CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 11 janvier 1994, n° ECOC9410008X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Mutuelle générale des services publics
Défendeur :
Ministre des affaires sociales et de l'intégration
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Montanier
Avocat général :
M. Jobard.
Conseillers :
Mme Mandel, M. Albertini
Le 2 septembre 1991, la Mutuelle générale des services publics (MGSP) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles, selon elle mises en œuvre par le ministre du budget et par la Mutuelle de la fonction publique (MFP), reprochant au premier de lui avoir refusé le bénéfice de mesures accordées à cette mutuelle telles que subventions, dispense de service et facilités d'horaire pour ses agents ou encore mise à disposition de locaux, à la seconde d'avoir conclu un pacte d'union avec toutes les mutuelles sectorielles aboutissant au partage du marché de la fonction publique et empêchant, sauf rares exceptions, " l'expression pluraliste ".
Par décision n° 93-D-07 du 28 avril 1993, le Conseil de la concurrence, faisant application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a déclaré la saisine irrecevable, au double motif, d'une part, que n'entraient pas dans le champ de sa compétence les mesures imputées au ministre chargé du budget, dès lors qu'elles ne participaient pas de l'exercice d'une activité de production, de distribution ou de services au sens de l'article 53 de ladite ordonnance, d'autre part, que l'allégation de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles par la MFP n'était pas appuyée d'éléments suffisamment probants.
La MGSP a formé recours aux fins d'annulation ou de réformation de cette décision; elle réitère son argumentation initiale selon laquelle :
- en accordant des subventions et autres avantages à la MFP, de manière discriminatoire, le ministre du budget méconnaît le principe constitutionnel d'égalité de traitement ;
- les activités de mutualité entrent dans le champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- les mutuelles de la MFP, au travers du pacte d'union signé au sein de la Fédération nationale de la mutualité française, mettent en place un monopole par ministère voire par direction administrative.
Le conseil n'a pas usé de la faculté de présenter des observations écrites que lui réserve l'article 9 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987.
Mis en cause d'office en vertu des dispositions de l'article 7, alinéa 2, du même décret du 19 octobre 1987, le ministre des affaires sociales et de l'intégration n'a pas comparu.
Le ministre de l'économie a présenté des observations écrites, tendant au rejet du recours, qu'il a oralement développées à l'audience; il soutient que le refus d'étendre à la MGSP les moyens internes à l'administration relève du choix du ministre, échappe à la compétence du conseil et souligne le caractère insuffisamment probant des éléments fournis par la requérante au sujet des pratiques anticoncurrentielles reprochées à la MFP.
Admise à répliquer aux observations du ministre de l'économie, la requérante a maintenu et précisé ses moyens.
Le ministère public a conclu oralement au rejet du recours.
Sur quoi, LA COUR :
Considérant que selon l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " le Conseil de la concurrence peut déclarer la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants" ;
Considérant, sur la compétence du conseil, qu'il résulte de l'article 53 de cette même ordonnance que les règles qui y sont définies ne s'appliquent aux personnes publiques qu'autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution et de services ;
Considérant que ne répond pas à ce critère et relève du seul exercice des prérogatives de puissance publique, le fait pour le ministre de l'économie d'octroyer des subventions à une mutuelle de fonctionnaires, comme l'article 523-2 du Code de la mutualité lui en réserve la faculté, ou bien encore de refuser d'étendre l'octroi des moyens internes à l'administration;
Que c'est donc à bon droit que le conseil a estimé que cette décision du ministre n'entrait pas dans le champ d'application de l'ordonnance et qu'il était incompétent pour en connaître;
Considérant, sur la preuve des pratiques anticoncurrentielles, que ni les notes de la Mutuelle des agents des impôts (MAI) appelant ses sections locales à la vigilance ni la note de la Mutuelle des douanes, ni le pacte d'union des adhérentes de la MFP ne constituent des indices caractéristiques de la mise en œuvre de telles pratiques; qu'il en est de même du discours prononcé par le président de la MAI lors de la clôture des travaux de l'assemblée générale du 24 juin 1993 exprimant la philosophie de l'organisation ; que les allégations visant la MFP n'étant pas appuyées d'éléments suffisamment probants, c'est à bon droit que le conseil a déclaré la saisine irrecevable ;
Considérant qu'il s'ensuit que le recours est infondé ;
Par ces motifs, Rejette le recours formé par la Mutuelle générale des services publics ; Met les dépens à la charge de la requérante.