Conseil Conc., 14 mai 1996, n° 96-D-40
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Secteur de l'assurance ski
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mlle Valérie Michel, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 19 décembre 1989 sous le numéro F290, par laquelle la société General Accident Fire and Live et M. André Guillouard, assureur-conseil à Cannes, ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Fédération française de ski et le Syndicat national des téléphériques et téléskis de France dans le secteur de l'assurance ski ; Vu l'ordonnance n° 864243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ; Vu la décision n° 88-D-19 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques de la Fédération française de ski en matière de commercialisation d'assurances sportives ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 14 juin 1995 rendu sur les recours formés contre la décision n° 94-D-40 ; Vu les observations présentées par la Fédération française de ski et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la Fédération française de ski entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. CONSTATATIONS
A. Les caractéristiques du marché
1. La demande d'assurance sportive liée à la pratique du ski
Il ressort du rapport de synthèse de l'audit " carte neige ", de mai 1989, réalisé à la demande de la Fédération française de ski par l'agence ACM, que le nombre de personnes pratiquant le ski en France à cette époque pouvait être estimé à 6 600 000.
La loi n'impose pas d'être assuré pour la pratique du ski ; de fait, seuls 48 p. 100 des skieurs étaient assurés à la même époque.
La protection des skieurs en matière d'assurance peut couvrir les dommages que la pratique de ce sport peut occasionner à des tiers, les dommages personnels que peut subir le skieur lui-même, et enfin les frais de secours et d'assistance, plus ou moins importants selon la tarification de la station et l'éloignement du skieur par rapport à celle-ci.
Certains de ces risques sont couverts par des assurances diverses souscrites par les pratiquants dans le cadre de leurs autres activités, mais il est exceptionnel que ces contrats, souscrits à un autre effet, couvrent l'ensemble de ces risques ; en outre, ils sont rarement perçus comme tels par ceux qui les souscrivent. Par ailleurs, la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et son décret d'application (décret n° 87-141 du 3 mars 1987) permettent aux communes de demander le remboursement des frais de secours engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique du ski. Cela explique l'apparition et le développement, surtout depuis la saison 1985-1986, de produits d'assurance spécifiques, strictement limités à la pratique du ski et couvrant l'ensemble des risques inhérents à cette pratique.
Ces produits d'assurance sont parfois souscrits avant l'arrivée en station auprès de différents professionnels avec lesquels le skieur est en contact pour l'organisation de son séjour (organisateurs de voyages, locations de vacances, clubs ...). Mais, le plus souvent, c'est une fois sur place que les skieurs prennent conscience de la nécessité de souscrire une assurance, car il n'est pas rare de voir affichés en station le prix ou la mention du coût élevé des frais de secours et l'intérêt de s'assurer pour ce risque.
Les pratiques relevées dans la présente affaire portent sur les produits d'assurance ski proposés dans les stations durant les années 1987 à 1990.
2. La structure de l'offre en produits d'assurance ski vendus en station
a) La situation existant jusqu'en 1986
Elle se caractérise par l'existence d'un monopole de fait des produits offerts par la Fédération française de ski : en effet, jusqu'en 1986/1987, mis à part quelques expériences sporadiques, la seule assurance susceptible d'être acquise en station l'était dans le cadre de la " carte neige ".
La création de la " carte neige " date de la fin de l'année 1980. Ce titre, également appelé " licence pratiquant ", est destiné aux skieurs ne participant pas à des compétitions de haut niveau. La " carte neige " vient donc compléter la licence unique qui existait antérieurement, dénommée " licence compétition dirigeant ", qui comprend une assurance destinée aux skieurs pratiquant la compétition de haut niveau.
L'acquisition de la " carte neige " entraîne, d'une part, l'adhésion à un club et à la Fédération Française de ski, donc le paiement d'une cotisation, et, d'autre part, la souscription d'une assurance assistance. En outre, la " carte neige " permet à son titulaire de bénéficier d'avantages sur les prix de certains services (forfaits de remontées mécaniques, location de matériels de sport dans les magasins leçons de ski...).
Son prix est composé de quatre parts : une part assurance assistance, une part Fédération française de ski, une part comité régional et une part club.
La " carte neige ", qui est à l'origine un produit annuel, s'est diversifiée pour adapter les produits d'assurance assistance qu'elle comporte à la nature des risques encourus et à la durée des séjours ; sont ainsi apparues entre 1981 et 1986 la " carte neige huit jours ", " la carte neige fond " et la " carte neige familiale ".
En 1987-1988, est créée la " carte neige flash ", valable pour un, deux ou trois jours. Elle sera remplacée, pour les saisons 1988-1989 et 1989-1990, par un produit intitulé " carte neige week-end ", valable pour deux jours (exclusivement les samedis et dimanches).
Les produits " carte neige " sont distribués par les clubs locaux et, éventuellement, par différents relais qui sont des points de passage obligés pour la clientèle (écoles de ski, syndicats d'initiative, offices de tourisme...).
La mise en place de la " carte neige " a permis à la Fédération française de ski d'augmenter le nombre de des adhérents, qui est passé de 540 000 en 1980 à 900 000 en 1990.
b) L'évolution à partir de 1986
Elle se caractérise par l'apparition de produits nouveaux qui viennent concurrencer les produits d'assurance offerts par la Fédération française de ski.
Il s'agit de deux produits d'assurance journaliers : " la vignette ski assurance " et le " ticket neige Orion ".
La " vignette ski assurance ", créée par M. Guillouard, courtier en assurances, est le premier produit d'assurance à la journée proposé en station. Il permettait de souscrire un contrat d'assurance assistance pour un nombre de jours correspondant à la durée du séjour envisagé, même si celui-ci ne durait qu'une journée. Apparu au cours de la saison 1985-1986, il était commercialisé dans les stations du comité régional de ski de la Côte d'Azur.
Ce titre d'assurance se présentait sous la forme d'une vignette autocollante destinée à être apposée sur les forfaits de remontées mécaniques. Dans ces conditions, les caisses de remontées mécaniques apparaissaient comme le moyen de commercialisation le plus adapté.
La " vignette ski assurance " était vendue au même tarif à toutes les remontées mécaniques qui acceptaient de la commercialiser. Son prix était à l'origine fixé à 6 F, il a été ramené à 4,50 F pour-la saison 1987-1988, puis est remonté à 5 F pour les deux saisons suivantes. Le prix de vente au consommateur était laissé à la libre appréciation des gestionnaires de remontées mécaniques. Dans les petites stations, il a d'abord été fixé à 8 F, puis à 10 F ; dans les stations plus importantes, il était fixé à 14 F.
La mise en place de ce produit s'est faite avec l'accord du comité régional et des clubs locaux, qui y trouvaient un double avantage : le cabinet Guillouard rétrocédait au comité régional de la Côte-d'Azur 0,40 F pour chaque vignette vendue ; la plupart des directeurs de remontées mécaniques acceptaient de rétrocéder une partie de leur marge au club local.
Le " ticket neige Orion " est apparu sur le marché au cours de la saison 1986-1987, à l'initiative de quelques gestionnaires de remontées mécaniques regroupés dans l'association Orion-Stations de l'an 2000, dont la vocation essentielle, même si elle n'apparaît pas dans ses statuts, réside dans la commercialisation d'une assurance journalière pour la pratique du ski.
L'association Orion, créée sous la forme d'association de la loi du 1er juillet 1901, regroupait à l'origine six personnes morales exploitant toutes des remontées mécaniques et appartenant au Syndicat national des téléphériques et téléskis de France (SNTF).
Le principe de la commercialisation du " ticket neige Orion " était le même que celui de la " vignette ski assurance " ; il était vendu aux caisses des remontées mécaniques en même temps que le titre de transport dans les stations où les remontées mécaniques étaient exploitées par des adhérents de l'association.
Pour la saison 1986-1987, qui n constitué une saison expérimentale, le " ticket neige Orion " a été commercialisé dans dix stations de l'Isère et de la Savoie ; pour la saison 1987-1988 l'association Orion a enregistré dix-neuf adhésions nouvelles d'exploitants de remontées mécaniques situées dans les départements de l'Isère, des Alpes-du-Sud, de la Savoie, de la Haute-Savoie, des Pyrénées et des Vosges ; en 1988-1989, deux adhésions nouvelles ont été enregistrées, mais cinq stations se sont retirées de l'association.
Le coût du " ticket neige " était modeste, puisqu'il était fixé à 4 F par jour et par personne, se décomposant de la manière suivante : Assurance 1,65 F ; Gestion locale (incluant la rémunération commerciale des services de remontées mécaniques et un prélèvement pour le club sportif local) 1,00 F ; Part sportive (fonds destinés au ski français de compétition et réservés à la FFS) 0,60 F ; Part destinée au Fonds de promotion national pour le ski alpin 0,75 F ; Part destinée à l'Association pour l'étude de la neige et des avalanches 0,10 F.
Cette formule de base constituait un produit d'assurance pur, mais les skieurs pouvaient opter pour une formule plus complète, au prix de 5 F par jour, incluant une assistance de rapatriement ainsi qu'un remboursement des forfaits non utilisés.
B. Les pratiques relevées
1. La Fédération française de ski (FFS)
La Fédération française de ski est une fédération sportive constituée sous la forme d'une association de la loi du 1er juillet 1901. Fondée en 1924, elle s'est vue reconnaître la qualité d'établissement d'utilité publique par un décret en date du 29 octobre 1970.
Agréée par le ministre chargé des sports par arrêté en date du 23 juillet 1986, elle participe à l'exécution d'une mission de service public définie par l'article 16 de la loi 110 84-610 du 16 juillet 1984 relative à la promotion des activités physiques et sportives, qui prévoit que les fédérations sportives " sont chargées notamment de promouvoir l'éducation par les activités physiques et sportives, de développer et d'organiser la pratique des activités physiques et sportives. Elles assurent la formation et le perfectionnement de leurs cadres bénévoles. Elles délivrent les licences et les titres fédéraux ".
Pour l'exécution de cette mission, la Fédération française de ski a été dotée de prérogatives de puissance publique et elle a, notamment, par arrêté du 31 décembre 1985, reçu la délégation prévue par l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, qui dispose : " Dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, une seule fédération reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux ou départementaux, et procéder aux sélections correspondantes. "
Les règles de fonctionnement de la Fédération française de ski sont définies par ses statuts, annexés à l'arrêté d'agrément du 23 juillet 1986 et conformes aux statuts types des fédérations sportives approuvés par le décret n° 85-236 du 13 février 1985, ainsi que par le règlement intérieur adopté par l'assemblée générale.
Depuis une décision de son assemblée générale en date du 17 juin 1989, le siège de la fédération est situé 50, rue des Marquisats, à Annecy (74000).
2. Les pratiques
L'enquête menée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a établi qu'à la suite de l'apparition de la " vignette ski assurance " et du " ticket neige Orion " la Fédération française de ski avait, pendant les années 1987, 1988 et 1989, menacé les stations de sports d'hiver dans lesquelles étaient commercialisés ces deux produits de ne plus organiser de compétitions sur leurs sites.
Ainsi, dans un courrier du 3 septembre 1987 adressé au président de l'association Orion, M. Chevallier, président de la FFS, indiquait :
" ... Le développement du ticket neige, concurrent direct de la carte neige, constitue un facteur important de la déstabilisation de la FFS, à un moment où, dans la perspective des jeux Olympiques d'Albertville, la FFS a besoin d'être soutenue par tous ses partenaires. (...)
" Il est maintenant établi de façon indiscutable que l'initiative Orion et ceux qui la soutiennent risquent de porter un coup très dur à la FFS (...)
" Souhaitant par-dessus tout sauvegarder la mission de service public confiée par l'Etat à la FFS et optimiser les chances du ski français pour les jeux Olympiques d'Albertville, je me dois de tout faire pour contrer votre projet dans sa forme actuelle (...). "
Cet avertissement était réitéré de façon plus précise à l'égard des stations de ski commercialisant la " vignette ski assurance " et le " ticket neige Orion " dans un entretien accordé par le président de la FFS au quotidien Le Dauphiné libéré le 18 novembre 1987 et dans laquelle il déclarait : " Je suis optimiste de nature mais je ne marchanderai pas. Le plus étonnant c'est que les gens ne comprennent pas que nous puissions réagir. Je n'ai rien contre les directeurs de remontées qui ont choisi le ticket neige à la journée. Ils raisonnent apparemment en commerçants. C'est leur droit le plus absolu. Mais en agissant ainsi ils se démarquent de la politique fédérale. Ils démontrent qu'ils n'ont pas les mêmes intérêts que la fédération. Tant pis! Nous n'organiserons plus la moindre course dans leurs stations. "
Par lettre du 24 novembre 1987, le président du comité régional de ski de Savoie indiquait au président de la fédération ainsi qu'aux présidents des autres comités régionaux et aux présidents des bureaux techniques régionaux " ... Le comité régional de ski de Savoie vous informe de l'adhésion des stations suivantes au système Orion :
" Les Aillons ;
" Le Margeriaz ;
" La Norma.
" Conformément aux décisions prises par le comité directeur de la Fédération française de ski, entérinées par notre comité, nous vous demandons de n'organiser aucune compétition dans ces stations ".
Par la suite, des menaces ont été adressées directement aux stations. Ainsi, le 1er décembre 1988, le président de la FFS faisait parvenir au président du comité régional de ski du Dauphiné un courrier, dans lequel il priait ce dernier de faire connaître aux présidents des ski-clubs de l'Alpe-du-Grand-Serre, de Villard-de-Lans et de Corrençon que la compétition attribuée au premier lui serait retirée et qu'il n'en serait plus attribué aux deux autres si " les présidents de ces clubs ne sont pas en mesure de nous donner toute garantie quant à l'attitude de leurs stations par rapport à notre fédération, en matière de concurrence à la carte neige " et il adressait le même jour au président du comité régional de ski de la Côte d'Azur une lettre similaire par laquelle il le priait de faire connaître aux pré sidents de club de Beuil et du ski-club d'Isola 2000 que les compétitions devant avoir lieu dans ces deux stations leur seraient retirées s'ils n'étaient pas en mesure de donner toute garantie quant à l'attitude de leurs stations par rapport à la fédération en matière de concurrence à la carte neige.
Enfin, dans un courtier adressé le 9 janvier 1989 à M. Ginesy, sénateur des Alpes-Maritimes et maire de Péone, le président du comité régional de la Côte d'Azur de la fédération indiquait :
" (...) En votre qualité de président du syndicat de Valberg et principale autorité chargée de la définition de la politique de la station, je me permets d'attirer votre attention sur le problème posé par les stations qui procèdent à la commercialisation d'assurances concurrentes à la carte neige de la Fédération française de ski (cas de Valberg).
" Cette concurrence est particulièrement préjudiciable à la FFS qui se voit ainsi privée d'une ressource importante. De ce fait, les instances fédérales nationales, estimant que la station de Valberg ne joue pas le jeu m'ont fait part de leur mécontentement et ne sont pas certains à l'avenir, si rien ne devait être changé, de maintenir des manifestations FFS dans votre station. De plus l'apport logistique actuellement consenti par la fédération à titre gratuit, lors de certaines manifestations, pourrait devenir payant.
" Je tenais à attirer votre attention sur ce point particulièrement grave qui pourrait venir perturber le développement sportif d'une station à laquelle, vous le savez, je suis particulièrement attaché (...). "
Ces menaces ont, dans certains cas, été mises à exécution. En effet, le 7 octobre 1987, le président du comité régional de ski de Savoie de la fédération écrivait à la présidente du syndicat intercommunal Avrieux-Bourget-Villarodin dans les termes suivants :
" Nous venons d'apprendre que la station de La Norma va diffuser cet hiver le ticket neige Orion. (...)
" La Fédération française de ski soutenue par l'Association des maires de stations de sports d'hiver et par le Syndicat national des moniteurs de ski a déjà réagi face à ce danger.
" Le comité directeur du comité régional de ski de Savoie réuni à Chambéry le 6 octobre a décidé à l'unanimité de prendre une première mesure consistant à retirer à votre station l'organisation de toutes les compétitions prévues pour la prochaine saison, qu'il s'agisse des épreuves de ski alpin ou des autres disciplines (...). "
Le procès-verbal de l'assemblée générale de ce comité régional, réunie le 25 octobre 1987, comporte le texte suivant :
" Jean Brunnier expose la situation en Savoie : La Norma, Aillons, Margeriaz se sont engagés à vendre le ticket neige.
" Le comité a appliqué les directives de la FFS c'est-à-dire de ne pas attribuer de compétitions FFS à ces stations (...). "
Le procès-verbal de la réunion du comité directeur de la FFSdu 18 février 1989 mentionne :
" Suite à la lecture par Alain Methiaz de la liste des stations vendant le ticket neige Orion (...), le comité directeur décide de maintenir son opposition à l'organisation de compétitions fédérales par ces stations.
" En conséquence : les championnats de France des jeunes (féminines) sont retirés à la station d'Isola 2000.
" Cette suppression sera notifiée au président du comité régional concerné. "
La réalité de ces sanctions a été expressément reconnue par M. Chevallier, président de la FFS, lors de l'assemblée générale ordinaire du Syndicat national des téléphériques et téléskis français (SNTF), le 25 novembre 1987, à la quelle il était invité et pendant laquelle il a amorcé un accord et déclaré :
" Donc la décision que je prends ce soir c'est de suspendre effectivement toute sanction et c'est, dès demain, de travailler avec votre comité directeur pour faire en sorte que l'on trouve un produit qui fonctionne. "
La contrepartie de cette levée de sanction devait être le gel des adhésions à l'association Orion et à son " ticket neige " ainsi que l'engagement de négociations entre les deux organismes pour l'élaboration d'un nouveau produit commun d'assurance.
En conséquence de cet accord, le comité régional de Savoie décidait par une délibération du 17 décembre 1987 qu'il confirmait son accord pour que " certaines compétitions soient organisées cette saison par les deux clubs de Savoie concernés par le ticket neige Orion ".
A la suite de ces menaces, qu'elles aient été exécutées ou non, plusieurs responsables de remontées mécaniques ou maires de stations sont revenus sur leurs engagements concernant la commercialisation du " ticket neige Orion " ou de la " vignette ski assurance ".
Ainsi, le directeur de la régie des remontées mécaniques de Lans-en-Vercors écrivait dans un courrier du 2 novembre 1987 adressé à l'association Orion : " J'ai le regret de vous informer que, subissant d'importantes pressions de la part de la Fédération française de ski, nous sommes dans l'obligation de nous retirer de l'opération ticket neige. "
Le 30 décembre 1987, le maire de La Giettaz adressait un courrier au SNTF dans lequel il indiquait : " Nous nous permettons de vous rappeler notre adhésion à l'association Orion, sur votre proposition, pour offrir à notre clientèle une assurance à un coût intéressant.
" Depuis, nous subissons des pressions et des menaces persistantes, concernant les compétitions de ski qui seraient annulées dans notre station, si nous maintenions cette vente de tickets neige et ce, malgré le compte rendu de l'assemblée générale du SNTF où il y aurait eu " entente " (...).
" A notre grand regret, nous sommes obligés de retirer notre adhésion (pour cette année au moins) de l'association Orion, et nous vous remercions de bien vouloir intervenir auprès d'elle pour obtenir notre radiation et expliquer notre position. "
Lors de son audition par les agents de la DGCCRF le 7 août 1990, M. Bouchex, ancien maire de cette commune, a confirmé les termes de ce courrier en déclarant : " Nous désirions fournir à nos clients une assurance dont le coût était avantageux et qui pouvait être prise à la journée (...) à la limite, si nous l'avions pu (...) nous aurions accepté de commercialiser les deux produits (1) mais cela n'a pas été possible car devant les pressions exercées par la FFS auprès du club des sports (menaces de suspension des compétitions notamment) nous avons dû nous retirer de l'association Orion. (...) Nous nous sommes retirés d'Orion dans un souci d'apaisement pour la commune (tous les partenaires exerçant les métiers de la neige). (...) En tant que maire à cette époque-là, j'ai regretté de ne pouvoir poursuivre l'expérience Orion mais je ne pouvais prendre le risque de marginaliser notre commune. "
Le compte rendu de la réunion du comité directeur du SNTF du 15 novembre 1988 mentionne que : " M. Picque indique que Val-Fréjus était prêt à mettre en place, sans tapage, le ticket neige lorsque des menaces précises et écrites ont été préférées contre le maire par le président du club des sports, membre du comité directeur de la FFS ".
Enfin, un télex adressé par M. Masse, directeur adjoint de la société d'exploitation de La Poux d'Allos, à M. Guillouard, assureur, faisait part de son impossibilité de procéder à la vente de " vignettes ski assurance " pour les motifs suivants : " Comme suite à notre entretien téléphonique, nous vous confirmons qu'en raison de l'organisation des championnats de France de ski à La Poux d'Allos, la Fédération française de ski ne nous autorise pas la vente des vignettes-assurances journée pour la saison 1988/1989 (...). "
Parallèlement à ces désistements, le président de la Fédération française de ski concluait un accord avec le Syndicat national des téléphériques de France au terme duquel ce syndicat se démarquerait de l'association Orion et demanderait à cette dernière de geler les adhésions au " ticket neige " à leur nombre existant en novembre 1987. Dans une lettre circulaire adressée le 1er décembre, 1987 aux membres du comité directeur de la fédération, il exposait :
" Dans un esprit d'apaisement et afin de ne pas obérer l'avenir, j'ai obtenu que :
" le SNTF marque clairement sa différence avec Orion ;
" le SNTF demande à Orion de ne pas développer le ticket neige dans d'autres stations que celles qui adhéraient au système à la date de l'assemblée générale du SNTF (25 novembre 1987) ; ce nombre est d'environ 30 stations. "
C. La procédure antérieure
Le Conseil de la concurrence, saisi par M.-A. Guillouard, assureur-conseil et la société Général Accident Fire and Live, considérait dans sa décision du 28 juin 1994 que la Fédération française de ski, les comités régionaux de ski de la Côte d'Azur, du Dauphiné et de la Savoie, l'association des maires des stations de sports d'hiver et le Syndicat national des téléphériques et téléskis de France avaient contrevenu aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatives aux ententes anticoncurrentielles. En outre, le conseil décidait de surseoir à statuer en vue d'un complément d'instruction sur la demande présentée par le commissaire du Gouvernement et tendant à la notification d'un grief complémentaire à la Fédération française de ski sur le fondement du premier alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
La Cour d'appel de Paris, saisie sur recours de la Fédération française de ski, des comités régionaux de ski de la Côte d'Azur, du Dauphiné et de la Savoie, de l'association des maires des stations de sports d'hiver et du Syndicat national des téléphériques et téléskis de France, a rejeté ces recours dans leur intégralité.
II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur le marché de référence :
Considérant que le commissaire du Gouvernement soutient que la Fédération française de ski a abusé de sa position dominante sur le marché de l'exploitation des compétitions sportives de ski dont elle retire des ressources substantielles et que c'est ce dernier marché qui doit être retenu comme marché de référence ; que, cependant, l'organisation des compétitions de ski à l'issue desquelles sont délivrés les titres nationaux, régionaux et départementaux relève des prérogatives de puissance publique déléguées à la fédération dans le cadre des missions qui lui sont confiées, en application, des dispositions des articles 16 et 17 de la loi du 16 juillet 1984 et de l'arrêté du 23 juillet 1986, et qu'elle ne constitue donc pas une activité de production, de distribution et de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, par ailleurs, le marché de l'exploitation des compétitions de ski qui, selon le commissaire du Gouvernement, recouvrirait la vente de licences aux compétiteurs, la commercialisation des droits de retransmission aux chaînes de télévision et la cession de droits publicitaires ne constitue pas un ensemble d'éléments suffisamment homogène pour pouvoir former un marché unique ; qu'au surplus, l'octroi de licences fait partie des activités de service public confiées à la fédération par la loi précitée ;
Considérant que le marché à prendre en considération est celui où se confrontent l'offre de produits d'assurance liée à la pratique du ski et une demande exprimée par les skieurs désirant souscrire une assurance couvrant les risques occasionnés par cette activité ; que, d'une part, la pratique de ce sport crée des risques justifiant une assurance spécifique ; que, d'autre part, les skieurs ne prennent le plus souvent conscience qu'une fois arrivés sur place de l'intérêt de souscrire une assurance et que, ainsi, la possibilité de souscrire de telles assurances dans les stations elles-mêmes constitue, en raison de sa commodité, un service qui ne se confond pas avec l'offre de produit d'assurance hors stations,
Considérant que la Fédération française de ski fait valoir que les produits avec lesquels la " carte neige " s'est trouvée en concurrence au moment des faits étaient des produits d'assurance journalière et que le marché pertinent est celui de l'assurance ski journalière vendue en station ; que, cependant, la " carte neige ", qu'elle concerne le séjour, le week-end ou la journée, répond au même objectif que les produits d'assurance journalière, à savoir de couvrir les risques liés à la pratique du ski ; que, en outre, les déclarations du président de la fédération selon lesquelles " ... le développement du ticket neige, concurrent direct de la carte neige, constitue un facteur important de déstabilisation de la FFS ", de même que les explications données par son conseil lors de la séance, aux termes desquelles les pratiques reprochées avaient été motivées par la crainte de la fédération de perdre des acquéreurs de la " carte neige ", démontrent que cette dernière et les produits d'assurance journalière se situaient sur le même marché et étaient substituables entre eux ; que, ainsi, le marché de référence doit être défini comme le marché des produits d'assurance liée à la pratique du ski vendus en station ;
Considérant que la Fédération française de ski fait valoir que la " carte neige " qui est avant tout une licence entraînant l'adhésion à un club ne peut être assimilée à une assurance ; que, cependant, si ladite carte constitue bien une adhésion à la FFS et ouvre droit à des garanties d'assurance et d'assistance ainsi qu'à des réductions de prix sur différents services, il résulte du rapport de synthèse de l'audit " carte neige " que " les skieurs achètent la carte neige à 83 p. 100 pour l'assistance et les premiers secours " ; que ce comportement d'une large majorité de consommateurs permet de considérer la " carte neige " comme étant à la fois un titre d'adhésion et un produit d'assurance ;
Sur la position occupée sur le marché par la Fédération française de ski :
Considérant que, ainsi que l'a confirmé la cour d'appel dans son arrêt du 14 juin 1995 ; la diffusion par la FFS de produits d'assurance " constitue une activité de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, détachable de ses prérogatives de puissance publique " ; que la fédération met en œuvre pour la conception et la commercialisation de ce service des moyens matériels et humains qui lui permettent d'intervenir sur le marché de référence ; que, dès lors, quel que soit le montant de ressources générées pour la fédération par cette activité détachable de ses prérogatives de puissance publique, elle relève des dispositions de l'article 53 et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que l'offre en produits d'assurance-ski vendus en station était, jusqu'en 1986, caractérisée par l'existence d'un monopole de fait de la Fédération française de ski, puisque, mis à part quelques expériences sporadiques, le seul produit d'assurance susceptible d'être acquis en station était la " carte neige ", créée à la fin de l'année 1980 ; qu'à l'époque des faits, la " carte neige " était le produit faisant l'objet de la plus forte diffusion sur un plan géographique ; que, en effet, il résulte d'un rapport Semametra repris dans l'audit " carte neige " qu'il existait environ 164 stations de ski dans, lesquelles la carte neige était toujours, au moins en un point, proposée à la vente, alors que le " ticket neige Orion ", créé en 1987, n'a été distribué que dans 32 stations en 1987-1988, dans 27 stations en 1988-1989 et dans 6 stations en 1989-1990, et que " la vignette ski assurance ", créée en 1986, était, elle, distribuée dans 8 stations pour les années 1986 à 1988 ;
Considérant, par ailleurs, que la Fédération soutient que, sur les 6,6 millions estimés pour les années 1986-1987, seules 921 000 personnes étaient porteurs de la " carte neige ", c'est-à-dire 14 p. 100 du nombre total estimé de skieurs, et qu'elle n'occupait donc pas de position dominante sur le marché ;
Considérant que les chiffres soumis par la fédération sont sans portée pour apprécier sa position sur le marché pertinent qui est le marché des assurances vendues en station ; qu'il n'est pas contesté qu'en 1986-1987 la fédération jouissait d'un monopole sur le marché ; que, en outre, durant les années 1990, les ventes des trois produits concurrents sur le marché de l'assurance vendue en station, à savoir " carte neige ", " ticket neige Orion " et " carte ski ", se sont élevées aux montants suivants (1) :
EMPLACEMENT TABLEAU
Ainsi, la répartition des trois titres vendus en stations a, de 1986 à 1990, été la suivante :
EMPLACEMENT TABLEAU
Considérant que ces chiffres minorent en fait la part de marché de la " carte neige ", dans la mesure où la majorité des " cartes neige " vendues pendant la période de référence étaient des " cartes neige " à l'année alors que le ticket neige Orion et la vignette ski assurance dont la durée d'assurance était limitée au maximum à trois jours, pouvaient être acquises plusieurs fois pendant l'année par un même skieur ;
Considérant qu'outre sa forte diffusion la position de la " carte neige " sur le marché était renforcée par le statut même de la Fédération française de ski, qui ne pouvait que conforter les consommateurs dans l'idée du caractère officiel des produits qu'elle commercialisait; que, de plus, ainsi que le relève le rapport d'audit, il existait du fait de ce statut une communauté importante d'intérêts entre la fédération et ses différents partenaires institutionnels du milieu du ski, dont les gestionnaires de remontées mécaniques et les maires des stations de sports d'hiver ; que cette communauté d'intérêts et le statut officiel de la fédération lui donnaient des moyens d'influence dont ne disposaient pas ses concurrents et qui ne pouvaient que conforter sa position sur le marché de référence ;
Considérant que le rapport d'audit " carte neige " confirme la position de prédominance de la " carte neige " sur le marché par la formulation suivante : " En effet, depuis sa création et malgré quelques adaptations inévitables et nécessaires, la politique mise en œuvre par la FFS à propos de la carte neige s'étayait sur un ajustement interactif et ponctuel plutôt que sur l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique structurée, assurant la cohérence de l'ensemble des actions à entreprendre ;
" L'impact de l'image et la situation protégée de la FFS jouissant du quasi-monopole en matière de produit ne justifiaient pas, à la limite, que l'on adoptât une attitude différente. " ;
Considérant qu'il résulte de ces différents éléments, pris dans leur ensemble, que la Fédération française de ski occupait, à l'époque des faits, une position dominante sur le marché des produits d'assurance liée à la pratique du ski vendus en station;
Sur les pratiques relevées :
Considérant que la Fédération française de ski a, pour exclure du marché des assurances ski vendues en station la " vignette ski assurance " et " le ticket neige Orion ", dont elle redoutait la concurrence, menacé de supprimer ou de ne plus attribuer de compétitions dans les stations commercialisant ces deux produits ;
Considérant qu'en menaçant ainsi les gestionnaires de remontées mécaniques ou les responsables des communes d'utiliser ses prérogatives de puissance publique pour supprimer ou ne plus leur accorder de compétitions de ski afin d'empêcher la commercialisation de la " vignette ski assurance " et du " ticket neige Orion " la Fédération française de ski a faussé et restreint le jeu de la concurrence sur le marché de référence sur lequel elle se trouvait en position dominante ;
Considérant que la fédération fait valoir, d'une part, " qu'aucune compétition n'a été refusée et aucune interdiction n'a été mise en place malgré les menaces qui avaient été formulées " et, d'autre part, que les pressions qu'elle a pu exercer auprès des responsables des institutions s'intéressant au développement du ski, dont l'Association des maires de stations de sports d'hiver, ont déjà été sanctionnées par le conseil sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dans sa décision du 28 juin 1994 ;
Mais considérant qu'ainsi que l'a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mars 1996 (société Total Réunion Comores) les notions d'entente et d'abus de position dominante ne sont pas exclusives l'une de l'autre; que, dès lors, le fait que les pressions exercées par la fédération auprès de diverses institutions intéressées par le développement du ski comme l'Association des maires de stations françaises de sports d'hiver ou le Syndicat national des téléphériques et téléskis de France (SNTF) aient déjà été qualifiées et sanctionnées par le Conseil comme constituant une entente anticoncurrentielle n'exclut pas qu'elles relèvent aussi de la qualification d'abus de position dominante ;
Considérant, enfin, que le fait que ces menaces n'aient pas été exécutées est inopérant, dans la mesure où elles ont eu à la fois un objet et un effet anti-concurrentiel ; qu'en effet, d'une part, le président de la fédération a clairement exprimé, notamment dans la lettre qu'il a adressée le 3 septembre 1987 au président de l'association Orion et dans l'entretien publié dans Le Dauphiné libéré du, 18 novembre 1987, qu'il ferait tout pour contrer le projet du " ticket neige Orion " et que les directeurs de remontées mécaniques commercialisant le " ticket neige Orion " se démarquaient de la politique fédérale et qu'en conséquence la fédération n'organiserait plus de compétitions dans leurs stations ; que, d'autre part, le directeur de la régie des remontées mécaniques de Lans-en-Vercors ainsi que le maire de La Giettaz ont, par courriers adressés les 2 novembre 1987 et 7, août 1990 à l'association Orion, indiqué ne plus pouvoir commercialiser le " ticket neige Orion " en raison des menaces relatives aux compétitions exercées par la fédération ; que le directeur adjoint de la société d'exploitation de La Foux d'Allos a, par télex adressé à M. Guillouard, indiqué qu'en raison du déroulement du championnat de Franco de ski dans cette station la fédération ne l'autorisait pas à vendre la " vignette ski assurance " ; qu'enfin, à la suite des négociations entre le président de la fédération et le SNTF, ce dernier a obtenu de l'association Orion qu'elle cesse de développer le " ticket neige " en maintenant les adhésions des stations commercialisant le " ticket neige Orion " au niveau existant en novembre 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques mises en œuvre par la Fédération française de ski, ci-dessus analysées, constituent un abus de position dominante prohibé par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les sanctions et injonctions :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 10 millions de francs. Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne, l'affichage dans les lieux qu'il indique (...). Les frais sont supportés par la personne intéressée " ; qu'en application de l'article 22, alinéa 2, de la même ordonnance : " La commission permanente peut prononcer les sanctions prévues à l'article 13, les sanctions infligées ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées " ;
Considérant que les faits reprochés à la Fédération française de ski, qui avaient pour objet et ont eu pour effet d'exclure du marché des produits d'assurance ski concurrents des produits d'assurance accessoires à la " carte neige ", sont, par leur nature même, particulièrement graves ; que si la Fédération française de ski a pu avoir le souci légitime de maintenir, voire d'augmenter, le nombre de ses adhérents cette préoccupation ne l'autorisait pas à mettre en œuvre à cette fin des pratiques prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que, pour apprécier le dommage causé à l'économie, il y a lieu de tenir compte du fait qu'à l'époque à laquelle se sont déroulées les pratiques seuls 48 p. 100 des skieurs étaient assurés ; qu'ainsi, même si la souscription d'une assurance n'était pas obligatoire pour la pratique du ski de loisir, la demande potentielle était forte ; que, par ailleurs, les pratiques imputables à la Fédération française de ski ont eu pour effet de contraindre les skieurs désirant souscrire une assurance à adhérer en même temps à la fédération et à payer ainsi un prix sensiblement plus élevé que celui d'une simple assurance assistance ;
Considérant que les faits reprochés à la Fédération, française de ski ont déjà été sanctionnés en tant qu'ils ont donné lieu à des pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que, dans ces conditions, il y a lieu de tenir compte de cette précédente décision pour déterminer le montant de la sanction applicable à la fédération;
Considérant que, pour la période du 1er mai 1994 au 30 avril 1995, dernier exercice dont les résultats sont connus, la Fédération française de ski comptait 471 535 adhérents ; que les ressources nettes de l'exercice se sont élevées à 35 403 267 F dont 26 877 214 F représentant le produit net des adhésions et des titres ; qu'il y a lieu, au vu des éléments d'appréciation indiqués ci-dessus, d'infliger à la Fédération française de ski une sanction pécuniaire de 10 000 F,
Décide :
Article unique : - Il est infligé à la Fédération française de ski une sanction de 10 000 F.
(1) Les chiffres indiqués sont repris dans les pièces suivantes :
- carte neige : p. 80 et 89 du rapport administratif (chiffres corrigés de - 40 p. 100 pour tenir compte des cartes neige acquises en plaine) ;
- vignette ski assurance : p. 41 du rapport administratif ;
- ticket neige Orion : p. 736 à 738 de la notification des griefs.