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Décisions

Conseil Conc., 27 mars 1990, n° 90-D-12

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société SA Teisseire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en section sur le rapport de M. Jean Carole dans sa séance du 27 mars où siégeaient : M. Laurent, président ; MM. Béteille, Pineau, vice-présidents ; MM. Flecheux, Gaillard, Schmidt, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 90-D-12

27 mars 1990

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 1er septembre 1987 sous le numéro F 106 par laquelle la Société internationale de boissons (SIB) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvres par la société S.A. Teisseire qu'elle estime contraires aux dispositions du dernier alinéa de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et du 1 de l'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la SIB et par la SA Teisseire ; Vu les observations présentées par le commissaire du gouvernement ; vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du gouvernement et les représentants des sociétés SIB et Teisseire entendus ; Retient les constatations (I) et adopte la décision (II), ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Les caractéristiques du marché

La saisine de la SIB concerne le marché des sirops. Les produits en cause, mélanges de sucre et d'eau additionnés d'extraits aromatiques ou de jus de fruits concentrés, sont de qualité variable. Leur qualité varie selon la teneur en jus de fruit, la nature du sucre utilisé (sucre de betterave ou sucre de canne) et la pureté de l'eau.

La demande globale du marché est évaluée à 120 millions de litres par an vendus sous la forme de bouteilles ou en bidons. L'offre est assurée par deux entreprises de dimension nationale, Teisseire et Berger, ainsi que par soixante-dix fabricants régionaux.

Pour une large part, la production de la société Teisseire est conditionnée en bidons.

En 1987, la société Teisseire assure 27,9 p. 100 de l'offre en volume ; elle est suivie par Berger, qui détient 17 p. 100 du marché. Les autres entreprises interviennent sur ce marché, la SIB comprise, détiennent de faibles parts de marché.

B. - Les pratiques relevées

La SIB dénonce " les agissements de la société Teisseire " et soutient que cette dernière " a abusé de sa position dominante " en adressant le 5 juin 1986 une lettre circulaire à une centaine de distributeurs précisant :

" Le syndicat des sirops a fixé à juin 1986 la date après laquelle un recours judiciaire, pourra être introduit contre tout fabricant continuant à commercialiser des sirops dit " à l'ancienne " (...). Nos relevés de linéaires effectués au cours des mois derniers nous autorisent à vous alerter sur la présence dans certains magasins de produits à l'étiquetage non conforme à la législation, et à vous avertir des risques encourus. "

Il y a encore lieu de noter que la lettre circulaire désignait nommément la marque " Fée des fruits " détenue par la société SIB A l'époque, le sirop " Fée des fruits " est effectivement vendu avec des étiquettes l'appellation " sirop à l'ancienne " à laquelle il ne peut prétendre compte tenu de la façon dont il est produit. La SIB a cependant alors obtenu de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes une dérogation lui permettant d'écouler son stock d'étiquettes non conformes à la réglementation.

II. - A LA LUMIÈRE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Considérant que la SIB allègue, au soutien de sa saisine, que la faute commise par la société Teisseire, en diffusant à des distributeurs la circulaire susanalysée et que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a sanctionné en la qualifiant d'acte de dénigrement par un arrêt du 26 janvier 1989, constitue en outre une manifestation d'abus de position dominante que détiendrait ladite société ;

Considérant que le marché en cause est celui des sirops, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction selon qu'il s'agit de sirops vendus en bouteilles ou de sirops vendu en bidons ;

Considérant qu'il ressort des constatations de fait consignées dans la partie I de la présente décision, et notamment des parts respectives des divers fournisseurs intervenant sur le marché ainsi défini, que la société Teisseire ne saurait être regardée comme détenant sur celui-ci une position dominante ; que dès lors il ne peut lui être fait de grief d'avoir méconnu les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ni celles du 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Décide :

Article unique. - Les pratiques dénoncées par la SIB n'entrent dans le champ d'application ni du dernier alinéa de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ni du 1 de l'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.