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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 17 mai 1994, n° ECOC9410096X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sifco Stanley (SA), Ministre de l'Économie

Défendeur :

TLPD Jac Jobriane (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Montanier

Avocat général :

Mme Thin

Conseillers :

Mmes Mandel, Pascal

Avoué :

SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Bloch, Fourgoux

CA Paris n° ECOC9410096X

17 mai 1994

Le 5 mai 1989, la société Toutes les Pièces Détachées Jac Jobriane (ci-après dénommée TLPD) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques constitutives d'abus de position dominante et d'entente anti-concurrentielle, mises en œuvre selon elle sur le marché des outillages à main par la société Sifco Stanley.

Par décision n° 93-D-40 en date du 12 octobre 1993, le Conseil de la concurrence a infligé à la société Sifco Stanley une sanction pécuniaire de 200 000 F.

Aux motifs de sa décision, le conseil a estimé qu'il existait dans le secteur de l'outillage à main deux catégories de marchés selon que les acheteurs se présentant à ceux-ci étaient des amateurs ou des professionnels.

Il a par ailleurs retenu qu'il y avait à l'intérieur de ces deux catégories un marché par famille de produits.

Sur les marchés ainsi définis, il a constaté que :

1° Sifco Stanley disposait d'une position dominante sur différents marchés de l'outillage à main (instruments de mesure et de contrôle ; outils à bois ; scies à bois ; outils bâtiment ; outils pour revêtements sols et murs) ;

2° Les grossistes alimentant les circuits de la grande distribution et désireux d'offrir à leur clientèle un assortiment d'outils à main étaient obligés de s'adresser à Sifco Stanley ;

3° Sifco Stanley avait refusé de manière discriminatoire en 1987 et 1991 à TLPD le bénéfice du contrat, option 9.

Il en a déduit que ce refus ayant pu limiter la capacité concurrentielle de TLPD et restreindre le jeu de la concurrence entre les grossistes constituait une exploitation abusive de la position dominante de Sifco Stanley tombant sous le coup des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Le conseil a, d'autre part, retenu qu'en plafonnant et contrôlant le niveau des remises et des bonifications de fin d'année pouvant être accordées aux distributeurs par les grossistes, Sifco Stanley entravait leur liberté commerciale et faussait le libre exercice de la concurrence sur le marché, pratiques prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Le ministre de l'Economie a formé un recours en réformation partielle de cette décision, à laquelle il reproche d'avoir fait une inexacte analyse du marché.

Il soutient :

- que le marché pertinent ne peut être limité à une famille d'outils à main, mais doit inclure l'ensemble des outils à main ;

- que la distinction entre marché professionnel et marché familial ne se retrouve pas dans l'organisation de la distribution au niveau du gros ;

- qu'il n'est pas établi que Sifco Stanley occupe une position dominante sur le marché en gros de l'outillage à main pris globalement.

En ce qui concerne les remises et les bonifications de fin d'année, le ministre de l'économie fait valoir en revanche que la décision du conseil doit être confirmée.

Sifco Stanley, mise en cause d'office par ordonnance du 25 novembre 1993, a formé le 29 novembre suivant un recours en annulation de la décision.

a) Sur le grief d'entente illicite, elle fait valoir que :

- les modalités de fixation des remises prévues au contrat, option 9, et les échanges d'informations sur les taux de bonifications de fin d'année consentis par les grossistes n'ont eu ni pour objet ni pour effet de limiter la capacité commerciale des grossistes ;

- en tout état de cause, devraient être retenues les dispositions de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors que Sifco Stanley ne disposait d'aucun autre moyen pour répondre à une situation économique qui s'imposait à elle de l'extérieur et que l'utilisateur final a pu se procurer les outillages aux meilleurs prix ;

b) Sur le marché de référence pour l'évaluation d'une position dominante, reprenant les moyens du ministre, elle soutient que :

- il n'y a pas de différence entre les marchés qui seraient réservés aux utilisateurs professionnels et ceux qui seraient réservés aux amateurs, et il n'existe pas un marché par type de produit ;

- la part de marché détenue par elle n'est prépondérante ni sur le marché global ni même sur le marché analysé par segments ;

- le refus d'accorder le bénéfice du contrat, option 9, à TLPD était justifié par le fait que celle-ci ne répondait pas à l'ensemble des conditions exigées pour l'obtention de la qualité de distributeur stockiste régional.

Mise en cause d'office en vertu des dispositions de l'article 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, TLPD Jac Jobriane, tout en contestant la validité du recours du ministre au motif qu'il ne lui aurait pas été dénoncé, conclut à la confirmation de la décision déférée ainsi qu'à la condamnation de Sifco Stanley à lui payer la somme de 40 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient, d'une part, que les conditions de vente du contrat, option 9, en ce qu'elles limitent la liberté commerciale des revendeurs, sont contraires à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

D'autre part elle fait valoir :

- que la position dominante et prépondérante de Sifco Stanley sur le marché national de l'outillage à main a été admise à juste titre par le conseil ;

- que c'est au niveau du consommateur et non au stade du circuit de distribution qu'il faut déterminer le marché ;

- que la position dominante d'une entreprise sur un marché ne fait pas échec à un abus sur un autre marché et que c'est justement parce que Sifco Stanley, premier producteur mondial, détient sur le marché grand public une position dominante qu'il est indispensable aux grossistes fournissant la clientèle des grandes surfaces alimentaires et d'outillage de pouvoir offrir à des conditions compétitives les outils à main Sifco Stanley ;

- que TLPD est en situation de dépendance économique à l'égard de Sifco Stanley ;

- que Sifco Stanley lui a refusé jusqu'en 1991 le contrat, option 9, alors que, d'autres grossistes sans en remplir les conditions, tant en termes qualitatifs que quantitatifs, ont bénéficié de conditions plus favorables, qu'un tel refus est constitutif d'un abus lié à la position dominante de Sifco Stanley.

Le Conseil de la concurrence usant de la faculté de présenter des observations écrites souligne que :

- le marché pertinent se définit comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique ;

- s'agissant de la demande, le besoin en outillage à main de la clientèle familiale est différent de celui de la clientèle professionnelle et, au sein de chacune de ces deux catégories, il existe autant de marchés que de familles de produits ;

- s'agissant de l'offre, si son influence sur la délimitation du marché est plus marginale dès lors qu'il faut se placer au niveau du consommateur, il n'en demeure pas moins que la spécificité des produits à usage professionnel par rapport à ceux à usage familial a induit une spécialisation des producteurs.

Le ministre de l'Economie a répliqué en maintenant les moyens développés à l'appui de son recours et en concluant pour le surplus au rejet des demandes de Sifco Stanley ainsi qu'à la confirmation de la décision du conseil relative à l'intervention de Sifco Stanley dans la politique commerciale des grossistes et au montant de la sanction infligée de ce chef.

La société Sifco Stanley a répliqué aux observations du ministre de l'Economie et de la société TLPD.

Le ministère public a conclu oralement à la réformation de la décision du conseil sur l'application faite par lui de l'article 8 de l'ordonnance, mais au rejet du recours de Sifco Stanley sur l'article 7.

Sur ce, LA COUR,

Sur la validité du recours du ministre :

Considérant que, selon l'article 4 du décret du 19 octobre 1987, dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la déclaration (de recours) le demandeur au recours doit, à peine d'irrecevabilité de ce dernier, en adresser par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une copie aux parties auxquelles la décision du Conseil de la concurrence a été notifiée ;

Considérant qu'en l'espèce le ministre de l'économie a formé un recours le 23 novembre 1993 ;

Qu'il justifie avoir adressé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 novembre 1993 à TLPD copie de sa déclaration de recours, soit le lendemain du dépôt de son recours au greffe de la cour d'appel ;

Que l'accusé de réception de ce courrier a été signé du destinataire le 25 novembre 1993 ;

Qu'en conséquence, les dispositions de l'article 4 du décret susvisé ayant été respectées, le recours du ministre est recevable ;

Sur le marché pertinent :

Considérant que le Conseil de la concurrence a retenu que s'agissant de l'outillage à main chaque famille de produits constitue un marché spécifique et que chaque famille est divisée en deux catégories, l'une destinée à une clientèle professionnelle et l'autre à une clientèle familiale ;

Considérant que TLPD fait sienne cette définition et soutient par ailleurs qu'il faut déterminer le marché pertinent au niveau du consommateur ;

Mais considérant que pour définir le marché pertinent en cause il faut rechercher le lien de confrontation entre l'offre et la demande de produits substituables entre eux mais non substituables à d'autres biens ou services ;

Considérant qu'en l'espèce il est fait grief à Sifco Stanley d'avoir refusé à TLPD le bénéfice du contrat, option 9, réservé aux distributeurs stockistes, dépôts régionaux répondant à certains critères qualitatifs et quantitatifs ;

Que sur ce marché l'offre émane des fabricants et la demande des grossistes en outillage à main ;

Que le marché pertinent se situe donc au stade du gros et non au stade du consommateur ;

Considérant s'agissant des produits que s'il est exact qu'un marteau et un tournevis répondent chacun à des besoins spécifiques et ne sont pas substituables entre eux, il convient d'observer qu'au sein d'une même famille d'outils les produits ne sont pas davantage substituables ;

Qu'ainsi le ministre de l'économie fait à juste titre observer que s'agissant des instruments à bois le rabot et le ciseau ne sont pas substituables entre eux ;

Que de même pour les instruments de mesure et de contrôle, les mesures effectuées à l'aide d'un mètre ne peuvent être obtenues avec un niveau ;

Considérant qu'appliquer le critère de substituabilité à chaque élément d'outillage pris individuellement aboutirait à un véritable émiettement du marché, ce qui est contraire à la volonté du législateur ;

Que dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il existe des méthodes distinctes de distribution pour chacune des familles de produits, à l'égard des diverses clientèles où encore que les offreurs adoptent un comportement distinct selon qu'il s'agit de vendre, par exemple, des instruments différents, l'outillage à main doit être pris globalement ;

Qu'on ne peut s'attacher à la seule fonction ni aux seules caractéristiques d'un produit pour en déduire qu'il constitue à lui seul un marché particulier ;

Qu'au regard de l'utilisateur qui recherche nécessairement des outils relevant de différentes familles et qui est à même au demeurant de se les procurer le plus souvent dans un même magasin, il existe un marché global de l'outillage à main ;

Qu'à l'évidence l'utilisateur d'un outil se sert également d'autres outils complémentaires ;

Que de même la vocation du grossiste est d'offrir à un distributeur un échantillonnage complet des différents outils à main, afin que celui-ci puisse répondre aux besoins des consommateurs ;

Considérant par ailleurs qu'il est artificiel d'opérer une différenciation entre la clientèle des professionnels et celle des amateurs;

Qu'en effet même si au niveau des fabricants français de l'outillage à main, Facom principal concurrent de Sifco Stanley privilégie la clientèle professionnelle (95 p. 100 de son chiffre d'affaires), alors que Stanley réalise 45. p. 100 de son chiffre d'affaires avec les professionnels et 55 p. 100 auprès du grand public, il convient cependant de relever que TLPD distribue tant les produits Facom que les produits Stanley ;

Que le chiffre d'affaires que TLPD a réalisé avec ces deux fabricants a évolué sensiblement de la même façon entre 1984 et 1988 (annexe 4) ;

Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contestable que les grandes surfaces de bricolage sont fréquentées tant par les amateurs que par les professionnels ;

Considérant enfin que certains outils répondent tant aux besoins de la clientèle professionnelle qu'à celle des particuliers ;

Considérant qu'il s'ensuit que le marché de référence doit être défini comme celui de la vente en gros de l'outillage à main ;

Sur la position dominante de Sifco Stanley :

Considérant que sur le marché tel que retenu il n'est pas démontré que Sifco Stanley occupe une position dominante ;

Qu'en effet il est établi par les pièces mises aux débats et non contestées par TLPD qu'au moment des faits Sifco Stanley réalisait un chiffre d'affaires d'environ 200 millions, soit 12 p. 100 de la consommation nationale, alors que le chiffre d'affaires de Facom était de 500 millions ;

Que de même la part du marché global de Sifco Stanley en volume n'excédait pas 10 p. 100;

Considérant en conséquence que la décision du Conseil de la concurrence doit être réformée en ce qu'il a retenu à la charge de Sifco Stanley un abus de position dominante au sens de l'article 8, alinéa 1er, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'il convient de relever qu'il n'est pas prétendu que le refus de faire bénéficier TLPD du contrat type, option 9, constitue une pratique anticoncurrentielle au sens de l'article 7 de l'ordonnance ;

Considérant en revanche que TLPD soutient dans ses écritures que Sifco Stanley a exploité abusivement l'état de dépendance économique dans lequel TLPD se trouvait à son égard, grief qui n'apparaissait pas jusque-là dans la procédure ;

Considérant que TLPD, mise en cause d'office, s'étant bornée à formuler des observations et n'ayant pas formé de recours incident contre la décision du conseil, est irrecevable à solliciter de la cour qu'elle sanctionne la pratique incriminée sur le fondement de l'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance qui n'a pas été retenue dans la décision soumise à la cour ;

Sur l'entente illicite ;

Considérant que la décision relève que :

- dans le système de distribution adopté par Sifco Stanley, le distributeur Dépôt régional distributeur stockiste pilote doit, pour bénéficier des remises prévues par le contrat, option 9, appliquer la remise directement négociée par Sifco Stanley avec les clients de taille nationale ;

- la détermination du montant de la remise de fin d'année, accordée par les grossistes aux distributeurs, fait l'objet d'un échange d'informations entre Sifco Stanley et les grossistes, ce qui permet à la première de contrôler directement le niveau des remises proposées par les grossistes ;

Considérant que Sifco Stanley soutient que :

- la capacité commerciale des grossistes n'a pas été illicitement limitée, que leur liberté commerciale n'a pas été entravée aussi bien en ce qui concerne les remises que pour les bonifications de fin d'année ;

- la politique par elle choisie constituait le meilleur moyen, compte tenu du marché de l'époque en présence des GSA et GSB (grandes surfaces alimentaires et grandes surfaces de bricolage), d'assurer le maintien d'un développement économique adéquat ;

Mais considérant que l'article 6 du contrat option 9 dispose : " Dans le cas de négociation par Stanley avec des clients nationaux ayant des implantations régionales la société ... s'oblige à tenir au service de Stanley son organisation de vente VRP et de livraison pour gérer, développer cette clientèle, et ce jusqu'à la limite maximale de négociation par Stanley avec ces clients sur la base d'une grille de remises allant de 42 à 46 p. 100 en fonction du nombre de références vendues par point de vente implanté régionalement " ;

Qu'il est également précisé que " pour permettre la synthèse des chiffres au niveau des centrales d'achats, la société ... adressera régulièrement à Stanley Mabo un état des chiffres d'affaires réalisés avec chaque point de vente " ;

Considérant qu'une telle grille s'analyse comme un barème de remises maximales autorisées dont l'effet anticoncurrentiel est évident dès lors qu'il limite la liberté commerciale du distributeur stockiste, le dissuade de fixer de manière autonome ses prix, et fausse ainsi le jeu de la concurrence ;

Qu'en effet sur le marché considéré la concurrence par les prix ne peut exister sans la possibilité pour les grossistes de répercuter sur les clients tout ou partie des remises que leur accordent les fabricants ;

Considérant par ailleurs que l'administration a constaté que les grossistes appliquaient effectivement ces remises de base ;

Qu'ainsi les sociétés Fievet et Eurodis (PV, annexe 603) ont déclaré : " Lorsque nous travaillons avec Stanley nous appliquons les conditions négociées par cette société avec les centrales d'achat (art. 6 du contrat) et nous appliquons, le cas échéant, une remise de fin d'année qui est propre à Eurodis " ;

Que de même dès 1983, alors que TLPD n'avait toujours pas la qualité de dépôt régional Stanley, cette dernière lui indiquait en des termes très directs les conditions de vente à respecter (annexe 742) :

" Nous vous demandons de respecter les conditions à appliquer aux hypers, en particulier :

" - remise 44 p. 100, si moins de soixante-quinze références Stanley par magasin ;

" - remise 46 p. 100, si soixante-quinze références Stanley ou plus;

" - majoration de 3 p. 100 pour comptage et mise en place de la marchandise ;

" - majoration pour étiquetage des produits " ;

Considérant enfin que le procès-verbal d'audition des dirigeants de Sifco Stantey démontre la volonté de cette société de faire respecter le barème de remises par elle établi ;

Qu'en effet ceux-ci font ouvertement reproche à TLPD de perturber le marché en accordant des remises différentes de celles qu'elle préconise (annexe 513) ;

Considérant par ailleurs que le conseil a exactement constaté au vu des documents saisis (télex du 27 février 1987) qu'il existait une concertation entre Sifco Stanley et ses distributeurs stockistes régionaux en ce qui concerne les bonifications de fin d'année ;

Qu'en effet ce télex adressé par Sifco Stanley à la centrale Brico-France, cliente des dépôts régionaux Eurodis, Fievet, Carie et Simonin, précise notamment :

" D'autre part, vous recevrez une proposition de bonification de fin d'année de la part de nos dépôts régionaux " ;

Qu'en outre il résulte de l'audition de M. Arama, président-directeur général de TLPD, qu'il a subi des pressions de Stanley pour réduire le montant des bonifications de fin d'année (8 à 11 p. 100 accordés à ses clients alors que Stanley préconisait 5 p. 100);

Qu'au demeurant TLPD justifie, par une lettre adressée le 23 mars 1987 à Paridoc, avoir ramené de 11 à 5 p. 100 la ristourne de fin d'année consentie à ce distributeur ;

Considérant qu'en contrôlant ainsi directement le niveau des bonifications proposées par ses revendeurs, Sifco Stanley entrave la liberté commerciale de ces derniers et fausse le libre exercice de la concurrence sur le marché;

Considérant en conséquence que telles qu'elles ont été justement qualifiées par le conseil qui relève leur potentialité d'effet anticoncurrentiel, de telles pratiques, qui ont porté sur 12,5 p. 100 du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'outillage à main, tombent, nonobstant l'argumentation de Sifco Stanley selon laquelle ces pratiques ne pouvaient avoir aucun effet sensible sur la concurrence, sous le coup des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prohibe les ententes dès lors qu'elles peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Considérant que Sifco Stanley est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve que la pratique de ces remises plafonnées et des bonifications négociées avec les grossistes réservait aux consommateurs la possibilité de se procurer les outillages plus facilement et aux meilleurs prix ;

Sur le montant de la sanction :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné ;

Que le montant maximum de la sanction fixé par le même article est pour une entreprise de 5 p. 100 du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos ;

Considérant que le 12 octobre 1993, date de la décision du conseil, le dernier exercice clos connu de Sifco Stanley faisait ressortir un chiffre d'affaires de 400 173 049 F ;

Considérant que le conseil a justement apprécié la gravité des faits en relevant que les pratiques prohibées ont porté sur 12,5 p. 100 du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'outillage a main ;

Que le dommage à l'économie doit s'apprécier au regard de l'incidence que pouvaient avoir les remises et les bonifications de fin d'année fixées ou contrôlées par Sifco Stanley sur les prix pratiqués par les grossistes, sur leur élaboration et par conséquent sur l'intensité de la concurrence que les distributeurs stockistes bénéficiaires du contrat, option 9, pouvaient se faire tant entre eux qu'à l'égard des grossistes ne bénéficiant pas d'un tel contrat ;

Considérant qu'à cet égard il doit être relevé qu'en 1988 53 p. 100 des ventes de Sifco Stanley s'effectuaient avec des distributeurs relevant de l'option 9 ;

Considérant que, s'agissant de la situation de l'entreprise, il n'est pas contesté que celle-ci ne détenait à la date des faits que 10 p. 100 en volume du marché global de l'outillage et que son chiffre d'affaires hors taxes n'a que faiblement progressé entre 1988 et 1992, soit 390 millions à 400 millions ;

Qu'il s'ensuit que le conseil a procédé à une exacte appréciation de la sanction pécuniaire à raison des pratiques relevant de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui justifient à elles seules le montant de l'amende qu'il n'y a pas lieu de réduire ;

Considérant qu'en équité la somme accordée à TLPD par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doit être fixée à 10 000 F,

Par ces motifs : déclare recevable et bien fondé le recours formé par le ministre de l'Economie ; Réformant partiellement la décision déférée, dit que le marché à prendre en considération est celui de l'ensemble des outils à main, que sur ce marché la société Sifco Stanley n'est pas en position dominante et n'a pas commis d'abus de ce chef ; La confirmant pour le surplus, Rejette le recours formé par la société Sifco Stanley et maintient le montant de la sanction prononcée contre elle ; Rejette toute demande contraire à la motivation ; Condamne la société Sifco Stanley à payer à la société TLPD Jac Jobriane une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Met à la charge de la société Sifco Stanley l'intégralité des dépens.