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Décisions

Cass. com., 3 mai 1995, n° 93-17.091

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Cegelec (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, L'Entreprise industrielle (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Mes Vuitton, Ricard, Choucroy.

Cass. com. n° 93-17.091

3 mai 1995

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1993), que le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget a saisi, en 1991, le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles, constitutives d'ententes prohibées au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à l'occasion d'un appel d'offres relatif à un marché d'extension du réseau d'éclairage public de la commune de Venarey-les-Laumes (Côte-d'Or), qui a été fait en 1990 ; qu'à la suite de l'instruction à laquelle il a été procédé, le Conseil de la concurrence a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de cinq sociétés impliquées dans ces pratiques ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Cegelec fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'agence, qui dispose d'une autonomie suffisante par rapport à la société à laquelle elle est rattachée, est seule responsable des pratiques reprochées ; que cette autonomie doit être appréciée au regard de l'opération incriminée ; qu'en l'espèce, pour décider si l'agence de Dijon de la société Cegelec disposait d'une autonomie suffisante au regard des pratiques reprochées, l'arrêt attaqué s'est borné à rechercher si l'agence disposait d'une autonomie générale par rapport à la société Cegelec, en tous domaines, en dehors de toute référence à l'opération incriminée ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Cegelec soutenait que la question n'était pas de savoir si l'agence de Dijon dispose d'une véritable ou d'une réelle autonomie, mais de savoir, au cas d'espèce, si c'est en toute autonomie qu'elle a déterminé les conditions commerciales auxquelles elle a répondu à l'appel d'offres lancé en 1990 par la commune de Venarey-les-Laumes ; qu'en laissant sans réponse ces écritures de la société Cegelec, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'opération incriminée porte sur la soumission d'un marché compris entre 300 000 francs et 1 200 000 francs, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que l'agence de Dijon n'avait pas besoin de l'accord de sa direction générale pour signer toute soumission inférieure à 2 000 000 de francs ; qu'en décidant néanmoins que l'agence de Dijon ne jouissait pas du minimum d'indépendance économique et financière pour être assimilée à une entreprise responsable, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 du Code civil et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir analysé la délégation écrite donnée au chef de l'agence de Dijon, a constaté que cette délégation imposait à celui-ci d'exercer ses pouvoirs "en conformité avec les directives générales de la société de consulter ou d'informer la hiérarchie des faits importants de son activité"; que la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à vérifier si, au cas d'espèce, la soumission au marché litigieux de la part de l'agence de Dijon avait été faite de façon autonome, quelqu'ait été le montant de cette soumission, que cette agence ne pouvait pas être assimilée à une entreprise au sens de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen, pris en ses trois branches, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Cegelec fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation à intervenir sur le premier moyen, reprochant à l'arrêt d'avoir écarté l'autonomie de l'agence de Dijon, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a procédé à l'examen de la gravité des faits relevés et du dommage causé à l'économie en considération du comportement de la société Cegelec, et non de celui de son agence de Dijon, et ce, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Cegelec avait fait valoir que l'agence de Dijon n'avait eu aucun rôle moteur dans l'édification ou dans l'application de la concertation ; que le technicien du bureau d'études n'avait fait que répondre aux sollicitations du président de l'entreprise Bizouard, ainsi que l'a reconnu le Conseil de la concurrence ; que tel était l'avis du directeur de la DGCCRF, qui, alors qu'il réclamait à l'encontre de l'entreprise Bizouard une sanction représentant 1,17 % de son chiffre d'affaires pour avoir "piloté" l'entente "avec l'intention d'en être le bénéficiaire", proposait, en ce qui concerne la société Cegelec, une sanction pécuniaire correspondant à 0,12 % de son chiffre d'affaires ; qu'en n'apportant aucune réponse à ces conclusions de la société Cegelec, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, par ailleurs, que la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur les raisons qui l'ont conduite à prononcer une sanction égale au quadruple de la sanction réclamée par le ministre, a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le juge doit apprécier la proportionnalité entre la peine prononcée et le dommage causé à l'économie du marché de référence ; qu'en confirmant la décision du Conseil de la concurrence, qui a apprécié la proportionnalité entre la peine et le dommage causé, non pas à l'économie du marché de l'extention de l'éclairage public dans une petite commune de Côte-d'Or, mais à l'économie en général, et en se référant, pour le montant de la sanction, au chiffre global de la société Cegelec, et non au chiffre d'affaires afférent au marché de référence, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 du Code civil, 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, après avoir relevé le montant du chiffre d'affaires hors taxes de la société pour le dernier exercice connu, s'est référé, pour déterminer le montant de la sanction, aux motifs de la décision du Conseil de la concurrence, selon lesquels les agissements de cette entreprise avaient contribué, sur le marché concernant l'éclairage public de la commune concernée, non seulement à fausser localement le jeu de la concurrence, mais encore à "convaincre" les autres entreprises soumissionnaires, lesquelles étaient de taille inférieure, que ce type de comportement était général, et à les inciter à l'adopter pour d'autres marchés ; qu'elle a ainsi établi le dommage porté tant au marché de référence qu'à l'économie en général ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt a relevé que le Conseil de la concurrence avait "pondéré les différents éléments d'appréciation de la sanction infligée" à la société Cegelec, le Conseil de la concurrence ayant tenu compte des pratiques anticoncurrentielles relevées antérieurement contre cette entreprise, mais également de ses efforts pour respecter le domaine des marchés publics ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, et qui n'était pas tenue de suivre les conclusions concernant le ministre de l'Économie, n'encourt pas les griefs du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que le ministre de l'Économie, des Finances et du Budget sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.