CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 1 décembre 1995, n° ECOC9510417X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Lesieur, Cuisines Pyramides (SCP)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Feuillard
Avocat général :
M. Jobard
Conseillers :
Mmes Kamara, Renard-Payen
Avoués :
SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Fanet
Avocats :
Mes Rabetrano, Simonet, Bernard.
Saisi, le 10 février 1994, par M. Hubert Lesieur des pratiques des sociétés Plus international, Euroform et des Cuisines Pyramides (anciennement Ranger), avec demande de mesures conservatoires à l'encontre de cette dernière, le Conseil de la concurrence, par la décision n° 95-D-24 du 29 mars 1995, a rejeté la saisine ainsi que la demande de mesures conservatoires.
Le conseil a relevé que le requérant avait cessé toute activité commerciale à la suite de la liquidation judiciaire, le 17 janvier 1992, de la société Cuisines et Bains de l'Isère (CBI) qu'il avait créée en 1987 et n'avait donc plus qualité pour le saisir.
M. Lesieur a formé contre cette décision un recours en annulation, subsidiairement en réformation, et soutient que la société dont il était le dirigeant n'a pas été rayée du registre du commerce et des sociétés et que la garantie à première demande que la société Ranger lui a imposée a été motivée par les " besoins pressants " de son entreprise. Il affirme qu'il a intérêt à agir puisqu'il est en mesure d'établir que des pratiques anti-concurrentielles sont imputables à la société Ranger qui a constitué une entente illicite avec les sociétés Plus international et Euroform, les trois sociétés ayant abusivement exploité l'état de dépendance économique des entreprises franchisées, au nombre desquelles la société CBI, qui ne disposaient pas de solution équivalente. Il précise que, par le biais de la garantie à première demande, la société Ranger lui réclame 1 MF.
En définitive, il sollicite des mesures conservatoires à l'égard de la société Ranger " visant à ce que celle-ci ne puisse réclamer l'exécution de la garantie selon les termes de l'arrêt (d'une cour d'appel) en date du 12 janvier 1994 qui ne tenait pas compte alors de l'existence d'une collusion frauduleuse à l'encontre (du requérant) ".
La société des Cuisines Pyramides SCP conclut à la confirmation de la décision et réclame 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 10 000 F au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.
Le ministre de l'économie et des finances observe que la qualité pour agir doit s'apprécier à la date de l'introduction de la demande et non au moment du trouble allégué et demande à la cour de confirmer la décision du conseil.
Le Conseil de la concurrence a fait connaître qu'il n'entendait pas user de la faculté de présenter des observations écrites.
M. Lesieur a répliqué en demandant le bénéfice de ses précédentes conclusions.
Le ministère public a conclu oralement à l'irrecevabilité du recours, en tout état de cause à son rejet ;
Sur quoi, LA COUR :
Considérant qu'il est constant, ainsi que son conseil l'a confirmé à l'audience de la cour, que M. Lesieur a saisi le Conseil de la concurrence en son nom personnel, qualité en laquelle il a formé son recours ;
Qu'il est encore constant queM. Lesieur n'a pas exercé en nom propre une activité commerciale et ne peut donc être regardé comme une entreprise au sens de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que,à supposer qu'il ait entendu saisir le conseil en son ancienne qualité de gérant de la société CBI, il est devenu sans qualité à agir depuis la liquidation judiciaire de cette société, laquelle s'est ainsi trouvée dessaisie de l'administration et de la disposition de ses droits et actions patrimoniaux en application de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, peu important que sa radiation du RCS ne soit pas encore intervenue ;
Considérant qu'il est à peine besoin de relever que la cour, encore moins le conseil ne sont pas juges de l'exécution de l'arrêt rendu le 12 janvier 1994 par une cour d'appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si le recours de M. Lesieur est recevable, sa saisine du conseil et ses demandes étaient irrecevables ;
Que son recours sera donc rejeté ;
Considérant que M. Lesieur ne pouvait ignorer le caractère manifestement abusif de son recours alors que l'irrecevabilité de sa saisine du conseil résultait des motifs de la décision qu'il critique vainement ;
Qu'il y a lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts de la société des Cuisines Pyramides, l'article 559 NCPC étant applicable devant la cour statuant sur recours contre une décision du Conseil de la concurrence ;
Considérant encore que la demande d'indemnité de procédure de cette société sera accueillie pour le montant réclamé puisqu'il serait inéquitable de lui laisser la charge de ses frais exclus des dépens ;
Par ces motifs : Déclare recevable le recours formé par M. Hubert Lesieur ; Rejette ce recours ; Condamne M. Lesieur à payer à la société des Cuisines Pyramida 10 000 F à titre de dommages-intérêts et encore 10 000 F par application de l'article 700 NCPC ; Le condamne aux dépens.