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Décisions

Conseil Conc., 27 juin 1995, n° 95-D-47

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Exécution de la décision n° 90-D-27 du 11 septembre 1990 relative à des pratiques relevées sur le marché des tuiles et des briques en Alsace

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Jean-Pierre Bonthoux, désigné pour suppléer M. Patrick Véglis, rapporteur, empêché, par M. Cortesse, vice-président, présidant, MM. Bon, Callu, Marleix, Rocca, Sloan, Thiolon, membres

Conseil Conc. n° 95-D-47

27 juin 1995

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 15 novembre 1991 sous le numéro R. 11, par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence du dossier relatif à l'exécution de la décision n° 90-D-27 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 90-D-27 du 11 septembre 1990 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques relevées sur le marché des tuiles et des briques en Alsace ; Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 21 mars 1991 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 29 juin 1993 ; Vu les observations présentées par les sociétés SA des Tuileries Jean-Philippe Sturm et SA Tuileries réunies du Bas-Rhin, et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les sociétés SA des Tuileries Jean-Philippe Sturm et SA Tuileries réunies du Bas-Rhin entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

A. Les injonctions prononcées

Par décision n° 90-D-27 prise à la suite d'une saisine de la société SA Bléger, le Conseil de la concurrence a " enjoint à la société des Tuileries Jean-Philippe Sturm SA et à la société des Tuileries réunies du Bas-Rhin SA :

" 1° D'inclure dans leurs conditions générales de vente des critères et objectifs d'attribution des remises sur les prix d'achat par les négociants des tuiles et des briques ;

" 2° De modifier les " conventions pilotes " concernant la commercialisation des briques ISO-S et Isopor T, afin de supprimer les clauses relatives à l'engagement de ne pas commercialiser de produits concurrents et de respecter des prix de vente ".

De plus, l'article 2 de cette décision ordonnait : " Dans un délai de six semaines à compter de la date de notification de la présente décision, le texte intégral de celle-ci sera publié aux frais communs des sociétés anonymes des Tuileries Jean-Philippe Sturm et des Tuileries réunies du Bas-Rhin, dans Le Moniteur des travaux publics ".

Les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin ont respectivement accusé réception de la lettre de notification de la décision le 20 et le 21 septembre 1990.

La Cour d'appel de Paris a, par l'arrêt du 21 mars 1991 susvisé, rejeté le recours intenté par les deux sociétés à l'encontre de la décision n° 90-D-27, et confirmé les injonctions prononcées.

La décision n° 90-D-27 du Conseil de la concurrence ainsi que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 21 mars 1990 sont devenus définitifs en raison du rejet le 29 juin 1993, par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique), du pourvoi formé par les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin contre l'arrêt de la Cour d'appel (pourvoi n°91-14-295 T).

B. L'exécution des injonctions et de l'ordre de publication

Par lettre du 10 mai 1991 la société SA Bléger, par l'intermédiaire de son avocat, a indiqué au Conseil de la concurrence " qu'à ce jour, les sociétés du groupe Sturm n'ont toujours pas déféré à la décision du Conseil de la concurrence confirmée par la Cour d'appel de Paris" et lui a demandé de " prendre toutes mesures tendant à l'application de ces décisions ". Le Conseil a demandé au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'informer " sur les conditions dans lesquelles la décision a été exécutée ". Les constatations exposées ci-après ressortent à la fois des résultats de l'enquête réalisée à la suite de la demande du Conseil et d'investigations ultérieures.

En ce qui concerne l'inclusion, dans les conditions générales de vente, de critères précis et objectifs d'attribution des remises sur les prix d'achat par les négociants de tuiles et de briques :

Le 13 juin 1991, les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin ont soumis un projet de conditions générales de vente à l'avis de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin " dans le souci de définir d'emblée des critères précis et objectifs d'attribution des remises... incontestables ". A la suite des réserves formulées par cette administration par courrier du 11 septembre 1991, de nouvelles conditions générales de vente, établies en vue de répondre à l'injonction du Conseil, ont été mises en application à compter du 1er janvier 1992.

Interrogé sur la longueur des délais d'exécution de l'injonction, M. Ehrmann, directeur commercial de la société Tuileries Jean-Philippe Sturm, a, d'une part, souligné que " le paragraphe 1, article 1er, n'impose pas de délai pour une réorganisation assez complexe compte tenu de la multiplicité des produits " et, d'autre part, précisé que " la mise sur pied d'un barème d'écart est d'autant plus délicate qu'à notre connaissance il n'en existe pas dans notre profession même au plan européen. Nous n'avons aucune référence ni modèle ".

Les conditions générales de vente mises en application en janvier 1992 par la société Tuileries Jean-Philippe Sturm (sous l'appellation " conditions générales des négociants alsaciens des Tuileries Sturm ") et par la société Tuileries réunies du Bas-Rliin (sous l'appellation " nouvelles conditions - négoces 67 ") définissent des remises de base, des remises complémentaires et des ristournes de fin d'année.

Quatre critères cumulables, auxquels correspondent des taux particuliers, permettent de calculer la remise de base totale qui pourra être consentie aux négociants pour chaque matériau°: le stockage, le risque financier, les moyens immobiliers et humains et les moyens logistiques.

Les " conditions générales des négociants alsaciens des Tuileries Sturm " comportent, en annexe, la définition du " stock de roulement " pour les briques, les tuiles, les linteaux et les agglomérés, et permettent, en conséquence, de connaître précisément, pour le " gros négoce " et le " moyen négoce ", les quantités qui ouvrent droit à la remise pour stockage. En revanche, les " nouvelles conditions - négoce 67 " ne donnent pas de précision à cet égard. Il a néanmoins été indiqué par M. Jean-Dominique Sturm, président-directeur général de la société Tuileries réunies du Bas-Rhin, et par M. Pfalzgraf, directeur commercial de la société, que " les négociants savent qu'il faut un chargement significatif, un minimum de 10 tonnes, ce qui correspond à un camion ", pour obtenir cette remise.

Sur les trois autres critères, les sociétés ont précisé que " la notion de " risque financier " s'apprécie selon que le client accepte ou non de supporter le risque de l'opération de vente réalisée (...). Le critère repose donc uniquement sur la prise " du risque financier " de se déclarer débiteur de l'acquisition ". En ce qui concerne le critère relatif aux moyens humains et immobiliers, " tout acheteur potentiel qui emploie du personnel (quelle qu'en soit l'importance) et possède des biens immobiliers affectés à l'exercice de sa profession, entre autres pour stockage, répond à ce critère ". Enfin, s'agissant des moyens logistiques, " il s'agit d'évidence des camions, grues pour le transport et le service aux clients et moyens mécaniques. L'existence ou l'absence de moyens logistiques se constate aisément et clairement par la consultation du bilan du client... ". Ces " critères " permettent ou non d'attribuer les " remises " et " celui qui ne répondra pas à l'un ou l'autre de ces 'critères ne bénéficiera pas de la remise afférente ".

L'attribution des remises complémentaires et des ristournes de fin d'année est accordée en fonction de paliers de chiffre d'affaires définis par des grilles annexées aux conditions générales de vente des deux sociétés.

En ce qui concerne la modification de la " convention pilote " :

Aux termes de l'article 1-12 de la convention proposée par les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin, les négociants signataires prenaient l'engagement de " ne pas commercialiser pour des murs extérieurs porteurs, même occasionnellement, des produits concurrents à la brique terre cuite dont les dimensions sont égales ou supérieures à 20 cm " ; ils s'engageaient également " à respecter les prix de vente " (art. 4).

Le 1er octobre 1990, la société Tuileries Jean-Philippe Sturm a adressé aux sept signataires de la convention pilote un courrier en recommandé avec accusé de réception indiquant : " Nous sommes liés par une convention pilote en date du (...). Nous vous confirmons, par la présente, que notre société est d'accord pour renoncer à l'application des articles n° 1 clauses 1, 2 et 4. Toutes les autres clauses de cet accord restant maintenues ". Les destinataires de ce courrier en ont accusé réception en retournant un double signé " pour marquer leur approbation ".

Pour sa part, la société Tuileries Réunies du Bas-Rhin a estimé qu'il n'y avait pas lieu de donner une suite formelle à l'injonction du Conseil dans la mesure où, selon les déclarations de son directeur commercial, la convention pilote signée avec sept négociants était considérée " comme caduque depuis le 1er janvier 1988, date à laquelle est intervenue la restructuration de nos conditions de vente. En effet, les conditions de remise sur les briques ISO-S sont devenues les mêmes que celles accordées pour les briques normales, que ce soit pour les signataires ou les non-signataires. Dans ces conditions, il n'y a pas eu de courrier spécifique pour dénoncer cette convention, ni d'avenant tendant à modifier la convention d'origine, comme cela a été demandé par le Conseil " ; les responsables de la société estimaient, au surplus, qu'il eût été " juridiquement et commercialement délicat d'informer, trois ans après, les sept signataires de la convention que celle-ci devait être modifiée ".

De fait, plusieurs factures figurant au dossier montrent que les remises consenties aux signataires de la convention depuis 1988 sur ces produits haut de gamme sont identiques à celles accordées sur les autres produits de la " famille briques ", alors qu'elles étaient auparavant plus élevées. En outre, il ressort des déclarations de négociants signataires interrogés en 1991, que la convention pilote n'était alors plus appliquée. Enfin, les conditions générales d'attribution des remises entrées en vigueur en janvier 1992 n'établissent aucune distinction entre les différentes sortes de briques, haut de gamme ou non.

En ce qui concerne la publication de la décision n° 90-D-27 :

Le délai de six semaines dans lequel devait intervenir la publication de la décision du Conseil est venu à expiration le 2 novembre 1990. Cependant, à l'occasion des contacts pris par les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin avec les services de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin, " il est apparu, selon les termes du rapport d'enquête, que la publication de la 'décision du Conseil de la concurrence n'avait pas été réalisée ".

Par courrier adressé le 17 juin 1991 à cette direction, M. Ehrmann, agissant pour le compte des deux sociétés, a précisé : " Toujours suite à votre demande, nous nous rendons compte que le jugement du Conseil de la concurrence n'a pas été publié dans Le Moniteur comme cela était demandé. En fait, sans aucunement chercher à nous excuser, nous avions pensé que l'ordre d'insertion était donné automatiquement par les services du Conseil. En conséquence, nous demandons immédiatement à notre avocat de faire en sorte de régulariser les injonctions du Conseil au niveau de 'la' publicité du jugement. " Un courrier a été simultanément' adressé à l'avocat des sociétés, dans les termes suivants : " Il s'avère que, suite à un énorme malentendu, la publication du jugement n'a pas été faite dans Le Moniteur. Pouvez-vous vous en occuper par l'intermédiaire de votre correspondant à Paris. Il s'agit d'être le plus rapide possible ". Finalement, M. Ehrmann a passé directement l'ordre d'insertion au Moniteur par lettre du 19 juin 1991 et la publication de la décision a été effectuée dans le numéro du 5 juillet 1991, soit avec huit mois de retard.

A cet égard, M. Erhmann a déclaré : " En ce qui concerne l'insertion de la décision du Conseil de la concurrence nous concernant, dans Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics, nous avions pensé que cela avait été fait par nos avocats (...), d'autant plus que notre principal fournisseur à Paris (...) avait relevé le texte et nous en avait parlé. Or il s'est avéré qu'il s'agissait de la publication faite au Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation. Je précise que nous ne sommes pas abonnés au Moniteur. Nous nous sommes aperçus de la non-parution lors d'un entretien que nous avons eu à Strasbourg avec la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (...). Le nécessaire a tout de suite été fait (...). Il s'agit donc à ce niveau d'un malentendu tout à fait involontaire, et ce d'autant que la décision du Conseil, dans son article 2, spécifie seulement que nos sociétés doivent assumer les frais de la publication. Compte tenu de la mission de nos avocats et de la rédaction de ce texte, nous n'avons à aucun moment pensé qu'il incombait à nos sociétés de passer l'ordre d'insertion ".

II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÈCÉDENT, LE CONSEIL

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée : " Si les mesures et injonctions prévues aux articles 12 et 13 ne sont pas respectées, le Conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article 13 " ;

Sur le respect des injonctions :

En ce qui concerne l'inclusion, dans les conditions générales de vente, de critères précis et objectifs d'attribution par les négociants de remises sur les prix d'achat de tuiles et de briques :

Considérant que l'injonction prononcée par le Conseil de la concurrence impliquait pour les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin d'adopter toute mesure utile ayant pour effet de supprimer toute discrimination de traitement dans l'attribution des remises aux négociants sur les prix d'achat des tuiles et des briques ;

Considérant que les conditions générales de vente mises en application par les deux sociétés à compter du 1er janvier 1992 ont été définies dans leur ensemble de façon claire et objective avec des barèmes précis ; que dès lors, les négociants qui répondent à ces critères peuvent bénéficier des avantages correspondants ;

Mais considérant que la décision du Conseil a été notifiée aux sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin respectivement les 20 et 21 septembre 1990 ; qu'elles n'ont soumis un projet de conditions générales de ventes à l'avis de la direction départementale de la concurrence, de la

consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin que le 13 juin 1991, après avoir été sollicitées de le faire par ce service le 27 mai 1991 ;

Considérant, en outre, qu'ayant été informées des observations de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin par courrier du 11 septembre 1991, les sociétés n'ont commencé à appliquer leurs nouvelles conditions générales de vente que le 1er janvier 1992 ;

Considérant que les sociétés font valoir " que le Conseil de la concurrence n'a déterminé aucun délai..., ni aucune modalité d'exécution de sa décision ", qu'elles ont rencontré " des difficultés importantes " dans l'exécution de l'injonction dans la mesure où elles ne disposaient pas de document de référence pour établir de nouvelles conditions, et qu'enfin les difficultés rencontrées ne leur ont pas permis d'établir les nouvelles conditions générales de vente pour l'année 1991, " étant rappelé que dans toute la profession, la communication des conditions se fait en début d'année, pour être valable pendant l'année " ;

Mais considérant que l'absence d'indication de délai d'exécution de l'injonction ne saurait signifier que les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin avaient la possibilité de n'exécuter l'injonction qu'au moment qui leur paraissait opportun; qu'il convient de noter, en outre, qu'elles n'ont présenté aucune demande de sursis à exécution dans le cadre de la procédure de recours qu'elles ont diligentée à l'encontre de la décision; qu'elles avaient donc à s'y conformer sans délai ; qu'à cet égard, le fait que les conditions de vente dans la profession soient habituellement rendues publiques au début de l'année civile est sans incidence sur le caractère immédiatement exécutoire de la décision du Conseil; que ces sociétés ont cependant choisi de continuer à appliquer leur politique commerciale antérieure à l'injonction jusqu'à la fin de l'année 1991; que ce faisant, elles ont méconnu l'injonction qui leur avait été faite;

Considérant, en outre, que les deux sociétés n'ont fait état de difficultés rencontrées dans l'élaboration des nouvelles conditions générales de vente qu'après avoir été sollicitées de le faire, notamment par lettre du 5 septembre 1991 adressée par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Bas-Rhin ; qu'il n'est pas établi que ces difficultés, à les supposer fondées, aient été à l'origine de l'ajournement constaté ;

En ce qui concerne la modification des " conventions pilotes " :

Considérant, d'une part, que la société Tuileries Jean-Philippe Sturm a informé les négociants signataires de la " convention pilote " de la suppression des clauses litigieuses portées sur ce contrat par lettres adressées le 1er octobre 1990 en recommandé avec accusé de réception ; qu'en conséquence elle s'est conformée à l'injonction au respect de laquelle elle était tenue ;

Considérant, d'autre part, que la société Tuileries réunies du Bas-Rhin a indiqué ne plus avoir appliqué la " convention pilote " depuis le 1er janvier 1988 ; que cette affirmation a été corroborée tant par les déclarations de négociants signataires que par des éléments du dossier ; que de ce fait, l'injonction étant devenue sans objet, l'inexécution ne peut en être sanctionnée ;

En ce qui concerne la publication de la décision n° 90-D-27 :

Considérant que les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin, qui avaient, dans le cadre du recours formé à l'encontre de la décision du Conseil, la possibilité de demander qu'il soit sursis à son exécution, disposaient d'un délai de six semaines expirant le 6 novembre 1990 pour faire procéder à la publication de cette décision dans Le Moniteur des travaux publics ;

Considérant que cette publication est intervenue dans le numéro du 5 juillet 1991 de cette revue ;

Considérant que les deux sociétés expliquent le retard apporté à cette publication par le fait que la décision du Conseil ne mentionnait pas qu'il leur incombait de faire procéder à la publication de la décision ; qu'elles observent qu'" il est d'usage général " que la publication de décisions judiciaires soit " effectuée à l'initiative de la partie gagnante, du ministère public ou de l'autorité ", de sorte qu'elles estimaient que la décision " serait publiée à la diligence du Conseil de la concurrence ou du ministre " ; qu'elles l'ont cependant fait publier dans les plus brefs délais dès qu'elles ont été informées qu'il leur appartenait de le faire ;

Mais considérant que l'indication d'un délai d'exécution dans le texte de lé décision n° 90-D-27 levait l'imprécision dénoncée par les sociétés ; qu'une telle indication aurait été dépourvue de fondement si elle n'avait été destinée aux sociétés visées par les injonctions ; que telle avait bien été l'interprétation donnée à l'article 2 de la décision par les sociétés concernées, M. Ehrmann ayant déclaré : " Nous avions pensé que cela avait été fait par nos avocats... " ; qu'au demeurant il est établi que les sociétés visées n'ont pris aucune disposition, ni entrepris aucune démarche, pour s'assurer que la publication demandée avait été effectuée dans le délai imparti ; qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin ne se sont pas conformées à l'article 2 de la décision n° 90-D-27 du Conseil de la concurrence ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du chiffre d'affaires réalisé en France au cours du dernier exercice clos ".

Considérant que les sociétés Tuileries Jean-Philippe Sturm et Tuileries réunies du Bas-Rhin ont méconnu le 10 de l'article 1er de la décision n° 90-D-27 en ne s'y conformant qu'avec retard, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 1992 ; qu'elles n'ont pas fait procéder à la publication de la décision dans les délais qui leur étaient impartis ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Tuileries Jean-Philippe Sturm au cours du dernier exercice clos, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, s'est élevé à 65 980 442 F ; qu'en fonction des éléments communs et individuels ci-dessus appréciés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Tuileries réunies du Bas-Rhin au cours du dernier exercice clos, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 1994, s'est élevé à 141 894 963 F ; qu'en fonction des éléments communs et individuels ci-dessus appréciés il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 F,

Décide :

Article 1 : - Il est infligé à la société SA Tuileries Jean-Philippe Sturm une sanction pécuniaire de 100 000 F.

Article 2 : - Il est infligé à la société SA Tuileries réunies du Bas-Rhin une sanction pécuniaire de 200 000 F.