Cass. com., 27 novembre 1991, n° 90-10.579
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Entreprise Jean Lefebvre (SA), Colas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Geersen
Avocat général :
M. Jéol
Avocats :
Mes Pradon, Le Prado, Ricard.
LA COUR : - Joint les pourvois n° 90-10.579 et 90-10.580 qui attaquent la même ordonnance ; - Attendu que, par ordonnance du 8 décembre 1989, le président du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a autorisé des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer des visites et saisies de documents dans des locaux appartenant à huit entreprises dont ceux de la société anonyme Colas Rhône Alpes et ceux de la société anonyme Entreprise Jean Lefèbvre à Viriat (Ain) en vue de rechercher des infractions en matière de concurrence relatives aux marchés publics d'enrobés dans l'Ain ;
Sur le premier moyen des deux pourvois : - Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance d'avoir statué ainsi qu'elle a fait alors, selon les pourvois, que toute décision juridictionnelle doit être signée par le président et le secrétaire-greffier qui l'assiste et qu'il en va ainsi des ordonnances sur requête ; que l'ordonnance attaquée méconnaît donc les dispositions des articles 456, 458, 493 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'ordonnance prévue à l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 n'a pas à être rendue en audience publique et que ni le défaut d'assistance du juge par un secrétaire ni l'absence de signature d'un greffier n'entachent la décision d'irrégularité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la première branche du second moyen du pourvoi n° 90-10.580 : - Attendu que la société anonyme Colas fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé des visites et saisies dans l'entreprise Colas, ZAC La Champière, rue des Vareys à Viriat alors, selon le pourvoi, que l'ordonnance attaquée aurait dû désigner les bureaux des collaborateurs de la société Colas Rhône Alpes dans lesquels les agents de la Direction de la Concurrence étaient autorisés à pénétrer et rappeler à ces derniers qu'ils devaient solliciter, au cours des opérations, les autorisations complémentaires qui leur étaient nécessaires ;
Mais attendu que le juge en désignant le siège social de l'entreprise à visiter a répondu aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur la seconde branche du second moyen du pourvoi n° 90-10.580 : - Attendu que la société Colas fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le pourvoi, qu'elle ne mentionne pas que les visites et la saisie s'effectueraient sous le contrôle du juge et que les officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations devraient le tenir informé de leur déroulement ; que ce vice suffit à entacher de nullité l'ordonnance attaquée ;
Mais attendu que l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en vertu duquel est prise l'ordonnance attaquée précise que la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité du juge qui les a autorisés et que les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations tiennent le juge informé de leur déroulement ; que le juge n'était pas tenu à peine de nullité de son ordonnance de rappeler ces dispositions légales ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur la deuxième branche du second moyen du pourvoi n° 90-10.579 : - Attendu que la société Jean Lefèbvre fait grief à l'ordonnance d'avoir statué ainsi qu'elle a fait alors, selon le pourvoi, que l'ordonnance ne pouvait déduire l'existence d'indices d'entente entre les sociétés concernées en se fondant sur des motifs dubitatifs, à savoir qu'une répartition des marchés " pourrait " être en relation avec la participation de " certaines entreprises " au sein du GEA ;
Mais attendu que le juge ne se prononce pas par motifs dubitatifs lorsqu'il retient des présomptions d'agissements visés par la loi dès lors que de telles présomptions ne peuvent constituer la preuve de ces agissements, recherchée au moyen de la mesure autorisée ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur la première branche du second moyen du pourvoi n° 90-10.579 : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que le juge, statuant en vertu de ce texte, ne peut se référer qu'aux documents produits par l'Administration demanderesse détenus par celle-ci de manière apparemment licite ;
Attendu que l'ordonnance retient que les documents obtenus au cours de l'enquête corroborent les éléments résultant de documents émanant des entreprises recherchées reçus par le service au moyen d'un envoi anonyme; qu'en se fondant sur ces derniers documents dont ainsi l'origine licite ne résultait pas des mentions de l'ordonnance, le président du Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, l'ordonnance rendue le 8 décembre 1989, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse ; dit n'y avoir lieu à renvoi.