Livv
Décisions

Conseil Conc., 19 juin 1996, n° 96-MC-06

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Demande de mesures conservatoires présentée par la société Intec Innovations

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Thierry Bruand, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 96-MC-06

19 juin 1996

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 9 avril 1996 sous les numéros F 866 et M 184, par laquelle la société Intec Innovations a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'agrément des entreprises de construction de courts de squash mises en place par la Fédération française de squash qu'elle estime anticoncurrentielles et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et la Fédération française de squash ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Intec Innovations et de la Fédération française de squash entendus ;

Considérant que la société lntec Innovations, constructeur de courts de squash, fait état d'un document daté du mois de janvier 1995 et communiqué à un de ses clients par la Fédération française de squash intitulé " Normes de construction des courts de squash " précisant dans son préambule que " la technicité de la construction d'un court de squash demande, pour que le court de squash soit homologué par la Fédération française de squash, que la construction soit exécutée par un constructeur agréé ou avec des produits ayant un certificat d'homologation de la WSF (Fédération mondiale de squash) (...) la mise en place d'une procédure d'agrément de constructeurs par la Fédération française de squash définit une liste des seuls constructeurs recommandés par la Fédération française de squash " ; qu'après description des normes générales de construction, le même document mentionne une liste des constructeurs agréés par la Fédération française de squash précédée de l'indication suivante : " Les constructeurs et fabricants énumérés ci-dessous utilisent des produits homologués par la WSF (Fédération mondiale de squash) pour la construction des courts de squash. L'homologation d'un court de squash par la Fédération française de squash exige qu'il soit construit par une entreprise agréée " ; que, dans une lettre en date du 23 mai 1995, adressée à la société saisissante, la Fédération française de squash précise qu'" il nous semblait important de vous préciser que nonobstant, cette norme d'agrément une norme d'homologation a été élaborée et qui prévoit que les courts de squash construits avec des produits homologués par la WSF (World Squash Fédération) dont liste ci-jointe, obtiendront automatiquement l'homologation de la Fédération française de squash. Bien évidemment, en ce qui concerne les constructeurs agréés, ceux-ci s'engageant à n'utiliser que des produits homologués par la WSF, la norme d'homologation découle automatiquement de l'agrément dont ceux-ci peuvent se prévaloir " ; qu'enfin les contrats liant les constructeurs agréés à la Fédération française de squash font obligation à ceux-ci de déclarer tous les courts construits et de payer pour chacun d'entre eux une contrepartie financière tenant compte de l'importance des travaux réalisés ;

Considérant que la société Intec Innovations estime qu'il résulte des documents précités que l'agrément de la Fédération française de squash n'est accordé qu'aux entreprises s'engageant, d'une part, à utiliser des produits fabriqués par des sociétés elles-mêmes agréées par la Fédération mondiale et payant, d'autre part, une redevance à la Fédération française, calculée en fonction de l'utilisation totale ou partielle des matériaux homologués ; qu'il s'ensuit qu'un court réalisé partiellement par une entreprise agréée serait automatiquement homologué même si les composants utilisés par les autres entreprises participant à sa construction n'étaient pas conformes à la liste édictée par la Fédération mondiale ; qu'en outre, en liant l'agrément des entreprises françaises à l'emploi de produits homologués ayant tous une origine étrangère, la Fédération de squash refuserait ipso facto l'utilisation de produits locaux en présumant de leur inadéquation et avouerait ainsi qu'il s'agit d'homologuer a priori des manques ou des entreprises et non des produits spécifiques ; qu'enfin la notion de constructeur agréé serait d'autant plus " fantaisiste " que l'homologation d'un court ne devrait être accordée qu'après son achèvement pour attester le respect des normes de sécurité et de jeu ; que, dès lors, la société Intec Innovations estime qu'en agréant selon les principes ci-dessus énoncés un nombre restreint d'entreprises, la Fédération française de squash entrave l'accès au marché de la construction de courts de squash et abuse de la position dominante que lui confère son statut ;

Considérant que la société Intec Innovations demande ; en outre, à titre conservatoire sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'il soit enjoint à la Fédération française de squash " de suspendre les références des entreprises agréées dans ses publications " et " de suspendre l'accord signé avec les entreprises agréées ", lesdites injonctions devant faire l'objet d'une publication ;

Considérant que la Fédération française de squash indique qu'elle est une association habilitée parle ministère de la jeunesse et des sports ayant pour objet la défense d'un sport et de ses pratiquants et que la procédure d'homologation critiquée n'a pour objectif que l'équité entre les joueurs et la préservation de leur sécurité ; qu'elle estime n'exercer aucune activité de production, de distribution et de prestation de service ;

Mais considérant que les règles de l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'appliquent, en vertu des dispositions de son article 53, à " toutes les activités de production ; de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public " ; que si la Fédération française de squash dispose, en application des articles 16 et 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, de pouvoirs d'organisation sportive relevant d'une mission de service public, la mise en œuvre d'une procédure d'agrément des constructeurs, qui seule conditionne l'homologation des courts réalisés et qui repose, d'une part, sur l'engagement des constructeurs de n'utiliser que certains produits de marque et, d'autre part, sur le versement d'une redevance calculée en fonction du nombre de produits homologués mis en œuvre par ces constructeurs, constitue, dès lors qu'elle se traduit par la promotion de certaines entreprises ou de certains produits, une activité de service au sens de l'article 53 de l'ordonnance, détachable de l'exercice des prérogatives de puissance publique dont dispose cette fédération sportive; qu'il s'ensuit que le Conseil de la concurrence est compétent pour examiner la saisine de la société Intec Innovations;

Considérant qu'au stade actuel de la procédure et, sous réserve de l'instruction au fond, il ne peut être exclu que les pratiques de la Fédération française de squash puissent entrer dans le champ d'application du titre III de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des mesures conservatoires ne " peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante " ;

Considérant qu'en se bornant à invoquer les entraves subies par les équipementiers non agréés par la Fédération française de squash pour accéder au marché de la construction de courts de squash, la société saisissante n'apporte aucun élément précis, notamment financier, de nature à démontrer une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à ses intérêts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de mesures conservatoires présentée par la société, Intec Innovations ne peut qu'être rejetée,

Décide :

Article unique : - La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 184 est rejetée.