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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 17 janvier 1990, n° ECOC9010004X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SNEP, SDRM (Sté)

Défendeur :

France-Loisirs (SARL), ministre chargé de l'Économie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Gelineau-Larrivet, Mme Montanier, M. Borra

Conseillers :

M. Gourlet, Mme Simon

Avoué :

SCP Verdun-Gastou

Avocats :

Mes L'Eleu, Lazarus, Carmet, SCP Fourgoux, associés.

CA Paris n° ECOC9010004X

17 janvier 1990

Faits, procédure et prétentions :

Saisi le 11 février 1987 par la société France-Loisirs de pratiques de la société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) en matière de fixation du taux de la redevance phonographique, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 89-D-24 rendue le 4 juillet 1989:

- dit les dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 applicables à la SDRM,

- estimé que l'entente réalisée entre la SDRM et le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) lors de la conclusion et de l'application d'un protocole passé entre eux le 20 décembre 1976 créait une discrimination de traitement entre le club Dial et la société France-Loisirs et limitait la capacité concurrentielle de celle-ci,

- retenu qu'il s'agissait de pratiques tombant sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1985 également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,

- infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la SDRM 200 000 F,

- au SNEP 1 000 000 F,

- enjoint à la SDRM et au SNEP de supprimer dans un délai de six mois toute discrimination de traitement entre France-Loisirs et le club Dial,

- ordonné la publication de sa décision dans la revue "Diapason", son coût étant supporté par les deux organismes à proportion des amendes infligées.

La SDRM et le SNEP ont formé un recours principal contre cette décision, la société France-Loisirs et le ministre chargé de l'Economie formant pour leur part un recours incident.

Une ordonnance du 12 octobre 1989 du magistrat délégué du premier président a aménagé la publication ordonnée par le Conseil de la concurrence en autorisant qu'elle soit précédée de l'indication que la cour est saisie de ces recours.

Le SNEP, en premier lieu, soutient que la décision déférée est entachée de nullité en ce qu'elle a été prise en l'absence des observations du ministre chargé de la Culture alors que l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prescrit que le rapport doit être notifié aux ministres intéressés et qu'il ne peut être contesté que le ministre de la Culture est bien l'un des ministres intéressés au sens de cette disposition.

En second lieu, il en poursuit la réformation en faisant valoir que le protocole d'accord du 20 décembre 1976 et le refus de l'appliquer à France-Loisirs n'entravent pas la concurrence et ne peuvent être considérés comme une entente répréhensible puisque la différence de traitement entre France-Loisirs et le club Dial :

a) N'est pas discriminatoire dès lors que :

- Dial vend les phonogrammes qu'il fait fabriquer sous sa marque ou sous des marques dont il est licencié et est un producteur au sens du protocole ;

- France-Loisirs est un détaillant qui achète et revend en l'état tout comme la Fnac, les grands magasins ou les disquaires ;

b) Est justifiée par une politique de promotion :

Distincte :

- Dial vend uniquement par correspondance à une clientèle isolée qu'elle fidélise par des réductions allant jusqu'à la gratuité ;

- France-Loisirs dispose de 185 boutiques et d'un réseau de libraires-distributeurs, est en concurrence immédiate avec les disquaires, favorise des "achats d'impulsion" et admet implicitement n'être pas un club de disques par sa création récente du Music-Club ;

Plus coûteuse : France-Loisirs ne supportant pas les mêmes frais de promotion (impression et envoi des catalogues) ;

c) Ne joue pas au détriment de France-Loisirs qui bénéficie des ristournes des producteurs, même si elles sont inopposables à la SDRM, puisque la remise s'applique à tous les prix de revient du producteur, y compris la redevance, et s'impute sur sa marge bénéficiaire ;

d) Et qu'en décider autrement rendrait France-Loisirs coupable de la pratique restrictive interdite par l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; en effet, la décision entreprise enjoint de supprimer toute discrimination de traitement et,

- ou bien le protocole est abrogé et s'instaurent de nouvelles distorsions de concurrence au détriment de Dial,

- ou bien il est étendu et ce sont les détaillants qui sont défavorisés.

La SDRM conclut à la réformation de la décision entreprise et prie la cour :

a) A titre principal, de déclarer inapplicable à ses activités l'ordonnance du 1er décembre 1986 en vertu des dispositions de son article 53, en arguant que :

- c'est à tort que le Conseil de la concurrence a estimé que les dispositions de la nouvelle ordonnance se situaient dans le prolongement de l'ordonnance du 30 juin 1945 - qui n'excluait pas les sociétés d'auteurs de son champ d'application - puisque, si l'article 50 de l'ordonnance de 1945 s'appliquait, outre aux produits et services, à tous les biens (donc aux droits patrimoniaux des auteurs), l'article 53 de l'ordonnance de 1986 ne vise plus que les activités de production, de distribution et de service, ne fait plus référence aux biens et doit être interprété restrictivement en raison du caractère sanctionnateur de l'ordonnance,

- c'est encore à tort que le Conseil a analysé son activité en une prestation de services: en autorisant la reproduction des œuvres de son répertoire et en percevant en contrepartie le droit d'auteur, elle ne fait qu'exercer dans l'intérêt de ses membres les prérogatives afférentes à leurs œuvres et ne fournit aucun travail à son cocontractant ; certes, son activité est plus large mais se réduit soit à satisfaire aux demandes des producteurs à qui elle ne propose pas les œuvres et ses contrôles, soit à entretenir des relations avec ses homologues étrangères, n'est pas autonome et n'est que la condition ou la conséquence des autorisations qu'elle est habilitée à consentir ;

- plusieurs juridictions ont déjà statué en ce sens ;

- si les sociétés percevant les droits d'auteur peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire, c'est seulement sur le fondement des articles 85 et 86 du traité de Rome en ce qu'elles constituent des "entreprises" ;

b) A titre subsidiaire, de dire que France-Loisirs n'a fait l'objet d'aucune pratique discriminatoire qui lui soit imputable non plus qu'au SNEP et qu'il n'existe aucune entente prohibée ; qu'en effet :

- le marché défini par le rapporteur du Conseil est celui de la vente par correspondance des phonogrammes, ouvert pour leur donner une seconde vie en atteignant et en fidélisant une clientèle non touchée par les disquaires, ce à quoi il faut ajouter que le vendeur doit avoir une politique de prix attractive pour l'adhérent (réduction des prix à proportion des engagements, remises d'exemplaires gratuits) ;

- Dial pratique cette politique des prix alors que France-Loisirs vend "au prix fort" et ne peut prétendre bénéficier du protocole qui a aménagé pour les seuls clubs une redevance assise non sur le prix catalogue mais sur le prix de vente moyen des phonogrammes ;

- la différence de traitement a été mal appréciée :

- quant au taux et à l'assiette : Dial maîtrise le prix de vente au détail et supporte une redevance de 7,40 % du prix au détail, France-Loisirs achète aux producteurs qui, ne maîtrisant pas le prix de vente au public, acquittent la redevance au taux de 9,50 % sur le prix de gros et la répercutent pour partie ; or, on obtient le même résultat en multipliant :

Le prix de gros producteur HT par 9,5 ;

Le prix de vente public HT par 7,4 ;

- quant aux ristournes d'environ 40 % accordées à France-Loisirs : pour le Conseil, on ne doit pas s'y arrêter dès lors que le taux de 9,5 % en tient compte mais, si les relations entre producteurs et sociétés d'auteurs ne peuvent effectivement pas en être affectées, il n'en reste pas moins qu'en termes économiques France-Loisirs voit sa charge de droits d'auteur diminuée à proportion des ristournes ;

- une application du protocole à France-Loisirs ne modifierait pas sa situation puisque les redevances aujourd'hui payées par les producteurs devraient être supportées par cette société sur le prix moyen de ses ventes sans abattement ni exemplaire gratuit ;

- enfin, ni le marché, ni les moyens utilisés ne sont comparables : le Club Dial vend directement par correspondance des phonogrammes sur la base de contrats passés avec ses adhérents et remplit la condition nécessaire à l'application du protocole, à savoir être un producteur ; il doit à ce titre obtenir les autorisations de la SDRM ; France-Loisirs vend des livres, accessoirement des phonogrammes, par correspondance, boutiques ou libraires-distributeurs, sans engagement d'achat ni réduction de prix ; toute comparaison, s'agissant de la vente en boutique, avec l'ancien bénéficiaire du protocole qu'était le Club français du disque serait hasardeuse: celui-ci ne disposait que d'un seul point de vente ;

La société France-Loisirs sollicite la réformation partielle de la décision déférée en ce qu'elle n'a pas retenu l'abus de position dominante de la SDRM, visé dans sa saisine au même titre que l'entente illicite, alors qu'une entreprise en position dominante qui sciemment discrimine commet un abus, que l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 donne comme exemple les conditions de vente discriminatoires ; que la Cour de justice des Communautés européennes juge abusives les différences tarifaires et qu'elle fait respecter comme un principe fondamental du droit communautaire la règle de non-discrimination.

En réponse aux écritures adverses, elle entend faire reconnaître :

- la qualité de prestataire de services de la SDRM ;

- sa propre qualité de club VPC déjà admise par les organismes professionnels spécialisés et par les producteurs, la vente en magasins n'étant que le prolongement de ses ventes par correspondance et 80 p. 100 de ses acheteurs choisissant sur catalogue ;

- son comportement de club puisqu'elle exige la signature d'un bulletin d'adhésion pour l'achat des disques et fidélise ainsi sa clientèle, et que tant la Guilde du disque que le Club français du disque bénéficiaires du protocole ont disposé de boutiques ;

- la discrimination en faveur de Dial (concrétisée par un écart de redevance de 0,60 à 1,60 F par disque 33 tours), la démonstration tentée par la SDRM ne tenant pas compte des réductions qu'elle accorde et son argumentation concernant les ristournes ne pouvant aller contre le fait que la SDRM perçoit toujours la même redevance et que le producteur agit sur d'autres composantes de son prix de revient ;

- le caractère injustifié de la discrimination puisque Dial n'est pas un producteur au sens de l'article 21, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1985 (il n'enregistre pas), n'effectue pas le dépôt légal, ne peut lui opposer ses licences d'utilisation de marques faute de publication au BOPI, et qu'elle-même rend aux auteurs le même service qui est de donner une deuxième vie aux enregistrements.

Aux termes d'observations portant sur chacun des points développés dans les recours, le ministre chargé de l'Economie a demandé la confirmation en son principe de la décision critiquée ; il prie en outre la cour :

- de porter à 1 500 000 F la sanction pécuniaire infligée au SNEP en raison de la gravité de la pratique incriminée, de ses conséquences économiques sur un marché duopolistique et du rôle actif et déterminant du syndicat dans la mise en place et l'application du protocole de 1976 ;

- d'ordonner la publication du dispositif de son arrêt dans la revue Diapason à proportion des sanctions pécuniaires infligées.

Le SNEP a présenté d'ultimes écritures en réplique à celles de France-Loisirs et du ministre.

Le Conseil de la concurrence a formulé des observations sur l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et sur la notion de "ministre intéressé".

Le Ministère public a déposé des conclusions écrites.

Il est renvoyé à la décision déférée et aux écritures pour une plus ample relation des données de fait et des prétentions respectives des parties.

Cela exposé, LA COUR :

I. - Sur la validité de la procédure :

Considérant que le ministre chargé de la Culture n'a pas, dans le cas de l'espèce, la qualité de ministre intéressé à qui le rapport fait au Conseil de la concurrence aurait dû être notifié par application des dispositions de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'en effet, il n'est pas allégué que le ministre chargé de la Culture est intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'entente examinées par le Conseil, lesquelles sont par ailleurs étrangères à l'application d'un texte définissant sa mission ministérielle ;

Que le moyen proposé aux fins d'annulation de la procédure sera rejeté ;

II. - Sur l'application à la SDRM des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Considérant que la SDRM est une société civile associée à d'autres sociétés d'auteurs dont l'objet, tel que défini par l'article 5 de ses statuts, est notamment :

- de valoriser par l'exploitation en commun dans tous pays, pour le compte des bénéficiaires, les droits de reproduction mécanique dont peuvent être titulaires ses membres associés ;

- de gérer et d'exercer au nom de ses associés, dans le cadre de l'apport qu'ils lui en font ou de la délégation qu'elle reçoit d'eux, les prérogatives inhérentes au droit de reproduction mécanique : l'autoriser ou l'interdire, fixer les conditions de l'autorisation, percevoir les redevances et les répartir ;

- de défendre les intérêts matériels et moraux des auteurs, compositeurs et éditeurs et de leurs ayants droit ;

Que son conseil d'administration (art. 21 à 23 et 26 des statuts) :

- conclut seul tous contrats avec les usagers du répertoire social, décide des interdictions et fixe le montant des redevances, les modalités de leur perception et le contrôle de toutes opérations rentrant dans le cadre de ces contrats ;

- conclut tout contrat de réciprocité avec les sociétés d'auteurs étrangères ou de représentation à l'étranger ;

- peut emprunter et disposer des fonds sociaux, en régler le placement et l'emploi, acquérir tout matériel ou moyen de travail, acquérir ou aliéner en matière mobilière et immobilière, fixer le taux de la retenue pour frais de gestion ;

- peut engager tout procès qu'un associé pourrait avoir à engager ou à soutenir, ainsi que tout procès de principe ;

- est investi des pouvoirs les plus étendus à l'effet de décider de prendre vis-à-vis des reproducteurs toutes les mesures qu'il jugera convenables et qui deviendront obligatoires pour tous les associés ;

- peut infliger des amendes aux associés ;

Considérant, dès lors, que si la SDRM exerce par délégation des auteurs le droit discrétionnaire dont ceux-ci disposent sur leurs œuvres, elle n'en est pas moins une entreprise qui exerce de nombreuses activités de services pour la gestion du patrimoine d'autrui; que, dans cette gestion, elle agit de façon autonome et parfois exclusive;

Que, mise en cause à l'occasion de l'exercice de ses pouvoirs propres de négociation, d'application d'une convention et de fixation du taux d'une redevance, elle relève en tant que prestataire de services des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

III. - Sur les pratiques d'entente :

A. - Sur le protocole du 20 décembre 1976 :

Considérant que, dans les relations internationales, le Bureau international des sociétés gérant les droits d'enregistrement et de reproduction mécanique (BIEM) et la Fédération internationale des producteurs de phonogrammes (IFPL) ont établi un contrat type qui, jusqu'au 31 décembre 1981, a réglé les rapports entre sociétés d'auteurs et de producteurs ;

Que les modalités d'application de ce contrat type ont fait, pour la France, l'objet de protocoles d'accord passés entre la SDRM et le SNEPA (devenu le SNEP) ;

Que le protocole signé le 20 décembre 1976 entre ces deux organismes prend en compte la spécificité des clubs et guildes de disques, lesquels exploitent des enregistrements anciens auxquels ils procurent une seconde carrière en les distribuant selon des méthodes qui leur occasionnent des charges particulières (offres de disques gratuits et de remises) ;

Que, pour être admis au bénéfice du protocole, les clubs doivent répondre aux conditions suivantes, outre la personnalité morale :

- être des sociétés productrices dont l'activité justifie la signature du contrat type BIEM/IFPI de 1975 ;

- avoir " pour objet principal la vente par correspondance directement auprès du public de phonogrammes du commerce" ;

- et réaliser cet objet en instaurant " un véritable contrat entre le club et ses adhérents mettant des obligations réciproques à la charge de chaque partie" ;

Que les redevances qu'ils doivent payer directement à la SDRM sont calculées sur un prix moyen résultant de la division du montant du chiffre d'affaires semestriel provenant des ventes par le nombre des sorties de stock,

Ce, au taux applicable à qui possède la maîtrise du prix de vente au détail, qui est de 8 % brut sur le prix de détail et de 7,40 % net après abattement,

Alors que le producteur, qui n'a pas la maîtrise des prix de détail, supporte un taux brut de 11 % sur le prix de gros à usage du détail, ramené à 9,50 % après deux abattements dont l'un, de 4 %, est consenti au titre des rabais et remises qu'il peut accorder au détaillant ;

B. - Sur l'application du protocole :

Considérant que le club Dial est depuis 1984 le seul bénéficiaire des dispositions du protocole après la disparition du marché de la Guilde du disque et du Club français du disque ;

Que France-Loisirs a demandé dès 1979 l'obtention de traitement appliqué aux clubs ;

Que, dans un premier temps, sa demande a été favorablement accueillie par la SDRM qui, par courrier du 28 février 1979, faisait connaître au SNEP qu'elle envisageait de lui faire signer le contrat type BIEM/IFPI et de lui consentir "en tout état de cause" le même traitement qu'à Dial " puisque leurs pratiques commerciales sont dorénavant très sensiblement les mêmes", mais qui s'est heurtée à l'opposition du syndicat des producteurs ;

Que, par la suite, plusieurs propositions faites à ce syndicat par la SDRM en vue de remplacer ou d'aménager le régime des clubs n'ont pas abouti, du moins à la connaissance de la cour ;

C. - Sur les pratiques discriminatoires :

Considérant que la SDRM et le SNEP avancent que la société France-Loisirs ne peut prétendre obtenir le même régime que le club Dial parce qu'elle ne remplit pas les conditions fixées au protocole ;

Considérant que le club Dial et France-Loisirs interviennent sur le même marché des ventes de phonogrammes par correspondance, même s'il s'agit de l'activité exclusive du premier et que la seconde la partage avec la vente de livres ;

Que l'objet proposé à l'achat est identique puisqu'il s'agit d'enregistrements auxquels est offerte une seconde carrière ;

Que les ventes, dont les modalités sont décrites de façon détaillée dans la décision attaquée, sont réservées à des adhérents qui choisissent sur catalogues et dont la fidélisation est recherchée ;

Que les procédés employés permettent dans les deux cas de toucher une clientèle qui ne s'adresse pas ou qui s'adresse peu aux disquaires ;

Que, si France-Loisirs n'impose pas une obligation d'achat, Dial s'en dispense en certaines occasions (pour les commandes directes " mail order " grandes séries) ;

Considérant, au regard de ces similitudes, que France-Loisirs vend également dans ses boutiques ou chez des libraires et n'est pas un producteur ;

Mais considérant, d'une part, que le fait pour un club de phonogrammes de vendre aussi des livres et de disposer de boutiques à son enseigne n'a pas été regardé par les signataires du protocole comme une condition déterminante à son accès, la Guilde du livre ayant eu plusieurs dizaines de magasins, le Club français du disque acceptant des achats de livres et ayant ouvert une boutique ;

Que la qualité de producteur n'a pas plus été décisive ; que, sans qu'il soit utile d'entrer dans la controverse des parties sur le point de savoir si le club Dial est ou non un producteur, il suffit seulement de rappeler que la SDRM a reçu la candidature de France-Loisirs qui est un distributeur et d'indiquer que le Club français du disque n'était pas un producteur, comme l'a expliqué son président-directeur général lors de son audition par le rapporteur au Conseil ;

Considérant qu'à ces situations semblables ne répond pas une même politique d'application de la redevance ;

Qu'en effet, loin d'être une simple transposition arithmétique qui égaliserait les différences de taux et d'assiette, comme le prétend la SDRM à l'aide d'exemples qui ne tiennent pas compte des fournitures gratuites du Club Dial, cette politique a permis à la SDRM, pour le premier semestre 1986, de recevoir en moyenne par phonogramme une redevance de 4,03 F des producteurs et de 2,74 F de Dial ; qu'il ressort par ailleurs d'une enquête menée par la Direction Départementale de la Concurrence des Hauts-de-Seine que, selon les disques 33 tours étudiés, la disparité en défaveur de France-Loisirs s'établissait de 0,60 F à 1,60 F par disque ;

Considérant que les rabais dont France-Loisirs peut bénéficier de la part des producteurs sont déjà pris forfaitairement en compte dans le calcul de la redevance versée par ceux-ci (il s'agit du second abattement de 4 %) ; que des rabais supérieurs ne peuvent résulter que de négociations commerciales étrangères à la redevance et sans incidence sur son coût ; que les représentants de la SDRM en ont d'ailleurs convenu devant le rapporteur au Conseil : " Le rabais de 4 % précité est un forfait négocié dans le cadre des accords BIEM/IFPI. C'est le seul rabais opposable aux auteurs. Tous les autres consentis par les producteurs dans le cadre des négociations commerciales avec leurs clients sont inopposables aux auteurs".

Considérant que la discrimination issue de l'application du protocole du 20 décembre 1976 fait ainsi supporter à France-Loisirs un coût de redevance supérieur, sur les mêmes objets, à celui demandé à sa concurrente le club Dial; que l'entente a donc bien eu un objet et un effet anticoncurrentiels;

IV. - Sur l'abus par SDRM de sa position dominante :

Considérant que les pratiques illicites en cause sont nées de l'application conjointe par la SDRM et le SNEP de leur protocole d'accord ; que, s'il est constant que l'un des membres de l'entente dispose d'une position dominante en raison de son monopole d'exploitation du droit de reproduction mécanique, son comportement en faveur de France-Loisirs, puis ses efforts pour aménager, voire supprimer l'accord, démontrent qu'il n'a pas su résister aux refus réitérés de son partenaire ;

Que le traitement discriminatoire est donc issu seulement de l'entente et non de l'abus par la SDRM de sa position dominante ;

Considérant, en définitive, que le Conseil de la concurrence a, à bon droit, décidé que les faits de la cause constituaient une entente illicite tombant sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 visées par celles de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Que les recours principaux en réformation et le recours incident de France-Loisirs seront rejetés ;

Considérant que le montant des sanctions pécuniaires qui ont été prononcées est justifié par l'importance des pratiques illicites constatées, par leur incidence économique et par le rôle respectif des participants à l'entente ; qu'il n'y a pas lieu de les augmenter à l'encontre du SNEP ;

Qu'ensuite de la publication de la décision entreprise et de l'avis de l'intervention des recours, celle de la présente décision sera ordonnée, mais en résumé seulement ;

Qu'il y a lieu enfin, en raison de l'intervention des recours, d'aménager dans le temps l'injonction faite à la SDRM et au SNEP ;

Par ces motifs : Reçoit les recours principaux et incidents formés contre la décision n° 89-D-24 du 4 juillet 1989 du Conseil de la concurrence ; Les rejette, sauf, pour partie, celui du ministre chargé de l'Economie en ce qu'il a trait à la publication du dispositif de la présente décision ; Ordonne la publication dans la revue Diapason, aux frais des auteurs des recours principaux qu'ils supporteront à proportion des sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence, de l'indication suivante, laquelle répondra aux critères de forme et de dimensions définis par l'ordonnance du 12 octobre 1989 citée dans le corps de l'arrêt : "Par arrêt du 19 janvier 1990, la Cour d'appel de Paris a rejeté les recours des parties et, partiellement, celui du ministre chargé de l'Economie, formés contre la décision n° 89-D-24 du 4 juillet 1989 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques de la SDRM en matière de fixation du taux de la redevance phonographique " ; Dit que les parties auxquelles le Conseil de la concurrence a enjoint de supprimer toute discrimination de traitement entre la société France-Loisirs et le club Dial auront un délai supplémentaire de trois mois pour s'y conformer ; Condamne le Syndicat national de l'édition phonographique et la société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs compositeurs et éditeurs aux dépens.