Conseil Conc., 22 février 1994, n° 94-D-13
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées sur le marché des amendements calcaires dans le Sud-Ouest de la France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de Mme Anne Lepetit, par M. Cortesse vice-président, présidant, MM. Bon, Marleix, Sloan, Thiolon, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la lettre enregistrée le 17 janvier 1992 sous le numéro F 476 par laquelle la Société des chaux de Bigorre (Sochaubi) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Méac (Groupement marnais des producteurs épandeurs d'amendements calcaires) et Timac (Transformation industrielle de maërl en amendements calcaires) sur le marché des amendements calcaires ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 92-MC-05 du Conseil de la concurrence en date du 25 février 1992 rejetant la demande de mesures conservatoires présentée par la Sochaubi ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (Il) ci-après exposés :
I - CONSTATATIONS
1. Caractéristiques générales des amendements calcaires
Les amendements minéraux (ici dénommés amendements calcaires) sont des charges minérales utilisées en agriculture pour diminuer l'acidité des sols qui fait obstacle à la croissance des plantes.
Les charges minérales (amendements pour l'agriculture ou fillers pour l'industrie) sont obtenues suivant trois types de procédés :
- par broyage de pierres calcaires (les carbonates) ou magnésiennes (les dolomies) ;
- par cuisson de ces pierres au four à chaux ; on obtient alors de la chaux vive ou de la chaux éteinte ;
- par récupération de sous-produits d'autres activités contenant du carbonate de chaux, de la chaux ou des dolomies : déchets de papeteries, de sucreries, scories sidérurgiques, sables dolomitiques, boues des stations d'épuration.
En France, les gisements calcaires et magnésiens sont abondants ; les techniques de production de charges minérales étant relativement peu complexes, les producteurs sont nombreux.
Les amendements calcaires font tous l'objet d'une norme, d'une homologation ou d'une autorisation provisoire précisant leur teneur, leur valeur neutralisante, leur finesse, leur mouture. A caractéristiques identiques, ces produits sont donc entièrement substituables.
2. La production française d'amendements calcaires
La production française est très dispersée ; elle compte plus de quatre-vingts entreprises, qui travaillent souvent pour les deux marchés agricole et industriel ; la production d'amendements n'est pas toujours leur activité principale : certaines produisent d'autres matières fertilisantes (engrais) ; pour d'autres, les amendements sont des sous-produits de leur activité principale.
A partir des statistiques tenues par le Comité d'études et de liaison des amendements calcaires (CELAC) qui pense appréhender la moitié de la production française, celle-ci peut être évaluée entre 3,5 et 4 millions de tonnes en 1991.
Quatre entreprises, filiales de groupes importants, produisent annuellement plus de 300 000 tonnes d'amendements et sont présentes sur l'ensemble du territoire national : les sociétés Méac, Prodical, Timac et Chaux et Dolomie française. Une trentaine de sociétés ont une production annuelle comprise entre 30 000 et 100 000 tonnes.
L'ensemble Méac-SCEE :
La société Méac (Groupement marnais des producteurs épandeurs d'amendements calcaires) est filiale du groupe suisse Pluess-Staufer, producteur de charges minérales pour l'industrie. Spécialisée dans la filière agricole, elle produit des engrais, des charges pour l'alimentation animale et des amendements calcaires. Elle a réalisé en 1991 un chiffre d'affaires hors taxes de 438 millions de francs dont 211,5 millions avec la vente d'amendements.
La société Méac a des participations dans plusieurs sociétés productrices d'amendements calcaires : la Société des chaux et engrais d'Ecouché (SCEE) (100 p. 100 du capital détenu), la Société des calcaires d'Asson (SCA) (74,8 p. 100), la société Magnésie et Dolomie de France (MDF) (33,3 p. 100 du capital détenu à parité avec le groupe Roullier-Timac) et la société Chaux et Dolomie de France (CDF) (25 p. 100 du capital à parité encore avec le groupe Roullier-Timac).
L'ensemble Méac-SCEE a produit plus d'un million de tonnes d'amendements en 1991 et réalisé un chiffre d'affaires de 315 millions de francs, ce qui en fait le premier producteur national. Il est présent sur l'ensemble du territoire avec six carrières, dix-neuf usines et des directions commerciales dans toutes les régions. Les deux sociétés développent auprès des agriculteurs une politique de services (analyses de sols, conseils, location de silos de stockage, transport des amendements, épandage dans les champs).
Le groupe Roullier-Timac :
Le groupe Roullier (chiffre d'affaires hors taxes pour 1990 : 2,7 milliards de francs) est présent dans diverses branches de l'agriculture, notamment dans la production de produits fertilisants.
Son activité dans le domaine des amendements minéraux est assurée par trois filiales entièrement sous son contrôle dont l'activité essentielle est en fait la production d'agrofournitures et de produits chimiques : les sociétés Timac (Transformation industrielle de maërl en amendements calcaires) (chiffre d'affaires hors taxes 1991 : 1 228 millions de francs), Secma (Société d'exploitation du calcaire marin en amendements) (chiffre d'affaires hors taxes 1991 : 394 millions de francs) et Reno (chiffre d'affaires hors taxes 1991 : 659,5 millions de francs). Le groupe Roullier détient aussi, à parité avec le groupe Méac, des participations minoritaires dans les sociétés Magnésie et Dolomie de France (MDF) et Chaux et Dolomie de France (CDF).
Les trois sociétés : Timac, Secma et Reno ont produit en 1991 près de 280 000 tonnes d'amendements et réalisé avec la vente de ces produits un chiffre d'affaires de 106 millions de francs.
Ces sociétés développent aussi auprès des agriculteurs une politique de services et leur proposent des analyses de sols, la location de silos, l'affrètement de transporteurs ; le groupe commercialise un produit haut de gamme : le maërl, calcaire marin riche en oligo-éléments, très bien valorisé ; en 1991, le prix de vente moyen de la tonne d'amendements vendue par les trois sociétés, 380 F, était le plus élevé du marché.
La société Prodical :
La société Prodical appartenait jusqu'au 30 décembre 1992 au groupe Ciments français (chiffre d'affaires hors taxes consolidé pour 1990 : 15,2 milliards de francs), elle était filiale d'Arena, société regroupant les activités "matériaux de construction" du groupe.
La société Prodical produit des charges minérales à partir des carrières exploitées par son groupe. Elle a doublé sa production de 1988 à 1991, celle-ci atteignant alors 1,2 million de tonnes de carbonates de calcium ; 320 000 tonnes ont été vendues au secteur agricole, ce qui fait de Prodical, depuis 1991, le second producteur français d'amendements calcaires après le groupe Méac pour les tonnages commercialisés.
La société couvre l'ensemble du territoire avec huit lieux de production et six agences régionales. Sa stratégie commerciale, très différente de celles des sociétés Méac et Timac, repose sur des prix compétitifs ; elle n'offre pas de services aux agriculteurs et démarche uniquement les coopératives agricoles.
Compte tenu d'un prix à la tonne sensiblement inférieur à celui des sociétés concurrentes Méac et Timac : 115 à 139 F la tonne en moyenne en 1991, soit environ le tiers du prix que ces sociétés pratiquent, Prodical n'a réalisé en 1991 que 33,3 millions de francs de chiffre d'affaires avec les amendements calcaires, soit dix fois moins que le groupe Méac et trois fois moins que le groupe Timac ; elle est au quatrième rang par le chiffre d'affaires réalisé.
Le groupe Balthazard et Cotte et la société Chaux et Dolomie française (CDF).
Le groupe Balthazard et Cotte est le premier fabricant français de chaux ; il contrôle diverses sociétés productrices d'amendements minéraux dont la plus importante est Chaux et Dolomie française (50 p. 100 du capital détenu, le reste l'étant à parts égales par les sociétés Méac et Timac) et une filiale de commercialisation d'amendements pour la région Nord-Ouest : la société Dolfrance dont la structure du capital est identique à celle de CDF ;
Le groupe a produit 292 000 tonnes d'amendements en 1992 (209 000 tonnes pour CDF) ; les ventes d'amendements de Dolfrance se sont élevées à 56 millions de francs en 1992, les prix moyens pratiqués étant de 320 F pour les amendements crus et de 500 F pour les chaux.
Le groupe Méac-SCEE réalise donc environ 40 p. 100 des ventes d'amendements en France et devance très nettement ses concurrents, le plus important, le groupe Timac-Secma-Reno réalisant un chiffre d'affaires trois fois moindre.
3. La production dans la zone du "grand Sud-Ouest"
Les producteurs présents dans la zone du grand Sud-Ouest (comprise entre les villes de Bayonne, Bordeaux, Toulouse et la chaîne des Pyrénées) sont :
La société Méac avec 4 sites de production (Montaut, Saint-Béat, Tour-Blanche et Asson) : 101 317 tonnes produites en 1991. Les capacités annuelles de production des usines de Montant et d'Asson ont été portées de 1986 à 1990 respectivement de 250 à 350 tonnes par jour et de 100 à 360 tonnes par jour ;
La société Timac : 1 site à Lurbe, 65 000 tonnes produites en 1991. L'usine de Lurbe au cours de la période 1986-1991 a vu ses capacités de production portées de 650 à 820 tonnes par jour ;
La société Prodical : 1 site à Orthez, 24 400 tonnes en 1991 ;
Une entreprise régionale : la Société des chaux de Bigorre (Sochaubi), filiale, par l'intermédiaire de la société Biggest, du groupe Coop de Pau (chiffre d'affaires hors taxes consolidé pour 1991-1992 : 2,7 milliards de francs - 8 000 coopérateurs adhérents), premier groupe agro-industriel de la région. La Sochaubi a produit en 1990-1991 à partir de son site de Ger, près de Lourdes, 100 000 tonnes de charges minérales (70 507 tonnes pour l'agriculture et 27 796 tonnes pour l'industrie des bétons et enrobés routiers : elle s'est diversifiée dans ce secteur à partir de 1989 après avoir relevé les capacités de production de son usine de 800 à 1 200 tonnes par jour. Le chiffre d'affaires de la Sochaubi est resté stable de 1987 à 1991 (autour de 15-16 millions de francs). La Sochaubi est engagée par contrat avec la Sica de Pau (du groupe Coop de Pau) - qui enlève plus de 55 p. 100 de ses tonnages - à s'aligner sur les meilleurs prix de fournisseurs tiers ;
La Socodac, Société des chaux d'Aquitaine, dont le siège est à Lourenties dans les Pyrénées-Atlantiques, a été créée en 1989. En novembre 1989, elle a reçu du ministère de l'agriculture l'autorisation provisoire (jusqu'au 31 décembre 1993) de vendre des carbonates de chaux récupérés de quatre papeteries de la région situées à Roquefort, Mimizan, Facture et Saint-Gaudens. Les tonnages ont atteint près de 17 000 tonnes au cours de l'exercice 1990-1991 pour un chiffre d'affaires voisin de 1 million de francs. En mars 1991, les prix de Socodac variaient de 50 F à 110 F la tonne suivant le volume commandé ;
La Société commerciale des potasses et de l'azote (SCPA), filiale de l'Entreprise minière et chimique (EMC), commercialise les amendements produits par une société du groupe public à Mission dans les Landes (15 000 tonnes).
La société Méac occupe donc dans la zone du grand Sud-Ouest une position moins forte qu'au plan national ; elle y assure un tiers des ventes devant Sochaubi (26 p. 100) et Timac (20 p. 100).
4. Les caractéristiques de l'offre et de la demande
a) Caractéristiques du marché français :
Au cours de la période 1988-1991, les capacités de production et l'offre d'amendements minéraux des entreprises françaises ont été sensiblement accrues du fait des investissements d'extension effectués, de l'offensive sur le marché de la société Prodical, dont la production est passée de 180 000 tonnes en 1988 à 320 000 tonnes en 1991, enfin, de la mise sur le marché de sous-produits récupérés d'activités industrielles.
Dans le même temps, le contexte économique semble avoir contribué à un tassement de la demande. Les incertitudes qui ont pesé dès la fin des années 1980 sur l'issue des négociations internationales agricoles et les mesures décidées en 1991 par la Commission des communautés européennes dans le cadre de la politique agricole commune (notamment la mise en jachère tournante de 15 p. 100 des sols) ont contribué à ralentir la demande de matières fertilisantes. En effet, l'achat d'amendement pour l'agriculture n'est pas obligatoire ni incompressible : l'acidité d'un sol ne se développe que progressivement et l'exploitant agricole peut reporter un "chaulage" de redressement ou d'entretien sans dommage important immédiat pour son rendement ; sa demande d'amendement est donc sensible aux variations de son revenu et à ses anticipations.
Une offre accrue, une demande ralentie : les conditions d'une intensification de la concurrence entre producteurs d'amendements se sont trouvées réunies.
b) Caractéristiques propres à la zone du grand Sud-Ouest :
Cette zone du grand Sud-Ouest présente les caractéristiques suivantes :
- elle est homogène au plan agricole : les cinq départements de cette zone - Haute-Garonne, Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées - connaissent des conditions climatiques voisines ; la culture du maïs y prédomine (ils assurent plus du quart de la récolte française) ;
- les coopératives agricoles y contrôlent les deux tiers des achats ; la plus puissante, la Sica de Pau, est intégrée dans le groupe Coop de Pau qui a assuré environ 30 p. 100 de la collecte dans la région (700 000 tonnes collectées en 1991-1992) et a pour ambition d'être le groupe industriel assurant les meilleurs revenus et services aux agriculteurs du Sud-Ouest Atlantique. Les producteurs d'amendements négocient les marchés directement avec ces coopératives qui assurent elles-mêmes les services de conseil et de stockage aux agriculteurs. La négociation de prix a lieu avant la saison d'épandage en automne, sur la base du prix de la saison précédente sans référence aucune à un barème ; les prix pratiqués varient selon les clients et peuvent évoluer en cours de saison ; aucun document contractuel, si ce n'est la facture, n'officialise l'accord intervenu.
5. Faits observés
L'instruction a mis en évidence l'existence d'écarts importants entre les prix pratiqués dans la zone du grand Sud-Ouest et dans les autres parties du territoire national, tout au long de la période 1988-1991 ; toutes les entreprises présentes sur l'ensemble des régions, les sociétés Méac, Timac, Reno et Prodical ont appliqué dans les départements du grand Sud-Ouest des prix inférieurs de 20 p. 100 à plus de 50 p. 100 à ceux pratiqués dans les autres grandes régions consommatrices d'amendements à savoir : le Nord-Ouest de la France et la région parisienne.
Si les groupes Méac et Timac ont des filiales communes productrices d'amendements et des politiques commerciales assez voisines axées sur la fourniture de services accompagnant le produit et sur le démarchage des agriculteurs, chaque entreprise tente de différencier ses produits, de le valoriser sous des marques bien distinctes ; ces sociétés ne se présentent pas collectivement sur le marché ; un parallélisme de prix n'est pas observé.
En ce qui concerne plus particulièrement la zone du grand Sud-Ouest :
- la sécheresse a provoqué en 1989 et 1990 deux mauvaises récoltes de maïs ; celle de la campagne 1990-1991 a été en recul de 25 p. 100 sur la précédente ;
- les capacités de production d'amendements ont fortement augmenté de 1986 à 1991 (+ 45 p. 100 au total) ; quatre entreprises ont procédé au cours de cette période à des investissements d'extension : la Sochaubi à Ger, Méac à Montaut et Asson, SCPA à Misson, Timac à Lurbe (cette entreprise constatant une forte baisse des tonnages vendus, 51 861 tonnes en 1988 et seulement 41 000 en 1990, a engagé au cours de l'été 1990 un responsable du développement du site de Lurbe ayant pour mission de réaliser 56 000 tonnes en 1991 ; 65 000 tonnes seront réalisées) ; en outre, la Socodac a mis sur le marché à partir de 1990 les déchets de carbonates récupérés de quatre papeteries de la région ;
- l'évolution des prix au cours de l'année 1990.
L'examen des prix facturés par les fournisseurs permet de vérifier l'existence d'un premier décrochage des prix au cours de la saison d'épandage 1989-1990, dès janvier 1990 : alors que les prix couramment pratiqués par l'ensemble des fournisseurs se situent dans une fourchette 160-195 F (prix hors taxes vrac départ), deux entreprises commencent à vendre sensiblement en dessous : la Socodac, autorisée en novembre 1989 à commercialiser le "Fertilis 90", sous-produit de la fabrication du papier, le facture en janvier 120 F la tonne puis en mars 110 F (Etablissements Lacoustille) et édite un tarif à 80 F au 1er juin ; dès janvier également, la société Timac facture plusieurs clients (Sica de Pau, Etablissements Anchen, Coopérative Luc Berri) au prix de 130 F la tonne alors qu'elle vend à ses autres clients 170 F la tonne ; les sociétés Méac et Prodical appliquent aussi quelques baisses : 140 F, 150 F en mars et avril (Sica de Pau, Etablissements Bonnut et Lacadée) ; la baisse de prix devient générale à l'automne 1990 à la veille de la campagne : courant novembre, la société Timac baisse ses prix à 140 F puis à 130 F en décembre ; au premier trimestre 1991, les prix facturés se situent dans une fourchette de 140 F - 110 F (Reno : 140 F ; Sochaubi 135 F, 125 F ; Timac 130 - 105 F ; Prodical, Socodac : 110 F).
Plusieurs sociétés ont rencontré des difficultés financières au cours de cette période :
- la marge nette de l'usine de Lurbe de Timac s'est considérablement dégradée de 1988 à 1991 malgré une diminution des charges de fabrication ;
- la Sochaubi, après un exercice bénéficiaire en 1989-1990 (résultat d'exploitation : + 0,846 million de francs) a enregistré en 1990-1991 un déficit de 0,484 million, soit 3 p. 100 de son chiffre d'affaires ;
- la SCPA, estimant "les capacités de production surdimensionnées" dans la région, a décidé l'arrêt de l'exploitation de sa carrière de Misson.
En revanche, aucun indice de concertation entre les entreprises présentes sur le marché du grand Sud-Ouest n'a été relevé. La société Méac a démenti avoir voulu racheter la Sochaubi en 1990 et 1991 et celle-ci n'a pu fournir la preuve d'une offre d'achat.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Considérant que la Sochaubi allègue que les sociétés Meac et Timac ont une position dominante sur le marché du grand Sud-Ouest et que "profitant de leur prédominance nationale.., elles peuvent vendre à bas prix sur un marché local en compensant par des prix élevés en dehors de ce marché... " ;
Sur le marché de référence :
Considérant que la zone géographique comprise entre les villes de Bordeaux, Toulouse et la chaîne pyrénéenne, dite ci-après zone du grand Sud-Ouest, est caractérisée au plan agricole par la prédominance de la culture du maïs ; que les besoins des sols en matières fertilisantes et les revenus des agriculteurs sont les principaux déterminants de la demande; que les acheteurs sont regroupés dans cette région en coopératives qui assurent pour eux les services rendus ailleurs par les fabricants et qui négocient directement avec ces derniers, en dehors de tout barème, des prix nets sur facture; que les amendements calcaires sont vendus dans cette zone beaucoup moins cher que dans les autres régions françaises ; que le poids relatif des coûts de transport contribue à limiter dans cette zone l'offre à celle des usines qui y sont situées; qu'il s'ensuit que la zone du grand Sud-Ouest constitue un marché en soi.
Sur la position des sociétés présentes sur ce marché :
Considérant que, sur le marché de référence, trois entreprises ont des parts significatives, les sociétés Méac (environ 33 p. 100), Sochaubi (26 p. 100) et Timac (20 p. 100); que, les coopératives agricoles et notamment le groupe Coop de Pau, y font prévaloir leurs conditions commerciales ; qu'en l'espace de deux ans (1989-1991), une entreprise nouvelle, la Société des chaux d'Aquitaine (Socodac) a gagné une part de 5 à 6 p. 100 en volume sur ce marché alors que le tonnage global diminuait, en particulier celui produit par la société Méac ; qu'il n'apparaît pas, dans ces conditions, que la société Méac occupe une position dominante sur le marché de référence; qu'au surplus, si la société Sochaubi soutient que la société Méac a tenté, à plusieurs reprises, de s'en rendre acquéreur dans le seul but de restreindre la concurrence sur le marché, elle n'apporte aucun élément de nature à fonder ses allégations ;
Considérant que si la société Méac et la société Timac ont des participations dans des filiales communes, ces deux sociétés, dont il n'est pas établi qu'elles aient noué entre elles des liens économiques et commerciaux les conduisant à coordonner leur action, ne sauraient être regardées comme occupant une position dominante collective; qu'au surplus, la Sochaubi, principale concurrente de ces sociétés, bénéficie d'une garantie d'écoulement de la moitié de sa production auprès du principal acheteur local, la Sica de Pau, dont elle est une sous-filiale ;
Sur l'évolution des prix observée sur le marché du grand Sud-Ouest :
Considérant que si une baisse très sensible, de l'ordre de 25 p. 100, des prix des amendements minéraux s'est produite à l'automne-hiver 1990-1991, à la veille puis au début de la saison d'épandage, cette baisse généralisée a cependant été amorcée dès le premier trimestre 1990 lorsque la Société des chaux d'Aquitaine (Socodac) a lancé le Fertilis 90, sous-produit de la fabrication du papier, au prix de 120 F la tonne vrac départ, alors que les prix couramment pratiqués étaient supérieurs à 160 F ; que la société Timac a aussi, dès janvier 1990, contribué pour partie à cette baisse de prix en effectuant quelques ventes au prix de 130 F la tonne ; que la Société des chaux de Bigorre ne pouvait pas résister à cette baisse des prix étant donné qu'elle s'était obligée par contrat passé avec son principal client, la Sica de Pau, à s'aligner sur les meilleurs prix de fournisseurs tiers ; qu'en outre, la chute des prix observée sur ce marché résulte aussi de la faiblesse de la demande des agriculteurs consécutive à deux mauvaises récoltes de maïs et à un relèvement sensible des capacités de production des entreprises présentes au moment de la mise sur le marché des tonnages supplémentaires produits par la Société des chaux d'Aquitaine (Socodac) et du relèvement de la production de l'usine de Lurbe de la société Timac ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les sociétés Méac et Timac aient enfreint les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Décide : Article unique : Il n'est pas établi que les sociétés Méac et Tiniac aient enfreint les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.