Cass. soc., 10 mars 1994, n° 91-11.516
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Bayer France (Sté)
Défendeur :
Institution de retraites et de prévoyance des voyageurs représentants placiers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kuhnmunch
Rapporteur :
M. Favard
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
Mes Choucroy, Ryziger.
LA COUR : - Sur la fin de non-recevoir du pourvoi, soulevée par la défense : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen en tant qu'il est dirigé contre l'institution nationale de prévoyance des représentants (INPR) : (sans intérêt) ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis, en tant qu'ils sont dirigés contre l'INPR : - Attendu que la société Bayer France reproche en outre à l'arrêt (Versailles, 18 mai 1990) de l'avoir déboutée de sa demande tendant à faire juger qu'elle n'était plus redevable de cotisations au titre du régime décès envers l'IRPVRP, à laquelle s'est substituée l'INPR, et de l'avoir condamnée à payer à cette dernière des cotisations pour 1989, alors, selon les moyens, premièrement, que, d'une part, l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 dispose que " sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, ou de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions ... " ; que ce texte vise les actions concertées et les ententes, sans préciser l'identité des auteurs de ces comportements ou des parties à ces ententes, lesquels peuvent être non seulement des entreprises, mais aussi toutes personnes capables d'exprimer une volonté autonome, dès lors que la concertation tend à l'adoption d'un comportement ou à l'accomplissement d'une action sur le marché d'un produit ou d'un service, et qu'il peut s'agir notamment d'organisations syndicales signataires d'une convention collective, en sorte que viole le texte précité l'arrêt attaqué qui refuse d'en faire application à l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947, pour la raison que l'institution visée par cet article est une institution régie par l'article L. 4 du Code de la sécurité sociale (ancien) ; que, d'autre part, si l'article 10, 1°, de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 prévoit que " ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques (...) qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ", l'extension d'une convention collective par arrêté ministériel n'a pas pour effet de faire entériner le contenu de la convention collective par ledit arrêté, de sorte que viole ce texte l'arrêt attaqué qui en fait application à l'espèce, en considérant que l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947 aurait la même force obligatoire qu'un texte réglementaire, du fait de son extension par arrêté ministériel ; alors, deuxièmement que, d'une part, un syndicat professionnel peut être considéré comme une entreprise au sens de l'article 85 du traité de Rome, s'il est partie à un accord ou organise une pratique concertée, contraire aux règles de concurrence, de sorte que viole ce texte l'arrêt attaqué qui refuse d'en faire application aux organisations syndicales signataires de l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947, aux motifs que l'IRPVRP, visée par ce texte, ne peut être considérée comme une entreprise, non plus que l'INPR ; que, d'autre part, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, procédant par simple affirmation, retient que l'accord résultant de l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947, et ayant pour effet de conférer à l'IRPVRP un monopole pour recevoir les cotisations au titre du régime décès, n'affecte pas le commerce entre Etats membres ;
Mais attendu que les régimes de sécurité sociale complémentaires qui reposent, comme les régimes de sécurité sociale de base, sur des mécanismes d'affiliation obligatoire pour les employeurs et travailleurs compris dans son champ d'application, et qui imposent aux établissements qui perçoivent les cotisations et répartissent les prestations, quelle que soit leur nature juridique, des sujétions particulières en vue de répondre à la mission sociale qui leur est confiée, ne sont pas visés par les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, ni par celles des articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne;
Attendu qu'en l'espèce, les dispositions de la convention collective nationale du 14 mars 1947 et des avenants qui l'ont modifiée ou complétée ont été rendues obligatoires pour tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d'application de cette convention, soit par des arrêtés ministériels d'extension validés par l'article 1er, dernier alinéa, de l'ordonnance n° 59-238 du 4 février 1959, soit par des arrêtés interministériels d'agrément pris en vertu de cette ordonnance ou de la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972, lesquelles ont été codifiées jusqu'à l'intervention de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 dans les articles L. 731-8, L. 731-9 et L. 731-10 du Code de la sécurité sociale ; que c'est par application de ces textes, et selon la procédure spécifique qu'ils instituaient, qu'un arrêté interministériel du 14 mars 1987 a agréé l'avenant du 15 juin 1983 ayant complété l'article 7 de la convention collective nationale du 14 mars 1947 en ce qui concerne l'assurance décès des VRP ; qu'eu égard à la force obligatoire s'attachant à une convention collective agréée dans les conditions des articles L. 731-9 et L. 731-10 précités, la cour d'appel a pu, abstraction faite d'un motif surabondant, décider que le régime complémentaire d'assurance décès concernant les VRP n'entrait pas dans les prévisions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 85 et 86 du Traité ; que les moyens pris en leurs diverses branches ne sont pas fondés ;
Par ces motifs : déclare irrecevable le pourvoi à l'égard de l'IRPVRP et de l'Agirc ; le rejette pour le surplus.