marché qui a été conclu pour une durée de trois ans ;

Considérant que les sociétés ETDE et Saunier Duval Electricité ont échangé des informations sur les prix avant même le lancement de l'avis d'appel d'offres à la concurrence et a fortiori avant la remise des offres pour le marché ci-dessus examiné ; que, dans sa décision 89-D-42, relative à des pratiques d'entente relevées dans le secteur de l'équipement électrique, le Conseil de la concurrence a déjà infligé une sanction pécuniaire de 4 000 000 F à la société Entreprises Saunier Duval ; que cette sanction a été réduite par la Cour d'appel de Paris, 1re chambre, section concurrence, dans son arrêt du 26 avril 1994, à 2 000 000 F ; qu'il y a lieu de tenir compte de ce précédent ; que la société ETDE est celle qui a envoyé à son concurrent les informations sur les révisions nécessaires du bordereau de 1991 suite à une conversation téléphonique entre ETDE et Saunier Duval Electricité ;

Considérant que la société ETDE a réalisé en 1998, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxe en France de 139 961 547 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels appréciés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F ;

Considérant que la société Saunier Duval Electricité a réalisé en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxe en France de 1 031 051 626 F ; qu'elle indique qu'elle n'intervient plus depuis 1996 sur le marché de la distribution de l'énergie électrique et de l'éclairage public suite à l'apport à une autre société des branches d'activités correspondantes ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 700 000 F,

Décide

Article 1er. - Il est établi que les sociétés ETDE et Saunier Duval Electricité ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Article 2. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

100 000 F à la société ETDE ;

700 000 F à la société Saunier Duval Electricité.