CA Paris, 5e ch. B, 12 décembre 1996, n° 95-896
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
France Abonnements (SA)
Défendeur :
Office Universitaire de Presse, Syndicat national des agents commerciaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Bouche, Mme Cabat
Avoués :
SCP Valdelièvre, Garnier, SCP Fisselier, Chiloux, Boulay, SCP Taze, Bernard, Belfayol, Broquet
Avocats :
Mes Salzmann, Moquin, Saulnier-Arrighi.
Considérant que la société anonyme France Abonnements a fait appel d'un jugement contradictoire du 20 juillet 1993 du Tribunal de commerce de Paris qui a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat national des agents commerciaux, a " pris acte de son soutien apporté aux moyens développés par la société anonyme Office Universitaire de Presse OFUP sans formuler de demande à son profit ", a dit les articles 85 et 86 du Traité de Rome inapplicables à l'espèce, a déclaré " valable au regard des articles 7 et 8 de l'ordonnance numéro 1243 du 1er décembre 1986 la clause d'exclusivité insérée à l'origine des contrats d'agents commerciaux entre l'OFUP et les éditeurs ", a jugé par contre nulles en application des mêmes textes certaines des " stipulations de l'avenant proposé aux éditeurs par l'OFUP à effet du 1er octobre 1992 ", a constaté que l'action promotionnelle dénommée Kiosque Etudiants initiée par le Crédit Lyonnais en partenariat avec France Abonnements ne contrevient pas " à l'exclusivité stipulée en faveur de l'OFUP dans les contrats d'origine d'agents commerciaux des éditeurs concernant la prospection dans les milieux de l'Éducation nationale au sein des établissements ", a rejeté toutes autres demandes et a partagé les dépens par moitié;
Considérant que l'appelante expose que :
- France Abonnements est spécialisée dans la diffusion par correspondance auprès du grand public des différents titres de presse qu'elle commercialise selon la formule " abonnement à durée libre " en qualité de commissionnaire des éditeurs,
- France Abonnements a pris part à une opération de promotion dénommée " Avantage étudiants " initiée par le Crédit Lyonnais et consistant essentiellement à proposer aux étudiants clients de la banque la souscription d'abonnements à durée libre à divers titres de presse,
- l'OFUP se prévalant de l'exclusivité de prospection de la clientèle scolaire, universitaire et enseignante que lui avaient consenti la plupart des éditeurs concernés par une clause des " contrats d'agence commerciale " qu'ils avaient signés, a demandé à ces éditeurs de ne pas participer à l'opération " Avantages étudiants " du Crédit Lyonnais et de France Abonnements,
- France Abonnements a été ainsi amenée à assigner l'OFUP le 4 novembre 1992 en déclaration de nullité des conventions d'exclusivité contraires elles aux articles 85-2 et 86 du Traité de Rome et 7 à 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en paiement de 2 500 000 F de dommages-intérêts et 100 000 F d'indemnité pour frais irrépétibles et en publication de la décision dans cinq journaux nationaux;
Que France Abonnements observe que le syndicat national des agents commerciaux ne formule aucune demande et se borne à donner son appui aux thèses de l'OFUP, soutient que les principes d'absence d'exclusivité du mandat d'agent commercial et de validité d'exceptions contractuelles ne sont pas remis en cause par son action, en déduit que le syndicat n'a aucun intérêt spécifique à agir et que son intervention est irrecevable;
Que France Abonnements relève que l'OFUP se réfère lui-même à la Communication du 24 octobre 1962 de la Commission européenne de Bruxelles et revendique pour activité la diffusion de " titres de presse tant français qu'étrangers "; qu'elle cite dix-neuf titres à large diffusion importés d'Etats de la Communauté européenne pour lesquels il propose des abonnements, qu'elle conclut, s'agissant du marché spécifique de la presse étrangère dans le milieu relevant de l'Éducation nationale que les accords d'exclusivité des dispositions du Traité de Rome;
Que France Abonnements reproche à l'OFUP d'avoir créé à son profit un monopole de diffusion des titres de presse en milieu scolaire et universitaire et de prétendre l'étendre en tous autres lieux pour peu que " le monde de l'Éducation nationale " soit concerné; qu'elle approuve la constatation que les premiers juges ont faite, d'une exclusivité contractuelle de l'OFUP à l'intérieur des enceintes d'enseignement de France, Monaco et Andorre mais reproche au tribunal de commerce d'avoir exclu que l'OFUP soit en position dominante et se livre à des pratique anticoncurrentielles;
Que France Abonnements soutient que le cumul de concessions exclusives qu'elle dénonce, crée un " quasi monopole sur le marché étudiant " contraire à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et confère à l'OFUP une " position dominante voire monopolistique sur le marché national étudiant " qui contrevient à l'article 8 de la même ordonnance; qu'elle se déclare fondée à réclamer l'application de la sanction de nullité prévue par l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Que France Abonnements demande en conséquence à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux, dit les articles 85 et 86 du Traité de Rome inapplicables et déclaré valable la clause d'exclusivité insérée à l'origine dans les contrats d'agents commerciaux liant les éditeurs à l'OFUP,
- déclarer irrecevable l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux et illicite au regard des articles 85 et 86 du Traité de Rome et 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la clause d'exclusivité consentie à l'OFUP par chacun des éditeurs et en prononcer la nullité,
- confirmer le jugement en ses autres dispositions mais aussi de condamner l'OFUP à lui payer 3 000 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que l'OFUP expose quant à lui qu'il diffuse exclusivement auprès d'une clientèle du " monde de l'Éducation nationale " par l'intermédiaire d'étudiants et à des tarifs privilégiés fixés par les éditeurs, des abonnements à 400 titres environ de la presse française et étrangère, qu'il est lié aux éditeurs par des contrats d'agent commercial, n'a pas de clientèle propre puisqu'il se borne à apporter de nouveaux abonnés auxquels il lui est interdit de proposer des réabonnements, et n'assume aucun risque contractuel; qu'il admet l'existence d'une clause d'exclusivité mais soutient que celle-ci répond aux exigences de l'article 1er du décret du 23 décembre 1958 et de l'article 6 § 2 de la loi du 25 juin 1991;
Que l'OFUP précise qu'il apporte aux éditeurs environ 400 000 abonnements par an dont certains concernant des publications à très faible tirage alors que France Abonnements obtient cinq fois plus d'abonnements en privilégiant les revues à grande tirage et en mettant en œuvre en toutes directions des techniques multiples de vente; qu'il en conclut que sa part dans la diffusion de la presse est minime;
Que l'OFUP reproche à France Abonnements d'avoir à l'automne 1992 fait des offres d'abonnements concurrentes des siennes à une clientèle spécifiquement étudiante et lycéenne en milieu d'éducation et " surtout " d'avoir réalisé à l'insu des éditeurs, dans le cadre de l'action de promotion intitulée " Avantage étudiants " du Crédit Lyonnais une opération dite " Kiosque Étudiants " à destination de la clientèle étudiante dans tout le réseau d'agences du Crédit Lyonnais, agences des campus universitaires incluses, et portant sur 50 titres dont 35 étaient offerts par l'OFUP;
Que l'OFUP ajoute que de nombreux éditeurs qu'il a informés, ont protesté mais que France Abonnements a poursuivi son opération Kiosque Etudiants bien que la clause d'exclusivité ait été adaptée pour interdire cette concurrence, et que France Abonnements a répliqué par l'envoi d'une lettre dénigrante aux éditeurs et par une assignation; qu'elle approuve le tribunal de commerce lorsqu'il a validé son exclusivité mais forme appel incident pour obtenir de la cour qu'elle prenne en considération sa demande reconventionnelle;
Que l'OFUP s'étonne de l'absence de mise en cause des éditeurs dans une procédure tendant à l'annulation d'une clause des contrats qu'ils ont conclus; qu'il soutient que l'action de France Abonnements tend à interdire toute clause d'exclusivité dans les contrats d'agents commerciaux en violation des dispositions du décret du 23 décembre 1958 et de la loi du 25 juin 1991 autorisant l'exclusivité de clientèle ou de territoire et en déduit que l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux est recevable;
Que l'OFUP qui se qualifie d'intermédiaire indépendant, soutient que l'absence de pouvoir autonome du mandataire qui n'intervient que par représentation de son mandant et ne peut définir ni les produits ni même en l'espèce la clientèle, exclut comme l'ont confirmé la communication du 24 décembre 1962 de la commission de Bruxelles et diverses dispositions de la Cour de justice des Communautés européennes, toute application des articles 85 § 1 et 86 du traité de Rome prohibant les ententes et les abus de position dominante entre entreprises différentes;
Que l'OFUP prétend que France Abonnements qui ne diffuse qu'un unique titre étranger, le magazine Time qui ne serait pas communautaire, ne justifie d'aucun intérêt à se prévaloir de la réglementation communautaire; qu'il ajoute que le commerce entre États membres de la Communauté économique européenne n'est pas sensiblement affecté par la diffusion fort restreinte des vingt quatre titres étrangers dont les deux essentiels Time et " News Week " ne seraient même pas communautaires, qu'elle assume et qui ne correspond qu'au dixième de ses ventes et n'atteint pas et de loin le seuil d'applicabilité de la réglementation communautaire;
Que l'OFUP admet que des pratiques anticoncurrentielle et des abus de position dominante d'agents commerciaux puissent tomber sous le coup des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 mais prétend qu'il n'en est ainsi que si les actes incriminés sont imputables à des agents disposant d'une autonomie commerciale; qu'il prétend en effet constituer une " agence commerciale " simple mandataire d'éditeurs qu'il ne fait que représenter sans pouvoir de décision sur les produits et les prix, et se prévaut de la jurisprudence du Conseil de la concurrence excluant l'application en ce cas des articles 7 et 8 susvisés;
Que l'OFUP conteste tout " abus anticoncurrentiel " et soutient que la clause incriminée lui confère une exclusivité de prospection et non de vente triplement limitée au surplus quant au territoire, aux personnes concernées et à son objet, " un premier abonnement ", et n'interdit nullement à ses concurrents de vendre les mêmes abonnements à des étudiants qu'ils n'auraient pas prospectés en tant que tels;
Que l'OFUP nie l'existence d'un marché que ne pourraient constituer ni des clients ni un établissement d'enseignement et à plus forte raison toute segmentation de ce marché à son profit en rappelant à nouveau qu'elle n'est qu'une agence commerciale mandataire des éditeurs; qu'il compare ses 400 000 abonnements annuels aux milliards d'exemplaires de publications vendus par l'appelante pour prétendre qu'il ne profite d'aucune position dominante; qu'il conclut que les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne peuvent être invoqués par France Abonnements;
Que l'OFUP reproche aux premiers juges de n'avoir pas retenu que l'opération Kiosque Etudiants ne s'adressait qu'à des étudiants pris comme tels et était conduite jusqu'au sein des campus universitaires; qu'il ajoute que l'opération initiée en 1992 a été reprise en 1993 et 1994 et que des campagnes de promotion ont été conduites par France Abonnements au sein même des établissements universitaires à l'automne 1994; qu'il en déduit que France Abonnements qui connaissait l'existence de l'exclusivité contractuelle qu'elle a transgressée, a engagé sa responsabilité quasi délictuelle en se livrant de mauvaise foi à l'insu des éditeurs à une concurrence déloyale qui lui a permis de capter frauduleusement de 50 à 70 000 abonnements et de ternir l'image de marque de l'OFUP;
Que l'OFUP reproche enfin à France Abonnements l'envoi aux éditeurs d'une note d'information l'accusant à tort de pratiques concurrentielles irrégulières, des pressions illicites auprès des même éditeurs et une publicité mensongère propre aux kiosques étudiants puisque 47 titres étaient offerts à la souscription au lieu des 100 promis;
Que l'OFUP demande à la cour d'enjoindre à France Abonnements de mettre en cause les éditeurs, de déclarer recevable l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux de déclarer France Abonnements irrecevable et au surplus mal fondée à se prévaloir des articles 85 et 86 du Traité de Rome, de déclarer les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er octobre 1996 inapplicables à l'OFUP en ce qu'il est un agent commercial dépourvu d'autonomie, de déclarer l'action de France Abonnements mal fondée, de donner acte à l'OFUP de ce qu'il a abandonné les dispositions de l'avenant critiquées par les premiers juges sans pour autant acquiescer à leur décision, de condamner France Abonnements à lu payer 12 000 000 F de dommages-intérêts en réparation du manque à gagner provoqué par ses actes de concurrence déloyale, subsidiairement d'ordonner une expertise et de lui allouer une provision de 5 000 000 F, de condamner France Abonnements à lui payer 2 000 000 F de dommages-intérêts pour atteinte à son image commerciale, d'enjoindre à France Abonnements de cesser tout acte de violation de son exclusivité sous astreinte de 5 000 francs par infraction et par titre huit jours après signification de l'arrêt et de condamner France Abonnements à lui verser 300 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que le Syndicat national des agents commerciaux, observe qu'en tant que mandataire de son commettant, l'agent commercial ne dispose d'aucune liberté qui puisse lui valoir de répondre de pratiques anticoncurrentielles dont il se serait fait le " complice ", et soutient que l'OFUP n'est pas un distributeur autonome mais une agence commerciale à laquelle les dispositions des articles 85 et 86 du Traité de Rome et 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas applicables;
Qu'il prétend que l'action de France Abonnements tend à restreindre, en violation des dispositions régissant la profession d'agent commercial, le droit du mandant à consentir une exclusivité à ses agents, précise que l'OFUP est un ses adhérents et en conclut que sont intervention est recevable;
Qu'il demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner France Abonnements à supporter tous les dépens de première instance et d'appel;
Considérant que France Abonnements réplique que la plupart des demandes de l'OFUP seraient irrecevables dans la mesure où elle n'a pas contesté les dispositions du jugement déféré " qualifiant les contrats d'exclusivité conclus entre l'OFUP et les éditeurs sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " (sic);
Que France Abonnements conteste que les relations de l'OFUP avec les éditeurs soient différentes des siennes sauf qu'elle est liée elle aux éditeurs par des accords négociés une à deux fois chaque année, qu'elle intervient sans bénéficier d'exclusivité sur un marché concurrentiel où opèrent d'autres entreprises dont l'OFUP et que les éditeurs peuvent résilier librement leurs accords avec elle alors que l'OFUP s'est réservé le droit d'exiger en cas de résiliation une indemnité dissuasive égale à trois années de commissions;
Que France Abonnements oppose les termes respectifs de la clause initiale d'exclusivité, de la clause complétée par avenant du jugement déféré et de circulaires l'une tendancieuse sinon même mensongère et l'autre illicitement comminatoire adressées les 17 septembre 1993 et 29 septembre 1994 par l'OFUP aux éditeurs et en déduit que l'OFUP entend bien imposer aux éditeurs une exclusivité abusivement anticoncurrentielle;
Que France Abonnements explique l'absence de mise en cause des éditeurs en précisant que la clause d'exclusivité leur a été imposée par l'OFUP dans des termes identiques pour tous et que les éditeurs qui souhaitent continuer à bénéficier des services de l'OFUP, ne désirent pas intervenir dans une instance où ils ne se sentent pas réellement impliqués; qu'elle soutient qu'il n'existe aucune évolution du litige qui permette à l'OFUP de présenter en appel une demande d'intervention forcée qui n'a pas été formulée en première instance;
Que France Abonnements observe que l'OFUP ne demande pas en appel la réformation du jugement en ce qu'il a validé l'opération Kiosque Etudiants de 1992, et que l'OFUP n'a pas réagi lorsque cette opération a été reprise en 1993, et soutient que les critiques et demandes d'indemnisation formulées pour la première fois en appel sont irrecevables;
Que France Abonnements tire des conditions contractuelles d'exercice du mandat de l'OFUP la conclusion que cette société est un prestataire de services autonome disposant d'une totale liberté de choix de ses méthodes de prospection et assumant la charge financière et le risque inhérents à son activité, et que les dispositions du Traité de Rome et de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dont France Abonnements se prévaut, lui sont applicables;
Que France Abonnements réitère ses demandes et y ajoute le rejet des prétentions de l'OFUP et la publication aux frais de l'OFUP de l'arrêt dans quatre revues qu'elle désigne;
Considérant que dans ses ultimes conclusions l'OFUP reprend son argumentation antérieure, affirme à nouveau son absence d'autonomie qu'elle distingue de l'indépendance de l'agent, conteste être un prestataire de services dont l'éditeur serait alors le client, et assumer le risque financier de l'offre d'abonnements et maintient que le droit communautaire n'est pas applicable à ses relations avec les éditeurs et qu'il n'existe aucune pratique anticoncurrentielle de sa part;
Que l'OFUP ajoute qu'il appartient à la cour d'apprécier si les éditeurs doivent être mis en cause et prétend que son appel incident est recevable par application de l'article 550 du nouveau Code de procédure civile; qu'elle réitère ses demandes et y ajoute en tant que de besoin la réformation du jugement des chefs qui feraient obstacle à ses prétentions;
Considérant que Syndicat national des agents commerciaux croit devoir demander à la cour de déclarer mal fondées les dernières prétentions de France Abonnements sans en exclure celles qui ne le concernent évidemment pas;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont déclaré recevables dans des limites qu'ils ont judicieusement définies, l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux et ont exclu l'application des dispositions des articles 85 et 86 du Traité de Rome à la prospection commerciale de l'OFUP en constatant, au terme d'une analyse quantitative qui n'est pas sérieusement contestée, que cette activité n'affectait pas sensiblement le commerce intercommunautaire;
Que la Cour se bornera à ajouter que l'intervention du Syndicat national des agents commerciaux n'a d'utilité qu'en ce que cet organisme revendique pour son adhérent OFUP la qualité d'agent commercial et confirme en particulier que " l'OFUP est lié aux différents éditeurs, qu'il représente dans le monde universitaire et scolaire, par un contrat d'agent commercial ", faisant expressément référence à la réglementation de l'activité d'agent commercial;
Que les conclusions du Syndicat pour le surplus ne font qu'obscurcir les débats puisque cet intervenant prétend contradictoirement qu'un agent commercial tel que l'OFUP, parce qu'il est un mandataire ne disposant d'aucune liberté commerciale, n'est pas soumis aux dispositions régissant les pratiques anticoncurrentielles et qu'il convient selon lui de confirmer " la validité de la clause d'exclusivité du contrat d'agent commercial de l'OFUP au regard des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " pièce maîtresse des dispositions de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles; qu'elle sont même erronées lorsqu'elles vont jusqu'à affirmer que " l'agent commercial ne peut être complice de pratiques anticoncurrentielles " de son mandat qu'il contribue à mettre en œuvre;
Considérant que le contrat liant l'OFUP à chaque éditeur précise ainsi les " conditions d'exercice du mandat " confié à l'OFUP :
" L'OFUP jouit de la plus grande indépendance. Il prospecte à sa convenance et à son seul choix notamment par publi-postages, distribution de catalogues, prospectus, ventes directes, démarchages, etc ...".
" De convention expresse, l'OFUP peut représenter, diffuser, distribuer, etc. toute publication, produit ou service, sans avoir à demander l'autorisation préalable de l'Éditeur contractant ".
" L'OFUP prend à sa charge tous les frais de prospection et de gestion inhérents à son activité (notamment les documents de prise et de recouvrements des commandes, les catalogues et supports publicitaires de toutes sortes, etc). "
" L'Éditeur contractant s'engage à confier à l'OFUP qui les réalisera selon ses propres méthodes et à ses frais, toutes les opérations que ce dernier jugerait nécessaires à l'exercice de son mandat (notamment les opérations de prise de commande, de dépouillement et de recouvrement, sans préjuger de toutes autres) ".
" L'OFUP se porte garant du paiement des commandes qu'il transmettra sous forme de listes dont la présentation, la fréquence (qui ne pourra toutefois être supérieure à deux semaines) et le support sont déterminés par l'OFUP seulement ".
Qu'il résulte des énonciations de ce contrat qui se réfère expressément au décret du 23 décembre 1958, que l'OFUP exerce sous un statut d'agent commercial une activité de distribution à laquelle l'ordonnance du 1er décembre 1986 en son article 53 déclare applicables les règles qu'elle définit;que le Syndicat national des agents commerciaux confirme que l'OFUP est lié aux éditeurs qu'il représente, par des contrats faisant de lui un agent commercial;
Que l'OFUP déclare admettre que " les mandataires " que sont les agents commerciaux n'échappent pas en tant que tels aux dispositions prohibant les ententes anticoncurrentielles ou les abus de position dominante à condition toutefois que ceux-ci puissent leur être imputés; qu'il a rédigé la clause d'exclusivité litigieuse et ne conteste pas en avoir imposé l'insertion dans tous les contrats qu'il a conclus avec les éditeurs;
Que l'OFUP opère certes une subtile distinction entre " agent commercial " et " agence commerciale " pour revendiquer la seconde qualification et prétendre que le " contrat d'agence commerciale " échapperait à la réglementation de la concurrence; que ni l'OFUP ni le Syndicat national des agents commerciaux qui n'utilise que deux fois l'expression, n'expliquent ce qui diffère l'un de l'autre notamment en termes d'activité et de réglementation; que si la différence se situe au surplus dans la personnalité juridique de l'agent ainsi que les définitions des dictionnaires le suggèrent, la société anonyme OFUP ne peut nier qu'elle est une " entreprise " au sens donné à ce terme par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant que les " conditions d'exercice du mandat " définies par le contrat d'agent commercial liant l'OFUP aux éditeurs accordent au mandataire " la plus grande indépendance ", lui laissent une totale liberté de choix et de mise en œuvre des méthodes de prospection, prise de commande et recouvrement du prix des abonnements vendus, mettent à sa charge tous les frais de cette activité et en font le " garant du paiement des commandes ";
Que l'OFUP se dit lié aux éditeurs, par 120 " contrats d'agence commerciale "; que France Abonnements lui attribue 350 mandants; qu'il n'est pas contesté que de nombreux éditeurs liés à l'OFUP sont concurrents; que l'OFUP ne peut raisonnablement soutenir qu'il se trouve sous la dépendance juridique et économique de chacun de ses nombreux mandants;
Qu'il importe peu que l'offre d'abonnements soit déterminée en ses éléments et prix par l'éditeur mandant et que l'OFUP ne puisse prétendre à rémunération sur aucun réabonnement; qu'il n'en résulte pas pour autant que l'OFUP se trouve intégré dans un réseau de distribution lié étroitement au mandant au point de lui faire perdre son autonomie et de n'en faire qu'un " simple intermédiaire transparent " ainsi qu'elle le prétend, qui ne pourrait qu'être complice des pratiques anticoncurrentielles de son mandant à supposer encore qu'il y ait contribué;
Que l'OFUP aurait dû enfin appeler lui-même en intervention forcée et en garantie tous les éditeurs qui lui ont donné mandat si le lien l'unissant à ses mandants était si étroit que la responsabilité qui lui est imputée, incombait à ses mandants; qu'il s'en est bien gardé, avouant implicitement ainsi sa parfaite autonomie;
Considérant que les contrats litigieux dont l'OFUP ne conteste pas qu'il en a assuré la rédaction et imposé la signature aux éditeurs qui ont souhaité s'attacher ses services, accordent à l'OFUP une " exclusivité totale de la prospection pour la clientèle et le secteur définies à l'article II " de la convention ainsi rédigée :
" I/ Secteur de clientèle :
" Par secteur de clientèle il y a lieu d'entendre toute personne physique déclarant sur l'honneur et par écrit (sous peine de s'exposer en cas de fausses déclarations aux dispositions de l'article 405 du Code pénal relatives à l'escroquerie) appartenir à quelque titre que ce soit au monde universitaire ou scolaire, ou de l'enseignement public ou privé ".
" 2/ Secteur géographique :
" Par secteur géographique, il y a lieu d'entendre :
" D'une part, la France métropolitaine, l'Andorre, et la Principauté de Monaco. Pour tout territoire ou pays étranger prospecté ultérieurement par l'OFUP, ce dernier devra préalablement obtenir l'agrément de l'Éditeur contractant, agrément qui sera constaté par voie d'avenant aux présentes "
" D'autre part, tout lieu d'implantation d'un établissement universitaire ou scolaire sur le territoire défini ci-dessus, étant précisé que l'exclusivité qui sera énoncée ci-après s'applique à l'enceinte de ces établissements quand bien même il existerait dans ces mêmes enceintes d'autres activités non étudiantes et/ou non scolaires ".
Considérant que par avenant de septembre 1992 l'OFUP a complété la clause en précisant qu'entraient :
" - dans sa clientèle exclusive notamment l'Éducation nationale ainsi que tout groupement, structure ou association avant vocation à contribuer, au sein du monde de l'Éducation nationale, au développement de la presse et à l'information auprès des étudiants, enseignants et lycéens "
" - dans son secteur exclusif de prospection pour peu qu'il se situe en France métropolitaine, à Monaco et en Andorre, " tout lieu d'implantation d'un établissement universitaire, scolaire, d'enseignement ou plus généralement relevant du monde de l'éducation nationale ou destiné aux étudiants et lycéens sur le territoire défini ci-dessus étant précisé que l'exclusivité qui sera énoncée ci-après s'applique à l'enceinte et aux abords de ces établissements quand bien même il existerait dans ces même enceintes d'autres activités non étudiantes et/ou non scolaires ou encore ne relevant pas exclusivement de l'Éducation nationale ";
Que le même avenant interdit à l'éditeur de " prospecter directement ladite clientèle, ou de la faire ou laisser sciemment prospecter par d'autres diffuseurs avec lesquels il serait en relation, en ayant recours à l'utilisation de fichiers informatiques ciblés sur cette clientèle " et " s'engage, dans ses relations avec les autres diffuseurs ou intermédiaires, à faire figurer une clause expresse d'interdiction de prospection spécifique par ceux-ci de la clientèle et/ou du secteur ci-dessus ";
Que l'OFUP déclare en appel qu'il a renoncé aux disposition de cet avenant;
Considérant que par des motifs là encore pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont estimé que la clause d'exclusivité, dans sa rédaction de l'avenant de septembre 1992, devait être prohibée par application des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'OFUP l'admet puisqu'il prétend avoir renoncé à insérer la clause aggravée d'exclusivité dans les contrats le liant présentement aux éditeurs et s'en tenir à la clause d'exclusivité telle qu'elle était initialement rédigée ;
Considérant que toute clause d'exclusivité de distribution porte atteinte à la libre concurrence dans les limites qu'elle définit ; qu'elle ne devient cependant pratique anticoncurrentielle prohibée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et son application une faute quasi délictuelle dont le tiers qui en est victime, peut demander réparation, qu'autant qu'elle tend à limiter abusivement le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises en annihilant ou réduisant trop fortement toute possibilité de substitution d'une offre concurrente sur une partie substantielle du marché intérieur ;
Que l'insertion dans tous les contrats liant l'OFUP aux éditeurs de la clause d'exclusivité litigieuse même en sa rédaction initiale tendait à lui assurer le monopole de la distribution de produits de presse dans cette partie substantielle du marché de la presse écrite que constitue le milieu scolaire et universitaire de l'enseignement public et privé, et donc à éliminer à son seul profit toute concurrence ;
Que l'OFUP peut d'autant moins sérieusement le contester que la multiplicité des précisions apportées par l'avenant avorté de septembre 1992 confirme ses intentions d'exclure toute concurrence auprès du " monde de l'Éducation nationale ", jusque et y compris aux abords des établissements d'enseignements et dans les parties de ces établissements réservées à des activités ni scolaires ni universitaires et sa contestation de l'opération Kiosque Étudiants, pourtant conduite au sein des agences bancaires du Crédit Lyonnais, témoigne d'une interprétation de la clause initiale d'exclusivité susceptible si elle était généralisée d'étendre le " secteur géographique " convenu à l'ensemble du territoire français;
Qu'il existe d'autant moins de faculté pour un concurrent de l'OFUP de substituer le même produit de presse que l'incertitude concernant le lieu incontrôlable de la prospection à l'origine de la souscription d'abonnement, permettra à l'OFUP de prétendre que son exclusivité a été violée, alors qu'il a lui-même accès à la totalité du marché, ni même de proposer un autre produit similaire du fait de la spécificité de chaque revue;
Que la clause d'exclusivité dont l'OFUP se prévaut pour soutenir que l'opération Kiosque Étudiants y contrevient, s'applique non pas seulement à toute personne " appartenant à quelque titre que ce soit au monde universitaire ou scolaire " ce qui va déjà du recteur d'académie à la femme de ménage d'une maternelle, mais aussi à tout lecteur attestant sur l'honneur y appartenir ce qui peut excéder largement les milieux de l'éducation du fait de l'absence de tout contrôle; que l'extension de l'exclusivité aux zones des enceintes d'enseignements réservées à des activités ni scolaires ni universitaires augmente encore le domaine protégé de prospection;
Que les premiers juges ont fort justement conclu à la licéité de l'opération Kiosque Étudiants dans des termes que la cour reprend à son compte; que l'OFUP ne peut tout de même prétendre avoir un droit exclusif sur la clientèle des étudiants en tous lieux et en particulier dans les agences d'un réseau bancaire;
Que l'OFUP qui n'avance aucune justification économique et n'a pas appelé les éditeurs à venir expliquer l'apport au marché que la clause était susceptible de procurer, ne saurait contester en définitive que la clause d'exclusivité litigieuse, telle qu'il interprète sa version initiale et présente, constitue à la charge d'une entente d'éditeurs et d'un unique prospecteur constituée par la conclusion d'au moins 120 contrats identiques, une pratique anticoncurrentielle discriminatoire, abusive et prohibée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et nulle par application de l'article 9 de la même ordonnance;
Que l'OFUP a créé lui-même l'entente destinée à lui assurer le monopole de la représentation de titres sélectionnés, ce qui place ce mandataire dans une situation inverse à celle des agents de réseaux intégrés bénéficiant des clauses habituelles d'exclusivité et ne lui permet pas de se prévaloir de la jurisprudence tendant à leur protection ;
Que la nullité de la clause peut être prononcée même en l'absence des éditeurs dont aucun n'a estimé devoir intervenir volontairement ainsi que l'information qui lui avait été donnée de l'existence du procès, lui en apportait la faculté que ni l'OFUP ni France Abonnements ne les ont appelés à l'instance; que leur absence a seulement pour effet que le présent arrêt ne leur est pas opposable;
Considérant qu'aucune des demandes de l'OFUP n'est dès lors fondée; qu'il en est même ainsi de la prétention à réparation du préjudice engendré, selon l'OFUP, par une " note d'information " qui ne comporte ni propos ni allégations réellement contraires à la vérité;
Considérant que France Abonnements demande 3 000 000 F de dommages-intérêts sauf à parfaire, la publication aux frais de l'OFUP de l'arrêt dans quatre revues citées et 200 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que France Abonnements n'apporte aucune précision à l'appui de sa demande de dommages-intérêts autre que des indications concernant le nombre et la qualité des titres présentés par l'OFUP et certains chiffres d'affaires réalisés; qu'elle ne justifie que de la perte d'une chance de vente d'abonnements d'autant moins importante qu'elle n'apporte pas la preuve de ce que sa pénétration en milieu scolaire et universitaire serait aisée;
Que la cour dispose, avec la demande de dommages-intérêts présentée par l'OFUP, d'un élément d'appréciation des profits envisageables qui lui permet de chiffrer à 1 800 000 F la réparation du trouble d'exploitation engendré par l'exclusion de tous concurrents dans son domaine de prospection que l'OFUP s'est illicitement assurée;
Que les notes ou circulaires diffusées par les parties apportent la preuve de ce que la publicité sollicitée n'est pas indispensable à la réparation du dommage subi;
Considérant qu'il serait inéquitable que France Abonnements conserve la charge de ses frais irrépétibles;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du Syndicat nationale des agents commerciaux, a dit les articles 85 et 86 du Traité de Rome inapplicables au litige, a constaté que l'action de promotion Kiosque Etudiants ne contrevenait pas à l'exclusivité dont l'OFUP bénéficiait dans ses contrats d'origine d'agents commerciaux; Constate que la cour n'est pas saisie de la validité des dispositions de l'avenant à effet du 1er octobre 1992 annulées par le tribunal de commerce, l'OFUP ayant renoncé à les appliquer; Infirmant la décision déférée, pour le surplus, Déclare nulles en application des articles 7 à 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la clause d'exclusivité telle qu'elle est insérée en sa version originelle dans les contrats d'agent commercial liant l'OFUP aux éditeurs ses mandants, Condamne l'OFUP à payer à France Abonnements 1 800 000 F de dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du présent arrêt, Déboute l'OFUP de toutes ses demandes et le Syndicat national des agents commerciaux des siennes à l'exclusion de la recevabilité de son intervention.