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Décisions

Conseil Conc., 3 septembre 1996, n° 96-D-51

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la SARL Héli-Inter Assistance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. André-Paul Weber, par MM. Barbeau, président ; Cortesse, vice-président ; M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.

Conseil Conc. n° 96-D-51

3 septembre 1996

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 27 juin 1995 sous le numéro F 772, par laquelle la SA Jet Systems a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la SARL Héli-Inter Assistance en tant qu'exploitant de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu la lettre du président du Conseil de la concurrence en date du 15 avril 1996 notifiant aux parties et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter l'affaire devant la commission permanente, en application de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par la SARL Héli-Inter Assistance et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement entendus ; le directeur adjoint du centre hospitalier de Narbonne entendu sur le fondement de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; les représentants de la SA Jet Systems et de la SARL Héli-Inter Assistance entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

Par une convention en date du 26 avril 1988, la société d'économie mixte locale Sena-Sud a confié à la SARL Air Assistance, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SARL Héli-Inter Assistance, la gestion de l'hélistation de Narbonne, localisée sur le territoire de cette commune au lieudit Saint-Crescent-le-Vieil.

A la suite d'un appel d'offres lancé fin 1994, le centre hospitalier de Narbonne a confié à la SA Jety Systems un marché de fourniture de transports sanitaires héliportés pour des interventions primaires et secondaires. Le marché prévoit que l'appareil devra être stationné sur l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil.

A. La convention conclue entre la société d'économie mixte locale Sena-Sud et la SARL Air Assistance

Par la convention du 26 avril 1988, la société d'économie mixte locale Sena-Sud a autorisé la SARL Air Assistance " à occuper l'hélistation de Narbonne sous le régime général de l'occupation temporaire du domaine public ". Selon l'article 2.2 de la convention, la SARL Air Assistance est autorisée à exercer " l'exploitation d'une hélistation ouverte à tous assurant toutes prestations de services, tels que travaux d'entretien et de maintenance toutes activités de transport et de travail aérien sur hélicoptère conformes à la réglementation en vigueur ".

L'article 3.3 de la convention précise par ailleurs que " le permissionnaire ne pourra s'opposer à l'atterrissage et à l'envol de tous hélicoptères sur les installations présentement confiées. Il proposera au contraire ses prestations qu'il facturera selon un barème clairement affiché à l'intention des usagers. Une copie de ce barème comportant notamment le tarif des redevances et taxes aéronautiques sera remise à la SEML Sena-Sud, pour accord préalable ".

Au titre des " conditions particulières ", la convention comporte notamment des clauses concernant sa durée, les modalités de rupture du contrat et le montant de la redevance domaniale.

L'autorisation faisant l'objet de la convention, devant prendre effet le 1er juin 1988, a, à l'origine, été accordée pour une durée de douze années (art. 4.1.1). Par un avenant en date du 27 juin 1990, l'autorisation d'occupation temporaire et d'utilisation de l'hélistation a été prolongée de cinq ans. Ayant pris effet le 1er juin 1988, elle doit prendre fin le 1er septembre 2005.

En cas de rupture du contrat, l'article 4.1.3 prévoit : " Dans tous les cas où il devra être mis fin définitivement à la présente autorisation à quelque époque que ce soit, la SEML Sena-Sud devra à la société Air Assistance un préavis de six mois par simple lettre recommandée avec accusé de réception.

" De son côté, le permissionnaire désireux de mettre fin amiablement à la présente convention informera la SEML Sena-Sud de son intention dans les mêmes forme et durée que ci-dessus. Dans cette hypothèse et prenant en considération l'investissement réalisé par SEML Sena-Sud, le permissionnaire s'engage à verser à SEML Sena-Sud une indemnité égale au loyer restant dû jusqu'à l'échéance de la convention. Cette dernière pourra toutefois libérer le permissionnaire de cette obligation en présence d'un autre demandeur paraissant lui offrir toutes les garanties nécessaires pour la poursuite de l'occupation. "

S'agissant enfin des conditions financières, l'article 4.5 de la convention prévoit le versement d'une redevance domaniale, dont le montant initial avait été fixé en 1988 à 42 000 F HT et dont la révision intervient automatiquement et de plein droit le 1er janvier de chaque année en fonction des variations du coût de la construction. La redevance s'élevait à 111 504,44 F en 1990 et, en 1995, à 119228,16 F.

En contrepartie du paiement de la redevance pour occupation du domaine public, le permissionnaire a ainsi la possibilité d'exploiter les équipements de l'hélistation constitués en particulier de deux aires d'envol et d'atterrissage et d'un local d'accueil et de garage composé d'un bâtiment pour partie à usage de bureau, salle d'attente et sanitaires et, pour une autre partie, à usage d'atelier et de hangar.

B. L'appel d'offres lancé par le centre hospitalier de Narbonne en octobre 1994 concernant " une prestation de service effectuée par un hélicoptère chargé de remplir des missions de transport sanitaire dans le cadre des activités SMUR "

De 1989 à 1994, la SARL Air Assistance puis la SARL Héli-Inter Assistance ont été successivement titulaires du marché de fourniture de transports sanitaires héliportés pour le SMUR du centre hospitalier de Narbonne. Un nouvel appel d'offres a été lancé en octobre 1994. Le règlement particulier d'appel d'offres prévoyait que le marché, conclu pour une année et renouvelable par tacite reconduction pour une période globale ne pouvant excéder trois années, prendrait effet le 1er janvier 1995. Les candidats étaient invités à établir une proposition financière sur la base d'une activité prévisionnelle estimée à 250 heures de vol par an. La proposition devait comprendre une partie fixe payable mensuellement à terme échu et une partie correspondant aux heures de vol effectuées, payable mensuellement après service fait.

Le cahier des clauses techniques particulières précisait que " l'appareil devra rester à la disposition du SMUR de Narbonne sur l'hélistation de Saint-Crescent située au sud de la ville. " (art. 2.3). En application de l'article 4, le titulaire du marché devait " employer au moins un mécanicien qualifié sur le ou les types d'appareils mis à la disposition du centre hospitalier de Narbonne... l'appareil (devant être) entretenu sur l'hélistation de Saint-Crescent ou dans le hangar de la société pour les visites périodiques et les échanges mécaniques ". Selon l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières, " les avitaillements s'effectueront de préférence à l'hélistation de Saint-Crescent à Narbonne à la charge de la société, les temps de vol nécessaires à l'entretien et aux avitaillements à la base d'exploitation si elle est éloignée ne seront pas facturés ". Par additif en date du 15 novembre 1994, le cahier des clauses techniques particulières prévoyait que les candidats présenteront " en plus de l'offre de base une proposition de prix pour une permanence de 24 heures sur 24 ".

L'avis d'appel, à candidatures ayant été publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de la Communauté européenne, treize sociétés ont demandé un dossier de consultation. Les offres de six sociétés ont été enregistrées. Les résultats de l'appel d'offres sont ci-après reproduits.

EMPLACEMENT TABLEAU

Dans sa séance du 29 décembre 1994, la commission d'appel d'offres a retenu la proposition de la société Jet Systems avec l'option " 24 heures sur 24 ". Le montant annuel de l'offre de 1 538 000 F se décomposait comme suit : partie fixe 1 083 000 F/an ; 250 heures de vol jour et nuit pour 455 000 F/an.

Par une lettre en date du 6 janvier 1995, la SA Jet Systems a sollicité de la société Héli-Inter Assistance les tarifs qu'elle pouvait lui consentir au titre de l'utilisation des installations de l'hélistation, en précisant : " Suite à notre dernier entretien, voici les facilités dont nous souhaiterions disposer sur l'hélistation de Narbonne, dans le cas où nous ne procéderions pas à la location de votre hélicoptère :

- stationnement de l'appareil (avec sortie directe sur le parking),

- branchement électrique. (220 volts) ;

- branchement PTT (1 ligne) ;

- aire de lavage ;

- livraison de carburant ;

- bureau de permanence pour le pilote ;

- accès aux sanitaires.

Pouvez-vous nous chiffrer chaque partie avec une tarification mensuelle. En cas de location de votre appareil, quel serait le coût de ces mêmes prestations ? ".

La SA Jet Systems a, le même jour, reçu les " meilleures conditions " de la SARL Héli-Inter Assistance pour " ... l'utilisation de l'hélistation de Saint-Crescent à Narbonne et les facilités que, cette utilisation peut ... apporter :

- stationnement d'un hélicoptère (emplacement à déterminer) ;

- mise à disposition d'une aire de lavage ;

- branchement électrique et PTT privatifs (frais de branchements et consommation à voire charge) ;

- livraison de carburant (heures de bureau) ;

- mise à disposition d'un bureau de permanence (charges comprises) aux heures de bureau ;

- accès aux sanitaires (aux heures de bureau).

Forfait mensuel sur la base de 1 200 F HT/jour de semaine et WE et jours fériés sur la base de 1 800F HT/jour, soit (22 j x 1 200 F) + (8 x 1 800 F)= 40 800 francs HT mois.

L'utilisation d'atterrir et d'utiliser cette hélistation est subordonnée à votre acceptation de ces conditions et au versement préalable de deux mois de forfait mensuel, soit 81 600 F HT ".

- La SA Jet Systems a rejeté ces propositions et, dès le 10 février 1995, a fait état auprès des services de la ville de Narbonne de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de s'entendre avec la SARL Héli-Inter Assistance.

Durant l'année 1995, la SARL Héli-Inter Assistance a néanmoins adressé à la SA Jet Systems vingt et une factures " provisionnelles " pour des prestations relatives au stationnement et à la taxe d'atterrissage des appareils, pour un montant global de 145 974,45 F. Ces factures n'ont pas été honorées. Le 13 juin 1995, la SARL Héli-Inter Assistance a fait assigner la SA Jet Systems devant le Tribunal de commerce de Narbonne afin de la faire condamner à payer les sommes alors facturées. Le 5 février 1996, le tribunal de commerce a débouté la SARL Héli-Inter Assistance au motif eu particulier que " les factures produites par la SARL Héli-Inter Assistance ne font état que de prestations relatives au stationnement et taxes d'atterrissage des appareils ... (et) qu'il résulte du courrier de M. le maire de Narbonne en daté du 16 juin 1989 bien antérieur donc au marché dont la SA Jet Systems est devenue titulaire que les taxes aéronautiques "en ce qui concerne les opérations de SAMU et SMUR il n'est pas envisagé de réclamer de tels paiements aux sociétés qui effectuent des transports sanitaires ". Le litige est pendant devant la Cour d'appel de Montpellier.

C. Les conditions d'exécution du marché hospitalier

Selon les déclarations faites en séance et qui n'ont pas été contestées, la SA Jet Systems assure, depuis janvier 1995, le marché de fourniture de transports sanitaires héliportés pour le centre hospitalier de Narbonne sans être en mesure d'utiliser les facilités de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil. Faute de disposer d'un bureau, les pilotes de la SA Jet Systems utilisent une caravane située sur un terrain contigu à l'hélistation. L'accès au garage lui étant interdit, l'hélicoptère, stationné sur le site, est soumis aux intempéries, à des risques de dégradation et sa mise en sécurité n'est pas assurée. La SA Jet Systems ne peut davantage recourir ni à l'aire de lavage des appareils ni à la station de kérosène. Elle est ainsi contrainte de recourir à des moyens de fortune pour procéder au nettoyage de son hélicoptère et de faire venir le kérosène par le moyen d'un camion-citerne en provenance de Lézignan.

Il résulte enfin des pièces versées au dossier et des déclarations développées en séance que la SARL Héli-Inter Assistance, qui n'intervient que très ponctuellement sur l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil depuis qu'elle a perdu le marché de l'hôpital, n'offre sur l'hélistation considérée aucun des services visés à l'article 2.2 de la convention du 26 avril 1988.

II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÉDENT, LE CONSEIL

Considérant que la SA Jet Systems, qui avait soumissionné, en concurrence avec d'autres sociétés, dont la SARL Air Assistance, aux droits de laquelle vient la SARL Héli-Inter Assistance, à un appel d'offres lancé fin 1994 pour un marché de fourniture de transports sanitaires héliportés passé par le centre hospitalier de Narbonne, a été déclarée attributaire de ce marché;

Considérant que l'article 2, alinéa 3, du cahier des clauses techniques particulières afférent à ce marché prévoit que " l'appareil devra rester à la disposition du SMUR de Narbonne sur l'hélistation de Saint-Crescent située au Sud de la ville " ; que par une convention en date du 26 avril 1988 la Semi Sena-Sud a autorisé la SARL Air Assistance, aux droits de laquelle vient la SARL Héli-Inter Assistance, à " occuper l'hélistation de Narbonne sous le régime général de l'occupation temporaire du domaine public " et à exploiter l'hélistation ouverte à tous " en assurant toutes prestations de services, tels que les travaux d'entretien et de maintenance (et) toutes activités de transport et de travail aérien sur hélicoptères conformes à la réglementation en vigueur " ; que cette autorisation doit prendre fin le 1er septembre 2005 ; qu'ainsi la SARL Héli-Inter Assistance est la seule société autorisée à offrir des prestations de services aux équipages des hélicoptères opérant à partir de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil; qu'elle détient ainsi un monopole sur le marché de l'exploitation de cette hélistation;

Considérant que la SA Jet Systems est dépendante, pour l'exécution du marché de fourniture de transports sanitaires d'urgence héliportés du centre hospitalier de Narbonne, de la SARL Héli-Inter Assistance qui est par ailleurs son concurrent ; que cette dépendance résulte principalement du fait que l'appareil de la SA Jet Systems doit, en exécution du contrat passé avec le centre hospitalier de Narbonne, rester à la disposition de ce centre sur cette hélistation ; que cette dépendance s'étend à d'autres services susceptibles d'être offerts par la SARL Héli-Inter Assistance, tels que le ravitaillement de l'appareil en carburant ou la mise à disposition de moyens de lavage de l'appareil ou encore son stationnement dans un lieu assurant des conditions de sécurité ; que la SARL Héli-Inter Assistance reconnaît dans ses observations que " l'exploitant de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil dispose d'une facilité essentielle et utilise lui-même cette installation pour ses propres besoins " ;

Considérant que, si la SA Jet Systems a dû, depuis l'obtention du marché du centre-hospitalier, assurer par elle-même certains des services nécessaires au fonctionnement de son appareil, faute d'un accord avec la SARL Héli-Inter Assistance, les solutions précaires mises en œuvre, telles, par exemple, que l'installation d'une caravane pour les pilotes ou le ravitaillement de l'appareil par camion-citerne en provenance de Lézignan, ne peuvent être considérées comme économiquement équivalentes à celles qu'aurait pu fournir le gestionnaire de l'hélistation ; que, comme l'a déclaré le directeur adjoint du centre hospitalier, ces solutions précaires font peser un risque sur la sécurité et la continuité de l'exploitation du service par la SA Jet Systems ;

Considérant que la SARL Héli-Inter Assistance soutient dans ses observations en réponse à la notification de griefs que depuis septembre 1995 la SA Jet Systems dispose gratuitement d'un terrain sur lequel 'elle pourrait satisfaire ses besoins liés au fonctionnement, de son appareil, tels que la livraison de carburant ou les prestations d'un mécanicien, " étant entendu que les atterrissages doivent toujours s'effectuer sur l'Ihélistation pour des raisons réglementaires et de sécurité " ; qu'elle allègue à cet égard l'existence d'une convention d'octobre 1995 entre la ville de Narbonne, le centre hospitalier général, la Seml Sena Sud et la SA Jet Systems, qui mettrait à la disposition de cette dernière d'un terrain de 1 583 mètres carrés contigu à l'hélistation ; qu'ainsi ; en tout état de cause, la SA Jet Systems ne serait plus dépendante de la SARL Héli-Inter Assistance depuis le 1er octobre 1995 ;

Mais considérant qu'il résulte des déclarations en séance du directeur adjoint du centre hospitalier de Narbonne que cette convention n'a jamais été signée ; que, dans ces conditions, la SA Jet Systems a continué d'être dépendante de la SARL Héli-Inter Assistance postérieurement au 1er octobre 1995 ;

Considérant que, lorsque l'exploitant monopolistique d'une " infrastructure essentielle " est en même temps le concurrent potentiel d'une entreprise offrant un service exigeant le recours à cette facilité, cet exploitant peut restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval du service en abusant de sa position dominante ou de la situation de dépendance dans laquelle se trouvent ses concurrents à son égard en établissant un prix d'accès injustifié à cette facilité;

Considérant que c'est précisément pour se prémunir contre de tels risques et permettre l'émergence d'une concurrence dans le secteur des télécommunications, secteur dans lequel l'opérateur public gérant de la boucle locale est aussi susceptible d'être en concurrence sur le marché des services de télécommunications avec des entreprises ayant besoin d'avoir accès à cette boucle locale, qu'a été adoptée la résolution du conseil des ministres de l'Union européenne du 18 septembre 1995 et que sont en voie d'élaboration différentes directives relatives à l'interconnexion ; que, si ces textes concernent le secteur des télécommunications, secteur différent de celui concerné par l'affaire faisant l'objet de la présente décision, il y a cependant lieu de s'inspirer des principes qui les sous tendent compte tenu de la similarité des situations qu'ils concernent avec celle relevée dans la présente affaire ; qu'en particulier ces résolutions ou projets de directives prévoient que les exploitants des structures essentielles doivent faire droit aux demandes raisonnables d'accès à ces structures présentées par leurs concurrents sur les marchés de services avals ; que les conditions financières offertes pour l'accès à la structure essentielle par son exploitant devront être non discriminatoires par rapport aux conditions qu'il s'applique pour sa propre production de services concurrencés et que ces conditions devront être proportionnées, orientées vers les coûts, transparentes et relever de critères objectifs ;

Considérant, en application de ces principes et des principes généraux du droit de la concurrence qui visent à préserver le jeu de la concurrence sur les marchés, que constituerait une pratique ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et prohibée par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le fait, pour l'exploitant d'une structure essentielle, de refuser de façon injustifiée l'accès de cette dernière à ses concurrents ou de ne leur permettre cet accès qu'à un prix abusif, non proportionné à la nature et l'importance des services demandés, non orienté vers les coûts de ces services et non transparent, leur interdisant ainsi de faire des offres ou de réaliser des marchés dans des conditions compétitives avec les siennes ; que, de même, constituerait une pratique anticoncurrentielle le fait pour l'opérateur d'une structure essentielle de mettre en œuvre une discrimination de prix visant à s'imputer des charges d'accès à la structure qu'il gère moindres que celles qu'il tarifie à ses concurrents ;

Considérant, au cas d'espèce, que la SA Jet Systems a pris contact à la fin de 1994 ou au début de 1995 avec la SARL Héli-Inter Assistance pour connaître les conditions auxquelles elle pourrait bénéficier de certains services sur l'hélistation de Narbonne nécessaires pour la bonne exécution du marché de fourniture de transports sanitaires héliportés du centre hospitalier de Narbonne dont elle avait été déclarée attributaire ; que, par lettre en date du 6 janvier 1995, et suite à ces entretiens préliminaires, elle a demandé à la SARL Héli-Inter Assistance de lui indiquer, dans le cas où elle ne procéderait pas à la location de l'hélicoptère de cette dernière société pour assurer les transports sanitaires d'urgence du centre hospitalier de Narbonne, le tarif mensuel qui lui serait appliqué pour chacun des services suivants : stationnement de l'appareil, branchement électrique et PTT, aire de lavage, livraison du carburant, bureau de permanence pour le pilote, accès aux sanitaires ; qu'elle demandait également le coût de ces mêmes prestations en cas de location de l'appareil de la SARL Héli-Inter Assistance ;

Considérant que par lettre en date du même jour le gérant de la SARL Héli-Inter Assistance a répondu à cette demande en faisant part de " ses meilleures conditions ", lesquelles consistaient en un forfait mensuel de 40 800 F hors taxes pour l'ensemble des services demandés, l'emplacement de l'appareil étant à déterminer, les frais de branchement électriques et de PTT et les consommations restant à la charge de la SA Jet Systems et les autres services étant disponibles aux heures de bureau ; qu'il est constant que cette offre ne comprenait ni décomposition service par service comme le demandait la SA Jet Systems ni évaluation du coût de ces services au cas où cette dernière société aurait loué l'appareil de Héli-Inter Assistance ;

Considérant que la SARL Héli-Inter Assistance soutient dans ses observations en réponse à la notification de griefs que " le devis du 6 janvier 1995 (...) constituait comme toute proposition commerciale, un cadre de discussion, étant entendu que le détail des prestations demandées par la SA Jet Systems n'avait pas été clairement explicité " ; qu'elle soutient également que : " La proposition litigieuse de la société Héli-Inter Assistance comprenait les taxes d'atterrissage et de stationnement (respectivement 150 F par atterrissage et 13 F de l'heure selon tarifs approuvés par la Sena-Sud), mise à disposition d'un bureau équipé et des sanitaires, permanence d'un mécanicien pour la délivrance de carburant notamment (un mécanicien se facture entre 270 et 300 F de l'heure). " ;

Mais considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la SARL Héli-Inter Assistance, son courrier du 6 janvier 1995 ne faisait pas état d'une proposition préliminaire ; qu'il résulte en effet des éléments versés au dossier que cette proposition, qui selon le courrier adressé représentait " les meilleures conditions " de la SARL Héli-Inter Assistance, était formulée après des entretiens préliminaires avec la SA Jet Systems ;

Considérant, en deuxième lieu, que le défaut de décomposition du coût des services, de même que l'absence de réponse concernant le coût de ces services, au cas où la SA Jet Systems louerait l'appareil de la SARL Héli-Inter Assistance, limitait les possibilités de négociations de la SA Jet Systems et rendait non transparentes les offres de prix qui lui étaient adressées ;

Considérant, en troisième lieu, que la SARL Héli Inter Assistance ne saurait utilement soutenir que " le détail des prestations demandées par la société Jet Systems n'avait pas été clairement explicité " ; qu'il résulte, en effet, tant de la lettre que lui avait adressée la SA Jet Systems que de la réponse apportée et des précisions données sur les contours des services proposés, que la demande était claire et que la réponse était sans ambiguïté quant à la nature des services proposés ;

Considérant, en quatrième lieu, que la SARL Héli-Inter Assistance soutient que sa proposition n'était ni abusive ni discriminatoire et n'avait pas pour objet d'entraver l'accès de la SA Jet Systems à l'hélistation ou de l'empêcher de réaliser le marché de transport sanitaire d'urgence de l'hôpital de Narbonne ;

Mais considérant que cette proposition comportait des taxes d'atterrissage à concurrence de 150 F par atterrissage et de stationnement à raison de 13 F l'heure ; qu'en prenant comme hypothèse, comme le fait la SARL Héli-Inter Assistance dans ses observations, un atterrissage tous les deux jours ces taxes représentaient 2 250 F par mois pour les taxes d'atterrissage et 9 360 F pour les taxes de stationnement, soit au total 11 610 F sur les 40 800 F demandés ; qu'il est cependant constant que, par lettre en date du 16 juin 1989, le maire de Narbonne avait fait savoir au directeur du centre hospitalier qu'il n'était pas " envisagé de réclamer de tels paiements aux sociétés qui effectuent les transports sanitaires " ; que, de même, par une lettre en date du 30 juin 1989, le maire de Narbonne avait fait savoir à la société Air Assistance, alors titulaire du marché des transports sanitaires d'urgence héliportés du centre hospitalier de Narbonne, que " dans le cadre des opérations héliportées du SAMU 11 où du SMUR il n'(était) pas envisagé de réclamer le paiement des taxes aéronautiques en vigueur pour des transports sanitaires " ; qu'ainsi la proposition de la SARL Héli-Inter Assistance revêtait manifestement un caractère abusif en imputant à la SA Jet Systems, sans les détailler, des charges dont elle n'ignorait pas que la SA Jet Systems n'avait pas à les supporter puisque la SARL Air Assistance, aux droits, de laquelle vient la SARL Héli-Inter Assistance, avait, elle-même assuré le service des transports héliportés sanitaires d'urgence de l'hôpital de Narbonne jusqu'en 1995 sans avoir à supporter ces charges ;

Considérant que si la SA Jet Systems n'a pas accepté les conditions de la SARL Héli-Inter Assistance, elle a néanmoins été tenue de mettre son appareil à la disposition du centre hospitalier sur l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil en application de la convention passée avec ce centre ; que la SARL Héli-Inter Assistance qui, faute d'un accord, ne lui offrait aucun des services qu'elle avait demandés, lui a cependant adressé des factures correspondant aux taxes de stationnement et d'atterrissage, factures qui, au demeurant, ne reflétaient pas la réalité des mouvements de l'appareil tels qu'ils résultent du carnet de bord fourni par la SA Jet Systems ou des relevés du centre hospitalier ; que, ce faisant, la SARL Héli-Inter Assistance témoignait du fait qu'elle entendait soumettre la SA Jet Systems aux conditions sur là base desquelles elle avait élaboré sa réponse du 6 janvier 1995 ; qu'il est constant que, la SA Jet Systems ayant refusé de payer les sommes réclamées par la SARL Héli-Inter Assistance et ayant été assignée par cette dernière devant le Tribunal de commerce de Narbonne, la SARL Héli-Inter Assistance a été déboutée de ses prétentions par jugement en date du 5 février 1996, le tribunal ayant estimé que la SA Jet Systems n'avait pas à acquitter ces taxes ;

Considérant, en outre, que selon les écritures de la SARL Héli-Inter Assistance, sa proposition comprenait une " permanence mécanicien pour la délivrance de carburant notamment " et qu'elle soutient qu'un mécanicien se facture entre 270 et 300 F de l'heure ; que, cependant, la réponse fournie par la SARL Héli-Inter Assistance ne fait nullement référence à la mise à disposition d'un mécanicien ; que le barème produit par la SARL Héli-Inter Assistance indique que chaque livraison de carburants donne lieu au paiement d'un- forfait de 50 F ; qu'à supposer même que l'on prenne comme base une moyenne d'un déplacement par jour et d'un ravitaillement pour chaque déplacement, la somme totale due en application du barème pour le ravitaillement carburant serait de 30 x 50 = 1 500 F par mois ;

Considérant, également, que dans sa réponse du 6 janvier 1995 la SARL Héli-Inter Assistance indique que les frais de branchements électriques et PTT privatifs ainsi que les consommations afférentes resteront à la charge de la SA Jet Systems ; que le représentant de la SARL Héli-Inter Assistance a estimé lors de la séance, sans d'ailleurs verser au dossier de documents comptables à l'appui de ses déclarations, que les coûts de l'hélistation afférents à l'entretien, à l'assurance et aux consommations d'électricité et de téléphone représentaient pour l'ensemble de l'hélistation environ 2 000 F par mois, le coût de certification des appareils de la SARL Héli-Inter Assistance, qui ne saurait être imputé à la SA Jet Systems, se montant pour sa part à 5 000 F par mois.

Considérant que les seules autres prestations demandées par la SA Jet Systems, à. savoir l'accès à des aires de stationnement et de lavage pour l'hélicoptère et l'accès à un bureau de permanence pour le pilote, ne sauraient justifier l'importance des prétentions de la SARL Héli-lnter Assistance pour la fourniture de ces services, prétentions qui se montent au total à 40 800 F (HT) par mois ; que d'ailleurs la SARL Héli-Inter Assistance n'apporte aucun élément établissant que les conditions tarifaires qu'elle a proposées à la SA Jet Systems étaient proportionnées à la nature et à l'importance des services demandés ou orientées vers les coûts encourus directement ou indirectement par la SARL Héli-Inter Assistance pour la fourniture de ces services à la SA Jet Systems ;

Considérant, en outre, que la SARL Héli-Inter Assistance n'a apporté aucun élément sur les coûts qu'elle s'imputait, au titre de ces services, lorsqu'elle était titulaire, jusqu'à la fin de 1994, du marché de fourniture des transports sanitaires héliportés de ce centre hospitalier ; qu'elle se contente d'indiquer, en ce qui concerne les taxes de stationnement et d'atterrissage, que dès lors que le précédent titulaire du marché de transport était, par ailleurs, l'exploitant de l'hélistation " il était inutile que l'exploitant se facture à lui-même des redevances d'atterrissage liées au transport sanitaire dans la mesure, ou le marché prévoyait explicitement l'impossibilité de les refacturer au centre hospitalier " ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Héli-Inter Assistance a abusé de sa position dominante et de la situation de dépendance dans laquelle la SA Jet Systems se trouvait à son égard en lui imposant une tarification forfaitaire injustifiée et discriminatoire ; que cette pratique pouvait avoir pour effet de restreindre la concurrence en empêchant la SA Jet Systems d'assurer dans des conditions financières justifiées et des conditions techniques acceptables l'exécution du marché de fourniture des transports sanitaires d'urgence héliportés dont elle avait été déclarée attributaire ; que cette pratique a pour objet et peut avoir pour effet d'inciter l'hôpital de Narbonne à dénoncer le marché passé avec la SA Jet Systems pour le service de transports sanitaires héliportés de ce centre, ce marché étant renouvelable annuellement par tacite reconduction pour une période maximale de, trois, ans, et dé dissuader ce centre hospitalier d'attribuer ce marché à toute société autre que la SARL Héli-lnter Assistance ; que, d'ailleurs, lors de la séance du conseil, le directeur adjoint de l'hôpital n'a pas caché la difficulté qu'il pouvait avoir à faire jouer la concurrence dans les circonstances ci-dessus relatées et le risque encouru en continuant de faire assurer le marché par la SA Jet Systems ; que la pratique de la SARL Héli-Inter Assistance est ainsi prohibée par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les injonctions et sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières ... Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos " ; qu'en application de l'article 22, alinéa 2, de la même ordonnance, la commission permanente peut prononcer les mesures prévues à l'article 13, les sanctions infligées ne pouvant excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;

Considérant que l'exécution du marché de fourniture de transports sanitaires héliportés du centre hospitalier de Narbonne, dans des conditions conformes aux clauses des cahiers des clauses techniques particulières et des clauses administratives particulières, implique l'accès aux services liés à l'utilisation de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil exploitée par la SARL Héli-Inter Assistance ; que l'exercice de la concurrence entre les entreprises désireuses de soumissionner aux appels d'offres relatifs à ce premier marché n'est possible que si les tarifs de ces services ne sont pas fixés à un niveau tel qu'il les dissuade de concourir ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la SARL Héli-Inter Assistance de définir des tarifs objectifs, transparents et non discriminatoires ;

Considérant que, par les pratiques mises en œuvre, la SARL Héli-Inter Assistance a cherché à faire échec dans des conditions satisfaisantes à l'exécution du marché lancé par le centre hospitalier de Narbonne ; que ce marché a été attribué à la SA Jet Systems pour un montant à 1 583 000 F, que cette offre doit être comparée à celle qui avait été proposée par la SARL Héli-Inter Assistance s'élevant à 2 157 000 F ; que l'inexécution du marché par la SARL Héli-Inter Assistance pourrait avoir pour conséquence d'entraîner une dépense annuelle supplémentaire pour le centre hospitalier de Narbonne s'élevant à 619 000 F ; que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SARL Héli-Inter Assistance au cours de l'exercice 1995, dernier exercice clos disponible, est de 2 164 777 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 70 000 F,

Décide :

Article 1er : - Il est établi que la société Héli-Inter Assistance a enfreint les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : - Il est enjoint à la SARL Héli-Inter Assistance de justifier auprès du Conseil de la concurrence dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, d'une proposition de tarification des prestations des services liés à l'utilisation de l'hélistation de Saint-Crescent-le-Vieil par la SA Jet Systems pour l'exécution du marché de fourniture des transports sanitaires héliportés du centre hospitalier de Narbonne dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et orientées vers les coûts encourus pour répondre à cette demande.

Article 3 : - Il est infligé à la SARL Héli-Inter Assistance une sanction pécuniaire de 70 000 F.