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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 16 janvier 1991, n° ECOC9110007X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pluri-Publi (SA)

Défendeur :

Le Parisien libéré (SNC), Ministre de l'économie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vengeon

Conseillers :

Mme Hannoun, MM. Guerin, Canivet, Mme Mandel

Avocats :

SCP Fourgoux, Me Louvet.

CA Paris n° ECOC9110007X

16 janvier 1991

Considérant que la société Pluri-Publi a saisi le Conseil de la concurrence du refus des sociétés éditrices des journaux Le Figaro, Locations-Ventes, France-Soir, Le Monde et Le Parisien Libéré d'insérer les annonces publicitaires qu'elle entend faire publier dans le cadre de l'activité de vente de listes d'appartements à louer à laquelle elle se livre en tant que franchisé du réseau Hestia ; qu'elle a en outre sollicité, à l'encontre de la dernière entreprise de presse nommée, à qui elle reproche au surplus une discrimination entre annonceurs de même catégorie, le prononcé de mesures conservatoires visant à faire cesser de telles pratiques ;

Considérant que par décision délibérée le 28 novembre 1990 contre laquelle ladite société a exercé un recours, le Conseil de la concurrence a refusé de prendre les mesures conservatoires demandées ;

Considérant que la société en nom collectif Le Parisien Libéré conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement au débouté de la requérante ;

Considérant que le représentant du ministre chargé de l'économie et le ministère public estiment fondée la décision déférée ;

Sur quoi, LA COUR :

Considérant que si les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu'elles posent le principe de la liberté de la presse et celui de la responsabilité pénale du directeur de la publication d'un journal quelle que soit la nature de l'article publié, peuvent avoir pour effet de légitimer, au regard de l'article 37, alinéa 10, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, un refus d'insertion même non motivé, il n'en résulte pas pour autant que les entreprises de presse échappent au droit de la concurrence;

Qu'en conséquence est recevable, bien qu'elle ne soit pas spécifiquement dirigée contre le directeur de la publication dont la présence en la cause n'est prescrite par aucun texte particulier, la demande de mesures conservatoires formée par la société requérante à l'encontre de la société éditrice du journal à qui elle impute des pratiques contraires aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant qu'aux termes de l'article 12, alinéa 2, de ladite ordonnance des mesures conservatoires ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante ;

Que ce texte subordonne les mesures protectrices qu'il organise à la constatation de faits manifestement illicites constitutifs de pratiques prohibées par le texte susvisé et auxquelles il faudrait mettre fin sans délai pour prévenir ou faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que, s'il n'est pas en l'état exclu que les faits dénoncés entrent dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il n'apparaît pas, ainsi que le relève avec pertinence le Conseil, qu'ils portent une atteinte grave à l'économie générale, à celle du secteur intéressé où à l'intérêt du consommateur;

Considérant que la société requérante qui prétend avoir subi des pertes d'exploitation importantes du fait des refus concertés d'insérer ses annonces dont elle a saisi le Conseil à l'encontre de toutes les entreprises de presse précitées ne justifie pas, par les éléments comptables produits, que ce résultat déficitaire soit exclusivement causé par les pratiques dénoncées et de surcroît directement imputables à celles reprochées à la SNC Le Parisien Libéré, seule visée par la demande de mesures conservatoires;

Qu'il n'est pas davantage établi par lesdits documents que les pertes annoncées, fussent-elles importantes, soient de nature à compromettre le maintien en activité de l'entreprise, dès lors que celle-ci dispose, par le recours à d'autres supports d'annonces, de solutions de remplacement à tout le moins aptes à lui permettre de réduire le préjudice invoqué;

Par ces motifs, Rejette le recours ; Condamne la requérante aux dépens.