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Décisions

Cass. com., 3 mai 2000, n° 99-30.000

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Butagaz (Sté), Compagnie des Gaz de Pétrole Primagaz, Elf Antargaz (Sté), Totalgaz (SNC)

Défendeur :

Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Hémery, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Piwnica, Molinié, Mes Roué-Villeneuve, Ricard.

TGI Nantes, prés. , du 17 nov. 1998

17 novembre 1998

LA COUR : - Joint les pourvois n° 99-30.000, n° 99-30.001, n° 99-30.002 et n° 99-30.066 qui attaquent la même ordonnance ; - Attendu que, par ordonnance du 17 novembre 1998, le président du Tribunal de grande instance de Nantes a, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autorisé des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer une visite et des saisies de documents dans les locaux des sociétés Totalgaz et Butagaz à Nantes (44), Elf Antargaz à Cesson Sévigné (35), compagnie des gaz de pétrole Primagaz (société Primagaz) à Saint-Pierre-des-Corps (37) et Vitogaz à Courbevoie (92), en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée dans le secteur de la fourniture de gaz aux aviculteurs, et a donné commission rogatoire aux présidents des Tribunaux de grande instance de Rennes, Tours et Nanterre pour qu'ils contrôlent les opérations devant se dérouler dans le ressort de leurs juridictions respectives ; que par une ordonnance complémentaire du 16 décembre 1998, il a, après avoir constaté que la société Butagaz avait déménagé, étendu son autorisation aux locaux effectivement occupés par cette société à Nantes ;

Sur le premier moyen des pourvois n° 99-30.000, n° 99-30.001, n° 99-30.002 et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 99-30.066 : - Attendu que les sociétés Butagaz, Primagaz, Elf Antargaz et Totalgaz font grief à l'ordonnance du 17 novembre 1998 d'avoir ainsi statué alors, selon les pourvois, que l'ordonnance attaquée ne constate pas que M. Chamant, qui a présenté la requête, aurait été nominativement habilité, en qualité d'enquêteur de catégorie A, et n'indique pas à quel service territorial ce fonctionnaire est rattaché ; qu'ainsi, elle ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que M. Chamant était compétent pour saisir le président du Tribunal de grande instance de Nantes, pour mettre en œuvre les mesures prévues par l'article 48 ; qu'elle est ainsi privée de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que M. Chamant n'étant intervenu que pour présenter au président la requête en autorisation de visite domiciliaire dont M. Le Teno était l'auteur, c'est en la personne de ce dernier que devaient être réunies les qualités exigées par les articles 47 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les moyens sont inopérants ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 99-30.002, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Elf Antargaz fait le même reproche à l'ordonnance du 17 novembre 1998 alors, selon le pourvoi, que l'exercice d'un droit de visite ne peut être autorisé que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'économie ou le conseil de la concurrence ; que l'ordonnance attaquée se réfère à une demande du ministre de l'économie, signée par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui prescrit une enquête "en application du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986", pour apporter la preuve de "pratiques prohibées" par l'article 7 de la même ordonnance, relatives aux "conditions de fourniture de gaz aux aviculteurs" ; qu'en autorisant l'exercice d'un droit de visite sur la base d'une demande d'enquête dont l'objet était ainsi indéterminé quant aux faits ou pratiques faisant l'objet de cette enquête, et qui abandonnait à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le soin de déterminer les pratiques qui feraient l'objet de l'enquête, le président du Tribunal de grande instance de Nantes a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que la requête présentée au président du Tribunal de grande instance de Nantes relatait que l'enquête avait pour origine une lettre du directeur général de la CAFEL à la Direction départementale de la concurrence du 16 mai 1997, par laquelle il signalait l'existence d'un litige opposant certains de ses adhérents à la société Totalgaz ; que cette requête présumait des infractions aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 commises à l'occasion de la rupture concertée par des adhérents de la CAFEL de leurs contrats avec leurs différents fournisseurs de gaz et de l'attribution d'un contrat global par la CAFEL à la société Vitogaz entre 1996 et 1997 ; qu'en affirmant que cette requête s'inscrivait dans le cadre de l'enquête demandée par le ministre de l'économie le 9 septembre 1998, sur les "pratiques prohibées" relatives aux "conditions de fourniture de gaz aux aviculteurs", sans préciser en quoi les faits invoqués à l'appui de la requête, qui avaient donné lieu, en 1997, à une enquête menée en application de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'inscrivaient dans le cadre de l'enquête demandée par le ministre de l'économie le 9 septembre 1998, le président du Tribunal de grande instance de Nantes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance susvisée ; et alors, enfin, qu'en statuant ainsi, sans énoncer en quoi les infractions présumées à l'occasion de la rupture par des adhérents de la CAFEL de leurs contrats avec leurs différents fournisseurs de gaz, et de l'attribution d'un contrat global par la CAFEL à la société Vitogaz entre 1996 et 1997 étaient relatives aux "conditions" des contrats de fourniture de gaz aux aviculteurs, qui faisaient l'objet de l'enquête demandée par le ministre de l'économie le 9 septembre 1998, le président du Tribunal de grande instance de Nantes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige seulement que la demande de visite domiciliaire s'inscrive dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'économie ou le Conseil de la concurrence ; qu'en constatant que la requête qui lui était présentée, qui tendait à la recherche de la preuve de pratiques prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans le secteur de la fourniture de gaz aux aviculteurs, s'inscrivait dans le cadre d'une demande d'enquête du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relative aux conditions de fourniture de gaz aux aviculteurs, le président du tribunal a procédé au contrôle qui lui incombait conformément aux dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 99-30.000, pris en ses trois branches, et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 99-30.066 : - Attendu que les sociétés Butagaz et Totalgaz font aussi grief à l'ordonnance du 17 novembre 1998 d'avoir statué comme elle a fait alors, selon les pourvois, d'une part, que le juge devant, à peine d'irrégularité de sa décision, viser, décrire et analyser les pièces remises par l'administration requérante pour déduire l'existence de présomptions d'agissements illicites, ne satisfait pas aux exigences légales et viole l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'ordonnance attaquée qui, après avoir écarté les lettres d'Elf Antargaz à CAFEL du 27 septembre 1996 et de Butagaz à CAFEL du 5 mai 1997 aux motifs que ces documents n'étaient pas utiles à la qualification des présomptions de pratiques prohibées (ordonnance p. 4) se fonde ultérieurement (p. 6 et p. 9) sur ces mêmes documents pour affirmer qu'ils sont de nature à présumer de telles pratiques ; alors, d'autre part, qu'en se fondant sur des éléments de preuve qu'il avait dans un premier temps déclaré devoir écarter du dossier de pièces sur lesquelles l'Administration pouvait légalement prétendre se fonder pour procéder à des perquisitions, le président du tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir et violé derechef l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, que l'autorisation de procéder à des visites domiciliaires résultant d'une simple ordonnance rendue sur une requête, c'est-à-dire sans respect du contradictoire, il appartient au juge d'analyser tous les documents en possession de l'Administration et que celle-ci est tenue de lui remettre, afin d'apprécier celles d'entre elles qui sont de nature à établir la preuve des pratiques illicites alléguées et celles qui, à l'inverse, sont de nature à exclure de telles pratiques, de sorte qu'en écartant a priori, et sans la moindre analyse, 23 pièces que détenait l'Administration et qu'elle produisait à l'appui de sa requête, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que si le président mentionne qu'il écarte comme inutiles les deux pièces visées au moyen, puis les retient ultérieurement parmi celles fondant son appréciation selon laquelle il existe des présomptions de pratiques anticoncurrentielles, cette apparente contradiction, qui n'est que le fruit d'une erreur de plume devant être corrigée selon ce que la raison commande, ne porte pas préjudice aux sociétés concernées dès lors que les pièces en cause ont été visées et analysées dans l'ordonnance et qu'il n'est pas allégué qu'elles auraient été détenues illicitement par l'Administration ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, et en se référant à ceux des éléments d'information fournis par l'Administration qu'il a retenus, qu'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite et de saisie de documents s'y rapportant, le président du tribunal a satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et il ne peut lui être fait grief d'avoir délaissé certaines pièces qu'il n'a pas jugées utiles à son raisonnement; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur les troisième et quatrième moyens, ce dernier étant pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° 99-30.000, sur le second moyen du pourvoi n° 99-30.001, pris en ses deux branches, sur le troisième moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi n° 99-30.002 et sur le troisième moyen du pourvoi n° 99-30.066 : - Attendu que les sociétés Butagaz, Primagaz, Elf Antargaz et Totalgaz reprochent encore à l'ordonnance du 17 novembre 1998 d'avoir accordé l'autorisation demandée alors, selon les pourvois, d'une part, que la dénonciation spontanée d'une partie qui se prétend victime d'agissements illicites doit être corroborée par les pièces du dossier émanant soit de tiers, soit des parties auxquelles ces agissements sont reprochés ; qu'en se fondant sur les déclarations spontanées de M. de la Fouchardière, directeur général de la CAFEL, relatées dans le procès-verbal du 2 juin 1997, lesquelles émanaient de la partie qui se prétendait victime d'agissements illicites, et qui n'étaient corroborées par aucune des autres pièces du dossiers, l'ordonnance est privée de base légale au regard tant de l'article 48 que de l'article 7, 4 , de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que les mesures prévues par l'article 48 de l'ordonnance de 1986 étant destinées à rapporter la preuve de pratiques reposant sur des présomptions graves, concordantes et avérées, viole ce texte l'ordonnance attaquée qui, tout en reconnaissant que les pratiques alléguées par la DGCCRF à l'intérieur d'un marché géographiquement circonscrit ne caractérisent aucune entente au sein du marché concerné, énonce que ces pratiques pourraient néanmoins avoir un sens et relever d'une logique d'entente si elles participaient d'un mouvement concerté couvrant l'ensemble du territoire et autorise, pour ce motif, les agents de la DGCCRF à procéder à des perquisitions ; alors, encore, que l'autorisation d'effectuer des visites et saisies domiciliaires doit viser des faits susceptibles de caractériser des pratiques prohibées notamment par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'ordonnance attaquée qui a constaté que la CAFEL a pu renégocier aisément son contrat d'approvisionnement de gaz liquide avec une entreprise tierce, la société Vitogaz, filiale de l'une des entreprises visées par les poursuites, ne pouvait estimer que ces mêmes faits étaient de nature à présumer l'existence de pratiques faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ; qu'en se déterminant par ces motifs contradictoires, l'ordonnance est privée de motifs et viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que le président du Tribunal de grande instance de Nantes s'est fondé, pour accorder l'autorisation sollicitée, sur la circonstance selon laquelle les entreprises qui fournissaient du gaz aux aviculteurs adhérents de la CAFEL adoptaient une attitude similaire au regard des évolutions de tarifs et des concessions à titre commercial, tout en constatant que la CAFEL avait choisi de négocier directement avec l'ensemble des fournisseurs de ses adhérents et qu'elle avait ensuite organisé la résiliation concertée des contrats passés par ses adhérents avec leurs fournisseurs, avant de conclure un contrat global avec la société Vitogaz en 1997 ; qu'en se fondant ainsi sur des circonstances qui ne permettaient pas de présumer une entente concertée imputable à la société Elf Antargaz, le président du Tribunal de grande instance de Nantes a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; alors, au surplus, que le président du Tribunal de grande instance de Nantes a estimé, pour autoriser les perquisitions et saisies sollicitées, que des infractions au regard des points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pouvaient être présumées à l'encontre des fournisseurs de gaz aux aviculteurs, tout en constatant que ce sont les adhérents de la CAFEL qui avaient décidé d'adopter une attitude similaire à l'égard des fournisseurs, puis de résilier simultanément leurs contrats auxquels ils ont ensuite substitué un contrat global passé par l'intermédiaire de la CAFEL ; qu'en statuant ainsi, le président du Tribunal de grande instance de Nantes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que les infractions alléguées, à les supposer établies, ne pouvaient être imputées à la société Elf Antargaz, et a ainsi violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, de surcroît, que le président du tribunal de grande instance ne peut autoriser l'Administration requérante à effectuer des perquisitions et saisies que dans la mesure où les infractions qu'elles sont destinées à établir peuvent être présumées ; que, s'agissant de la violation du domicile, qui figure parmi les libertés fondamentales protégées par la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ces présomptions doivent être graves, précises et concordantes, ce qui suppose que les infractions présumées se déduisent directement des éléments d'information présentés à l'appui de la requête, et que ces éléments ne soient pas ambigus, ce qu'il appartient au président du tribunal de grande instance de vérifier au terme d'une analyse concrète et précise ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer que des infractions au regard des points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pouvaient être présumées, que les entreprises qui fournissaient du gaz aux aviculteurs adhérents de la CAFEL adoptaient une attitude similaire au regard des évolutions de tarifs et des concessions à titre commercial, sans préciser en quoi ces conjectures faisaient directement présumer les concertations alléguées, dès lors que la CAFEL avait choisi de négocier directement avec l'ensemble des fournisseurs de ses adhérents et qu'elle avait ensuite organisé la résiliation concertée des contrats passés par ses adhérents avec leurs fournisseurs, avant de conclure en 1997 un contrat global avec la société Vitogaz, et sans apprécier concrètement si ces circonstances ne présentaient pas un caractère ambigu, le président du Tribunal de grande instance de Nantes n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier que le contrôle judiciaire prévu par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a été exercé, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, que pour autoriser une visite domiciliaire et la saisie de documents, dans le cadre de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge doit examiner si les pièces soumises à son appréciation justifient de l'existence de présomptions suffisantes de pratiques anticoncurrentielles ; qu'en se contentant d'avaliser l'analyse qui lui était soumise par la DGCCRF sur le fondement des pièces du dossier, qui ne comportait aucune publication officielle des cours des produits sur les marchés internationaux, et seulement les correspondances de la CAFEL sans les réponses de la société Totalgaz, et en retenant une déclaration d'un responsable commercial qui ne fait que rappeler une règle de riposte de stratégie commerciale, l'ordonnance attaquée est dépourvue de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu que, sous le couvert des griefs infondés de manque de base légale, contradiction des motifs et violation de la loi, les moyens ne tendent qu'à remettre en question l'appréciation souveraine, par le président du tribunal, de la valeur des éléments retenus comme laissant présumer l'existence de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure demandée ; qu'ils ne sont pas fondés ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° 99-30.000 : - Attendu que la société Butagaz reproche aussi à l'ordonnance du 17 novembre 1998 d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le pourvoi, que le juge ne peut autoriser des visites et saisies dont l'objet n'est assorti de limitation ni quant aux marchés concernés, ni quant aux périodes auxquelles ils ont été passés, de sorte qu'en autorisant les enquêteurs à rapporter la preuve de pratiques illicites "relatives aux conditions de fourniture de gaz aux aviculteurs", sans autre précision, le président du tribunal de grande instance, qui a autorisé ainsi ces agents à étendre leurs investigations à tout type de marché passé en quelque lieu du territoire, et à quelque époque que ce fût, a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'en autorisant la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles prévues par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans le secteur de la fourniture de gaz aux aviculteurs, telles qu'il les avait décrites et analysées dans son ordonnance, le président du tribunal n'a pas délivré aux enquêteurs une autorisation imprécise ;que le grief n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 99-30.066, pris en sa seconde branche : - Attendu que la société Totalgaz fait le même reproche à l'ordonnance du 17 novembre 1998 alors, selon le pourvoi, que l'autorisation de visite et de saisie doit être délivrée de façon nominative pour satisfaire aux exigences des articles 45, 47 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en autorisant d'une manière générale et abstraite des enquêteurs habilités par les arrêtés du 12 mars 1993, en laissant le soin à M. Le Teno qui ne reçoit qu'une autorisation de procéder à leur désignation, l'ordonnance est intervenue en violation des textes susvisés ;

Mais attendu qu'il n'est pas interdit au président du tribunal de laisser au chef de service qui a sollicité l'autorisation exigée par la loi le soin de désigner les agents placés sous son autorité chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées, dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen du pourvoi n° 99-30.000, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Butagaz reproche enfin à l'ordonnance du 16 décembre 1998 d'avoir autorisé une visite domiciliaire dans ses locaux à Nantes alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation de l'ordonnance du 17 novembre 1998 entraînera la cassation par voie de conséquence de l'ordonnance rectificative du 16 décembre 1998 en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que le juge ne peut autoriser des visites domiciliaires dans les locaux d'une entreprise que s'il existe des présomptions sérieuses que s'y trouvent des pièces ou documents utiles à la manifestation de la vérité, de sorte qu'en autorisant les enquêteurs à procéder à des visites domiciliaires au 9 rue Marcel Sembat à Nantes, local auquel sa précédente ordonnance n'avait jamais fait la moindre référence, aux motifs que la société Butagaz disposait là d'une "seconde adresse", le président du tribunal de grande Instance de Nantes, qui n'a pas précisé quelle activité était exercée dans ces lieux, pas plus qu'il n'a constaté que les pièces ou archives susceptibles de s'y trouver pouvaient avoir quelque rapport avec l'enquête, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu d'une part, que les moyens précédents ayant été rejetés, le premier grief doit l'être également ;

Attendu, d'autre part, que le président peut autoriser des visites et saisies en tous lieux, même privés, dès lors qu'il déclare que des pièces et documents se rapportant aux agissements dont la preuve est recherchée sont susceptibles d'y être détenus ; qu'ayant exposé dans son ordonnance du 17 novembre 1998 les motifs pour lesquels il estimait que certains des documents recherchés étaient susceptibles de se trouver dans les locaux de la société Butagaz, il n'était pas tenu, dès lors qu'il se référait à cette ordonnance, d'exposer à nouveau ces motifs pour étendre son autorisation à d'autres locaux effectivement occupés par cette société; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : rejette les pourvois.