Livv
Décisions

Cass. com., 10 mars 1992, n° 90-21.384

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

GTM Bâtiment et travaux publics (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

M. Jeol

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, SCP Boré, Xavier, Me Ricard.

TGI Nanterre, prés., du 18 sept. 1990

18 septembre 1990

LA COUR : - Attendu que par ordonnance du 18 septembre 1990, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de vingt et une entreprises dont ceux de la société anonyme GTM-BTP, avenue Jules Quentin à Nanterre en vue de rechercher la preuve d'une entente prohibée à l'occasion de l'appel d'offres de la SNCF relatif à la construction du TGV Nord et à son interconnexion avec les réseaux Sud-Est et Atlantique ;

Sur l'intervention de la société Ballot : - Attendu que la société Ballot, visée par l'ordonnance attaquée, a qualité et intérêt à intervenir à titre accessoire pour appuyer les prétentions de la société GTM ;

Sur le pourvoi incident de la société Ballot : - Attendu que le pourvoi en cassation ouvert par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peut, en application des articles 568 et 576 du Code de procédure pénale, être formé que dans les 5 jours de la notification de la décision attaquée par déclaration, au greffe de la juridiction qui a rendu cette décision, faite par le demandeur lui-même ou par un mandataire ; que dès lors, le pourvoi formé dans un mémoire en intervention produit par un avocat à la Cour de Cassation est irrégulier et en conséquence irrecevable ;

Sur le pourvoi principal de la société GMT-BTP : - Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société anonyme GTM-BTP fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles R. 311-17 et R. 311-18, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire que dans les tribunaux qui, comme en l'espèce, ne comprennent pas de premier vice-président, le président ne peut être suppléé dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées que par le vice-président qu'il aura désigné par ordonnance prise dans la première quinzaine du mois qui précède l'année judiciaire, de sorte que ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale l'ordonnance rendue par Mme X..., vice-président, en vertu d'une délégation en date du 24 octobre 1989 qui n'a pu valablement habiliter ce magistrat à suppléer le président du tribunal de grande instance dans les fonctions qui lui sont personnellement dévolues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, Mme X n'ayant été nommée au poste de vice-président qu'à la date du 13 juillet 1990 par un décret du même jour, et installée dans ses nouvelles fonctions qu'à la date du 10 septembre 1990, soit postérieurement à la délégation litigieuse et alors, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des articles R. 311-17, R. 311-18, alinéa 2, et R. 711-1 du Code de l'organisation judiciaire que le magistrat appelé à suppléer le président dans les fonctions qui lui sont personnellement dévolues ne peut être désigné par ce dernier qu'aux termes d'une ordonnance prise dans la première quinzaine du mois de décembre, de sorte que ne satisfait pas, en la forme, aux conditions de son existence légale l'ordonnance attaquée, rendue le 18 septembre 1990 par un magistrat désigné par le président du tribunal de grande instance aux termes d'une ordonnance en date du 24 octobre 1989 ;

Mais attendu que l'ordonnance prévue à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 peut être rendue par un juge délégué par le président du Tribunal et que l'ordonnance mentionne qu'elle a été rendue par " Nous, F X... vice-président délégué par le président du tribunal de grande instance de Nanterre par ordonnance en date du 24 octobre 1989 " ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société anonyme GTM-BTP fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 que ces mesures ne peuvent être autorisées par le président du tribunal de grande instance que dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre chargé de l'Economie ou le Conseil de la concurrence ; que ce texte ne prévoit aucune possibilité de délégation de pouvoir en cette matière de sorte que le juge saisi du contrôle de la procédure d'enquête ne pouvait se borner à faire référence à l'arrêté du 18 juillet 1988 qui a pour seul objet d'organiser une délégation de signature au profit de M. Babusiaux et permettait seulement à celui-ci d'établir matériellement l'acte sur les instructions du ministre de l'Economie dont il n'a nullement été prouvé qu'elles avaient été données ; qu'ainsi la décision attaquée se trouve privée de toute base légale au regard des textes susvisés ; qu'il en est d'autant plus ainsi, que la demande d'enquête litigieuse adressée le 11 septembre 1990 au chef du service régional de la Concurrence était seulement intitulée " note pour M. le directeur de la direction des enquêtes concurrence " et mentionnait sans autre précision qu'il est demandé aux services concernés d'effectuer une enquête ce dont il résulte que la décision émanait non pas du cabinet du ministre mais de la direction de la Concurrence ; que pour la même raison, la décision attaquée se trouve privée de toute base légale au regard de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que, si les visites et saisies prévues par ce texte ne peuvent être autorisées que dans le cadre des enquêtes demandées soit par le ministre chargé de l'Economie soit par le Conseil de la concurrence, il n'est pas interdit au ministre de déléguer ses pouvoirs conformément aux lois et règlements; que la délégation permanente de signature du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget donnée par l'arrêté du 18 juillet 1988, publiée au journal officiel du 20 juillet, au profit de M. Christian Babusiaux, directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, pour signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, permet au délégataire de prendre au nom du ministre les décisions qui, dans la limite de ses attributions, relèvent de la compétence de ce ministre, sans que cette délégation implique l'abandon par le ministre de la possibilité d'exercer personnellement ses pouvoirs ; qu'en se référant à la demande d'enquête du 11 septembre 1990, signée par M. Babusiaux, ayant reçu délégation de signature du ministre, et la circonstance que le signataire ait omis d'indiquer qu'il agissait en vertu de cette délégation étant sans influence sur la régularité et l'appréciation de la teneur de cette demande, le président du Tribunal n'a pas méconnu les exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société anonyme GTM-BTP fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour autoriser des fonctionnaires de la direction générale de la concurrence à effectuer des visites et à procéder à des saisies de documents dans le cadre des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge doit vérifier concrètement et personnellement le bien-fondé de la demande qui lui est soumise, de sorte qu'en se bornant, en guise de motivation, à reproduire purement et simplement les termes de la requête présentée par le chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, sans en analyser le bien-fondé, le juge du tribunal de grande instance a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ; et alors, d'autre part, que pour autoriser les visites litigieuses, le juge s'est fondé sur un compte rendu du comité de direction de la société Dumez, en date du 28 mars 1988, qui est parvenu aux mains de l'administration à la suite d'une saisie elle-même irrégulièrement opérée sur la base d'une ordonnance rendue le 28 novembre 1989 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, qui est frappée d'un pourvoi n° P/90-10.584 actuellement pendant devant la Cour de Cassation ; que l'annulation de cette ordonnance, ayant pour effet d'écarter de la procédure ce document irrégulièrement saisi, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'ordonnance du 18 septembre 1990, présentement attaquée, prise sur la base dudit document, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'ordonnance se réfère en les analysant aux éléments d'information fournis par l'administration et relève les faits résultant de ces éléments sur lesquels le juge fonde son appréciation ; qu'ayant ainsi vérifié que la demande qui lui était soumise était bien fondée, le président du Tribunal a satisfait aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la saisie du compte rendu du comité de direction de la société Dumez en date du 28 mars 1988 n'a pas été annulée par la Cour de cassation sur le pourvoi n° 90-10.584 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : reçoit la société Ballot en son intervention ; déclare irrecevable le pourvoi incident de la société Ballot ; rejette le pourvoi de la société GTM-BTP.