Conseil Conc., 9 février 1999, n° 99-D-11
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées à l'occasion de travaux d'assainissement sur les communes de Toulouse et Lamasquère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Thierry Bruand, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mme Boutard-Labarde, MM. Bon, Marleix, Pichon, Thiolon, membres.
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 11 juin 1993, sous le numéro F 596, par laquelle le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'entente relevées à l'occasion de marchés de travaux d'assainissement sur les communes de Toulouse et Lamasquère ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Socat, Sesen, Giesper, Sogea Sud-Ouest, Société auxiliaire d'entreprise, La Garonne, Cegelec, Ramos, Sopreco et Scam travaux publics ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Socat, Sesen, Giesper, Sogea Sud-Ouest, Société auxiliaire d'entreprise, Cegelec, Sopreco et Scam travaux publics entendus, les sociétés La Garonne et Ramos ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Les marchés
1. Le marché de Saint-Martin-du-Touch
Le conseil municipal de Toulouse a, par délibération du 29 juin 1990, décidé la réalisation, dans le cadre d'une opération d'aménagement de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch, de collecteurs d'assainissement et d'eau pluviale. L'enveloppe financière de l'opération a été fixée à 21 millions de francs TTC. L'ensemble des travaux a été confié, dans le cadre d'une convention de mandat, à la Société d'équipement de Toulouse Midi-Pyrénées (Setomip), société d'économie mixte dont la ville de Toulouse est actionnaire, à laquelle l'aménagement de la ZAC devait être concédé. Pour réaliser plus rapidement les travaux, le maître d'ouvrage a décidé de diviser l'opération de construction des collecteurs primaires en quatre tranches. La Setomip a lancé, le 2 juillet 1990, quatre appels d'offres restreints auprès des trente-six entreprises figurant sur la liste des entreprises sélectionnées pour l'année 1990 pour des travaux d'assainissement dépassant 1 million de francs. La commission chargée de l'ouverture des plis s'est réunie le 1er août 1990.
Pour chacun des quatre marchés, le groupement des sociétés Sogea Midi-Pyrénées, La Garonne, Devin Lemarchand (devenue ultérieurement Devin Lemarchand Environnement ou DLE), Copyca, Socat et Sopreco, auxquelles s'est jointe la société Roumegoux pour le seul quatrième marché, était moins-disant. Au total, ses offres s'élevaient à 19 076 029,68 francs. Les offres suivantes étaient celles de trois groupements : celui des sociétés Giesper, Cegelec et Sesen, celui des sociétés Sade, Paveurs et Viafrance, et celui des sociétés Moter, Mortera et EPTR. Deux entreprises avaient déposé une offre pour chacun des quatre marchés : les sociétés Beugnet et Sogeba. Enfin, quatre entreprises avaient déposé une offre pour un seul marché : les sociétés Malet, Sotrap, Rigal et Bec.
Après correction des erreurs de calcul, les offres moins-disantes ont été retenues et les quatre marchés attribués au groupement composé par les sociétés Sogea Midi-Pyrénées, La Garonne, Devin Lemarchand, Copyca, Socat, Sopreco, auquel s'était jointe, pour le quatrième marché, l'entreprise Roumegoux ; les mandataires du groupement pour chaque tranche étaient différents. Le résultat de l'appel d'offres est le suivant :
EMPLACEMENT TABLEAU
2. Le marché de Lamasquère
La commune de Lamasquère a, après une première tranche relative à la réalisation d'une station communale d'épuration, lancé une seconde tranche visant à la construction du collecteur des eaux usées reliant la commune à la station d'épuration. Un appel d'offres ouvert a été organisé, au rabais, par référence au bordereau de prix unitaires départemental établi par la direction départementale de l'équipement qui aboutissait à un détail estimatif des travaux de 693 617 francs HT (822 629,76 francs TTC). Avant l'ouverture des plis, le 5 septembre 1990, le maître d'œuvre a fait connaître son estimation du montant des travaux en considérant que les entreprises devaient proposer un rabais de 20 % par rapport au bordereau départemental.
Le classement des offres par ordre décroissant des rabais proposés est le suivant :
EMPLACEMENT TABLEAU
Les sociétés STP et TNT ont été écartées par la commission en raison de l'insuffisance de leurs capacités techniques et humaines et les entreprises Giesper et Ramos se sont désistées de leurs offres la veille et le jour même de l'ouverture des plis. L'élimination des quatre entreprises ayant présenté des offres conformes aux estimations de l'administration a conduit la commission à déclarer l'appel d'offres infructueux.
A la suite de l'échec de cette consultation, six entreprises ont été consultées dans le cadre d'un marché négocié ; quatre d'entre elles avaient soumissionné à l'appel d'offres intial (Cegelec, Sogatrap, Sade, Cogetpb). La commission chargée de l'ouverture des plis a été convoquée le 3 octobre 1990, lendemain de la date limite de remise des offres par les entreprises. Leur classement, en fonction du rabais proposé par rapport au bordereau de prix départemental, s'établit comme suit :
EMPLACEMENT TABLEAU
La commission a décidé de retenir l'entreprise Sogatrap.
B. - Les pratiques constatées
1. Les marchés de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch
A propos de l'élaboration en commun des études de prix par les membres du groupement qui devait se révéler moins-disant, M. Pascual, président du conseil d'administration de la société La Garonne, a déclaré : "Nous avons étudié le dossier de consultation, ce qui nous a conduit à estimer que les travaux représentaient environ 200 journées de travail. En conséquence, notre entreprise ne pouvait pas répondre seule sur ces quatre marchés, ce qui était le cas de toutes les autres entreprises... A la suite de contacts avec des collègues, nous nous sommes réunis à six : Sogea, Socat, Copyca, Sopreco, Devin Lemarchand et nous-mêmes, chacun ayant apporté soit une étude, soit des éléments. A la suite des discussions et de simulations informatisées que nous avons effectuées, nous avons arrêté un bordereau de prix commun pour les quatre tranches." M. Averseng, président-directeur général de la SA Copyca, a déclaré : "J'ai effectué mon étude de prix concernant le lot 2. Puis je l'ai confrontée avec mes collègues de manière à harmoniser nos prix en fonction de l'édition d'un bordereau unique pour les quatre lots..." M. Albert, chef d'agence à Toulouse de l'entreprise Devin Lemarchand, a déclaré : "J'ai fait une étude de prix détaillée pour les quatre tranches. Ensuite nous nous sommes réunis pour confronter nos études et arrêter notre prix de soumission." M. Baris, gérant de la SARL Socat, a déclaré : "Après discussions entre plusieurs entreprises, nous avons décidé de former un groupement d'entreprises avec les sociétés : Sogea, Sopreco Copyca, La Garonne et Devin Lemarchand. Suite à cet accord, nous les six, avons étudié le marché tranche par tranche." M. Verdanne, directeur adjoint à la société Sogea Midi-Pyrénées, a déclaré : "Le programme d'assainissement de Saint-Martin-du-Touch avait été divisé par le maître d'ouvrage en quatre tranches. Compte tenu de l'ampleur des travaux, des délais impartis pour les réaliser, de la technicité du chantier et des moyens à mobiliser, il m'est apparu opportun de rechercher des partenaires en vue de constituer un groupement."
A propos de la répartition des travaux entre les entreprises, M. Baris a déclaré pour la société Socat : "Pour préparer la suite éventuelle, nous avons fait une répartition de l'ensemble des travaux, sur un plan financier, attribuant à chacun un montant de travaux de canalisations à poser. Pour Socat, par exemple, nous savions que nous interviendrions uniquement sur les deux premières tranches. Par ailleurs, nous avons choisi un mandataire pour chaque tranche." M. Averseng, de la société Copyca, a précisé : "M'étant plus intéressé, en fonction de mes moyens, au lot n° 2 et prenant la responsabilité d'être mandataire pour ce lot avec comme partenaire pour réaliser les travaux de ce lot dans les délais impartis l'entreprise Sopreco, membre du groupement, j'ai effectué mon étude de prix concernant le lot n° 2. Puis je l'ai confrontée avec mes collègues de manière à harmoniser nos prix en fonction de l'édition d'un bordereau unique pour les quatre lots..." M. Albert, pour la société Devin Lemarchand, a déclaré : "La répartition grosso modo des parts de travaux s'est faite lors de la constitution du groupement. La traduction physique de cette répartition s'est faite après étude et avant la remise des offres. Le document entérinant la répartition n'a été signé que le 8 août 1990."
Un protocole d'accord a été signé le 8 août 1990, avant la publication des résultats de l'appel d'offres, par les six entreprises qui allaient être désignées titulaires des quatre marchés, aux fins de procéder à une répartition financière globale du montant total des quatre marchés : "Dans le but de rendre nos offres plus compétitives... les entreprises : Sogea, Copyca, La Garonne, Sopreco, Devin Lemarchand, Socat, représentées par MM. J. Verdanne, C. Averseng, M. Pascual, J. Petton, Albert, F. Baris, ont décidé de répondre conjoints et solidaires sur la base d'une répartition sur les quatre lots de :
Sogea : 2 900 000 francs HT ;
Socat : 1 181 166 francs HT ;
Sopreco : 1 679 000 francs HT ;
Copyca : 1 679 000 francs HT ;
Devin Lemarchand : 4 326 342 francs HT ;
La Garonne : 4 365 918 francs HT.
D'autre part, le groupement s'engage à fournir un volume de travaux égal à 300 000 F HT à l'entreprise Roumegoux, dans le cas où celle-ci ne pourrait travailler sur Lamasquère."
La répartition des travaux correspondante a, par ailleurs, été effectuée. Elle est la suivante :
EMPLACEMENT TABLEAU
Les quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch ont été attribués pour un montant global de 19 millions de francs et ont donné lieu à un montant réel de travaux de 17,51 millions. Ils ont représenté à eux seuls 22 % du montant des 50 marchés de canalisations d'assainissement recencés en 1990 dans l'arrondissement de Toulouse et quatre autres marchés seulement avaient une importance équivalente (4 à 5,5 millions de francs). Les marchés publics d'un montant égal ou supérieur à 1 million de francs portant sur des canalisations d'assainissement dans l'arrondissement de Toulouse ont représenté en 1990 un total de 65 600 127 francs. Les six entreprises titulaires des quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch ont réalisé la même année sur ce volume de travaux, soit seules, soit en étant mandataires de groupements, un montant de 41 594 842 francs, soit une part de 63 % de l'ensemble. Après déduction des marchés de Saint-Martin-du-Touch qui représentaient le chantier le plus important, la part des mêmes six entreprises s'établit encore à 50 % des travaux (24 138 446 francs sur 48 143 731 francs). Le groupement adjudicataire des marchés de Saint-Martin-du-Touch est ainsi constitué d'entreprises régionalement importantes dans ce secteur. Parmi les entreprises ayant soumissionné à des marchés supérieurs à 1 million de francs, les sociétés Cegelec et Sade sont les seules entreprises non membres du groupement titulaire à avoir emporté plus d'un marché en 1990 dans l'agglomération toulousaine.
M. Averseng, président-directeur général de la SA Copyca, a déclaré : "... Le marché des canalisations de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch, qui avait fait l'objet d'un appel d'offres avec publicité nationale... Afin de donner un certain poids à nos soumissions, nous avons décidé de former un groupement d'entreprises présentes localement et de soumissionner conjointement à l'ensemble des quatre lots."
La société Roumegoux a été intégrée tardivement au groupement, pour le quatrième marché, sans avoir participé aux études. L'accord du 8 août 1990 ne l'évoque qu'in fine sous la forme d'un engagement conditionnel du groupement à lui "fournir un volume de travaux égal à 300 000 francs HT... dans le cas où celle-ci ne pourrait travailler sur Lamasquère". M. Baris, gérant de la société Socat, a précisé que "le montant de cette dernière [tranche] ne désorgani[sait] pas la répartition établie antérieurement... A la suite de la remise des offres, la répartition des travaux entre les six membres d'origine du groupement a fait l'objet d'un accord écrit le 8 août 1990".
Dans les locaux de la société Socat, des détails estimatifs ont été saisis, qui correspondent aux quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch et sont élaborés à partir du cadre quantitatif estimatif contenu dans le dossier fourni par l'administration pour les appels d'offres. Ils sont identiques, poste par poste (numéro de prix par référence au bordereau de prix unitaires, désignation des prestations, quantités à mettre en œuvre, prix unitaires et total par poste), aux offres qui ont été effectivement déposées pour ces marchés par le groupement concurrent, constitué par les sociétés Giesper, Cegelec et Sesen, et ont été élaborés par les six membres du groupement qui devait se révéler moins-disant :
M. Baris a déclaré : "Pour le scellé F 1 637 à 654, ce sont des documents que j'ai pris lors des discussions des prix unitaires entre nous six. Ce document a été édité par une des six entreprises ; la nôtre ne possédant pas d'outils informatiques appropriés, il nous a servi à établir nos prix définitifs pour reprendre la discussion", M. Pascual a confirmé : "Quant aux documents que vous me présentez, à savoir les scellés F 1 637 à 653, documents qui ont été saisis dans une entreprise du groupement que nous avions formé, il s'agit d'une étude de prix réalisée par le groupement."
Seul le groupement lauréat, moins-disant aux quatre marchés, se situait dans l'enveloppe financière fixée par la ville de Toulouse, à un niveau estimé toutefois élevé par M. Louge, président de la société GTPM, venant aux droits de la société Roumegoux, qui a indiqué en 1992 : "Analyse faite du marché, on peut dire que les prix pratiqués à cette époque pour cette affaire sont des prix nettement supérieurs à ceux pratiqués actuellement." Les offres du groupement Giesper-Cegelec-Sesen sont 12 à 17 % plus élevées que celles du groupement attributaire des marchés mais aucune trace d'étude ni aucun document relatif aux mêmes marchés n'ont été trouvés au sein des entreprises Giesper, Cegelec et Sesen. M. Patrick Cavagné, ancien directeur technique de l'entreprise Giesper, a déclaré avoir réalisé une étude conjointement avec la société Cegelec, et son frère Bruno, actuel directeur de l'entreprise, a précisé que les documents relatifs aux marchés pour lesquels la société n'est pas attributaire ne sont pas conservés. Pour sa part, M. Guinart, chef de service de la direction régionale Sud-Ouest de la société Cegelec, affirme n'avoir pas "trouvé de traces des personnes" qui ont fait les études au sein du groupement. M. Sesen, président du conseil d'administration de la société Sesen, a déclaré : "Je n'ai pas fait d'étude de prix détaillé pour cette affaire car après une lecture précise du dossier j'ai réalisé que je n'avais pas le matériel adéquat pour réaliser ces ouvrages... L'étude de prix pour les quatre tranches a été faite par le mandataire du groupement. Il a accepté de me prendre dans l'offre pour le cas où il y aurait eu défaillance des autres membres. Je n'ai d'ailleurs pas eu copie des pièces du dossier, le mandataire à juste titre n'ayant pas jugé utile de nous les envoyer dès lors que nous n'étions pas adjudicataires."
2. Le marché de Lamasquère et ses liens avec les marchés de Saint-Martin-du-Touch
L'accord signé le 8 août 1990 par les entreprises Sogea Midi-Pyrénées, Socat, Copyca, Sopreco, Devin Lemarchand et La Garonne ne concerne pas l'entreprise Roumegoux quant à la répartition des marchés de Saint-Martin-du-Touch, alors qu'elle a soumissionné conjointement au quatrième de ceux-ci. Il prévoit seulement que lui seront attribués 300 000 francs de travaux si elle ne peut travailler sur le marché de Lamasquère.
L'appel d'offres pour ce dernier a été déclaré infructueux, les quatre offres moins-disantes ayant été soit retirées par les sociétés Giesper et Ramos, la veille et le jour même de l'ouverture des plis, soit écartées en ce qui concerne les sociétés STP et TNT, jugées incapables d'effectuer les travaux. L'offre du groupement des sociétés Devin Lemarchand, Sesen et Roumegoux devenait donc moins disante. L'offre du 6 août 1990 de la société Giesper a été retirée le 4 septembre 1990. M. Patrick Cavagné, qui avait signé lui-même l'offre du 6 août 1990 et n'a été en congé que du 20 au 27 août, a déclaré : "J'étais auparavant directeur technique de l'entreprise Giesper, de 1987 à septembre 1990. Je supervisais les études et les travaux. Durant l'été 1990, nous avons soumissionné pour un marché de canalisations à Lamasquère. L'étude de prix avait été réalisée par M. Puech-Maurel, qui était responsable du bureau d'études de Giesper. A mon retour de congé j'ai considéré que le prix remis n'était pas conforme et j'ai donc décidé de m'excuser auprès de la mairie pour cette erreur." La société Ramos a, pour sa part, retiré son offre le 5 septembre 1990 en faisant état d'"une modification importante de [son] plan de charge... intervenue depuis la date de remise des offres". M. Branquart, directeur de la société, a déclaré : "Je confirme, pour Lamasquère, le surplus de travail que nous avons eu au mois de septembre 1990, surplus dû aux reconductions de marché, en particulier sur la commune de Montberon... Postérieurement à notre remise d'offre, l'entreprise Ramos a été désignée par le groupement pour effectuer les travaux à Montberon. Compte tenu du délai restant à courir, des moyens de la société (une dizaine de personnes), et de la meilleure rentabilité du marché de Montberon, j'ai choisi de privilégier cette exécution et donc de retirer mon offre sur Lamasquère."
Ainsi, la société Roumegoux, qui n'avait participé ni aux négociations concernant les marchés de Saint-Martin-du-Touch ni aux études de celui de Lamasquère, se trouvait en situation de réaliser des travaux pour le marché de Lamasquère et d'être écartée du quatrième marché de Saint-Martin-du-Touch. M. Prouha, ancien cadre de la société Roumegoux, a déclaré : "En ce qui concerne le marché de Lamasquère,... je n'ai pas étudié ce dossier, ce qui a dû être fait par le mandataire du groupement, l'entreprise Devin Lemarchand... je suis allé signer les pièces du marché chez Devin Lemarchand."
L'appel d'offres n'eût-il pas été déclaré infructueux, que la société Devin Lemarchand se serait partagé le marché de Lamasquère avec la seule société Roumegoux car la société Sesen s'était engagée à ne pas travailler si le groupement était adjudicataire. M. Sesen a déclaré : "Dans l'éternel souci d'arriver à se montrer dans la remise de prix et de récupérer le chèque de caution, je me suis groupé avec une entreprise qui m'avait sollicité, Devin Lemarchand, en m'engageant, comme toujours dans ces cas-là, à ne pas travailler si nous étions adjudicataires."
M. Louge, président du conseil d'administration de la société GTMP, qui a succédé à la société Roumegoux, a déclaré qu'"au moins deux entreprises du groupement en cause sont coutumières de pratiquer des groupements d'entreprises et de ne pas faire réaliser la part de travaux correspondante à celle attribuée à Roumegoux", et il a ajouté que "depuis lors, l'entreprise Devin Lemarchand, et notamment M. Albert, fait pression sur notre entreprise afin de la couvrir sur les affaires toulousaines allant jusqu'à envoyer des fax pour nous obliger à répondre à son prix". M. Albert, pour la société Devin Lemarchand, a reconnu la pratique de tels faits, notamment pour un marché d'adduction d'eau potable à Saint-Martin-du-Touch en 1992, et il a ajouté que la société Roumegoux "devait effectuer des travaux de voirie conformément à l'accord interne au groupement" et que "le marché de Lamasquère sur lequel j'étais conjoint et solidaire avec Roumegoux et Sesen ne nous a pas été attribué. En conséquence Roumegoux était en mesure de faire la voirie de Saint-Martin".
Selon les sociétés Copyca et La Garonne, la participation prévue de la société Roumegoux au quatrième marché de Saint-Martin-du-Touch était limitée à des travaux de voirie. Or l'examen du cadre de détail estimatif de la quatrième tranche signé par les sept entreprises concernées permet de constater que deux postes, les n° 27 et 29, sont relatifs à la réfection de chaussée communale pour 220 mètres et la mise à niveau de regards, pour des sommes respectives de 48 400 francs HT et 1 500 francs HT, soit un total de 49 900 francs HT, inférieur à la somme de 300 000 francs figurant dans l'accord du 8 août 1990. Les travaux de voirie initialement prévus, à savoir la remise en état du chemin de Négo-Saoumos, ont, en outre, été ultérieurement supprimés, des travaux plus importants ayant dû être réalisés en raison de dégâts provoqués par les engins et camions. Ces travaux sur 1 547 mètres carrés, d'un montant de 99 662 francs HT, ont été réglés sur factures par la Setomip à la société Roumegoux à qui le groupement s'est adressé en fin de chantier par l'intermédiaire de la société La Garonne, mandataire du groupement. L'engagement du groupement envers la société Roumegoux, à hauteur de 300 000 francs HT, dépassait donc les travaux de voirie, ainsi que l'a reconnu M. Albert, pour la société Devin Lemarchand : "Roumegoux, qui avait été invité à réaliser des ouvrages cadre (collecteur rectangulaire), n'a pas souhaité donner suite à ces propositions. C'est ainsi que notre engagement à fournir à Roumegoux un montant de travaux de 300 000 francs environ s'est trouvé non honoré." De même, M. Verdanne, pour la société Sogea Midi-Pyrénées, a déclaré qu'"au cas où elle perdrait le marché de Lamasquère, il devrait être restitué [à la société Roumegoux], sous forme de travaux 300 000 francs HT sur le collecteur de Saint-Martin-du-Touch".
Les quatre enveloppes déposées par la société Giesper, contenant les offres du groupement des sociétés Giesper, Cegelec et Sesen pour les quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch, mentionnent, à côté du nom de ces entreprises, le nom et l'adresse, qui ont été rayés, de la société Ramos, dont l'agrégation à ce groupement avait donc été initialement envisagée, ce qu'a dénié son directeur, M. Brancquart : "En ce qui concerne les travaux d'assainissement de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch (assainissement), je n'ai jamais eu l'intention de soumissionner sous quelle que forme que ce soit. Je suis par contre stupéfait d'apprendre et de voir que le nom de la SA Ramos apparaît sur les enveloppes de remises d'offres d'un groupement, même si notre nom est rayé." De son côté, la société Giesper a confirmé que la société Ramos, pressentie pour participer au groupement, avait finalement renoncé à soumissionner. Ainsi, la société Ramos n'a pas soumissionné aux marchés de Saint-Martin-du-Touch et le retrait de son offre pour le marché de Lamasquère a été expliqué par son plan de charge.
Enfin, aucune étude de prix concernant le marché de Lamasquère n'a été trouvée auprès des sociétés Ramos et Giesper, qui se sont révélées moins-disantes par rapport aux entreprises qui ont soumissionné à la fois aux marchés de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Sur la procédure :
En ce qui concerne la durée de la procédure :
Considérant que la société Cegelec, la Société auxiliaire d'entreprise (SAE) qui vient aux droits de la société Devin Lemarchand et la société Giesper font état d'une durée excessive de la procédure qui porterait atteinte aux droits de la défense ;
Mais considérant que, si le Tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé que le respect d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire, les sociétés précitées ne démontrent pas, en se bornant à évoquer une déperdition des preuves due à l'écoulement du temps, en quoi, dans le cas d'espèce, les délais qui se sont écoulés leur auraient causé concrètement un préjudice, lequel ne saurait résulter ipso facto de la seule durée de la procédure ; que la Cour d'appel de Paris a décidé, dans un arrêt du 8 septembre 1998, "qu'à supposer le délai excessif... la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable... n'est pas l'annulation ou la réformation de la décision mais la réparation du préjudice résultant de la durée excessive du procès" ; que le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne l'origine de l'enquête administrative :
Considérant, en premier lieu, que la société La Garonne fait valoir que l'ensemble de la procédure d'enquête a été vicié par la communication à l'administration de pièces relatives à un litige devant le Tribunal de commerce de Toulouse entre les entreprises bénéficiaires des marchés de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch par l'avocat de la société Roumegoux, qui aurait ainsi violé le secret professionnel et commis un délit pénal ; qu'en second lieu, les sociétés Cegelec, SAE, Giesper et Sopreco soutiennent que les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont, en consultant le rôle du tribunal de commerce et en demandant à l'avocat de la société Roumegoux des précisions sur l'origine du litige, procédé à des actes d'enquête irréguliers à défaut d'avoir été accompagnés de procès-verbaux de constatations et de communication ;
Mais considérant, en premier lieu, que le conseil de la société Roumegoux a remis spontanément à l'administration les pièces en cause et qu'il n'est pas allégué que leur communication aurait été sanctionnée par une condamnation pénale pour violation du secret professionnel, entraînant leur retrait des débats, ni même qu'une procédure aurait été menée de ce chef ; que le moyen de la société La Garonne, qui repose sur l'illicéité d'une enquête initiée à partir de documents obtenus par la commission d'une infraction pénale, ne peut être accueilli ;
Considérant, en second lieu, que c'est dans le cadre de leur mission de suivi des marchés publics locaux que les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont demandé, à titre d'information, des précisions sur un litige entre plusieurs entreprises de travaux publics apparaissant au rôle du tribunal de commerce de Toulouse, sans qu'il ait été nécessaire d'ouvrir une enquête dans les formes prévues aux articles 46 et suivants de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les pièces obtenues ainsi que les correspondances entre l'administration et l'avocat de la société Roumegoux expliquant leur provenance ont subi le contrôle du juge qui a délivré, le 3 juin 1992, une ordonnance autorisant les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à procéder à des visites et saisies dans les conditions prévues à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, puis ont été versées au dossier soumis à la procédure contradictoire devant le Conseil de la concurrence ; que le moyen des sociétés Cegelec, SAE, Giesper et Sopreco, qui s'appuie sur l'incertitude de l'origine de l'enquête, et la déloyauté des recherches menées par l'administration préalablement à l'ouverture de celle-ci, n'est pas fondé ;
En ce qui concerne le dossier ouvert à la consultation :
Considérant que les sociétés Cegelec et SAE font valoir que la demande d'enquête du ministre chargé de l'Economie en date du 18 mai 1992 adressée au Directeur Régional de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, ainsi que la requête, et certaines de ses annexes, présentée le 27 mai 1992 par le chef de service régional à Toulouse au juge délégué par le président du Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'obtenir une autorisation de visites et saisies au titre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne figurent pas au dossier, ce qui constituerait une atteinte aux droits de la défense ; que ces sociétés critiquent également l'absence au dossier des procès-verbaux d'ouverture des plis et d'attribution des quatre marchés de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch, ainsi que des actes d'engagement de certaines entreprises ayant répondu au premier appel d'offres de Lamasquère ; qu'elles font état, enfin, de pièces figurant au dossier sans avoir fait l'objet de procès-verbaux de communication ;
Mais considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de justifier des raisons pour lesquelles elle a décidé de procéder à une enquête par la production de notes internes éventuellement échangées entre ses services extérieurs et son administration centrale générale préalablement au déclenchement de cette enquête, ainsi qu'en a décidé la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 16 décembre 1994 ; que, par ailleurs, l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose, en son deuxième alinéa ; "Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui a été soumise est fondée : cette demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la visite" ; que, dès lors, la demande de mise en œuvre de la procédure de l'article 48 et les annexes l'accompagnant destinées à l'autorité judiciaire n'avaient pas à être jointes au dossier de saisine du Conseil de la concurrence, lequel n'est pas juge du contenu de cette demande ; que si les parties disposent d'un droit d'accès a posteriori aux pièces du dossier présenté par l'administration demanderesse d'une autorisation de visite et saisie qui leur fait grief, l'organisation matérielle de la communication de ces pièces relève d'une mesure d'administration judiciaire qui échappe à la compétence du Conseil de la concurrence ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas davantage au Conseil d'ordonner la communication des procès-verbaux d'ouverture des plis et d'attribution des quatre marchés de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch, ainsi que des actes d'engagement de certaines sociétés ayant répondu au premier appel d'offres de Lamasquère dès lors que ces pièces, seraient-elles constitutives de documents administratifs communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978, ne figurent pas au dossier et ne fondent pas de grief ; qu'il appartient aux entreprises mises en cause devant le Conseil de la concurrence, qui estiment nécessaire à leur défense l'obtention de documents ne figurant pas au dossier, de mettre en œuvre les procédures adéquates auprès des autorités administratives ou judiciaires concernées pour en obtenir la communication ;
Considérant, en troisième lieu, que les pièces du dossier qui n'ont pas fait l'objet de procès-verbaux de communication ont trait aux dossiers d'appels d'offres et aux soumissions et qu'elles étaient donc en la possession de l'administration du fait de sa participation aux commissions d'appels d'offres ; qu'en outre, la délibération du conseil municipal de Toulouse décidant les travaux de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch et la convention de mandat conclue avec la Setomip pour la réalisation des travaux sont des documents administratifs faisant l'objet d'une mesure de publicité et que les avis d'appels d'offres ou de marchés négociés sont disponibles dans la presse ;
Considérant, enfin, que l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prévoit que "les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports" et qu'il est constant que les constatations des enquêteurs ont été consignées dans un rapport communiqué aux parties intéressées, lesquelles ne peuvent, dès lors, justifier d'aucun grief ;
En ce qui concerne la régularité des procès-verbaux :
Considérant que la société Giesper conteste la validité du procès-verbal de visite et saisie auprès de la société Socat, en faisant valoir que l'inventaire des documents saisis était insuffisamment précis et que le représentant de l'entreprise signataire du procès-verbal n'a pas assisté à l'intégralité des opérations ; qu'elle invoque également l'irrégularité de l'ensemble des procès-verbaux de déclaration, aux motifs qu'ils ne mentionneraient expressément ni l'objet de l'enquête ni que celui-ci a été indiqué aux personnes entendues ; que la société SAE soulève l'irrégularité, sur le même fondement, du procès-verbal d'audition, établi le 11 juin 1992, de M. Albert, chef de l'agence toulousaine de la société Devin Lemarchand, et invoque la contradiction existant, selon elle, entre le contenu de ce procès-verbal et le procès-verbal de visite et saisie auprès de la société Devin Lemarchand, dès lors que l'officier de police judiciaire n'aurait pu mener les opérations de perquisition en présence constante de M. Albert de 9 h 30 à 14 h 30, tandis que ce dernier était entendu à 10 h 45 par les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ;
Mais considérant que le Conseil de la concurrence n'a pas compétence pour connaître de la régularité des opérations de visite et saisie effectuées sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'au surplus, le président du Tribunal de grande instance de Toulouse a, par ordonnance du 16 octobre 1996, rejeté une demande identique de la société Giesper fondée sur les mêmes moyens ; que les auditions recueillies par procès-verbal faisaient suite aux opérations de visite et saisie intervenues le 11 juin 1992 et qui avaient débuté par la notification de l'ordonnance judiciaire les autorisant sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de sorte que les personnes entendues avaient été avisées préalablement et précisément de l'objet de l'enquête ; que le procès-verbal signé par la secrétaire de mairie de Lamasquère se borne à énumérer les pièces de l'appel d'offres communiquées à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ; qu'aucun élément des procès-verbaux d'audition et de visite et saisie établis dans les locaux de la société Devin Lemarchand ne permet de dire que les opérations de saisie et l'audition ne se sont pas déroulées concomitamment ou que des documents auraient pu être saisis hors la présence de M. Albert ou de l'officier de police judiciaire ; qu'il résulte de ce qui précède que les demandes des sociétés Giesper et SAE, tendant à ce que les procès-verbaux et les documents qui leur sont annexés soient écartés de la procédure, doivent être rejetées ;
Sur les pratiques relevées :
En ce qui concerne la constitution d'un groupement d'entreprises soumissionnaire aux marchés de Saint-Martin-du-Touch :
Considérant qu'hormis la société Sopreco, les six titulaires des quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch ont déclaré avoir élaboré en commun les études de prix relatives à ces marchés et ont justifié la formation d'un groupement par l'estimation qu'elles ont faite qu'il s'agissait d'un seul marché de travaux dont elles ont effectué la répartition entre elles par le protocole d'accord du 8 août 1990, conditionnant la participation de la société Roumegoux au quatrième marché à un échec dans sa participation à l'appel d'offres de Lamasquère ;
Considérant que la réponse formulée en commun à un appel à la concurrence par des entreprises indépendantes et concurrentes ne constitue pas, en soi, une pratique répréhensible au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et qu'elle n'est prohibée par ces dispositions que si elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence; qu'en l'espèce, il n'est pas suffisamment établi que les six sociétés ayant emporté les quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch, auxquels ont également soumissionné un nombre important d'autres entreprises, se sont livrées à des pratiques dont l'objet ou les effets, actuels ou potentiels, étaient anticoncurrentiels ;
En ce qui concerne la concertation et les échanges d'informations entre soumissionnaires concurrents aux quatre marchés de Saint-Martin-du-Touch :
Considérant que les offres déposées pour ces quatre marchés par le groupement des sociétés Giesper, Cegelec et Sesen sont identiques poste par poste à une étude de prix élaborée par les entreprises membres du groupement attributaire, les sociétés Sogea Midi-Pyrénées, La Garonne, Devin Lemarchand, Copyca, Socat et Sopreco, et sont de 12 à 17 % plus élevées que celles de ce groupement ; qu'aucune étude ni aucun document relatif à ces marchés n'ont pu être présentés par les sociétés Giesper, Cegelec et Sesen ; que l'offre du groupement constitué par ces dernières a été élaborée, comme l'ont déclaré les sociétés La Garonne et Socat, par les sociétés membres du groupement attributaire antérieurement au dépôt des offres; qu'elle constitue une offre de couverture au profit du groupement attributaire ;
Considérant que les sociétés La Garonne, Socat, Giesper et Cegelec estiment insuffisants les indices d'échanges d'informations sur les prix et d'élaboration d'une offre de couverture résultant de la saisie dans les locaux de la société Socat des détails estimatifs d'offres concurrentes ;
Mais considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Cegelec, Giesper, SAE et Socat, l'origine et la date des devis saisis ne sont pas inconnues; qu'en effet, le gérant de la société Socat et le président de la société La Garonne ont reconnu que ces détails estimatifs avaient été élaborés antérieurement à la remise des offres par le groupement formé des six entreprises attributaires des quatre marchés ; que l'identité parfaite constatée entre les documents saisis et les offres effectivement déposées par le groupement "concurrent", pour la centaine de postes différents, et pour chacun des quatre marchés, s'explique par le fait que ces offres ont été recopiées sur les documents élaborés par le groupement qui allait être désigné attributaire, donc antérieurement à la remise des offres ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Cegelec, sa participation active à l'entente dénoncée est établie par les déclarations de M. Patrick Cavagné, ancien directeur technique de la société Giesper, selon lesquelles une étude conjointe avait été menée avec la société Cegelec pour les marchés de Saint-Martin-du-Touch ; que cette étude ne pouvait, en effet, se limiter à des questions techniques, mais devait également porter sur les prix, dès lors que, entreprise de dimension nationale, la société Cegelec faisait partie d'un groupement dont le mandataire était la société Giesper, société de dimension modeste, qui ne pouvait engager à elle seule l'ensemble du groupement sur les prix ; qu'à supposer que des études relatives aux marchés de Saint-Martin-du-Touch aient été effectuées mais n'aient pas été conservées par la société Cegelec, celle-ci pouvait en rechercher les auteurs ;
Considérant, en troisième lieu, que, si la société Giesper soutient avoir déposé une offre sérieuse qui ne pouvait être moins élevée en raison des prix proposés par les fournisseurs et du risque financier inhérent à l'importance du chantier et si elle a produit a posteriori des études et devis à l'appui de ses dires, il convient d'observer que le montant d'un des devis ainsi produits est inférieur à celui des offres déposées ; qu'au surplus, cette société avait, lors de l'instruction, justifié l'absence de toute étude ou devis en affirmant ne pas les avoir conservés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'élaboration, par les six entreprises membres du groupement attributaire des marchés, de détails estimatifs correspondant aux offres du groupement "concurrent" constitué par les sociétés Giesper, Cegelec et Sesen, l'absence de documents d'étude des marchés au siège de ces dernières entreprises et le niveau élevé des offres présentées, de 12 à 17 % supérieures aux offres moins-disantes, constituent un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants établissant l'existence d'une pratique d'offre de couverture ; qu'une telle pratique, mise en œuvre par les sociétés Sogea Midi-Pyrénées, Devin Lemarchand, La Garonne, Sopreco, Copyca, Socat, Giesper et Cegelec, avait pour objet, pouvait avoir pour effet et a eu pour effet de faire obstacle au libre jeu du marché ; qu'elle est donc prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que MM. Simon et Patrick Sesen ont indiqué qu'ils n'avaient effectué aucune étude particulière en ce qui concerne les marchés de Saint-Martin-du-Touch et s'en étaient remis au mandataire du groupement pour la préparation des réponses aux appels d'offres ; que M. Patrick Cavagné, ancien directeur technique de la société Giesper, a confirmé que l'étude avait été "réalisée conjointement avec l'entreprise Cegelec" ; que les éléments recueillis au cours de l'instruction sont insuffisants à établir la participation de la société Sesen à la pratique d'offre de couverture ci-dessus analysée ;
En ce qui concerne les pratiques concertées lors du marché de Lamasquère :
Considérant que le groupement des sociétés Devin Lemarchand, Roumegoux et Sesen s'est trouvé moins-disant lors de l'ouverture des plis du marché de Lamasquère après que les sociétés Giesper et Ramos ont retiré chacune son offre, la veille et le jour de l'ouverture des plis, la société Ramos ayant eu des contacts avec le groupement piloté par la société Giesper dans les marchés de Saint-Martin-du-Touch sans finalement y participer ; qu'aucune étude concernant le marché de Lamasquère n'a pu être présentée par la société Giesper ; que l'intérêt des signataires du protocole d'accord du 8 août 1990 était que le groupement des sociétés Devin Lemarchand, Sesen et Roumegoux emporte le marché de Lamasquère pour ne pas avoir à céder une part des travaux de Saint-Martin-du-Touch à la société Roumegoux ; que, de son côté, la société Sesen s'était engagée à ne pas participer aux travaux de Lamasquère si le groupement auquel elle s'était associée était désigné attributaire ;
Considérant que les sociétés Sogea Sud-Ouest, La Garonne et Sopreco font valoir que le protocole d'accord du 8 août 1990 serait un simple accord de répartition des travaux limité aux marchés de la ZAC de Saint-Martin-du-Touch au sein du groupement formé par les entreprises signataires, sans corrélation avec le marché de Lamasquère ; que les sociétés Sogea Sud-Ouest et Giesper justifient la clause accordant à l'entreprise Roumegoux un volume de 300 000 francs HT de travaux "dans le cas où celle-ci ne pourrait travailler sur Lamasquère" par l'incapacité de cette entreprise d'être présente sur les deux chantiers pour lesquels elle avait soumissionné ; que les sociétés Sogea Sud-Ouest et SAE estiment que le protocole d'accord exprimait le souci des partenaires de la société Roumegoux "de ne pas l'oublier" et de lui assurer un volume de travaux ;
Mais considérant que le protocole d'accord ne saurait être regardé comme une simple opération de répartition des travaux de la ZAC Saint-Martin-du-Touch entre les membres d'un groupement soumissionnaire dès lors que les modalités d'application concernant l'un de ces membres, la société Roumegoux, qui n'est pas signataire du document, ont été arrêtées sans que celle-ci en soit informée, la communication lui en ayant été faite par la société La Garonne par courrier du 14 novembre 1990, postérieur à l'ouverture du chantier ; qu'en excluant la société Roumegoux du chantier de Saint-Martin-du-Touch au cas où elle serait désignée attributaire du marché de Lamasquère ou, dans le cas contraire, en l'intégrant au groupement en qualité de sous-traitant exécutant des travaux dévolus à d'autres entreprises, et non en qualité de soumissionnaire à part entière comme initialement prévu, le protocole d'accord du 8 août 1990 établit un lien de compensation entre les marchés de Saint-Martin-du-Touch et Lamasquère ; qu'à cet égard, si la SAE soutient que le lien entre les marchés de Saint-Martin-du-Touch et Lamasquère serait exclusivement technique et résulterait de la spécialisation de la société Roumegoux dans les travaux de voirie ainsi que de sa taille rendant impossible sa double participation aux différents marchés, il résulte de l'instruction que l'enveloppe financière de 300 000 francs de travaux proposés à la société Roumegoux en cas de perte du marché de Lamasquère ne se limitait pas à des travaux annexes de voirie mais prévoyait une participation à la pose des collecteurs prise sur la part que les six autres entreprises s'étaient attribuée dans le cadre du protocole ; que, d'ailleurs, la société Sogea Sud-Ouest avance que la société Roumegoux aurait, en tout état de cause, réalisé à Saint-Martin-du-Touch les travaux de voirie initialement prévus dans l'offre pour le quatrième marché pour un montant de 49 900 francs HT si elle avait obtenu le marché de Lamasquère ; qu'enfin, la circonstance que la société Roumegoux se soit exclue elle-même ultérieurement du marché de Saint-Martin-du-Touch en ignorant les réunions de chantier puis ait réalisé en fin de chantier des travaux supplémentaires de voirie en dehors du cadre du marché est sans incidence sur la qualification des pratiques constatées ;
Considérant que les sociétés La Garonne, SAE, Cegelec et Giesper contestent la possibilité d'une coordination, pour le marché de Lamasquère, des retraits des sociétés Giesper et Ramos ; que les sociétés La Garonne et Cegelec estiment, en particulier, que le dépôt de 17 candidatures lors de l'appel d'offres de Lamasquère rendait impossible une entente entre les neuf entreprises mises en cause ; que les sociétés SAE, Cegelec et Giesper font valoir que ces entreprises ne pouvaient prévoir l'élimination par la commission d'ouverture des plis des sociétés STP et TNT en raison de l'insuffisance de leurs capacités techniques et humaines ;
Mais considérant que les neuf entreprises en cause étaient les plus représentatives du secteur dans la zone concernée et que, dès lors, la mise en place d'une concertation n'appelait pas nécessairement la participation de tous les soumissionnaires ; que, par ailleurs, le fait que les sociétés STP et TNT étaient des entreprises de taille modeste pouvait conduire à prévoir que celles-ci ne soumissionneraient pas à un marché excédant leurs capacités ;
Considérant que la société Giesper, arrivée en troisième position, soutient qu'elle a retiré son offre pour le marché de Lamasquère parce qu'elle ne pouvait honorer le rabais de 21,5 % proposé ; qu'elle a produit une étude tendant à démontrer qu'elle était dans l'obligation de limiter ses propositions à un rabais de 12 % ; que le directeur technique de l'entreprise à l'époque des faits a soutenu que le retrait de l'offre serait intervenu lorsqu'il avait constaté, tardivement à son retour de congé, des erreurs qu'elle contenait, commises par le bureau d'études ; qu'il est encore prétendu que la société Giesper n'aurait tiré aucun profit d'un retrait de son offre ;
Mais considérant qu'aucune étude relative au marché de Lamasquère n'avait pu être présentée par l'entreprise au cours de l'instruction ; que l'offre de la société Giesper avait été signée par son directeur technique lui-même, qui supervisait les études et les travaux, le 7 août 1990 ; que ce dernier n'a pris de congé annuel dans la période considérée que du 13 au 17 août tandis que le retrait de l'offre est intervenu la veille de l'ouverture des plis, le 4 septembre 1990 ; qu'il est constant que la société a participé au dépôt d'offres de couvertures pour les marchés de Saint-Martin-du-Touch sans contrepartie apparente ; qu'en tout état de cause, peu important l'existence ou non d'une contrepartie, les éléments ci-dessus rappelés constituent un faisceau d'indices établissant que la société Giesper s'est retirée pour permettre au groupement constitué par les sociétés Devin Lemarchand, Sesen et Roumegoux d'apparaître le moins-disant ; qu'une telle pratique avait pour objet et pouvait avoir pour effet de limiter l'exercice de la concurrence ; qu'elle est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que, si la mention rayée du nom de la société Ramos sur les quatre enveloppes contenant les offres du groupement des sociétés Giesper, Cegelec et Sesen pour les marchés de Saint-Martin-du-Touch, auxquels elle n'a pas participé, laisse penser qu'elle a eu des contacts avec certains soumissionnaires, l'instruction n'a pas établi que ces contacts seraient en relation avec le retrait, par lettre du 5 septembre 1990, de sa proposition pour le marché de Lamasquère ;
Considérant qu'aucun indice matériel direct d'échanges d'informations sur les prix pour le marché de Lamasquère ne figure au dossier, s'agissant des sociétés Cegelec, Sogea, La Garonne et Sopreco qui ont soumissionné à la fois à ce marché et à ceux de Saint-Martin-du-Touch ; que le fait que ces soumissionnaires communs ont tous proposé, pour le marché de Lamasquère, des prix supérieurs à ceux du groupement des sociétés Devin Lemarchand, Roumegoux et Sesen et qu'aucun n'a pu présenter d'étude relative à ce marché est insuffisant à caractériser une pratique concertée anticoncurrentielle ;
Considérant que la société Sesen soutient que sa participation au marché de Lamasquère n'était pas fictive et que, si elle s'était engagée à ne pas effectuer de travaux si le groupement était adjudicataire, cette participation consistait à être prête à exécuter des travaux en cas de défaillance d'un autre membre du groupement ; que le caractère formel, ou conditionnel, de son intégration au groupement dont le mandataire était la société Devin Lemarchand ne constitue pas en soi une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, bien qu'il ne soit pas contesté qu'il n'ait pas été porté à la connaissance du maître d'ouvrage ;
Sur l'imputabilité des pratiques :
Considérant que la SAE fait valoir que, lorsqu'elle a absorbé la société Devin Lemarchand Environnement (DLE), le 27 décembre 1995, cette société avait vendu depuis le 1er août 1993 à la société SCR la totalité des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, y compris les archives de son établissement de Toulouse-Montastruc, "devenu", à l'occasion de cette cession, la société Devin Lemarchand Midi-Pyrénées (DLMP) ; que, par actes du 29 juin 1995, la totalité des parts de la société DLMP ont été cédées à la Société de participation industrielle et de travaux publics et à la Société roqueserieroise d'investissement et de travaux publics et qu'enfin, à compter du 15 janvier 1996, la société DLMP a pris le nom de Société de canalisations et de travaux publics Midi-Pyrénées (Scam Travaux publics) ; qu'en outre, M. Albert, ancien chef de l'établissement toulousain de la société DLE, a continué à diriger les sociétés DLMP puis Scam Travaux Publics ; que, dès lors, l'établissement toulousain de la société DLE, qui constituait une entreprise autonome et à partir duquel ont été commises les pratiques concernées, ayant fait l'objet successivement de deux cessions sans que la personne dirigeante, les salariés, le matériel, les locaux d'exploitation et l'activité n'aient changé, les éléments matériels et humains ayant concouru à l'infraction supposée ne se seraient pas poursuivis au sein de la SAE mais à travers les sociétés DLMP et Scam Travaux Publics, qui lui sont étrangères ; que la Scam Travaux Publics soutient, pour sa part, qu'au moment des faits incriminés, la SAE possédait 99 % du capital social de la société Devin Lemarchand, en contrôlait nécessairement l'organisation et la gestion, et que les deux sociétés formaient une seule entité économique entraînant de plein droit une responsabilité de la société mère pour les agissements de sa filiale ; que le critère de la transmission des moyens matériels et humains ne doit être pris en considération qu'à titre subsidiaire, en cas de disparition de l' entreprise originellement responsable ou de la personne morale qui en a assuré la continuité ; qu'enfin, le fonds de commerce exploité par la Scam Travaux Publics différerait en tout état de cause de celui exploité par l'ancien établissement toulousain de la société Devin Lemarchand dans la mesure où la SCR Troyes y a transféré son exploitation après l'acquisition de cet établissement ;
Considérant que la SAE ne conteste pas qu'à la date des faits en cause M. Albert était un cadre salarié, donc subordonné, de la société Devin Lemarchand ; que le registre du commerce et des sociétés indique que le fonds de commerce de Toulouse-Montastruc était exploité par la société Devin Lemarchand sous la forme d'un établissement secondaire dépourvu de personnalité morale et, d'ailleurs, de fondé de pouvoir ; que cet établissement secondaire de la société Devin Lemarchand était une agence qui ne disposait d'aucune autonomie financière ; que la société Devin Lemarchand, devenue Devin Lemarchand Environnement, n'a pas disparu lors de la cession de l'établissement en cause, qui ne peut être regardée que comme une cession partielle d'activité, et que sa personnalité s'est fondue dans la société SAE lorsque cette dernière l'a absorbée; que, dès lors, la cession par la société Devin Lemarchand Environnement, avant son absorption, de l'établissement de Toulouse-Montastruc est sans influence sur le transfert de la responsabilité à la SAE; qu'en effet, la continuité économique et fonctionnelle d'une entreprise au travers de ses éléments matériels et humains ayant concouru à l'infraction ne doit être recherchée que dans le cas où la personne morale, support juridique de l'entreprise ayant commis l'infraction, a disparu; que la SAE, même si elle n'a pu disposer des archives de l'agence toulousaine de la société Devin Lemarchand, a été en mesure d'assurer sa défense dans la présente procédure en consultant le dossier sur lequel ont été fondés les griefs; qu'en conséquence c'est à bon droit que ces derniers ont été notifiés à la société SAE, qui vient aux droits et obligations de la société Devin Lemarchand;
Considérant que la société Sogea Midi-Pyrénées, soumissionnaire aux marchés de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère en 1990, a été absorbée en 1991 par la SNC Sogea Sud-Ouest ; que cette dernière vient aux droits et obligations de la société Sogea Midi-Pyrénées ;
Considérant que, contrairement aux affirmations de la société Sopreco, sa responsabilité ne saurait être dégagée par le seul fait qu'elle aurait abandonné son activité de canalisations ;
Sur les sanctions,
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence "peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos..." ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanctions à l'encontre de la société Copyca qui a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 12 avril 1996 ;
Considérant que, pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il convient de prendre en compte que les travaux de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère se sont élevés à près de 18 millions de francs au total, représentant en 1990, année de la commission des faits, 22 % en valeur des marchés de canalisations de l'agglomération toulousaine et 27 % de ceux de ces marchés d'au moins un million de francs ;
Considérant que la gravité des pratiques en cause résulte du nombre et du pouvoir d'influence des entreprises qui se sont concertées ou ont échangé des informations à propos des marchés de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère ; qu'en particulier, les entreprises appartenant à un groupe d'importance nationale ne pouvaient ignorer la gravité des pratiques ayant pour objet de fausser le jeu de la concurrence ni le risque de sanctions qu'elles encouraient ; que ces pratiques dépassent le simple enjeu des marchés sur lesquels elles ont été constatées ; qu'au contraire de ce que soutiennent les sociétés SAE, Giesper et Socat, ces pratiques pouvaient avoir un effet sur les marchés concernés, et en ont eu un, même si les travaux ont pu être réalisés sans retard ; que ces pratiques ont, en effet, faussé le jeu de la concurrence non seulement entre les entreprises qui se sont concertées ou ont échangé des informations, mais également vis-à-vis des autres soumissionnaires ;
Considérant que la société Sogea Sud-Ouest soutient que le chiffre d'affaires à retenir pour calculer les sanctions qui pourraient lui être infligées est, d'une part, celui de son agence de Toulouse au sein duquel la société Sogea Midi-Pyrénées, absorbée par la société Sogea Sud-Ouest, aurait subsisté dans ses moyens matériels et humains, d'autre part, celui de sa seule activité "travaux publics canalisations" qui disposerait de techniques, matériels et personnel propres et spécialisés ; que la société Socat invoque que l'assiette des sanctions éventuelles ne correspond plus à la réalité de l'entreprise à la date des faits reprochés ;
Mais considérant que, dès lors que les faits litigieux sont postérieurs à la publication de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aucune distinction ne doit être opérée en fonction du secteur d'activité, ainsi qu'en a décidé la Cour de cassation dans deux arrêts du 3 mai 1995 et du 12 mars 1996, pour apprécier le montant maximum de cette sanction qui ne peut excéder 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, en application de l'article 13 de l'ordonnance précitée ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Sogea Sud-Ouest en 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 399 793 434 francs et son bénéfice à 15 597 401 francs ; que la société Sogea Midi-Pyrénées, qui appartenait à un groupe d'importance nationale et aux droits et obligations de laquelle vient la société Sogea Sud-Ouest, s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 400 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la Société auxiliaire d'entreprises en 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 61 277 777 francs et son bénéfice, pour sa seule activité en France, à 127 378 947 francs ; que la société Devin Lemarchand, aux droits et obligations de laquelle vient la Société auxiliaire d'entreprises, s'est livrée à des pratiques anticoncurrentielles à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Cegelec en 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 8 123 000 000 francs et son bénéfice à 759 000 000 francs ; que cette société, de dimension nationale, s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 2 000 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société La Garonne au cours de l'exercice clos du 31 mars 1998, dernier exercice connu, s'est élevé à 20 561 009 francs et son bénéfice à 1 267 133 francs ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Sopreco en 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 43 106 219 francs et son bénéfice à 863 780 francs ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Giesper au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 53 902 491 francs et son bénéfice à 281 236 francs ; que cette société s'est livrée à des pratiques anticoncurrentielles à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch et de Lamasquère ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relévés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 200 000 francs ;
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Socat en 1997, dernier exercice connu, s'est élevé à 13 304 237 francs et sa perte à 1 480 563 francs ; que cette société s'est livrée à une pratique anticoncurrentielle à l'occasion des marchés de Saint-Martin-du-Touch ; qu'au regard des éléments généraux et particuliers relevés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 50 000 francs,
Décide :
Art. 1er. - Il est établi que les sociétés Copyca, Sogea Midi-Pyrénées (aux droits de laquelle vient la société Sogea Sud-Ouest), Devin Lemarchand (aux droits de laquelle vient la Société auxiliaire d'entreprises), Cegelec, La Garonne, Sopreco, Giesper et Socat ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Art. 2. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
400 000 francs à la société Sogea Sud-Ouest ;
200 000 francs à la Société auxiliaire d'entreprises ;
2 000 000 francs à la société Cegelec ;
100 000 francs à la société La Garonne ;
50 000 francs à la société Sopreco ;
200 000 francs à la société Giesper ;
50 000 francs à la société Socat.