Conseil Conc., 28 novembre 1990, n° 90-MC-11
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Demande de mesures conservatoires présentée par la société Pluri Publi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section, sur le rapport oral de Mme S. de Mallmann, dans sa séance du 28 novembre 1990, où siégeaient : M. Pineau, vice-président, présidant ; MM. Cabut, Cortesse, Gaillard, Sargos, membres.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre enregistrée le 3 septembre 1990 sous le numéro F 341 par laquelle la société Pluri Publi se plaint d'un refus de prestation de services émanant des sociétés Socpresse SA (journal Le Figaro), Publi Print (magazine Locations Ventes), Presse Alliance SA (journal France-Soir,), de la SNC Le Parisien libéré (journal Le Parisien) et de la SARL Le Monde (journal Le Monde) ; Vu la lettre enregistrée le 24 octobre 1990 sous le numéro M 74 par laquelle la société Pluri Publi a sollicité le prononcé d'une mesure conservatoire à l'encontre de la SNC Le Parisien libéré ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-l309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la SNC Le Parisien libéré enregistrées le 9 novembre 1990 ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement enregistrées le 12 novembre 1990 ; Vu les pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;
Considérant que la société Pluri Publi, franchiseur du réseau Hestia, spécialisée dans les transactions immobilières entre particuliers par le procédé de la vente de listes, se heurte selon ses dires à un refus collectif des quotidiens Le Figaro, France-Soir, Le Parisien, Le Monde et du magazine Locations Ventes, d'insérer des annonces publicitaires dont l'objet est d'informer les consommateurs de la possibilité de mise en contact de propriétaires et de locataires en région parisienne ;
Considérant que la société Pluri Publi prétend, d'une part, qu'elle est victime d'un refus de vente susceptible d'être qualifié d'entente au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et, d'autre part, qu'elle se trouve sous la domination des supports précités et ne dispose pas de solution équivalente au sens de l'article 8 de l'ordonnance précitée ;
Considérant que la société Pluri Publi estime que les agissements de la SNC Le Parisien libéré sont de nature encore plus anticoncurrentielle puisque malgré ses réclamations elle continue à insérer des publicités de concurrents aggravant de la sorte sa situation ;
Considérant que la requérante demande en conséquence au Conseil de la concurrence de prendre des mesures conservatoires sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance susvisée, en particulier d'enjoindre à la SNC Le Parisien libéré de cesser de la discriminer et de lui assurer l'égalité de traitement avec ses concurrents ;
Considérant que l'application des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est subordonnée à la constatation de comportements manifestement illicites se rattachant aux pratiques visées par les articles 7 ou 8 et ne pouvant être justifiées par l'application de l'article 10, auxquelles il faudrait mettre fin sans délai pour faire cesser un trouble grave et immédiat ;
Considérant que, si aux termes d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 octobre 1983, repris dans un arrêt de la même chambre en date du 24 janvier 1984, " les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu'elles posent le principe de la liberté de la presse et celui de la responsabilité pénale du directeur de la publication d'un journal ou écrit périodique quelle que soit la nature de l'article publié, ont pour effet de légitimer, au regard de l'article 37 (1°, a) de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, un refus d'insertion même non motivé ", il ne résulte pas de cette jurisprudence que les entreprises de presse échappent à la prohibition visant les pratiques définies aux articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant qu'à ce stade de la procédure et sous réserve de l'instruction de L'affaire au fond, il ne peut être exclu que les pratiques dénoncées par la société Pluri Publi puissent entrer dans le champ d'application des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant, d'une part, que si la requérante prétend que les pratiques de la SNC Le Parisien libéré réduiraient, en lui refusant de publier ses annonces, l'information des consommateurs sur les offreurs, un tel préjudice ne peut être assimilé à une atteinte grave, puisque chaque jour une masse d'informations sur les transactions immobilières est publiée par voie de petites annonces tant par Le Parisien que par d'autres quotidiens;
Considérant, d'autre part, que la société Pluri Publi soutient que les pratiques qu'elle dénonce auraient des conséquences immédiates et manifestement excessives à son encontre, l'arrêté de ses comptes mettant en évidence pour l'exercice 1989 une perte de 883 235 F ; que toutefois, elle ne démontre pas que ce résultat déficitaire est une conséquence des refus d'insertion qui lui ont été opposés par la SNC Le Parisien libéré; qu'en effet, elle a dû faire face durant l'année 1989 au coût de lancement du produit Location Vacances, à une concurrence nouvelle très agressive, notamment à Paris, et à un investissement important en publicité ; qu'en outre, la société Pluri Publi a réalisé en 1988 un bénéfice de 663 455 F, alors que depuis près de trois ans la SNC Le Parisien libéré n'aurait pas publié ses annonces qu'enfin, son conseil d'administration prévoit un retour à l'équilibre des comptes en 1990 que, dans ces conditions, la demanderesse n'a pas présenté d'éléments suffisants permettant de conclure que les pratiques en cause lui apportent à ce jour une atteinte grave et immédiate,
Décide : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 74 est rejetée.