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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 6 juin 2000, n° ECOC0000238X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

3MCE (SARL)

Défendeur :

Mac Donald's France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Coulon

Président :

Mme Kamara

Conseiller :

Mme Bregeon

Avoués :

SCP Varin-Petit, SCP Roblin-Chaix de La Varenne

Avocats :

Mes Duminy, André

CA Paris n° ECOC0000238X

6 juin 2000

Le 25 mai 1999, la société 3MCE a saisi le Conseil de la concurrence (le conseil) de pratiques mises en œuvre à Nice par la société Mac Donald's France (Mac Donald's) concernant l'exploitation d'un commerce de restauration rapide comportant une activité de restauration au volant sur la voie publique ("drive in" ), grâce à une sous-concession d'utilisation et d'exploitation d'une partie d'une voie de circulation de la gare routière, obtenue le 12 août 1997 de la Chambre de commerce et d'industrie de Nice Côte d'Azur, concessionnaire de la ville de Nice, et ratifiée par cette dernière par contrat du 24 avril 1998 contenant, en outre, mise à disposition d'un local à usage commercial et approbation d'une cession de parts sociales emportant jouissance d'emplacements commerciaux construits pour son compte.

Par décision n° 99-D-72 en date du 1er décembre 1999, le conseil a déclaré cette saisine irrecevable sur le fondement de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aux motifs que les conventions critiquées sont des actes de gestion du domaine public échappant à sa compétence et que, par ailleurs, les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence, la partie saisissante faisant seulement valoir que la société Mac Donald's aurait acquis ou renforcé une position dominante.

LA COUR

Vu le recours en annulation ou réformation formé le 1er février 2000 par la société 3MCE à l'encontre de cette décision,

Vu les moyens déposés le 25 février 2000 par lesquels la requérante, poursuivant l'infirmation de la décision déférée, demande à la cour :

- d'ordonner à Mac Donald's de mettre fin à l'exploitation du restaurant" drive in" sis à la gare routière de Nice, boulevard Jean Jaurès, exploité de son chef ou par tout locataire-gérant éventuel,

- d'infliger à Mac Donald's une sanction pécuniaire de 5 000 000 F,

- de dire que, dans le délai de trois mois suivant la signification de la décision à intervenir, le texte intégral en sera publié, aux frais de Mac Donald's dans la Gazette des communes, des départements et des régions et dans le journal Nice-Matin (éditions des Alpes-Maritimes),

- de condamner Mac Donald's" aux frais irrépétibles de l'instance à concurrence d'une somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pour ceux la concernant, pourra être recouvré par la SCP Varin & Petit, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC" ,

aux motifs que :

- la concession litigieuse n'a pas été consentie dans le cadre de l'organisation et du fonctionnement d'un service public et porte en elle-même" le ferment d'un abus de position dominante" au sens où l'a jugé la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) le 14 janvier 1992,

- cet acte de gestion du domaine public n'intéresse que le fonctionnement d'une société commerciale,

- ce contrat présente" un caractère anticoncurrentiel au sens de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986" ,

- ce n'est que parce que Mac Donald's avait déjà une position dominante sur" le marché des fast food américains" qu'elle a pu obtenir certaines conventions qui constituent les pratiques lui ayant permis de restreindre le développement de la concurrence,

- la durée de la concession consentie excède les durées habituelles, ce qui a pour effet de renforcer la position dominante de Mac Donald's et d'empêcher ou de retarder l'entrée du concurrent Quick (enseigne commerciale de 3MCE) en l'absence de tout autre site pouvant permettre l'implantation d'un autre" drive in" ,

- la convention elle-même" constitue un abus automatique de position dominante" ,

Vu les observations déposées le 21 mars 2000 par la société Mac Donald's tendant au rejet du recours et à la condamnation de la requérante au paiement de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux" entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant sera recouvré par la SCP Roblin avoué à la cour dans les conditions de l'article 699" dudit Code;

Vu les observations déposées le 31 mars 2000 par le ministre chargé de l'économie tendant au rejet du recours,

Vu la lettre du même jour par laquelle le conseil indique ne pas avoir d'observations à présenter,

Vu les écritures en réplique déposées le 7 avril 2000 par la société 3MCE et le 11 avril 2000 par la société Mac Donald's,

Vu la demande de renvoi formulée par la société 3MCE par lettre reçue le 17 avril 2000 et réitérée à l'ouverture des débats,

Le Ministère Public ayant conclu oralement à l'audience au rejet du recours, et la société 3MCE ayant eu la parole en dernier aux fins de réplique ;

Sur ce,

I - Sur la demande de renvoi :

Considérant que la date des débats et des délais dans lesquels les parties devaient se communiquer leurs observations écrites ont été fixés par ordonnance du 14 février 2000 après avoir été contradictoirement arrêtés en audience de procédure ; que la société Mac Donald's a déposé le 11 avril 2000 ses ultimes écritures en réplique, dans le délai imparti par ladite ordonnance ;

Qu'au surplus, le délai écoulé entre le 11 avril et le 18 avril, jour prévu pour les débats, était suffisant pour permettre à la société 3MCE de faire valoir, dans sa plaidoirie, ses arguments en réponse ;

Qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à sa demande de renvoi ;

II - Sur la compétence du conseil :

Considérant que la société 3MCE a saisi le conseil sur le seul fondement de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en sorte qu'est inopérant son moyen pris de l'interprétation par la CJCE de l'article 86 (devenu article 82) du traité de Rome ; qu'il convient, en revanche, d'examiner si les pratiques dénoncées entrent dans le champ d'application de l'article 53 de l'ordonnance précitée du 1er décembre 1986 ;

Considérant que, selon ce dernier texte, les règles définies par ladite ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ;

Considérant, toutefois, que le conseil ne peut connaître que des seules pratiques commerciales détachables de la légalité d'un acte administratif; qu'en effet, la mise en œuvre d'une prérogative de puissance publique, par les personnes publiques, dans le cadre de leur mission, ne relève pas de cette ordonnance;

Considérant qu'en l'espèce, la requérante met en cause la sous-concession et la concession d'occupation du domaine public de la ville de Nice, consenties à la société Mac Donald's; quel'attribution à cette dernière de la jouissance d'une portion du domaine public, pour y exercer une activité commerciale, ne constitue nullement une activité de production, de distribution ou de service, au sens de l'article 53 précité, mais un acte de gestion du domaine public et l'exercice, par la Chambre de commerce et d'industrie de Nice Côte d'Azur et la ville de Nice, de prérogatives de puissance publique;

Que,dès lors, l'examen des conditions dans lesquelles la société Mac Donald's a été choisie par celles-ci échappe à la compétence du conseil; qu'il s'ensuit que la société 3MCE est irrecevable à prétendre que l'obtention des avantages qu'elle dénonce serait constitutive d'un abus de position dominante ; que son recours ne peut qu'être rejeté ;

III - Sur les autres demandes des parties :

Considérant que l'équité commande de ne pas attribuer de somme au titre des frais non compris dans les dépens d'appel ;

Considérant qu'il résulte de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile que l'avoué ne peut obtenir le bénéfice de la distraction des dépens que si son ministère est obligatoire ; que tel n'étant pas le cas du présent litige, la demande présentée de ce chef par la société Mac Donald's ne peut qu'être écartée ;

Par ces motifs : rejette le recours de la société 3MCE, rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, condamne la société 3MCE aux dépens.