Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 13 juillet 2000, n° 2000-12708

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Télécom (SA), France Télécom Mobiles Services (SA), France Télécom Mobiles Distribution (SA)

Défendeur :

Wappup.com (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. Andre, Mme Sem

Avoués :

Me Baufume, SCP Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau, SCP Valdelièvre-Garnier, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Potot, Lucas de Leyssac, Amado, Olivier, Leguevaques, de Langle

CA Paris n° 2000-12708

13 juillet 2000

LA COUR est saisie de l'appel, déclaré le 15 juin 2000 de l'ordonnance rendue, le 30 mai 2000, par la formation collégiale du Tribunal de commerce de Paris, statuant en référé.

L'objet du litige porte principalement sur la demande de la SA Wappup.com dirigée contre les SA France Télécom, France Télécom Mobiles Services (FTMS), France Télécom Mobiles Distribution (FTMD) tendant à interdire, sous astreinte de 1 500 F par téléphone, la commercialisation de téléphones mobiles, dotés de la technologie Wap, verrouillés, le verrouillage s'entendant de la triple impossibilité d'accéder au menu paramétrage du fournisseur d'accès Internet mobile, de modifier ce paramétrage à l'aide de quelques manœuvres simples, ou de procéder au paramétrage au moyen de la technologie OTA ou de toute autre technologie équivalente.

Le Premier Juge a statué ainsi qu'il suit :

- Dit recevable l'action engagée par la société Wappup.com,

- Débouté la société Wappup.com de ses demandes, à l'encontre des société Motorola, Alcatel Mobile Phones, Sagem, Mitsubishi Electric France, et Fnac et l'a condamnée à payer à chacune d'entre elles 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- Débouté la société Wappup.com de ses demandes à l'encontre de la société The Phone House,

- Dit hors de cause la société France Télécom Multimédia Services,

- Vu l'article 873 alinéa 1 du NCPC et l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- Fait interdiction, sous astreinte de 500 F par infraction constatée à compter du 13 juin 2000 à France Télécom, France Télécom Mobiles Services et France Télécom Mobiles Distribution de commercialiser des téléphones mobiles qui, d'une part, n'indiqueraient pas clairement la préprogrammation du numéro du fournisseur d'accès Internet de France Télécom et, d'autre part, ne comporteraient pas la possibilité, clairement indiquée, de remplacer ce numéro par celui d'un autre fournisseur d'accès Internet au gré de l'utilisateur moyennant quelques manœuvres simples,

- Dit que cette interdiction prendra fin le 30 septembre 2000,

- Dit que nous nous réservons expressément la liquidation éventuelle de l'astreinte,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Sur l'appel de la SA France Télécom du 15 juin 2000 (procédure 2000-12708), dirigée contre la société Wappup.com, cette dernière, avant que la cour n'ait été saisie, sur le fondement des dispositions de l'article 924 du NCPC, a obtenu du Premier Président l'autorisation d'assigner pour le 6 juillet 2000, les sociétés France Télécom, FTMS et FTMD, à l'encontre desquelles elle formait appels incident et provoqués (procédure 2000-12809).

En l'état des écritures, la cour est saisie des demandes suivantes :

Pour la SA France Télécom, appelante à titre principal, intimée incidemment :

- Il plaira à la cour de :

- Dire la société France Télécom recevable et bien fondée en son appel,

- Dire et juger n 'y avoir lieu à référé,

- Subsidiairement, débouter la société Wappup. Com de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- A titre infiniment subsidiaire, donner acte à France Télécom de ce qu'elle s'engage à maintenir, jusqu'au prononcé d'une décision au fond définitive commune à tous les opérateurs offrant une offre Internet mobile WAP, les mesures conservatoires ordonnées par le jugement en forme de référé rendu le 30 mai 2000 par le Tribunal de commerce de Paris,

- En tout état de cause :

- Condamner la société Wappup.com à payer à la société France Télécom la somme de 200 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- La condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Baufume, avoué, admis à se prévaloir de l'article 699 du NCPC.

Pour la SA Wappup.com, intimée à titre principal, appelante incidemment :

- Vu les articles 917 et 922 du NCPC,

- Vu les articles 7, 8-1 et 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- Vu l'article L. 122-1 du Code de la consommation,

- Vu le cahier de France Télécom homologué par décret du 16 décembre 1998,

- Vu les pièces annexées,

- Déclarer la société Wappup. Com recevable et bien fondée en son appel incident et provoqué,

- Y faisant droit,

- Constater que France Télécom occupe une position dominante sur le marché français de la téléphonie mobile,

- Constater que la commercialisation par France Télécom de ses téléphones "waplockés" est constitutive d'un élargissement de la position dominante de France Télécom sur le marché du portable donnant accès à l'Internet mobile et aux services connexes,

- Constater que cette commercialisation par France Télécom est constitutive d'un abus de position dominante, un abus de dépendance économique, voire d'une entente, et d'une vente jumelée,

- Constater que France Télécom ne respecte pas son cahier des charges d'opérateur de télécommunication de téléphones mobiles,

En conséquence,

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a décidé qu'il convenait de faire cesser, à bref délai, l'action de France Télécom et de ses filiales "qui peut avoir pour effet, au vu de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de troubler le bon service de la concurrence dans le domaine de la fourniture d'accès au réseau Internet au moyen de téléphones mobiles" trouble qualifié de "manifestement illicite",

- L'infirmer en ce qu'elle a fixé l'astreinte à 500 F, limité l'interdiction sous certaines conditions et pour une durée déterminée,

- et, statuant à nouveau :

- Faire interdiction, sous astreinte de 1 500 F par téléphone vendu à compter du 13 juin 2000 à France Télécom, France Télécom Mobiles Services et France Télécom Mobiles Distribution de commercialiser des téléphones WAP verrouillés, étant précisé que le verrouillage s'entend notamment de l'impossibilité d'accéder au menu "paramétrage" du fournisseur d'accès Internet mobile dans le logiciel de navigation et/ou de l'impossibilité de modifier par quelques manœuvres simples les paramètres de connexion à l'Internet mobile (notamment numéro d'appel du fournisseur d'accès, n° IP, URL du portable) et/ou de rendre impossible ou difficile le paramétrage du téléphone au moyen de la technologie "OTA (over the air)" ou de toute technologie équivalente,

- Maintenir la mesure d'interdiction de commercialiser les téléphones WAP verrouillés jusqu'à ce que la décision du Conseil de la concurrence sur le fond du litige ait un caractère définitif et soit insusceptible de voies de recours ordinaires ou extraordinaires par l'une ou l'autre des parties,

- Condamner France Télécom à payer à Wappup.com la somme de 250 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi que les entiers dépens d'appel.

Pour la SA FTMS, intimée provoquée, appelante incidemment :

Il est demandé à la cour de :

Vu les articles 872 et 873 du NCPC,

Vu les jugements en forme de référés rendus par le Tribunal de commerce de Paris en date des 30 mai 2000 et 29 juin 2000,

1) recevoir la société FTMS en son appel incident,

2) constater qu'il n 'existe aucun abus de position dominante, ni d'entente ou d'abus de dépendance économique ni de vente jumelée et dire et juger qu'il n'existe ni urgence, ni dommage imminent, trouble manifestement illicite,

Ce faisant,

3) dire n'y avoir lieu à référé et infirmer en conséquence, en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 30 mai 2000 par le tribunal de commerce statuant sous la forme des référés,

A titre subsidiaire, et en tout état de cause,

4) rejeter la société Wappup.com en ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter,

5) dire et juger que toute mesure provisoire qui serait prise par le tribunal créerait un trouble manifeste pour la concluante qui ne pourrait plus distribuer les abonnements Itineris utilisant la technologie WAP et perdrait ainsi la confiance de ses distributeurs outre de nombreuses parts de marché,

6) dire et juger que la société FTMS a parfaitement respecté les termes de l'ordonnance rendue le 30 mai 2000 par le Tribunal de commerce de Paris statuant en la forme des référés,

7) condamner la société Wappup.com à payer à la société FTMS la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du NCPC,

8) condamner la société Wappup.com aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour la SA IFTMD intimée provoquée, appelante incidemment :

Il est demandé à la cour de :

Vu les articles 872 et 873 du NCPC,

Vu les jugements en forme de référés rendus par le Tribunal de commerce de Paris en date des 30 mai 2000 et 29 juin 2000,

- Dire et juger la société Wappup.com mal fondée en son appel provoqué,

- La débouter de ses demandes, fins et prétentions,

- La condamner au paiement d'une somme de 50 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties se réfère à l'ordonnance et aux conclusions des parties échangées en appel

Il suffit de rappeler ce qui suit :

Depuis le 17 mai 2000 la SA France Télécom a développé son offre de téléphones mobiles, permettant l'accès à l'aide d'un terminal mobile utilisant la technologie WAP d'accéder au réseau Internet. A cet effet, elle a commandé à divers fournisseurs plusieurs millions de téléphones mobiles préprogrammés sur le site WAP Itineris qu'elle commercialise, proposés à la clientèle sous un coffret OLA contenant un téléphone Atrium de construction et de marque Mitsubishi, dont la SA France Télécom soutient qu'ils ne disposent pas de la technologie OTA permettant le paramétrage à distance que seuls exploiteraient les constructeurs Nokia et Ericsson. A partir de ce site Wap Itineris les abonnés ont la possibilité d'accéder à différents sites Internet.

La SA FTMD anime les réseaux de distribution et de vente de matériel de téléphonie mobile de la SA France Télécom tandis que la SA FTMS commercialise les abonnements au service radiotéléphonie de la SA France Télécom sous la marque Itineris par l'intermédiaire de distributeurs.

La SA Wappup.com qui s'est constituée au début de l'année 2000, indique qu'elle a conçu un portail Internet multi-accès dynamique accessible à partir d'un portable utilisant la technologie WAP à l'aide d'une passerelle totalement indépendante des opérateurs.

Se prévalant d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent, la SA Wappup.com, dûment autorisée à cette fin, a assigné en référé pour le 23 mai 2000, devant le Président du Tribunal de commerce de Paris, les SA France Télécom, SA FTMS, SA FTMD, différents fabricants, fournisseurs et distributeurs, aux fins principalement d'obtenir l'interdiction de la commercialisation de postes téléphoniques paramétrés et verrouillés.

Après que le premier juge se soit prononcé, la SA Wappup.com se prévalant de l'inexécution des mesures ordonnées par les SA France Télécom, SA FTMS et SA FTMD a saisi le Tribunal de commerce de Paris, dans sa formation collégiale statuant en référé, de la liquidation de l'astreinte, qui, par décision du 29 juin 2000, l'en a déboutée.

Sur ce,

Considérant qu'il y a lieu de joindre les deux procédures qui concernent une même ordonnance et de statuer par un même arrêt en raison du lien évident de connexité qui les unit ;

Considérant que, pour critiquer l'ordonnance la SA France Télécom prétend, en premier lieu, que la SA Wappup.com, n'aurait pas justifié d'un intérêt à agir à la date du 16 mai 2000 qui est celle de l'assignation qu'elle avait délivrée, en faisant valoir d'une part, qu'à cette date, elle n'aurait eu ni site Internet ni site WAP, d'autre part, que ses appréciations personnelles quant à son business model ou son objectif de valorisation seraient totalement étrangères à un quelconque dommage imminent ou trouble manifestement illicite, et, enfin, qu'alors qu'elle se prévalait d'une décision à venir au fond des autorités chargées de régulation et de concurrence elle n'avait pas justifié de la saisine, dès l'assignation, de ces autorités ;

Mais considérant que cette argumentation est dénuée de toute portée dès lors, d'une part, qu'il ressort des statuts déposés le 14 février 2000 par la SA Wappup.com qu'elle avait notamment pour objet la création, le développement et la commercialisation de sites et services ayant vocation à être accessibles à partir de tout équipement et qu'elle se trouvait donc potentiellement en concurrence avec l'activité litigieuse, d'autre part, qu'il résulte d'une lettre du 30 avril 2000 qu'elle avait saisi, à cette date, l'Autorité de Régulation des Télécommunications, de troisième part que la SA Wappup.com qui justifie avoir également formé un recours devant le Conseil de la concurrence a déclaré, sans être utilement contredite avoir saisi ce conseil le 13 mai 2000 qui a convoqué le 22 juin 2000 pour audition la SA France Télécom et, enfin, que les pouvoirs du Conseil de la concurrence, par application de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne font pas obstacle à ceux généraux que le juge des référés tient des articles 872 et 873 du NCPC;

Considérant que, sur l'appel provoqué dont elles sont l'objet, les SA FMTS et FTMD se prévalent de ce que la SA Wappup.com n'aurait justifié d'aucune urgence, ni péril tandis que la première prétend, en outre, qu'il existerait de nombreuses contestations sérieuses tant sur l'interprétation des applications techniques que dans l'analyse des relations commerciales et des infractions soulevées ;

Mais considérant que cette argumentation est vaine dès lors, d'une part, que l'urgence n'est pas une condition d'exercice de l'action sur le fondement de l'article 873 du NCPC que seul invoque la SA Wappup.com, d'autre part, que l'ordonnance du Premier Président autorisant la saisine de la cour à jour fixe, au vu du péril invoqué, échappe au contrôle de la cour d'appel, et enfin, que le juge des référés sur le fondement de cet article peut se prononcer et exercer les pouvoirs que ce texte lui reconnaît, même en présence d'une contestation sérieuse ;

Considérant que, pour critiquer l'ordonnance et soutenir qu'il n'y aurait lieu à référé, la SA France Télécom prétend encore, en substance, que l'offre de postes préprogrammés dotés de la technologie WAP assure au consommateur sa liberté de choix puisqu'elle lui permet l'accès à un bouquet de services, une liberté de navigation, que cette préprogrammation est l'unique moyen de contrôler la compatibilité des services qu'elle propose avec les terminaux tandis qu'elle ne commercialise pas de terminaux qui ne soient déverrouillables à première demande, que les griefs d'abus de position dominante sur le marché, de dépendance économique exercée à l'encontre de fournisseurs et de constructeurs, de ventes jumelées imposées à des consommateurs ne seraient pas caractérisés ;

Considérant que la SA FTMS et la SA FTMD développent les mêmes moyens ;

Considérant que, pour solliciter l'interdiction de la commercialisation définie comme la triple impossibilité d'accéder au menu paramétrage du fournisseur d'accès à Internet mobile dans le logiciel de navigation, de modifier par quelques manœuvres simples les paramètres de connexion à l'Internet mobile ou de procéder à ce paramétrage au moyen de la technologie OTA ou de toute autre technologie équivalente, son extension jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence se soit définitivement prononcé par une décision non susceptible de recours, et l'augmentation de l'astreinte, la SA Wappup.com prétend que la SA France Télécom exercerait une position dominante incontestable sur le marché des téléphones mobiles et de l'Internet mobile français métropolitain, que ses agissements caractériseraient un abus de cette position en tentant d'éradiquer toute concurrence et en violant son cahier des charges, que le comportement de cette société serait constitutif d'une entente dont sera saisi le Conseil de la concurrence, le ministère public en première instance, ayant au demeurant justifié l'interdiction de commercialisation par une violation des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que la SA France Télécom tenterait par des moyens déloyaux d'étendre sa position dominante en maintenant les constructeurs dans un état de dépendance économique, en imposant aux consommateurs des ventes jumelées, que l'ensemble de ces agissements seraient constitutifs d'un trouble manifestement illicite et qu'il s'en suivrait que des mesures de protection du marché seraient nécessaires et que celles-ci ne pourraient consister que dans l'interdiction de la commercialisation de téléphones munis de système de blocage et dans l'augmentation de l'astreinte, la SA France Télécom ayant pris un risque calculé en ne respectant pas l'ordonnance rendue ;

Considérant que les pouvoirs du juge des référés pour faire cesser un trouble manifestement illicite impliquent que soient établis l'évidence et le caractère incontestable des griefs invoqués et, notamment, en l'espèce, des pratiques anticoncurrentielles tandis que la nature des mesures conservatoires et de remise en état, et notamment le point de savoir s'il convient d'interdire la commercialisation de tout appareil préparamétré ou seulement d'empêcher celle de ceux dont le paramétrage ne pourrait pas être modifié, qui pourraient, par voie de conséquence, être ordonnées, dépend de l'importance et de la nature des griefs retenus ;

Considérant que la SA Wappup.com n'a pas caractérisé l'évidence de l'abus de position dominante de la SA France Télécom, dès lors, d'une part, qu'à supposer que le marché pertinent soit, comme elle le soutient, celui du marché des téléphones mobiles de la France métropolitaine, en ce qu'il permet sur ces postes, par l'utilisation de la technologie WAP l'accès à des sites Internet pour lequel elle proposerait un service équivalent, il résulte d'une décision du Conseil de la concurrence du 10 mars 1999 que ce marché, en forte croissance, est animé par une vive concurrence qui se traduit par de brusques variations des parts de marché détenues par les trois opérateurs de téléphonie mobile et qu'il n'était pas établi que la SA France Télécom occupait une position dominante sur le marché de la téléphonie mobile, d'autre part, qu'il ressort des éléments statistiques auxquels s'est référée cette décision et de ceux qu'a communiqués la SA Wappup.com, qu'entre le 30 décembre 1998 et le 31 mars 2000, alors que le nombre d'abonnés a quasiment doublé la part de marché de la SA France Télécom a été ramenée de 49,5 % à 48,25 %, le pourcentage des deux autres opérateurs dont l'un était en forte progression atteignant respectivement 35,60 % et 16,15 %, de troisième part, que la SA Wappup.com, si elle s'est référée au seul marché métropolitain français, s'est abstenue d'indiquer en quoi le marché des fournisseurs de matériels ne serait pas mondial, ce qu'a retenu le tribunal, ou simplement plus large et, enfin, qu'il s'ensuit que l'évidence de la position dominante sur le marché n'ayant pas été établie, l'argumentation tirée d'un abus de cette position est dénuée de fondement ;

Considérant qu'est tout aussi vaine l'argumentation tirée d'une entente des diverses sociétés du groupe France Télécom eu égard aux manœuvres exercées pour peser sur les différents intervenants du marché de la télécommunication et de l'Internet mobile constructeurs de téléphones, fournisseurs de services, sites Internet, commerçants en ligne, d'une part, au regard de ce qui a été précédemment indiqué quant à la concurrence vive qui anime le marché litigieux et le caractère mondial de celui des fournisseurs, d'autre part, parce qu'aucun de ces intervenants n'est partie à l'instance devant la cour, ce qui fait obstacle à une appréciation contradictoire sur ce point, et, enfin car devant la cour la SA Wappup.com n'a justifié ni de la saisine du Conseil de la concurrence à cette fin ni d'un quelconque élément matériel, concret, précis et vérifiable, permettant de caractériser une telle entente qui ne saurait, en tout état de cause s'évincer de ses propres affirmations ou de coupures de presse, en sorte que l'évidence d'une entente n'a pas été établie ;

Considérant qu'est tout aussi inopérante l'allégation d'une dépendance économique des fournisseurs à l'égard de la SA France Télécom, d'une part, car une telle allégation n'est développée que pour prétendre que la SA France Télécom tenterait d'étendre sa position dominante par des moyens déloyaux et que l'évidence de cette position dominante comme il a été dit n'a pas été caractérisée, d'autre part, eu égard à ce qu'il a été indiqué sur le marché mondial des fournisseurs, l'absence de ces derniers dans la cause, et le défaut d'élément concret et vérifiable permettant d'établir un tel état de dépendance économique, qui ne saurait s'évincer de l'importance d'une commande à certains fournisseurs, alors qu'il n'est pas discuté utilement que ceux-ci sont confrontés à une concurrence vive à d'autres fabricants tels Nokia ou Ericsson, qui utiliseraient notamment la technologie OTA, dont la SA France Télécom a prétendu, sans être utilement contredite que les postes litigieux étaient dépourvus, en sorte que l'évidence d'une entente n'a pas été plus caractérisée ;

Considérant que la SA Wappub Com prétend encore que la SA France Télécom contreviendrait aux dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation selon lesquelles " il est interdit de refuser au consommateur la vente d'un produit ou la prestation de service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation de service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un autre produit "en faisant valoir, en substance, que la SA France Télécom conditionnerait l'accès à l'Internet mobile au passage obligé par son propre portail qu'elle imposerait donc au consommateur et qu'en verrouillant les postes elle empêcherait le consommateur de pouvoir changer de portail ;

Mais considérant que cette argumentation n'a pas plus de portée, dès lors, d'une part, que la SA France Télécom se limite à facturer la fourniture et l'abonnement du poste téléphonique sans percevoir aucune rémunération pour l'accès au portail Internet qui n'est qu'une faculté pour le consommateur, et, d'autre part, qu'il n'est pas allégué que l'offre de ce service supplémentaire a entraîné un supplément de facturation de la fourniture et de l'abonnement du poste téléphonique, en sorte que l'évidence d'une violation des dispositions précitées n'a pas été caractérisée ;

Considérant cependant qu'au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sont prohibées, comme constitutives d'une pratique anticoncurrentielle, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les conventions, notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence d'autres entreprises ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que la SA France Télécom a commandé à divers fournisseurs plusieurs millions de postes téléphoniques mobiles préprogrammés et verrouillés sur la page d'accueil Internet correspondant au fournisseur d'accès Itineris qui était la voie de passage obligée pour avoir accès à d'autres fournisseurs tandis que n'était indiquée aucune modalité permettant au consommateur de déverrouiller le poste ou d'en modifier la programmation pour utiliser une autre voie d'accès ;

Considérant qu'il est tout aussi constant que l'objet social de la SA Wappup.com est d'offrir une technologie permettant l'accès à d'autres portails et sites Internet ;

Considérant, en outre, que le marché des téléphone mobiles utilisant la technologie WAP est un marché émergeant en rapide évolution mais pour une durée limitée, une nouvelle technologie devant s'y substituer à partir de 2003 ;

Considérant qu'il s'ensuit, et pour les motifs exacts, par ailleurs retenus par le premier juge et que la cour adopte, que les conventions dont il s'agit constituent une pratique anticoncurrentielle au sens de l'ordonnance précitée et, génératrices comme telles d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du NCPC, justifiant que soient prises des mesures conservatoires ou de remises en état ;

Considérant que la SA Wappup.com prétend que l'interdiction, sous astreinte de 500 F par infraction constatée à compter du 13 juin 2000, et jusqu'au 30 septembre 2000, faite à la SA France Télécom et aux sociétés FMTS et FMTD de commercialiser des téléphones mobiles qui, d'une part, n'indiqueraient pas clairement la préprogrammation du numéro du fournisseur d'accès Internet de France Télécom et d'autre part la possibilité, clairement indiquée, de remplacer ce numéro par celui d'un autre fournisseur d'accès Internet au gré de l'utilisateur moyennant quelques manœuvres simples, serait insuffisante, en faisant valoir, que la seule mesure de nature à protéger le marché consisterait à interdire tout système de blocage eu égard au caractère très dissuasif pour le consommateur de faire préalablement déverrouiller le poste, contrainte qui ne peut que le détourner d'autres fournisseurs d'accès, que l'attitude de la SA France Télécom démontrerait que le montant de l'astreinte est sans effet et que, en raison des profits générés par le développement de l'activité litigieuse, la SA France Télécom a pris le risque calculé de ne pas exécuter la décision du 30 mai 2000, la limitation des effets de la mesure d'interdiction au 30 septembre 2000, était inopportune puisqu'à l'évidence, à cette date, les autorités compétentes n'auraient pu statuer au fond ;

Considérant que les mesures ordonnées par le premier juge assurent une protection suffisante du marché et de la concurrence loyale, dès lors, d'une part, que le consommateur est clairement informé de la limitation à la plate-forme d'accès WAP Itineris et de la possibilité de modifier la plate-forme en appelant un numéro de téléphone vert, d'autre part, que les différents constats effectués comme les études techniques entreprises, révèlent que le déverrouillage, seule opération qu'il y a lieu de prendre en compte à l'exclusion du reparamétrage, qui ne saurait être imposé à la SA France Télécom peut être obtenu, en une quinzaine de minutes, à l'aide de quelques manœuvres simples décrites dans ces constats, de troisième part, que même au regard des exigences de liberté, de souplesse d'utilisation, et de rapidité escomptées par les " internautes " un tel délai ne parait nullement excessif ou anormalement dissuasif en considération du caractère légitime, justement souligné par le premier juge, de la promotion par une préprogrammation des fournisseurs d'accès qu'elle commercialise, qui tend non à éradiquer une concurrence dans un secteur vivement compétitif mais à la développer, et, enfin qu'on ne saurait rien déduire d'une déclaration faite à la presse le 7 juin 2000 par la SA France Télécom, dans un souci manifestement publicitaire et commercial, selon laquelle 95 % de ses clients conserveraient leur page d'accueil préprogrammée ;

Considérant qu'il s'en suit qu'est dénuée de fondement l'argumentation tirée de la violation du cahier des charges pour l'exploitation du service GSM 1, puisque, à supposer que ce texte puisse utilement être invoqué, les mesures ordonnées permettront le respect de la libre connexion au réseau après l'opération de déverrouillage et, comme il a été dit d'assurer une concurrence loyale ;

Considérant qu'il n'y a lieu de se prononcer sur l'allégation du dommage imminent, dès lors que le trouble manifestement illicite a été caractérisé ;

Considérant que, vainement, la SA Wappup.com prétend que la SA France Télécom n'aurait pas respecté la décision du premier juge, dès lors, d'une part qu'il résulte des pièces produites que la SA France Télécom, a fait apposer sur les coffrets OLA contenant son offre la mention suivante "le téléphone contenu dans ce coffret est préprogrammé pour une connexion à la plate-forme accès au WAP d'Itineris. Pour changer de plate-forme d'accès appelez le numéro vert 0 800 124 134", d'autre part, que les constats produits ont confirmé la possibilité d'obtenir le déverrouillage par quelques manœuvres simples, n'exigeant du consommateur aucune compétence technique particulière, sur simple appel, en un délai de l'ordre de quinze minutes, de troisième part que la décision du 30 mai 2000 n'imposait nullement l'interdiction de commercialiser des appareils non verrouillés ; et, enfin, que le Président du Tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, saisi de la liquidation de l'astreinte, a, expressément retenu par une décision du 29 juin 2000 dont les constatations n'ont pas été discutées utilement dans la présente instance, que l'ordonnance du 30 mai 2000 avait été exécutée ;

Considérant qu'il s'ensuit que le montant de l'astreinte est suffisant et qu'il n'y a lieu à l'élever ;

Mais considérant qu'à tort la décision déférée a limité l'interdiction qu'elle prononçait au 30 septembre 2000, dès lors, d'une part, qu'il a été justifié que le Conseil de la concurrence avait été saisi le 13 mai 2000 et que ce dernier avait commencé l'instruction de la procédure en convoquant le 22 juin 2000 pour audition la SA France Télécom, d'autre part, que la SA Wappup.com ne saurait supporter les conséquences des délais nécessaires pour que le Conseil de la concurrence se prononce au fond, de troisième part, que l'interdiction décidée par le premier juge et confirmée par la cour ne revêt tout son sens que pour autant qu'elle se prolonge jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence se soit prononcé au fond, et, enfin, qu'il n'est pas nécessaire que la décision prise par ce dernier ait acquis un caractère définitif et qu'elle ne soit plus susceptible de recours puisque cet organisme a la possibilité, en statuant, de prescrire des mesures conservatoires et qu'il s'ensuit que les effets de l'interdiction doivent être prolongés jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence se soit prononcé au fond, étant précisé qu'il ne peut être donné à la SA France Télécom l'acte qu'elle réclame, à titre subsidiaire, puisque l'engagement qu'elle a pris de maintenir les mesures ordonnées par la décision du 30 mai 2000 jusqu'à une décision définitive du Conseil de la concurrence est soumis à la condition qu'une telle décision soit étendue à tous les opérateurs faisant une offre Internet Mobile Wap, et que la cour ne peut étendre une telle interdiction à des parties non attraites en cause d'appel ;

Considérant, en conclusion de ce qui précède que l'ordonnance déférée est infirmée en ce qu'elle a limité l'interdiction au 30 septembre 2000 et confirmée pour le surplus en ce qui concerne cette interdiction ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du NCPC ne sont pas réunies, l'ordonnance étant confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du NCPC ;

Considérant que les SA France Télécom, SA FMTS et SA FMTD qui succombent en définitive sont condamnées aux dépens d'appel, l'ordonnance étant confirmée en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Joint les procédures 2000-12708 et 2000-12809 ; Réforme l'ordonnance quant à la limitation des mesures ordonnées au 30 septembre 2000 ; La confirme pour le surplus ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; Dit que les mesures ordonnées s'appliqueront jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence se soit prononcé au fond ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne les SA France Télécom, SA FMTS, SA FMTD aux dépens d'appel ; Admet les avoués qui y ont droit au bénéfice de l'article 699 du NCPC.