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Décisions

Cass. com., 1 mars 1994, n° 92-12.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Fédération française de Football

Défendeur :

La Cinq (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Mes Boullez, Ricard

Cass. com. n° 92-12.124

1 mars 1994

LA COUR : - Sur le premier moyen et le second moyen, pris en leurs diverses branches, réunis : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 1992) que la société La Cinq a saisi en 1991 le Conseil de la concurrence des pratiques émanant de la Fédération française de football (FFF) agissant en relation avec l'Union des associations européennes de football (UEFA) visant à interdire à cette société la retransmission des matchs de football se déroulant à l'étranger, la cession des droits étant exclusivement consentie à deux autres chaînes de télévision concurrentes ; que la société La Cinq a demandé au juge des référés que soient prises des mesures conservatoires tendant, en application de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à faire cesser ces agissements restrictifs de concurrence;

Attendu que la FFF fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que La Cinq reprochait uniquement à la FFF de faire un usage abusif de ses pouvoirs d'autoriser ou de refuser d'autoriser en France la retransmission des matchs se déroulant à l'étranger; qu'en faisant état de la nature des cessions de droit de retransmission et des contrats passés par la FFF avec les chaînes de télévision, pour retenir que la FFF se livrait à une activité de service et n'exerçait pas de prérogatives de puissance publique et qu'étaient soumis à son examen, au regard de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lesdits contrats, la cour d'appel a modifié les termes du litige et ainsi violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à une activité de production, de distribution ou de services ; que l'exercice par la FFF du pouvoir qu'elle tient de la délégation ministérielle prévue par l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 qui lui a été accordé par arrêts ministériels des 2 août 1989 et 2 juillet 1991 d'autoriser ou de refuser d'autoriser en France la retransmission de certaines compétitions de football n'est pas constitutif d'une prestation de services ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 53 de l'ordonnance du 1er août 1986 ; alors, d'une troisième part, que la loi du 16 juillet 1984 distingue, en ses articles 16 et 17, les fédérations simplement associées à l'exécution du service public du sport, qui bénéficient d'un simple agrément ministériel (art. 16), et celles qui, une seule par discipline, reçoivent, en outre, délégation du ministre pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres (art. 17) ; que la FFF, par arrêtés ministériels des 2 août 1989 et 2 juillet 1991, a reçu délégation prévue par l'article 17 de la loi susvisée pour la discipline du football ; que l'autorisation ou le refus d'autorisation de la retransmission télévisée de certaines compétitions de football est, par suite, une décision unilatérale prise par celle-ci pour l'exécution du service public et dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ; que, pour décider que tel n'était pas le cas, la cour d'appel, qui a retenu qu'en application de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 la FFF était associée à l'exécution d'une mission de service public, a violé par refus d'application l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ; qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, dans chaque discipline sportive et pour un temps déterminé, une seule fédération reçoit la délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres ; qu'un arrêté du ministre fixe la liste de ces fédérations ; que la délégation pour la discipline du football ayant été accordée à la FFF par arrêtés des 2 août 1989 et 2 juillet 1991, le pouvoir de la FFF d'autoriser ou de ne pas autoriser en France la retransmission de compétitions de football résulte de l'application de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé cet article ainsi que l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est exactement que la cour d'appel a relevé, en se référant à son précédent arrêt en date du 23 décembre 1991, par lequel elle avait rejeté le déclinatoire de compétence présenté par le préfet de la région Ile-de-France, que si la FFF, association constituée conformément à la loi du 1er juillet 1901, participait en application de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives à l'exécution d'une mission de service public, il n'en était pas ainsi pour les contrats de droit privé qu'elle passait avec les chaînes de télévision, en vue de céder à titre onéreux des droits de retransmission des matchs de football ayant lieu tant en France qu'à l'étranger; qu'il en résultait que l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, conférant à la FFF des pouvoirs de discipline sur les joueurs ou les équipes de football ou d'homologation des titres à l'issue des compétition sportives, n'avait pas à s'appliquer en l'espèce, les activités litigieuses étant des activités de distribution et de services entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur les prix et la libre concurrence;

Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté, sans méconnaître les termes du litige, que le refus opposé par la FFF à la société La Cinq d'accéder au marché des droits de retransmission des rencontrées de football, dans les pays dépendants de l'UEFA, constituait une pratique prohibée visée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et par les articles 85 et 86 du traité instituant la Communauté économique européenne, la cour d'appel a, à bon droit, estimé que la FFF ne pouvait se prévaloir, pour justifier une telle pratique discriminatoire, des conditions d'exemption prévues par l'article 10 de l'ordonnance précitée; que les deux moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi.