Cass. com., 3 octobre 1995, n° 94-11.709
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Unimix (Sté), Société Méditérannéenne de Béton, Superbéton (Sté), Béton chantiers prêt (Sté), Béton granulats phocéens (GIE), Béton chantiers Marseille (EURL), Ciments Lafarge (Sté), Express béton (Sté), Béton chantiers du Var (EURL), Béton de France (Sté), Redland Granulats Sud (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Geerssen
Avocat général :
M. De Gouttes
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Mes Delvolvé, Pradon, Ryziger, Ricard.
LA COUR : - Joint les pourvois nos 94-11.709 à 94-11.716 inclus et les dossiers nos 94-12.387 et 94-12.388, qui attaquent la même ordonnance ; Attendu que, par ordonnance du 28 janvier 1994, le président du Tribunal de grande instance de Marseille a autorisé des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de onze sociétés fabricantes de béton prêt à l'emploi et dans ceux de l'Union régionale des industries de carrières et matériaux de construction Provence, Alpes, Côte-d'Azur, Corse (UNICEM) et du syndicat régional du béton prêt à l'emploi en vue de rechercher la preuve des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les 1, 2, 3 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et par le 1 de l'article 8 de la même ordonnance et énoncées par l'ordonnance d'autorisation, dans le secteur du béton prêt à l'emploi en région Provence, Alpes, Côte-d'Azur ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 94-11.709 : - Attendu que les sociétés Unimix et Méditerranéenne de béton (SMB) font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses alors, selon le pourvoi, qu'en violation de l'article 48, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, cette décision n'a pas indiqué que ce juge avait reçu à cet effet délégation du président du Tribunal de grande instance de Marseille ;
Mais attendu que le juge a indiqué son nom, sa qualité et a visé l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Marseille du 31 décembre 1993 ; qu'il n'est pas établi que cet acte n'emporte pas délégation du magistrat signataire de l'ordonnance pour exercer les fonctions du président de la juridiction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 94-11.709, le premier moyen des pourvois n° 94-11.711 à 94-11.715, 94-12.387 et 94-12.388, pris en leurs trois premières branches, et sur le premier moyen du pourvoi n° 94-11.716, pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que les sociétés Unimix, SMB, Superbéton, Béton chantiers prêt, GIE Béton granulats phocéens, EURL Béton chantiers Marseille, Ciments Lafarge, Express béton, EURL Béton chantiers du Var et Le Béton de France font aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon les pourvois, que la "demande d'enquête" du ministre de l'Economie datée, comme la requête du chef du service régional du 27 janvier 1994, ne figurait dans le dossier que sous la forme d'une télécopie, que cette demande n'était donc pas régulière et que l'ordonnance a donc violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, en outre, qu'elle se réfère à une "demande d'enquête" du ministre de l'économie en date du 27 janvier 1994 qui était en réalité une note qui se bornait à prescrire des interventions dans le cadre des pouvoirs définis par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qui n'avait pas le caractère d'une demande d'enquête au sens des articles 45 et suivants de ladite ordonnance et qu'à défaut de demande d'enquête demandée soit par le ministre de l'Economie, soit par le Conseil de la concurrence, comme l'exige l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge a violé ce texte ; et alors, subsidairement, qu'à supposer même que cette note du 27 janvier 1994 puisse être considérée comme une demande d'enquête du ministre de l'Economie, elle définissait le cadre de cette enquête comme étant relative au "secteur béton prêt à l'emploi dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur", que ce cadre était beaucoup trop général et imprécis pour répondre aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et permettre la saisine du juge en vue de prodéder à des visites domiciliaires et à des saisies de documents et qu'en autorisant néanmoins ces mesures, le juge a violé ce texte ; alors, de plus, que la demande d'enquête susvisée porte que "le ministre de l'Économie demande au directeur de la DGCCRF (...) de prescrire, au besoin en utilisant les pouvoirs prévus à l'article 48 de l'ordonnance n° 86-12-43 du 1er décembre 1986, toutes les investigations de nature à apporter le preuve des infractions", ce dont il ressort que, contrairement aux termes de l'article 48 qui a pour objet de subordonner les visites domicilaires à une décision spéciale des hautes autorités que constituent soit le Conseil de la concurrence, soit le ministre, l'acte administratif susvisé subdélègue à la DGCCRF le soin d'apprécier en opportunité l'utilité des perquisitions ; qu'en statuant à la vue d'une telle demande d'enquête dans laquelle le ministre se décharge de l'exercice de ses responsabilités propres sur un de ses services, le juge délégué a violé la disposition susvisée ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la même demande d'enquête précise que le chef de la BIE "pourra, en tant que de besoin, saisir le président du tribunal de grande instance compétent" pour obtenir l'autorisation de visite prévue à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et faire procéder aux opérations dans les locaux des entreprises et organismes qui seraient impliqués ; et, au surplus, que seul le ministre qui a qualité pour agir en justice et qu'il ressort des termes de l'ordonnance rendue que le juge a été, en l'occurrence, saisi par M. Bedos, chef de service régional agissant en son nom propre ; qu'en faisant droit à une telle requête, l'ordonnance attaquée a violé les articles 48 de l'ordonnance de 1986 et 117 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la désignation par le ministre de M. Bedos ou de tout autre fonctionnaire pour agir en justice et obtenir l'autorisation litigieuse ne leur donne pas pouvoir de représenter le ministre, mais les invite à agir en leur nom personnel ; alors, aussi, qu'à supposer que la demande d'enquête ait eu pour objet d'organiser la représentation du ministre en justice en la confiant à M. Bedos, elle caractériserait une subdélégation illégale, à défaut d'arrêté nominatif pris par le ministre au profit de M. Bedos, de sorte qu'en statuant comme il a fait, le juge délégué a violé ensemble l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les décrets n° 47-233 du 23 janvier 1947 et n° 87-390 du 15 juin 1987 ; alors, encore, que les visites et saisies prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peuvent être autorisées que dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre chargé de l'économie ou le Conseil de la concurrence ; que la demande d'enquête doit porter sur des faits déterminés et ne pas se contenter de prescrire des interventions dans le cadre de l'article 48 du 1er décembre 1986 ; que les visas de l'ordonnance se réfèrent à une demande d'enquête du ministre de l'Economie et des Finances en date du 27 janvier 1994 relative au secteur du béton, sans préciser l'objet de l'enquête ; que les motifs de l'ordonnance précisent que, dans sa demande d'enquête du 27 janvier 1994, le ministre de l'Economie a demandé au directeur général de la concurrence et de la répression des fraudes de mettre en œuvre "l'enquête relative au secteur du béton prêt à l'emploi en région Provence, Alpes, Côte-d'Azur et de prescrire toutes les investigations de nature à apporter la preuve des pratiques prohibées aux articles 7 et 8 de l'ordonnance précitée" ; qu'ainsi, aussi bien des visas que des motifs de l'ordonnance, il ne résulte pas que le ministre ait demandé une enquête sur des faits précis seuls susceptibles de justifier une demande de visite domiciliaire en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, qu'il résulte de la demande d'enquête qui figure au dossier et sur lequel la Cour de cassation est à même d'exercer son contrôle s'agissant d'une pièce de la procédure, que le directeur de la concurrence, agissant par délégation du ministre de l'Economie, s'est borné à demander, "en application du titre VI de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986", une enquête "relative au secteur du béton prêt à l'emploi dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur" en autorisant M. Bedos, chef de la BIE Provence-Alpes-Côte d'Azur, Corse, Languedoc-Roussillon ou tout fonctionnaire de catégorie A mandaté par lui, à saisir le président du tribunal de grande instance compétent pour obtenir l'autorisation de visite et de saisie prévue à l'article 48 de l'ordonnance précitée et faire procéder aux opérations dans les locaux des entreprises qui seraient impliquées et dont les noms sont repris en annexe ; qu'un tel document ne peut être considéré comme prescrivant une enquête sur des faits précis, seuls susceptibles de permettre une demande de visite domiciliaire en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en autorisant néanmoins ces visites domiciliaires, l'ordonnance attaquée a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que l'ordonnance constate que la requête a été présentée par le chef de service en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par le directeur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, agissant par délégation de signature du ministre ;qu'il ne résulte pas de l'ordonnance que la demande d'enquête du ministre chargé de l'économie ait été limitée à la mise en œuvre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, mais qu'elle prescrit une enquête en vue de rechercher la preuve des pratiques prohibées aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur un marché déterminé à savoir celui du béton prêt à l'emploi en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; qu'ainsi, elle répond aux prescriptions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-11.710 et la quatrième branche du premier moyen des pourvois n° 94-11.711 à 94-11.715, 94-12.387 et 94-12.388, réunis : - Attendu que les sociétés Redland granulats Sud, Superbéton, Béton chantiers prêts, GIE Béton et granulats Phocéens, EURL Béton chantiers Marseille, Ciments Lafarge, Express béton et EURL Chantiers du Var font, de plus, grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon les pourvois, que dans le cas où le juge est saisi par requête pour rendre une ordonnance dans des circonstances qui exigent qu'elle ne soit pas prise contradictoirement, la requête doit être présentée par un avocat postulant ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité ; que la requête dont a été saisi le président du Tribunal de grande instance de Marseille n'ayant été présentée ni par un avocat postulant, ni par un officier public ou ministériel habilité, le juge aurait dû déclarer irrecevable la requête sur laquelle M. Bedos lui demandait de statuer ; et alors, en tout état de cause, que les mesures qui interviennent sur requête lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement doivent être sollicitées par un avocat ou un officier ministériel légalement habilité, de sorte qu'en faisant droit à la demande d'autorisation présentée par M. Bedos, le juge a violé les articles 812 et 813 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile relatives à la présentation des requêtes par ministère d'avocat ou d'un officier public ou ministériel ne sont pas applicables aux ordonnances de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-11.709, pris en ses quatre branches, sur le troisième moyen des pourvois n° 94-11.711, 94-11.715, 94-12.387 et 94-12.388, pris en leurs quatre branches, sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-11.716, pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que les sociétés Unimix, et SMB, Superbéton, Béton chantiers prêt, GIE Bétons et Granulats phocéens, EURL Béton chantiers Marseille, Ciments Lafarge, Express béton, EURL Béton chantiers du Var et Béton de France font en outre grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses alors, selon les pourvois, qu'un procès-verbal de restitution de dix-sept de ces documents en date du 16 août 1993, joint à la requête du chef du service régional, indiquait que ces documents appartenaient à la société Unimix, que cette restitution était faite "en raison de leur appartenance à la société" ; qu'il revenait dans ces conditions au juge de vérifier autrement que par une simple affirmation si celles des notes qui avaient été jointes à la requête dont certaines n'étaient pas numérotées ou portaient des numéros illisibles, n'avaient pas une origine illicite et qu'il a donc violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, de plus, qu'en procédant par voie de simple affirmation il a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'en affirmant que ces notes avaient été rédigées par M. Mas bien que deux d'entre elles fussent d'une écriture différente de celle des autres, le juge a dénaturé ces documents en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, que le procès-verbal du 5 juillet 1993 qui avait pour objet la communication de documents d'origine illicite, était entaché d'une nullité absolue, que le procès-verbal ultérieur de restitution partielle n'a eu ni pour objet ni pour effet de purger ; que dès lors en se référant à cet acte initial de l'instruction, l'ordonnance attaquée se trouve elle-même frappée de nullité par application des articles 47 et suivants de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 31 et suivants du décret du 29 décembre 1986 ainsi que par application du principe général de droit exprimé notamment dans l'article 173 du Code de procédure pénale ; alors, de plus, que les documents annexés au procès-verbal du 5 juillet 1993 et non restitués avaient eux-mêmes une origine illicite s'agissant de données professionelles qui n'avaient été communiquées à M. Mas que dans le cadre de son contrat de travail et dont il ne pouvait intervertir les causes de la détention pour les utiliser à des fins personnelles ; de sorte qu'en procédant à l'analyse des 28 pièces retenues par l'Administration, le juge délégué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, de surcroît que le juge délégué ne pouvait affirmer qu'il s'agissait de documents manuscrits "réalisés à des fins personnelles" donc d'origine licite ; sans dénaturer de façon flagrante, en violation de l'article 1134 du Code civil les propres déclarations de l'intéressé (cf. PV du 5 juillet 1993, p. 3 paragraphe 3) selon lesquelles il aurait reçu de son employeur la consigne de les détruire tous les trois mois, et sans dénaturer également lesdites notes manuscrites dont les pages 17 et 34 n'émanent manifestement pas du même scribe que les autres ; et alors, en tout état de cause, qu'à défaut d'être datées, les notes manuscrites de M. Mas qui, selon le procès-verbal du 5 juillet 1993, ont exclusivement pour objet (PV p. 4) de retracer soit "la suite des affaires" ou le "suivi des volumes" dans les quatre régions concernées, ne caractérisent aucunement l'existence d'une entente antérieure à la souscription des contrats dont elles rendent compte, de sorte que l'ordonnance attaquée qui affirme que de tels documents indiquent "le prix de chaque marché déterminé à l'avance par client", soit prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en recourant à une affirmation de caractère proprement divinatoire et contraire à la notion de "document de suivi", seul soumis à l'examen du juge ; soit se réfère implicitement à des documents antérieurs "au suivi des affaires" qui viendraient les compléter, en violation des articles 4, 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile, tous les autres feuillets relatifs aux marchés litigieux ayant été précisément retirés à l'initiative de la DGCCRF ; alors, au surplus, qu'il résulte de l'examen du procès-verbal du 5 juillet 1993 qu'ont été annexées à celui-ci 44 pièces ; qu'il résulte d'un procès-verbal figurant au dossier et annexé à celui du 5 juillet 1993 que, le 16 août 1993, l'un des enquêteurs s'est présenté spontanément au siège de la Société nouvelle des bétons techniques SMBT où il a été reçu par M. Jean-François Mas, auquel il a restitué 17 feuillets annexés au procès-verbal de communication du 5 juillet 1993 en raison de leur "appartenance présumée" à la société Unimix ; qu'il résulte de ce procès-verbal que les enquêteurs de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ont disposé du 5 juillet au 16 août de documents qui ont fait l'objet d'un vol à la société Unimix ou qui ont été obtenus par le jeu d'un abus de confiance et détenus illégalement par M. Mas ou recelés, puis que les enquêteurs ont ainsi pu exploiter ces documents pendant plus d'un mois ; que la fraude corrompt tout (fraus omnia corrumpit) ; que cette détention illicite a vicié l'ensemble de l'enquête ; et alors, enfin, que toute note prise par un salarié dans le cadre de ses fonctions et pendant la durée de son travail est réputée appartenir à l'entreprise ; que, dès lors, le fait pour un salarié de conserver de telles notes après le départ de l'entreprise constitue un abus de confiance ; que, dès lors, la direction de la concurrence ne pouvait s'appuyer sur des notes détenues de façon illicite par M. Mas et remises donc de façon frauduleuse par celui-ci aux enquêteurs ; que l'auteur de l'ordonnance ne pouvait s'appuyer sur de telles pièces pour autoriser les visites domiciliaires et les saisies éventuelles de documents ; que la décision attaquée a violé les articles 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 408 du Code pénal et les droits de la défense ;
Mais attendu que le juge constate que les notes manuscrites jointes au procès-verbal du 5 juillet 1993 de MM. Mas et Engel ont été rédigées par M. Mas, ancien salarié de la société Unimix, sur du papier libre, à des fins personnelles ; qu'ainsi il résulte de l'ordonnance que le président du tribunal, hors toute dénaturation, a procédé au contrôle qui lui incombait, toute autre contestation au fond sur la licéité de ces documents relevant des juridictions compétentes pour apprécier la régularité de la procédure ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi n° 94-11.715, les quatrième et cinquième moyens du pourvoi n° 94-11.716, réunis : - Attendu que les sociétés Ciments Lafarge et Béton de France font encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigeuses alors, selon les pourvois que, la participation majoritaire de la société Ciments Lafarge dans le capital de sociétés prétendument impliquées dans une entente illicite n'est pas de nature à elle seule à faire présumer son appartenance à ladite entente ; que, dès lors, en se fondant sur une circonstance de nature purement juridique sans procéder à l'examen concret des circonstances de fait qui feraient présumer l'appartenance de la société Ciments Lafarge à l'entente dénoncée, le juge délégué a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 7, 8 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, de surcroît, la considération selon laquelle la politique commerciale des filiales qui aboutirait à une entente, ne pourrait qu'être déterminée par la société-mère, se heurte au principe de l'autonomie des personnes morales dont bénéficie sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, chaque société en dépit de son appartenance à un groupe de sociétés distinctes ; que, dès lors, en statuant comme il a fait, le juge délégué a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, en outre, que les prix sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ; que seule serait illicite la pratique de prix inférieurs aux prix de revient ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée n'a pu considérer, sans violer les articles 1, 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'était présumée constituer des pratiques prohibées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la pratique de baisse sélective de prix dans des zones où sont implantés des fabricants de béton indépendants ; que de telles pratiques constituent, seulement une concurrence par les prix, dès lors que ces baisses ne conduisent pas à la pratique de prix inférieurs aux prix de revient ; et alors, enfin, qu'il résulte des procès-verbaux visés que les prétendues pressions n'avaient d'autre objet que d'attirer l'attention des mairies sur le fait que des centrales à béton étaient en infraction à la législation sur le permis de construire ; que le fait de construire une centrale sans permis de construire constitue une infraction pénale ; que les syndicats professionnels peuvent, sans se rendre coupable de pressions illicites, signaler aux autorités concernées les infractions ainsi commises qui, de plus, sont susceptibles de constituer des avantages illicites dans la concurrence ; qu'en retenant ces faits susceptibles de constituer des infractions aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la décision attaquée a violé lesdits textes ;
Mais attendu que ces moyens tendent à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyen de preuve du bien fondé des agissements ; que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que ces moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° 94-11.710, sur la première branche du quatrième moyen des pourvois n° 94-11.711, 94-11.715, 94-12.387, 94-12.388, sur le septième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 94-11.716, réunis : - Attendu que les sociétés Redland granulats Sud, Superbéton, Béton chantiers prêt, BGP, Béton chantiers Marseille, Ciments Lafarge, Express Béton, Béton chantiers du Var et Le Béton de France font de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuse, alors, selon les pourvois, d'une part, qu'en raison du caractère général des pouvoirs de visite et de saisie accordés à M. Bedos sur les pratiques qu'elle "énonce", l'ordonnance ne met pas le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'étendue de l'autorisation et de vérifier si le champ d'investigation est limité aux pratiques dénoncées dans la requête de l'administration ; alors, d'autre part, qu'en autorisant des visites et saisies au-delà des pratiques incriminées aux termes de la requête, l'ordonnance non contradictoire du juge, a violé les droits de la défense des entreprises concernées par son ordonnance ; alors, en outre, que l'ordonnance qui autorise les agents de la DGCCRF à faire procéder à l'ensemble des visites et saisies nécessaires à la preuve des pratiques prohibées par les 1, 2, 3, 4 de l'article 7 de l'ordonnance de 1986 et par le 1 de l'article 8 de la même ordonnance dans 12 entreprises réparties sur 3 départements, sans préciser limitativement les marchés sur lesquels pouvaient porter les recherches, tout en retenant expressément le caractère très local des marchés du béton prêt à l'emploi de même que des présomptions circonscrites à certains clients, viole l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, au surplus, que l'ordonnance qui autorise les agents de la DGCCRF à faire procéder à l'ensemble des visites et saisies nécessaires à la preuve des pratiques prohibées par les 1, 2, 3, 4 de l'article 7 de l' ordonnance dans les 12 entreprises réparties sur 3 départements, sans préciser limitativement les marchés sur lesquels pouvaient porter les recherches, tout en retenant expressément le caractère très local des marchés du béton prêt à l'emploi de même que des présomptions circonscrites à certains clients, viole l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'en autorisant la visite des locaux des onze sociétés et de leur syndicat et union régionale suspectés de limiter l'accès au marché du béton prêt à l'emploi en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ou le libre exercice de la concurrence, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, en se répartissant le marché, en limitant ou contrôlant la production et en abusant de leur position sur les marchés des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse, à seule fin de rechercher la preuve de cette concertation sur ce marché déterminé, l'ordonnance n'a pas permis aux agents de l'Administration d'étendre leur recherche à des faits sans rapport avec ceux retenus par le juge ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur les deuxième moyens des pourvois n° 94-11.711 à 94-11.715, 94-12.387 et 94-12.388 et 94-11.716 et sur le sixième moyen du pourvoi n° 94-11.716 et sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-11.710, réunis : - Attendu que les sociétés Superbéton, Béton chantiers prêt, GIE BGP, EURL Béton chantiers Marseille, Ciments Lafarge, le Béton de France, Redland granulats Sud, Express béton et Béton chantiers du Var font encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses alors, selon les pourvois, qu'en ne vérifiant pas si M. Bedos était expressément et nominativement habilité à procéder lui-même aux enquêtes nécessaires à l'application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge délégué, qui lui délivre personnellement cette autorisation dans le dispositif, viole l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et alors qu'aux termes de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de la présente ordonnance ; qu'aux termes de l'article 48 du même texte, les enquêteurs ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents que dans le cadre d'enquête demandée par le ministre chargé de l'Économie ou le Conseil de la concurrence et sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui ; que, dès lors qu'il résulte de ces textes que seules les personnes habilitées par le ministre peuvent procéder à des enquêtes sur autorisation du président du tribunal de grande instance compétent et que seuls les enquêteurs sont habilités à solliciter l'autorisation ; qu'il résulte des arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993 visés par l'ordonnance que M. Bedos n'est pas au nombre des personnes habilitées comme enquêteurs par le ministre, et ce, quelle que soit l'importance des fonctions qui lui sont conférées ; que, dès lors, M. Bedos n'était pas recevable à solliciter l'autorisation de faire procéder à des visites domiciliaires et à des saisies de documents ; qu'en faisant droit à la requête présentée par M. Bedos, la décision attaquée a violé les articles 45 et 48 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ; alors, de plus, que seuls les enquêteurs habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Économie et des Finances peuvent être autorisés à effectuer des visites ; que le juge qui accorde l'autorisation de procéder à des visites domiciliaires ou des saisies ne peut autoriser une personne qui ne figure pas au nombre des enquêteurs habilités à faire procéder à l'ensemble des visites et lui laisser le soin de désigner les enquêteurs chargés de procéder aux visites domiciliaires et aux saisies ; que M. Bedos n'appartenant pas à la catégorie des enquêteurs désignés par arrêté ministériel, l'ordonnance attaquée ne pouvait l'autoriser à faire procéder à l'ensemble des visites ; et alors, enfin, que seuls les fonctionnaires de catégorie A étant habilités à agir au titre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge, à défaut de désigner nominativement les fonctionnaires habilités à effectuer les visites et saisies autorisées, doit préciser que les agents enquêteurs qui seront désignés appartiendront à cette catégorie et que l'ordonnance n'a pu laisser le libre choix des fonctionnaires à désigner par M. Bedos, sans préciser qu'ils devront être inscrits dans cette catégorie, qu'en violation des articles 43 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'arrêté du 22 janvier 1993 ;
Mais attendu qu'il n'est pas interdit au président du tribunal de laisser au chef de service qui a sollicité et obtenu l'autorisation exigée par la loi le soin de désigner les agents chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées dès lors que ces agents sont dûment habilités en qualité d'enquêteurs et qu'ils sont placés sous son autorité ; que le point de savoir si les agents qui ont exécuté les opérations étaient nominativement et régulièrement habilités relève de la contestation de la régularité des opérations ; que le juge n'est pas obligé, à peine d'irrégularité de son ordonnance, de rappeler les prescriptions de l'arrêté du 22 janvier 1993 ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur la seconde branche du quatrième moyen des pourvois n° 94-11.711 à 94-11.715, 94-12.387 et 94-12.388, la seconde branche du septième moyen du pourvoi n° 94-11.716 : - Attendu que les sociétés Superbéton, Béton chantiers prêt, GIE BGP, EURL Béton chantiers Marseille et Ciments Lafarge, Express béton et Béton chantiers du Var font de plus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses alors, selon les pourvois, que le juge délégué qui s'abstient d'enjoindre aux officiers de police chargés d'assister aux opérations, conformément à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de le tenir informé du déroulement des visites et saisies dans les conditions prévues à l'article 48 et qui, de surcroît, limite le droit de la partie objet de la perquisition de solliciter son contrôle à une période de 6 mois méconnaît son office, en violation de l'article 48 susvisé ; et alors, en outre, que le juge délégué qui s'abstient d'enjoindre aux officiers de police chargés d'assiter aux opérations, conformément à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de le tenir informé du déroulement des visites et saisies dans les conditions prévues à l'article 48 et qui, de surcroît, limite le droit de la partie objet de la perquisition de solliciter son contrôle à une période de 6 mois méconnaît son office, en violation de l'article 48 susvisé ;
Mais attendu que ces moyens qui mettent en œuvre deux cas différents d'ouverture à cassation sont ainsi complexes et, dès lors, irrecevables ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 94-11.710, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Redland granulats Sud fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que nul jugement, nul acte ne peuvent être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, que l'ordonnance attaquée ne comportant pas de formule exécutoire, son exécution était entachée de nullité, qu'en ordonnant les visites et saisies litigieuses sans apposer sur sa décision la formule exécutoire, le président du tribunal a violé l'article 502 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'ordonnance attaquée ne pouvant être exécutée dès l'instant où elle ne se trouvait pas revêtue de la formule exécutoire, elle se trouvait caduque à la date du 28 février 1994 et, du fait de cette caducité, l'ordonnance devra être cassée en raison de la contradiction interne qu'elle comporte ;
Mais attendu que l'apposition de la formule exécutoire sur les ordonnances autorisant une visite et saisie domiciliaire n'est pas exigée par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le cinquième moyen des pourvois n° 94-11.709 et 94-11.710, réunis : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu qu'en fixant un délai maximum de 6 mois pour la présentation des requêtes tendant à l'annulation des opérations achevées alors qu'il ne résulte pas de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'un tel recours soit enfermé dans un délai légal ou dans un délai à la discrétion du juge, le président a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
Par ces motifs : casse et annule, en ce qu'elle a fixé un délai de 6 mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliataire, l'ordonnance rendue le 28 janvier 1994, entre les parties, par le présidentr du Tribunal de grande instance de Marseille ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; rejette les pourvois pour le surplus.