Cass. com., 21 juin 1994, n° 92-14.589
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
UGC Diffusion (GIE), Gaumont Associés et Compagnie (Sté)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, Adira
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Defrénois, Levis, Mes Richard, Choucroy.
LA COUR : - Joint les pourvois n° 92-14.589 et 92-14.975 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 22 avril 1992), que M. Adira et le ministre chargé de l'Économie ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles qu'ils avaient constatées sur le marché de l'exploitation des films dans les salles de cinéma de la part notamment de la société Gaumont associés et compagnie et du GIE UGC Diffusion (GIE UGC), groupements respectivement constitués conformément aux dispositions de l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ; que le Conseil de la concurrence ayant constaté l'existence de ces pratiques a condamné les deux groupements et leur a enjoint de cesser d'exiger des distributeurs, en contrepartie de la programmation de films dans l'agglomération parisienne, la concession de l'exclusivité au bénéfice de salles de leur réseau situées en province et de proposer ou d'imposer aux exploitants indépendants une modification du prix des places de leur réseau provincial ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 92-14.589 : - Attendu que par ce moyen pris d'un défaut de base légale au regard des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le GIE UGC fait grief à l'arrêt d'avoir laissé incertain le fondement juridique de sa décision en paraissant se référer tour à tour à la notion d'entente et à celle d'abus de position dominante ;
Mais attendu que les notions d'entente et d'abus de position dominante, au sens des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne sont pas exclusives l'une de l'autre; qu'en l'espèce, l'arrêt, qui s'est seulement référé à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a constaté que les groupements GIE UGC et la société Gaumont associés demandaient aux exploitants de salles de cinéma non rattachées à chacun de leur groupe de s'aligner sur les prix pratiqués par leurs adhérents et qu'ils faisaient obstacle à la programmation de films par des exploitants indépendants dans la région où la concurrence était " vive " empêchant ainsi les exploitants indépendants de distribuer des films dont les groupements s'étaient ainsi assurés l'exclusivité ; que par la constatation de ces pratiques illicites ayant pour origine les ententes nées de la création du GIE UGC et de la société Gaumont associés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 92-14.975 : - Attendu que par ce moyen, pris d'un défaut de base légale au regard de l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication et du décret du 10 janvier 1983, ainsi que des articles 7 et 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la société Gaumont associés reproche à l'arrêt de ne pas avoir vérifié si les pratiques dénoncées n'étaient pas imposées par la spécificité du secteur cinématographique, dans l'intérêt de la diffusion des films, ou n'étaient pas la contrepartie légitime d'investissements ;
Mais attendu que l'arrêt relève que " la loi du 29 juillet 1982 n'autorise la constitution de groupements ou d'ententes entre entreprises de spectacles cinématographiques qu'à la condition qu'ils ne fassent pas obstacle au libre jeu de la concurrence "; qu'ayant constaté l'existence de pratiques anticoncurrentielles c'est, sans avoir à effectuer d'autres recherches, que la cour d'appel a exactement décidé que la loi du 29 juillet 1982 ne s'opposait pas aux poursuites dirigées contre ces groupements d'entreprises;
Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche du pourvoi n° 92-14.589 et le premier moyen, le deuxième moyen pris en sa deuxième branche et le troisième moyen du pourvoi n° 92-14.975 : - Attendu que par ces moyens, pris de la violation de la loi et d'un manque de base légale au regard des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de défaut de réponses à conclusions et d'absence de recherche, le GIE UGC et la société Gaumont associés, font grief à l'arrêt de ne pas avoir caractérisé les éléments constitutifs d'une entente prohibée, au niveau des accords ayant pu exister tant entre les différents membres de chaque groupement qu'entre le GIE UGC et la société Gaumont associés, de ne pas avoir délimité le marché de référence et de ne pas avoir caractérisé les éléments constitutifs de l'abus de position dominante ou de l'état de dépendance économique dans lequel se serait trouvé M. Adira ;
Mais attendu, en premier lieu, que le marché de référence a été caractérisé par l'arrêt comme étant celui de l'exploitation et de la programmation des films assuré par les exploitants des salles de cinéma dans le cadre des relations les liant aux distributeurs, marché sur lequel a été relevée l'existence de pratiques anticoncurrentielles ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que chacun des deux groupements, le GIE UGC et la société Gaumont associés avait été constitué pour assurer la programmation des œuvres cinématographiques en salles conformément aux dispositions de la loi n° 92-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, il résultait de ces constatations que les différentes entreprises et sociétés, dont la société Gaumont distribution, qui faisait partie de ces composantes, avaient donné leur accord pour que chacun de leur groupement respectif participe aux pratiques dénoncées ; qu'ayant vérifié la réalité de ces ententes, la cour d'appel n'avait pas à caractériser l'existence d'une position dominante de la part de chacun des groupements, dès lors qu'elle constatait que ceux-ci avaient mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles à l'égard des distributeurs indépendants en vue de faire obstacle à la fixation des prix et de limiter l'accès au marché ; qu'ainsi, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 92-14.589 : - Attendu que par ce moyen, pris de la violation des dispositions des articles 15, 18 et 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le GIE UGC fait grief à l'arrêt, pour le cas où la cour d'appel aurait entendu retenir la notion de position dominante, d'avoir entériné une violation du principe de la contradiction en approuvant le Conseil de la concurrence d'avoir retenu un grief, celui d'abus de position dominante, qui n'avait pas été notifié aux entreprises intéressées ;
Mais attendu que le Conseil de la concurrence et la cour d'appel s'étant expressément référés aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour sanctionner le GIE UGC diffusion et la société Gaumont associés, il ne saurait être fait grief à l'arrêt d'avoir méconnu les droits de la défense en ne leur notifiant pas des griefs se rapportant à l'article 8 de l'ordonnance précitée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi provoqué de M. Adira : (sans intérêt) ;
Par ces motifs : rejette les pourvois, tant principal que provoqué.