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Décisions

Conseil Conc., 5 avril 1994, n° 94-D-22

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur des jeux automatiques à pièces de monnaie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. François Vaissette ; par M. Barbeau, président ; MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents

Conseil Conc. n° 94-D-22

5 avril 1994

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 17 janvier 1992 sous le numéro F 464, par laquelle les sociétés Paris Automatique, Flandres Automatique, Transcards, Kendo, Vidéokit, Avranches Automatique et Sistème ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe Kunick-Amiro ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la décision n° 92-MC-06 du Conseil de la concurrence, en date du 10 mars 1992 relative à une demande de mesures conservatoires ; Vu la lettre du président du Conseil de la concurrence en date du 16 novembre 1993 par laquelle il a décidé de porter l'affaire en commission permanente ; Vu les observations présentées par les sociétés requérantes, la société Player Special Diffusion et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Paris Automatique, Flandres Automatique, Transcards, Kendo, Vidéokit, Avranches Automatique, Sistème et Player Special Diffusion entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Le secteur des jeux automatiques à pièces de monnaie

1. Le secteur concerné

Les appareils automatiques fonctionnant à l'aide d'une pièce de monnaie comprennent plusieurs types de jeux : les billards électroniques (flipper), les jeux vidéo, les football de table (babyfoot), les billards et les électrophones automatiques (juke-box).

Techniquement, ces jeux font appel à trois mécanismes différents : électroniques (billards électroniques), informatiques (jeux vidéo) ou mécaniques (baby-foot, billard, juke-box).

Les constructeurs sont distincts selon les types de jeux.

La demande de jeux automatiques est constituée par les exploitants qui en sont soit propriétaires soit locataires. Les jeux sont placés en dépôt dans les lieux publics (débits de boisson, snacks, hôtels, fêtes foraines) ou gérés directement dans les salles spécialisées (salles de jeux ou kermesses).

Si les babyfoot et les billards ont des durées d'exploitation assez longues sur plusieurs années, en revanche, pour les billards électroniques, cette durée est d'environ deux ans et un nouveau modèle sort environ tous les trois mois. Pour les jeux vidéo, la caisse reste la même pendant environ quatre à cinq ans mais les plaques logiques sont généralement changées chaque année.

En 1991, le prix d'un billard électronique variait entre 17 000 F et 28 000 F, le prix d'un babyfoot s'établissait entre 8 000 F et 10 000 F, le prix d'un billard s'échelonnait entre 9 000 F et 10 000 F et le prix d'un juke-box s'élevait entre 25 000 F et 40 000 F. A la même date, un meuble pour jeux vidéo était vendu aux environs de 20 000 F, somme à laquelle il convenait d'ajouter le coût des plaques logiques compris entre 2 000 F et 10 000 F.

2. Le produit

Parmi les jeux automatiques, le billard électronique se différencie des autres jeux par les caractéristiques propres du produit (méthode d'exploitation fondée sur des phénomènes de mode, principe du jeu, durée d'exploitation, technique de fabrication, différence de prix) et une image particulière qui ne permet pas de le rendre interchangeable avec d'autres jeux à pièces de monnaie.

Les fabricants, tous d'origine américaine (Gottlieb Premier, Williams, Bally et Data East), distribuent chacun une marque propre qui porte leur nom.

Les importateurs se classent en deux catégories : les importateurs du groupe Amiro et les indépendants.

Le groupe Amiro, représenté par la société Amiro France SA, est contrôlé par la société anglaise Kunick, qui a développé son activité dans divers secteurs. Amiro France possède plusieurs filiales en France dont cinq dans le domaine des jeux. La plus importante est la société Player Special Diffusion (PSD), filiale depuis 1990, à 99 p. 100. Elle détient depuis le 1er janvier 1989, renouvelée le 26 octobre 1990, l'exclusivité d'importation pour les marques de billard électronique Williams et Bally.

Il existe d'autres importateurs indépendants, notamment Avranches Automatique, importateur de billards électroniques de marque Data East, qui fait partie des sociétés plaignantes, et Monpal SA, qui importe les billards électroniques de marque Gottlieb.

En dehors des sept sociétés plaignantes qui commercialisent pour revendre aux exploitants, en se fournissant auprès des importateurs, des billards électroniques dans des proportions variables (la vente de billards électroniques représente 16 p. 100 du chiffre d'affaires de Sistème contre 52 p. 100 pour Avranches Automatique), d'autres distributeurs indépendants sont présents sur ce marché.

Sur le marché du billard électronique neuf, le montant des transactions s'est élevé en 1991 à un total de plus de 118 millions de francs.

3. La répartition des ventes de billard électronique neuf fait ressortir la domination de la société PSD

La marque Williams représentait, en volume, 43,1 p. 100 du total des ventes de billards électroniques neufs en 1989, 41,4 p. 100 en 1990 et 33 p. 100 en 1991. La marque Bally atteignait respectivement 16,3 p. 100, 22,8 p. 100 et 23,6 p. 100.

En valeur, les deux marques importées par PSD qui représentaient en 1989 64,4 p. 100 du total des ventes ont fortement régressé en 1990 et 1991, tout en restant fortement majoritaires, passant globalement, de 68,7 p. 100 à 56,9 p. 100 du marché.

D'après le classement par recettes réalisé en septembre 1991 par le magazine Play Meter, la renommée des billards électroniques de marques Williams et Bally apparaît particulièrement forte. En effet, ces marques occupaient, sur dix positions, les quatre premières places et les billards électroniques Williams et Bally étaient cités huit fois. La revue Replay a également publié un classement comparable qui place sept billards électroniques de marque Williams et Bally parmi les dix meilleurs jeux.

B. - Les pratiques relevées

1. Un prix de vente uniforme des billards électroniques

A chaque sortie d'un nouveau modèle, l'importateur PSD avertissait les distributeurs de son arrivée sur le marché, généralement par télécopie, comprenant un descriptif résumé de la machine et un bon de commande avec le prix de vente public conseillé (cote 1031).

Compte tenu de l'exclusivité d'importation dont bénéficiait PSD et des coûts de gestion sensiblement identiques de tous les distributeurs, les prix de vente publics aux exploitants des billards électroniques de marque Williams et Bally étaient à peu près les mêmes, autour de 20 000 F (annexe 26, cotes 2172 à 2175).

2. La rupture des relations commerciales avec certaines entreprises

Le 22 août 1991, alors que l'arrivée sur le marché français d'un nouveau billard électronique Williams appelé "Terminator II" avait été annoncée par la presse spécialisée et, alors que PSD n'en avait pas informé ses clients, cette société a fait savoir que ses conditions commerciales avaient changé lorsque certains distributeurs non membres du groupe Amiro lui ont adressé des commandes spontanées.

Antérieurement, la remise accordée aux distributeurs indépendants était d'environ 15 p. 100. Or, à compter du 22 août 1991, la remise accordée aux distributeurs indépendants par rapport au prix de vente public conseillé a été ramenée unilatéralement à 5 p. 100.

L'instruction n'a pas permis de trouver les contreparties réelles liées à ces nouvelles conditions.

Economiquement, les distributeurs concernés ont fait valoir que la réduction de leur marge de 15 p. 100 à 5 p. 100 ne leur permettait pas de faire face à leurs coûts de fonctionnement (annexe 26, cotes 2127 à 2135 et 2172 à 2180).

Juridiquement, le fait de ne plus accorder qu'une remise de 5 p. 100 au lieu de 15 p. 100, après le 22 août 1991, aux sociétés ne faisant pas partie du groupe Amiro, tout en maintenant le taux de 15 p. 100 pour les entreprises du groupe, n'apparaissait pas justifié par un changement de situation.

En pratique, PSD a éprouvé quelques difficultés à justifier cette modification, reportant la responsabilité tantôt sur Kunick, la société mère, tantôt sur l'évolution économique générale (annexes 6 et 26, cotes 374 et 2113).

En tout état de cause, les relations commerciales entre PSD et les distributeurs indépendants ont été interrompues à partir de cette date.

3. Des ristournes différenciées aggravées

L'enquête a révélé que la différenciation était, en réalité, antérieure au 22 août 1991. A partir des factures détenues par PSD notamment pour le modèle "River Boat", il a pu être constaté qu'entre novembre 1990 et août 1991, les sociétés du groupe Amiro bénéficiaient d'une marge de 16,2 p. 100, alors que les entreprises extérieures au groupe n'obtenaient que 12,2 p. 100.

En ce qui concerne les conditions générales de vente, et plus particulièrement les remises quantitatives, leur montant était limité à 5 p. 100 du prix de vente conseillé pour les revendeurs indépendants, contre 13 à 15 p. 100 de remise selon les modèles pour les revendeurs du groupe Amiro.

S'agissant des prix facturés, la plupart des membres du groupe Amiro obtenaient de PSD des conditions plus avantageuses que celles prévues aux conditions de vente annoncées. Il a pu être ainsi établi que les distributeurs du groupe Amiro bénéficiaient de conditions particulières de 15,5 p. 100 inférieures au prix de référence, à la différence des autres revendeurs (annexes 26, cote 2122).

4. Des anomalies dans les relations commerciales

Les billards électroniques Williams et Bally arrivent, par conteneur, chez un transitaire en douane unique à un rythme irrégulier et inconnu des distributeurs.

La répartition des machines entre les distributeurs, en fonction des dates des commandes, était réalisée par le transitaire sur instruction de l'importateur en pourcentage des différentes commandes (annexe 26, cote 2168).

Au cours du premier semestre 1991, un certain nombre de commandes des sociétés plaignantes, soit n'ont pas été honorées, soit ont été retardées. Il est ainsi avéré, par les déclarations de M. Maupeu et de M. Gros, gérants respectivement, de Kendo et de Sistème, que certains clients qui se sont adressés directement à PSD, au lieu de leur distributeur habituel, ont pu disposer directement de la marchandise.

Plus aucune commande n'a été honorée après le 22 août 1991. En outre, les sept distributeurs indépendants n'ont plus reçu de télex annonçant l'arrivée de nouveaux billards électroniques, et notamment pas du modèle "Terminator II".

Il a été constaté que ces pratiques ont été générales et simultanées à l'égard des sept sociétés plaignantes (annexe 26, cotes 2124 et 2135).

5. Des pratiques de prix dissuasives à I'égard des distributeurs indépendants

Alors que, le 3 décembre 1990, PSD avait adressé aux distributeurs indépendants une lettre les incitant fortement à consacrer en priorité leurs efforts à la diffusion des marques Williams et Bally et exprimant le souhait de PSD de contrôler le marché (annexe 6, cotes 380 et 381), cette dernière a proposé occasionnellement des billards automatiques directement à des exploitants à un prix inférieur à celui offert aux distributeurs indépendants.

Ainsi, les dirigeants des sociétés Flandres Automatique et Transcards ont fait état de l'existence de telles pressions en précisant qu'elles se traduisaient, dans certains cas, par la vente directe aux clients des distributeurs de billards électroniques, par PSD, à un prix moins élevé que le prix conseillé (cote 631 et annexe 26, cotes 2131 et 2177). Par exemple, le billard électronique "Terminator Il" a été proposé, en août 1991, par PSD à Avranches Automatique ainsi qu'à Kendo, à un prix de 21 200 F, avec une remise de 5 p. 100, alors qu'en septembre 1991 PSD l'a mis en vente directement aux exploitants à 19 000 F (annexe 26, cotes 267 et 297).

6. Une impossibilité d'approvisionnement en billards électroniques des marques Williams et Bally

Face à l'attitude de PSD, les distributeurs indépendants ont cherché à s'approvisionner par d'autres voies en billards électroniques des marques Williams et Bally notamment auprès d'importateurs étrangers. Il résulte des déclarations circonstanciées des responsables des entreprises plaignantes qu'il leur a été impossible d'obtenir des produits neufs des marques Williams et Bally auprès d'importateurs anglais, allemands, belges ou espagnols qui ont tous motivé leur refus par le souci de respecter l'exclusivité de PSD pour la France (annexe 3, cote 175 ; annexe 5, cote 297 ; annexe 9, cote 631 ; annexe 4, cote 259 ; annexe il, Cote 745).

Le responsable de la SARL Centrale Amusements à Strasbourg a même dénoncé l'existence de pressions de la part de PSD sur les importateurs étrangers afin qu'ils ne livrent pas de billards électroniques à des distributeurs français sous peine de représailles (annexe 12, cote 747). Au cours du second semestre 1991 et du premier semestre 1992, les distributeurs français ne possédaient donc pas de solution alternative à PSD pour obtenir des billards électroniques des marques Williams et Bally.

PSD a repris, en novembre 1992, des relations commerciales avec certains des revendeurs indépendants aux mêmes conditions qu'antérieurement au mois d'août 1991.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur l'irrecevabilité de la procédure :

Considérant que PSD soutient que la saisine des sociétés Paris Automatique, Flandres Automatique, Transcards, Kendo, Vidéokit, Avranches Automatique et Sistème est irrecevable au motif qu'elles n'ont pas respecté l'article 6 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence, qui prescrit que la saisine mentionne le chiffre d'affaires des trois derniers exercices, et qu'elle est accompagnée des bilans et comptes de résultat correspondants, alors que ce n'est qu'au cours des auditions des dirigeants des entreprises plaignantes que les bilans ont été communiqués ;

Considérant, cependant, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la non-production des documents comptables des trois derniers exercices simultanément à la saisine entraîne l'irrecevabilité de celle-ci ; qu'au surplus, il n'est pas contesté que ces informations ont été communiquées au cours de la procédure d'instruction ;

Sur le marché pertinent :

Considérant que, PSD soutient que le marché pertinent est celui des appareils de jeux récréatifs, qui comprennent principalement les billards automatiques, les jeux vidéo, les électrophones automatiques, les football de table et les billards, et que, pour le moins, il existe une substituabilité entre le billard électronique et le jeu vidéo ;

Considérant que, parmi les jeux automatiques, les électrophones ou "jukebox", qui répondent à une demande, d'écoute de musique et dont le prix est deux fois supérieur au prix moyen d'un billard électronique ou d'un jeu vidéo, n'appartiennent pas au même marché que ces deux biens;

Considérant que le prix d'un billard ou d'un football de table (babyfoot) est de moitié inférieur au prix d'un billard électronique ou d'un jeu vidéo; que les éléments techniques du billard ou du babyfoot font appel à une partie mécanique très réduite ; que leurs propriétés ludiques en raison notamment de leur caractère de jeu collectif, sont nettement différentes de celles d'un billard électronique ou d'un jeu vidéo; que, dès lors, le billard et le babyfoot n'appartiennent pas au même marché que le billard électronique ou le jeu vidéo;

Considérant que le billard électronique possède par rapport au jeu vidéo des caractéristiques spécifiques; que ce jeu a pour principe la circulation d'une ou plusieurs billes sur un plateau en pente muni de cibles à partir desquelles sont décomptés les points sur la base d'un mécanisme électronique ; que le jeu vidéo est fondé sur un logiciel informatique permettant le défilement d'images offrant au joueur plusieurs scénarios interchangeables pour un même meuble (simulation de conduite, combats, tirs, vitesse...); que le jeu vidéo fait l'objet de conditions d'utilisation particulières avec une réglementation propre telle qu'elle résulte de l'arrêté du 21 juillet 1993 ordonnant l'apposition de mises en garde dans les établissements mettant des jeux vidéo à la disposition du public; que le comportement des demandeurs de billards électroniques c'est-à-dire les exploitants de cafés ou de salles de jeux, montre que ces derniers ne considèrent pas le billard électronique et le jeu vidéo comme deux biens substituables; qu'ainsi, le rapport administratif a pu relever, à partir des auditions réalisées auprès des professionnels exploitants, que dans un café, le billard électronique est parmi les jeux installés le jeu de base et que, selon les déclarations de M. Tastet, responsable de la société Tastami, filiale de PSD, "s'il n'y a qu'un jeu c'est un flipper" ; que, d'ailleurs, le représentant de PSD a précisé en séance, qu'entre août 1991 et novembre 1992, lorsque les distributeurs indépendants ont eu des difficultés pour s'approvisionner en billards automatiques de marques Williams et Bally, ils ont reporté leurs achats sur d'autres marques de billards automatiques et non sur des jeux vidéo ; que, bien que la recette globale annuelle pour un appareil s'élève, selon la direction générale des impôts, à 16 000 F pour un billard automatique et à 18 000 F pour un jeu vidéo, la part des billards électroniques dans le parc total des jeux automatiques (42 p. 100) représente plus du double de celle des jeux vidéo (20 p. 100) ; que cette différence ne peut s'expliquer par l'ancienneté du stock des billards électroniques dans la mesure où il est avéré que ceux-ci sont changés en moyenne tous les deux ans ; qu'ainsi il résulte de ces différents éléments que les acheteurs de ces appareils attribuent au billard électronique des qualités propres qui en font un produit non substituable par rapport à d'autres jeux à pièces de monnaie et qu'il constitue donc un marché spécifique;

Sur la position dominante :

Considérant qu'il est constant que la part des ventes de PSD sur le marché du billard électronique neuf avec les marques Williams et Bally s'est élevée à 64,4 p. 100 en 1989, 68,7 p. 100 en 1990 et 56,9 p. 100 en 1991; qu'ainsi PSD était en position dominante sur le marché du billard électronique neuf sur la période considérée; qu'il importe peu à cet égard, contrairement à ce que soutient PSD, que le pourcentage moyen de chiffre d'affaires réalisé avec cette société par les sociétés plaignantes ne se soit élevé qu'à 18,7 p. 100 en 1990 et à14,6 p. 100 en 1991 ;

Considérant qu'il résulte des cotations réalisées par les revues de jeux automatiques que les billards automatiques des marques Williams ou Bally sont classés aux premiers rangs pour leurs ventes et leur rentabilité; qu'ainsi, leur notoriété est particulièrement forte auprès des exploitants et des joueurs;

Sur les abus de position dominante :

Considérant qu'entre août 1991 et juin 1992, PSD a accordé des ristournes différenciées aux membres du groupe Amiro, par rapport aux revendeurs indépendants que ces conditions de vente, dans la mesure où elles n'étaient pas justifiées par des contreparties réelles, avaient un caractère discriminatoire; que cette société a, en outre, ramené unilatéralement le pourcentage de la remise accordée aux revendeurs indépendants de 15,5 p. 100 à 5 p. 100 alors qu'avec ce taux ces derniers ne pouvaient faire face à leurs charges et étaient donc contraints soit d'encourir des pertes, soit d'abandonner la commercialisation des marques Williams et Bally ; qu'elle a, par ailleurs, en août 1991, refusé d'adresser aux distributeurs indépendants contrairement à l'habitude un bon de commande à l'occasion de la sortie du nouveau modèle Williams "Terminator Il", alors que les bons de commande constituaient le seul moyen d'accès à l'approvisionnement auprès de l'importateur en billard automatique ; qu'elle a, enfin, de façon occasionnelle, vendu directement aux exploitants des billards automatiques à un prix inférieur à celui auquel ils étaient offerts aux distributeurs indépendants ; que l'ensemble de ces éléments caractérise un abus de la part de PSD qui a eu pour objet ou a pu avoir pour effet d'éliminer la concurrence sur le marché du flipper neuf ;

Considérant que si PSD soutient que les conditions de vente différenciées entre les distributeurs sont compatibles avec le droit de la concurrence dès lors que des ristournes quantitatives particulières sont accordées à des distributeurs réunis sous une enseigne commune, il ressort, cependant des constatations que les membres du groupe Amiro ne commercialisaient pas de produits sous une enseigne commune mais sous leur propre raison sociale ;

Considérant que les pratiques dénoncées ont un lien de causalité directe avec le pouvoir de domination exercé par cette entreprise dans la mesure où elle a tiré parti du fait qu'elle détenait plus de 50 p. 100 du marché du billard électronique neuf avec les deux marques les plus renommées pour imposer ses agissements;

Considérant que PSD fait valoir que les pratiques dénoncées n'ont eu qu'une portée limitée et n'ont pas porté une atteinte sensible au jeu de la concurrence ;

Considérant, cependant, quel'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, dès lors qu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence; que l'article 8 du même texte est applicable dans les mêmes conditions ; qu'est ainsi prohibée par ces dispositions toute pratique, même si elle n'a aucun effet, dès lors qu'elle a un objet ou peut avoir un effet anticoncurrentiel sur le marché;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les pratiques susmentionnées, mises en œuvre par la société PSD sont prohibées par le 1 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur la sanction :

Considérant que la gravité des pratiques mises en œuvre par la société PSD résulte du caractère multiforme et systématique des actions menées par cette entreprise qui a utilisé sa position pour chercher à éliminer des entreprises sur le marché concerné ;

Considérant que ces atteintes, visant à restreindre la concurrence au profit des seules entreprises appartenant au groupe Amiro, ont porté sur une période continue de quinze mois ; que ces pratiques d'éviction ont été mises en œuvre à l'encontre d'entreprises représentant au minimum un tiers des ventes sur le marché considéré ;

Considérant que PSD a réalisé du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993 un chiffre d'affaires de 149 135 807 F ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une sanction pécuniaire de 400 000 F ;

Décide

Article 1er : Il est infligé à la société PSD une sanction pécuniaire de 400 000 F.