CE, 7e et 10e sous-sect. réunies, 22 janvier 1997, n° 116416
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BC (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Labetoulle
Rapporteur :
M. de Lesquen
Avocats :
Mes Balat, Boulloche, Luc-Thaler.
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai 1990 et 10 juillet 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société BC, société à responsabilité limitée, dont le siège est 144, boulevard de la Gare à Arcachon (33120) ; la société BC demande au Conseil d'État : 1°) d'annuler le jugement du 1er mars 1990 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'appréciation de la validité de la convention conclue le 10 février 1987 entre la ville de Bordeaux et la société des pompes funèbres générales, validité dont la Cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 23 mars 1989, a fait l'objet d'une question préjudicielle ; 2°) de déclarer que cette convention est entachée d'illégalité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code des communes ; Vu le Code des marchés publics ; Vu la loi n° 82-2123 du 2 mars 1982, modifiée, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que, par un arrêt du 23 mars 1989, la Cour d'appel de Bordeaux a sursis à statuer sur l'appel dirigé par M. Jannick Bourbon, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la société à responsabilité limitée BC, contre un jugement du Tribunal de police de Bordeaux, jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité de la convention conclue le 10 février 1987 par la ville de Bordeaux et concernant la concession à la société des pompes funèbres générales du service extérieur des pompes funèbres de cette ville ; que la société à responsabilité limitée BC relève appel du jugement du 1er mars 1990 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande relative à l'appréciation de la validité de cette convention ;
Considérant que la délibération par laquelle le conseil municipal de Bordeaux a décidé de concéder le service extérieur des pompes funèbres de cette ville à la société des pompes funèbres générales et a autorisé le maire à signer l'acte de concession, adoptée le 1er décembre 1986, publiée le 3 décembre 1986 et reçue à la préfecture de la Gironde le 25 décembre 1986, était exécutoire le 10 février 1987, date à laquelle la convention de concession a été signée ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération précitée du conseil municipal ait procédé au choix du concessionnaire pour des motifs étrangers à l'intérêt du service public ;
Considérant que si, en application des prescriptions de l'article L. 362-1 du Code des communes, dans sa rédaction applicable à la date de la convention litigieuse, les communes peuvent assurer le service extérieur des pompes funèbres dont elles ont le monopole, "soit directement, soit par entreprise, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudication", ces dispositions ne font pas obstacle au pouvoir qui appartient aux communes de concéder le service public à la personne de leur choix, dans des conditions qui ne sont pas contraires à l'intérêt général, sans que la passation d'une telle convention soit soumise aux formalités prévues par les dispositions de l'article 308 du Code des marchés publics dans leur rédaction alors en vigueur, qui exigent une mise en compétition préalable ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution ou de services; que l'organisation du service extérieur des pompes funèbres à laquelle procède un conseil municipal n'est pas constitutive d'une telle activité; que l'acte juridique de dévolution de l'exécution de ce service n'est pas, par lui-même, susceptible d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cette ordonnance doit, par suite, être écarté;
Considérant qu'eu égard à la nature du service en cause, la durée de six ans stipulée par la convention conclue entre la ville de Bordeaux et la société des pompes funèbres générales n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 362-3 du Code des communes : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes" ; que si la requête soutient "qu'il n'y a, dans la pratique, pas de prise en charge par le concessionnaire pour l'inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes", il ressort au contraire des stipulations des articles 10 et 21 de la convention litigieuse qu'à l'exception de l'inhumation proprement dite, le concessionnaire supporte la charge du service pour ces personnes et que cette charge n'est supportée par la commune qu'au cas où le nombre de décès correspondants dépasserait le dixième du nombre total des décès ; qu'il en résulte que le service est toujours gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes ; qu'ainsi le moyen articulé par la requête doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée BC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er mars 1990, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à établir que la convention de concession du service extérieur des pompes funèbres conclue le 10 février 1987 entre la ville de Bordeaux et la société des pompes funèbres générales serait entachée d'illégalité ;
Décide :
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée BC est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée BC, à la ville de Bordeaux, à la société des pompes funèbres générales et au ministre de l'intérieur.