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Décisions

Conseil Conc., 22 mars 1994, n° 94-D-21

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par l'Office d'annonces

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Jean-René Bourhis, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, MM. Blaise, Rocca, Sloan, Thiolon, membres.

Conseil Conc. n° 94-D-21

22 mars 1994

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 31 janvier 1991 sous le numéro F 385, par laquelle M. Dominique André agissant pour le compte de l'agence de communication-publicité Audace et Stratégies Genard Jacky et la Confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) ont saisi conjointement le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l'Office d'annonces (ODA); Vu la lettre enregistrée le 13 mars 1992 sous le numéro F 489, par laquelle la société Arc-en-Ciel Diffusion a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l'ODA; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application; Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, et notamment son chapitre Il relatif aux prestations de publicité; Vu la décision n° 90-D-3l du 18 septembre 1990 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques relevées sur le marché de la publicité dans les pages jaunes des annuaires officiels des abonnés au téléphone; Vu la décision n° 91-MC-01 du 5 mars 1991 relative à la demande de mesures conservatoires déposée conjointement par l'entreprise Audace et Stratégies Genard Jacky et la Confédération de défense des commerçants et artisans à l'encontre de l'Office d'annonces; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 19 avril 1991 ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 19 novembre 1992 relatif à l'exécution des mesures conservatoires prises à l'encontre de l'ODA; Vu la lettre enregistrée le 13 novembre 1992 par laquelle la présidente du CDCA a informé le Conseil de la concurrence qu'elle retirait sa saisine; Vu la lettre de la société Arc-en-Ciel enregistrée le 17 février 1993, par laquelle cette entreprise a déclaré se désister; Vu les observations présentées par l'ODA, France Télécom, l'agence Audace et Stratégies Genard Jacky et le commissaire du Gouvernement; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de l'agence Audace et Stratégies Genard Jacky, de l'ODA et de France Télécom entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (Il) ci-après exposés :

I.- CONSTATATIONS

A. - Le cadre législatif et réglementaire

1. Les modifications législatives intervenues en 1990 dans le fonctionnement des télécommunications

La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a créé deux personnes morales de droit public, La Poste et France Télécom, placées sous la tutelle du ministre chargé des postes et télécommunications.

France Télécom a pour objet d'assurer "tous services publics de télécommunications dans les relations intérieures et internationales et, en particulier, d'assurer l'accès au service du téléphone à toute personne qui en fait la demande". Elle a également pour objet de fournir "dans le respect des règles de concurrence, tous autres services, installations et réseaux de télécommunications, ainsi que d'établir des réseaux (...)". L'article 25 de ladite loi dispose que les relations de La Poste et de France Télécom avec leurs usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont "régies par le droit commun".

Par ailleurs, depuis le 30 décembre 1990, date de publication au Journal officiel de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 relative à la réglementation des télécommunications, un régime de simple déclaration a remplacé le régime d'autorisation préalable par le ministre des télécommunications, pour ce qui concerne la publication des listes d'abonnés.

2. Les listes d'abonnés officielles

Le nom des titulaires des postes d'abonnements principaux permanents est, conformément à l'article D 359 du code des postes et télécommunications, "inscrit sur une ou plusieurs listes périodiques ou sur des suppléments destinés à tenir ces listes à jour". On désigne communément ces listes sous le nom d'annuaires officiels (pages jaunes et pages blanches). Le même article précise que l'abonné peut, moyennant le paiement d'un supplément de redevance, demander à ce que son nom ne figure pas sur les listes. Par ailleurs, le titulaire d'un abonnement a droit à un exemplaire de la liste d'abonnés du département dans lequel il demeure. Les personnes qui reçoivent gratuitement un terminal électronique (Minitel), aux lieu et place de l'annuaire papier (pages blanches), peuvent également obtenir un exemplaire de la liste professionnelle de leur département (pages jaunes). Cette faculté, qui avait été temporairement supprimée, a été rétablie en 1987 à la suite de nombreuses réclamations d'usagers.

La présence d'espaces publicitaires dans les listes d'abonnés officielles correspond à un usage ancien qui n'est régi par aucune disposition législative ni réglementaire. La commercialisation de ces espaces constitue, en réalité, une activité commerciale annexe à l'activité principale de l'édition des annuaires officiels, laquelle relève de la mission de service public incombant à France Télécom.

B. - L'ODA

1. L'entreprise

L'ODA est une société anonyme au capital social de 20 827 800 F dont l'activité principale est, depuis 1946, la régie exclusive de la publicité dans les annuaires officiels de France Télécom. Cette société est détenue à parité par l'Agence Havas et la Cogecom, filiale de France Télécom, qui détiennent chacune 43,8 p. 100 du capital.

Le chiffre d'affaires de l'ODA n'a cessé de progresser de 1986 à 1992, passant, durant cette période, de 1,953 milliard à 4,371 milliards de francs.

Les principaux supports sur lesquels l'ODA exerce son activité sont :

- l'annuaire officiel imprimé (pages jaunes et pages blanches);

- l'annuaire électronique;

- le Professionnels à professionnels (PAP);

- l'annuaire Europages.

En 1991, les ventes d'espaces publicitaires dans les pages jaunes représentaient environ 68 p. 100 des recettes publicitaires totales de l'ODA.

Au cours de l'année 1991, l'ODA a lancé, en région parisienne, les Pages jaunes locales qui se distinguent des pages jaunes départementales par une assise géographique différente. Au lieu de suivre les contours administratifs départementaux, les Pages jaunes locales recouvrent en effet des zones géographiques restreintes, déterminées en fonction de critères socio-économiques. S'agissant de cette activité, marginale au moment des faits examinés, l'ODA se trouve en concurrence directe avec l'Annuaire Soleil commercialisé au cours de la même période par la société Communication Media Services (CMS), société fondée par d'anciens cadres de l'ODA.

On lit, dans le rapport d'activité de l'ODA pour l'année 1990 : "En 1990, les 45 millions d'annuaires pages jaunes et pages blanches ont été consultés 1,8 milliard de fois. Un impact commercial qui explique le chiffre d'affaires de l'annuaire imprimé, 3,331 milliards de francs, soit un accroissement de 12,4 p. 100."

La clientèle de l'ODA comprend, d'une part, les annonceurs avec lesquels le régisseur entretient des relations directes, par l'intermédiaire de sa propre force de vente, et, d'autre part, les agences de publicité. Les relations avec ces dernières dépendent, pour ce qui concerne la région parisienne, du service "vente agences de publicité" (VAP) et des représentants de la force de vente, pour ce qui concerne la province. Aucune clause de non-concurrence ne figure dans les contrats de travail liant l'ODA à ses représentants qui ont chacun en charge un "portefeuille" de clients dans une zone géographique déterminée.

L'ODA possède, deux filiales, Programme Marketing Annuaires (PMA) et Tonalité qui sont des agences de publicité chargées contractuellement d'effectuer de la prospection de clientèle pour le compte de leur société mère.

2. La convention du 30 juin 1967

La régie exclusive de la publicité a été confiée à l'ODA par une convention en date du 4 février 1946 signée par l'Agence Havas et le ministre chargé de l'administration des postes et des télécommunications. Une convention du 30 juin 1967 a défini, sur de nouvelles bases, les relations entre les parties qui ont, depuis lors, évolué au gré de différents avenants. Le dernier en application, au moment des faits, daté du 18 septembre 1990, attribuait une rémunération "pour ses intermédiaires et pour ses peines et soins" de 32 p. 100 au régisseur exclusif sur le montant hors taxes de l'espace publicitaire facturé au cours de l'édition précédente et de 43,5 p. 100 sur l'écart entre le montant hors taxes de l'espace publicitaire facturé pour l'édition concernée et le montant correspondant de l'édition précédente. Des avantages supplémentaires étaient prévus pour les espaces publicitaires dans l'annuaire électronique, "afin de faciliter la mise à niveau de l'ODA sur ces produits". Le texte de l'avenant mentionnait que la rémunération de l'ODA devait lui permettre de "promouvoir une politique commerciale dynamique, visant la qualité" et d'atteindre, pour les éditions 1992 à 1996, un taux de progression annuel de 15 p. 100. Un règlement d'application de la convention précise les conditions de mise en œuvre de ladite convention.

Le montant total de la redevance versée à France Télécom s'est élevé à 2 783 916 000 F en 1992, pour un chiffre d'affaires total de 4 154 988 000 F.

C.- Le secteur des annuaires

Les déclarations faites en 1992, en application de la loi n° 90-1170, au sujet de l'édition d'annuaires privés, concernent les catégories suivantes :

- des annuaires concernant une agglomération déterminée. Ainsi, la société Promo Edi Conseils édite des annuaires dénommés Votre ville en poche dans 50 localités de la région parisienne;

- des annuaires de télex (Europe, France), non commercialisés par l'ODA;

- des annuaires spécialisés dans un secteur d'activité comme les professionnels de la distribution des produits du bâtiment;

- l'Annuaire Soleil, annuaire couvrant une ou plusieurs zones géographiques de la région parisienne.

Aucun éditeur ne proposait, au moment des faits examinés, un ou plusieurs annuaires, papier et (ou) électronique, permettant, à l'instar des annuaires officiels, une couverture de l'ensemble des abonnés du territoire national.

D.- Les rapports entre l'ODA et les agences de publicité

Il ressort du document transmis au Conseil par l'ODA, le 17 juillet 1992, que le nombre d'agences clientes de l'office s'élevait à environ 540 en 1991 pour 469 147 clients au total, et que le chiffre d'affaires réalisé par le canal de ces agences s'élevait à environ 1,42 p. 100 du chiffre d'affaires total de l'ODA. Parmi les huit agences ayant réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 1 million de francs au titre de l'édition 1992, on relève le nom des agences Arc-en-Ciel, AG Pub Conseils et Audace et Stratégies. Ces agences, spécialisées dans la vente d'espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom, ont été créées, dans une période récente, par d'anciens salariés appartenant à la force de vente de l'ODA. Le chiffre d'affaires réalisé par l'ODA avec les agences Arc-en-Ciel et Audace et Stratégies s'est élevé respectivement à 9 257 169 F et 1 678 266 F, ces deux agences se situant au 1er et au 6e rang de la clientèle.

1. Les premières "conditions de collaboration"

Le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA, M. Paoli, a déclaré, dans une lettre en date du 17 juillet 1992 adressée au Conseil, que le document intitulé "conditions de collaboration" a été "mis en application le 2 janvier 1991". Ce contrat type, non appliqué aux agences de publicité ayant déjà des relations commerciales antérieurement à l'entrée en application dudit contrat, fixait le commissionnement des agences à 10 p. 100, la première année, pour les nouveaux clients. Cette commission n'était appliquée que la deuxième année pour les clients déjà en portefeuille de l'ODA. Les contrats versés au dossier par le régisseur exclusif sont, excepté celui de l'agence Audace, tous datés des mois de mars et avril 1991.

Des modalités de règlement identiques à celles appliquées aux nouveaux annonceurs étaient exigées des agences nouvellement clientes de l'ODA, à savoir un règlement au comptant de 25 à 40 p. 100 du montant de la commande pour chaque affaire nouvelle apportée, alors que les anciens clients de l'ODA pouvaient, dans le même temps, régler leurs commandes en totalité après parution. Dans les faits, les nouvelles agences qui désiraient concurrencer la force de vente de l'ODA sur des clients déjà en portefeuille, devaient donc, soit effectuer une avance de trésorerie, soit exiger un paiement comptant de la part de leurs clients.

Enfin, les "conditions de collaboration" entrées en application en janvier 1991 stipulaient que : "Pendant les deux premières éditions de collaboration, si la différence entre le montant de l'acompte éventuellement versé et le montant total des contrats dépasse, pour une même édition, le montant du capital social de l'agence de publicité, lesdits contrats ne pourront être enregistrés que sous réserve de la fourniture d'une garantie bancaire égale au montant de cette différence. Cette garantie évoluera en fonction d'éventuels contrats supplémentaires.

" A partir de la troisième édition, les conditions ci-dessus définies pourront être demandées par l'ODA si l'agence de publicité augmente le montant de ses contrats de plus de 20 p. 100 et de plus de 100 000 F par rapport à celui de l'édition précédente ou si la différence entre le montant de l'acompte éventuellement versé et le montant total des contrats dépasse, pour une même édition, trois fois le capital social de l'agence de publicité.

" Dans tous les cas, un impayé non justifié ou un non-paiement à la date prévue entraînera un retour aux conditions de garantie nouvelle agence pendant deux éditions."

Préalablement à l'entrée en vigueur de ces dispositions, aucune règle écrite n'imposait la fourniture de garanties aux agences nouvellement clientes de l'ODA. M. Orsat, représentant à l'ODA, a d'ailleurs déclaré par procès-verbal d'audition, en présence de M. Paoli, directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA : "Au début de l'année 1991, j'ai été chargé par l'ODA de traiter les commandes de la société Arc-en-Ciel Diffusion (...). Lorsque j'ai été désigné pour cette agence, mes supérieurs m'ont avisé que je devrais exiger de Mme André une caution eu égard au montant de ses commandes. Je n'applique cette procédure à aucune des autres agences que je traite, or certaines de ces agences réalisent des chiffres importants mais moins importants que Mme André (de l'ordre de 500 000 FF). (...)

" Je ne me souviens pas, avant la note du début 1991, que l'ODA ait adressé aux commerciaux d'instruction générale concernant la demande d'une caution aux agences. En tout état de cause, je n'en ai jamais demandé sauf à Mme André sur instruction expresse. Je n'ai pas fait signer aux quelques nouvelles agences que j'ai traitées en 1991 les conditions de collaboration prévues à la note précitée du 2 janvier 1991."

2. Les secondes "conditions de collaboration"

De nouvelles "conditions de collaboration avec les agences de publicité" sont entrées en vigueur le 18 avril 1992. Ces conditions prévoyaient que : "Pendant les trois premières éditions de collaboration et par édition, si le crédit consenti, c'est-à-dire la différence entre le montant des acomptes versés et le montant total des ordres transmis, dépasse le montant du capital social de l'agence de publicité, les contrats pourront être enregistrés sous réserve de la fourniture, par l'agence de publicité, soit d'une garantie bancaire (ou traites avalisées) (...), soit d'un engagement de chacun de ses clients remis à l'ODA lui permettant de recouvrer ses créances directement auprès de ceux-ci en cas de défaillance de l'agence et ce nonobstant tout règlement déjà réalisé par lesdits clients auprès de l'agence de publicité (modèle de mandat joint), soit de tout autre moyen ayant pour objet de garantir le crédit consenti par l'ODA, dans ce cas, l'ODA en appréciera la validité." A partir de la quatrième édition réalisée en collaboration avec l'agence, il était prévu que "si les capacités de règlement de l'agence de publicité, après analyse, se révèlent insuffisantes, l'ODA sera en droit de demander une garantie dans les conditions définies (...) ci-dessus".

Le modèle d'engagement ou de mandat imposé par l'ODA en annexe à ses conditions de collaboration stipulait que : "Le mandant est informé du fait qu'en cas de défaillance du mandataire il sera tenu au paiement à l'ODA, sur simple demande de celui-ci, des sommes dues au titre des ordres d'insertion souscrits en son nom par le mandataire auprès de l'ODA et ce nonobstant tout règlement déjà effectué par le mandant auprès dudit mandataire.

"Si la défaillance du mandataire est due au non-règlement par le mandant des sommes dues, ce dernier sera tenu au paiement à l'ODA de la part non réglée au mandataire.

"Si la défaillance du mandataire est due à une cause autre que celle indiquée ci-dessus, le mandant sera tenu au paiement à l'ODA d'une somme correspondant au pourcentage défini en rapportant le montant non réglé à l'ODA par le mandataire à celui dû au titre de l'ensemble des commandes du département concerné et appliqué au montant de l'ordre d'insertion souscrit pour ce département par le mandataire au nom du mandant.

"La défaillance sera constatée dès lors que le paiement relatif à l'ensemble des commandes d'un même département passé par le mandataire auprès de l'ODA n'aura pas été effectué, en tout ou partie, à l'échéance prévue."

S'agissant du commissionnement des agences, le nouveau système en vigueur tel qu'il apparaît dans les conditions de collaboration, est le suivant :

"10 p. 100 du chiffre d'affaires réalisé au titre de l'édition N majoré ou minoré (selon le cas) de 20 p. 100 de la variation du chiffre d'affaires réalisé au titre de cette édition par rapport à l'édition précédente. Le taux de commission nécessaire aux calculs définitifs est déterminé par le rapport : commission de l'édition/chiffre d'affaires de l'édition. Dans le cas où le taux de commission calculé ou déterminé par la formule ci-dessus est inférieur à 10 p. 100, les premiers 500 000 F de chiffre d'affaires seront commissionnés à 10 p. 100 sous réserve toutefois que le chiffre d'affaires de l'édition N ne soit pas inférieur à 75 p. 100 du chiffre d'affaires de l'édition précédente. Le calcul définitif de la commission de chaque agence de publicité sera établi à la fin de la campagne de vente de chaque édition. Toutefois, dans un but de simplification, un taux provisoire de 10 p. 100 sera appliqué jusqu'au calcul définitif ci-dessus indiqué. Le chiffre d'affaires de l'édition N est le chiffre d'affaires réalisé par l'agence de publicité pour cette édition. Le chiffre d'affaires de l'édition précédente est le chiffre d'affaires réalisé par l'agence pour cette édition précédente, majoré du chiffre d'affaires de l'édition précédente des nouveaux annonceurs de l'agence au titre de l'édition N. La mention d'annonceur citée ci-dessus correspond à une entité juridique (personne morale ou physique) dont le nom, la raison sociale ou le téléphone figure déjà dans une insertion payante ODA au titre de l'édition précédente. C'est ainsi que le changement de signataire, pour une même entreprise, ou le regroupement d'entreprises déjà annonceurs, entraînent la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par ces entreprises, sous quelque forme que ce soit, au titre de l'édition précédente. "

Il n'est pas contesté par l'ODA que le nouveau système, appliqué jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite "loi Sapin", aboutissait à supprimer toute rémunération aux agences dont le chiffre d'affaires aurait subi une baisse de l'ordre de 30 p. 100 au cours d'un exercice, par rapport à l'exercice précédent. A la question suivante, posée au directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA : "Que se passe-t-il pour l'agence si son chiffre d'affaires passe de 2 millions de francs à 1 million ? ", l'intéressé a répondu : "En théorie, on va lui appliquer 10 p. 100 sur 1 million de francs et on va lui retrancher 20 p. 100 sur 1 million. Dans la pratique on ne lui versera pas de commission."

Le régisseur exclusif de France Télécom a fait valoir que le nouveau système prévoyait la suppression de la clause consistant à ne pas verser de commission, la première année, pour des clients déjà en portefeuille de l'ODA.

3. La prospection et la passation des commandes par les agences

La vente des espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom est planifiée, chaque année, en fonction des dates de parution des différentes éditions, dans chacun des départements français. Un calendrier de prospection du département concerné est remis, à cet effet, aux représentants de l'ODA. Ce document fait apparaître les indications suivantes :

- la date de début de prospection;

- la date de fin de prospection;

- la date limite de vente et de modification des annonces;

- les dates d'échéance des traites et prélèvements bancaires;

- la date limite des annulations éventuelles par les annonceurs;

- la date de mise à disposition des annuaires auprès du public.

Au lieu de recevoir le calendrier de prospection, les agences de publicité reçoivent un document intitulé "calendrier de forclusion". Ce document comporte uniquement la date limite de vente et de modification ainsi que la date de mise à disposition des annuaires. En outre, la date limite de vente et de modification qui apparaît sur ce document est antérieure à celle qui figure sur le calendrier de prospection remis à la force de vente qui dispose donc d'un délai supplémentaire pour démarcher la clientèle.

A la question de savoir pourquoi le "calendrier de prospection" n'est pas remis aux agences comme le prévoient les conditions de collaboration ? M. Paoli a déclaré par procès-verbal d'audition en date du 12 octobre 1992 : "Le calendrier de prospection remis aux agences est le document intitulé "calendrier de forclusion".

Les agences de publicité sont tenues, aux termes du contrat de collaboration, de passer leurs commandes, dans les délais fixés par l'ODA, auprès d'un conseiller commercial nommément désigné, et ce, de manière impérative, sur un imprimé interne à l'ODA dénommé "ordre d'insertion" et dûment rempli par ledit conseiller commercial.

E. - Les pratiques commerciales de l'ODA vis-à-vis de certaines agences de publicité

1. Les relations avec l'agence Audace et Stratégies Genard Jacky (ci-après l'agence Audace)

L'entreprise Audace a été immatriculée au registre du commerce de Toulon, le 31 août 1990. Le début de l'activité qui était initialement fixé au 1er octobre 1990 a été fixé rétroactivement au 19 septembre 1990. Cette agence a développé son activité dans le Sud-Est de la France et plus particulièrement les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, du Var, des Bouches-du-Rhône, de l'Ardèche et de la Drôme.

Le 3 septembre 1990, M. Dominique André, représentant à l'ODA, confirme à son employeur sa "demande pour congé sans solde d'un an", et ce, afin de créer une agence de publicité. Dans sa correspondance, M. André indique qu'il a "bien compris" que le chiffre d'affaires réalisé avec les clients ayant un contrat avec l'ODA "ne sera pas commissionné seulement la première année; et que, pour les autres cas, ma (sa) commission sera de 10 p. 100". Il déclare également que son action commerciale se fera "dans le respect des règles de l'ODC et de France Télécom" (annexe XI à la lettre de saisine).

Le 17 septembre 1990, M. Dominique André fait parvenir une lettre à l'ODA dans laquelle il informe le régisseur exclusif de sa démission en demandant l'autorisation de ne pas effectuer de préavis.

Le 18 septembre, le responsable de l'administration du personnel de l'ODA écrit à M. André (annexe XIV à la lettre de saisine de l'agence Audace) : "Comme suite à votre demande, nous sommes d'accord pour vous dispenser du préavis à effectuer. Votre départ interviendra le 18 septembre 1990 et vous ne ferez plus partie du personnel de l'Office d'annonces à compter du 19 septembre 1990."

Le 25 septembre 1990, le directeur des ventes de l'ODA s'adresse en ces termes à M. André : "Lors de notre entretien du 3 août 1990, vous m'aviez fait part de votre projet de créer une agence de publicité et de travailler notamment avec l'ODA. Je vous avais alors confirmé que l'ODA avait le souci d'entretenir de bonnes relations commerciales et vous appliquerait donc sans aucune discrimination les conditions de collaboration relatives à votre type d'activité. J'avoue que je suis très surpris aujourd'hui de votre attitude et de l'incident dont je viens d'être informé. En effet, nous avons eu, jeudi 20 septembre, un appel de la SA Jaffeux, à Hyères, nous informant avoir été démarchée par un "mandataire de l'ODA" et nous demandant si la société Audace et Stratégies était notre représentant. Nous lui avons bien évidemment confirmé que les seules personnes habilitées à représenter l'ODA étaient nos conseillers commerciaux et que nous ne connaissions aucune société du nom d'Audace et Stratégies. Il s'avère que nous procédons de plus en plus à des vérifications lorsque nous avons ce type de demande, compte tenu des nombreuses escroqueries dans ce domaine. Nous avons donc découvert que la société Audace et Stratégies était une agence de publicité nouvellement créée dont vous étiez le dirigeant et qui doit commencer son activité le 1er octobre 1990." Le responsable de l'ODA déclarait que ce comportement était contraire à la "plus élémentaire loyauté" et semblait entretenir une ambiguïté entre l'activité de l'agence et celle de l'ODA. Néanmoins, il déclarait être prêt à oublier l'incident, qualifié de "faux pas", afin d'entretenir de "saines relations commerciales comme nous y étions d'ailleurs toujours disposés".

M. Dominique André était, de nouveau, dispensé d'effectuer son préavis.

Entendu par procès-verbal d'audition, le 1er août 1991, M. Jaffeux, directeur commercial de la SA Jaffeux, a déclaré : "Je vous confirme les termes de mon courrier ci-joint du 11 octobre 1990. A la suite de la visite d'un M. André qui s'est présenté comme agence Audace et Stratégies, j'ai souscrit une insertion dans les pages jaunes. Par la suite, comme j'avais l'habitude de traiter avec l'ODA j'ai eu un doute et j'ai appelé dans le quart d'heure les Télécoms qui m'ont renvoyé sur ODA. Dans l'heure qui a suivi, l'ODA m'a rappelé pour me dire que je m'étais fait escroquer. J'ai donc fait opposition à mon chèque et j'ai demandé des explications à M. André qui est venu me voir. Sur ma demande, M. André m'a démontré qu'il était habilité en produisant une lettre de l'ODA confirmant son bon droit."

Le 23 octobre 1990, M. André accuse réception de la lettre de l'ODA en date du 25 septembre et exprime ses doléances au régisseur exclusif au sujet du comportement de certains collaborateurs de l'ODA qui auraient déclaré à des annonceurs que l'agence Audace n'existait pas, que les annonceurs étaient victimes d'une "vaste escroquerie" et que l'ODA était seule habilitée à effectuer le démarchage. A l'appui de ses déclarations, le responsable de l'agence Audace cite le cas des clients suivants : Cuers Automobiles, Bercovici, Belmonte, AGO, Cabinet Teyssier et Fun Vidéo.

Entendu par procès-verbal d'audition, le 8 août 1991, M. Bercovici, responsable du Cabinet d'études géologiques et d'environnement, à Ollioules (83), a déclaré : "A l'automne 1990, un représentant de la société Audace et Stratégies est venu me voir pour me proposer de me prendre une commande de publicité dans les pages jaunes de l'annuaire, c'était en septembre 1990. Cette personne m'a bien expliqué qu'elle n'avait rien à voir avec la société ODA mais qu'elle avait la possibilité de prendre ces commandes. J'ai accepté de prendre une commande, cette société étant implantée dans notre région.

" Peu de temps après, mon épouse a reçu un appel téléphonique de la société ODA qui faisait son démarchage habituel. Elle lui a dit que j'avais déjà traité avec Audace et Stratégies. Ils ont dit à mon épouse qu'elle n'était pas la première personne dans cette situation ; que cette société ne démarchait vraisemblablement pas pour l'annuaire de téléphone mais pour un annuaire privé et que donc elle avait été trompée. Mon épouse leur a demandé si elle avait été victime d'escroc; on lui a répondu que sans doute oui.

"Nous nous sommes inquiétés et avons annulé la commande passée avec Audace et Stratégies. Ils m'ont à ce moment-là remboursé mon chèque et demandé de leur faire une lettre confirmant ce qui s'était passé."

Le 20 octobre 1990, M. René Belmonte, plombier à Ollioules (83), écrit à Audace et Stratégies Genard Jacky : "En date du 4 octobre 1990, j'ai commandé à votre société une insertion de publicité dans les pages de l'annuaire, édition 1991.

"Votre commercial m'a bien expliqué votre activité, mais j'ai reçu un coup de téléphone d'une dame de l'ODA (...).

"Cette dame me fait également part que seule l'ODA, service des PTT et de France Télécom, est habilitée à prendre des insertions publicitaires sur les pages jaunes.

"Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir résilier mon contrat, et de me restituer le montant versé, sous huitaine... "

Le responsable de la société AGO (produits laitiers en gros) à Ollioules a par ailleurs, déclaré, par procès-verbal d'audition en date du 31 juillet 1991 : "J'ai reçu la visite de la société Audace et Stratégies en octobre 1990. J'ai traité avec eux pour une publicité dans les pages jaunes de l'annuaire. Quelques jours plus tard, j'ai reçu deux ou trois appels téléphoniques de l'ODA à Paris. Je leur ai expliqué que j'avais déjà traité avec Audace et Stratégies. Ils m'ont dit que cette société n'avait plus le droit de prendre des commandes, que seule ODA était habilitée, que l'annonce ne paraîtrait pas et que je ne reverrais pas mon argent.

Inquiet, j'ai appelé Audace et Stratégies pour leur demander ce qu'il se passait. Son responsable m'a rassuré et je n'ai pas résilié mon contrat.

Je vous remets une copie de la facture de la société Audace et Stratégies."

M. Jean-Yves Antoine, gérant de la SARL Fun Vidéo, a déclaré, par procès-verbal d'audition, le 7 août 1991 : "Vers septembre-octobre 1990, un représentant de la société Audace et Stratégies est passé me voir pour me proposer une commande de publicité dans les pages jaunes de l'annuaire aux mêmes conditions que la société ODA. Comme le contact était direct alors que je traitais les années précédentes par téléphone avec ODA, j'ai accepté de passer une commande. Environ deux ou trois jours après, ODA Paris m'a contacté par téléphone pour me proposer ses services. Je leur ai dit que j'avais déjà traité avec Audace et Stratégies. Cette personne de l'ODA m'a dit que ce n'était pas possible car ils étaient les seuls en France à commercialiser les publicités des pages jaunes de l'annuaire, que mon annonce ne passerait pas. Ils m'ont laissé supposer que je m'étais fait escroquer (...). J'ai préféré annuler ma commande."

M. Massart, bijoutier, a déclaré, par procès-verbal d'audition en date du 1er août 1991 : "En octobre 1990, j'ai reçu la visite d'un représentant d'une société de La Garde, Audace et Stratégies. J'ai passé commande de la même annonce que celle que j'avais passée l'année précédente auprès d'ODA. Peu de temps après, j'ai reçu un coup de téléphone de Mme C. Bouakaz, à Paris ([16-1) 46-23-37-90), représentant de l'ODA. Elle m'a indiqué que cette société n'existait pas, qu'elle n'était pas habilitée à prendre des commandes, de faire opposition au chèque ou d'exiger le remboursement. J'ai téléphoné à M. André, qui est venu. A la suite de ces explications, j'ai maintenu ma commande et envoyé la lettre ci-jointe.

"Il y a un à deux mois, j'ai reçu le courrier d'ODA daté du 25 Octobre 1990 que je vous communique. Je ne sais pas à quoi il correspond, je n'ai rien demandé, j'ai déjà une facture du même montant pour la même prestation de la part d'Audace et Stratégies."

Mme Lindecker, exploitante de l'entreprise L'Orangerie, à Hyères, a déclaré par procès-verbal d'audition en date du 1er août 1991, au sujet d'un démarchage effectué en octobre 1990 par l'agence Audace : "J'ai reçu la visite du représentant d'Audace et Stratégies qui s'est présenté comme une agence de publicité de La Garde habilitée à commercialiser des annonces dans les pages jaunes de l'annuaire. Je n'ai pas donné suite à sa proposition, j'avais l'intention d'appeler les Télécom avant de prendre une décision. Peu de temps après, j'ai reçu la visite d'un représentant de l'ODA. Il m'a indiqué que ma publicité risquait de paraître dans un annuaire professionnel sans rapport avec France Télécom. Il m'a demandé de lui faire un courrier sur place, il me l'a pratiquement dicté, il est reparti avec. En réalité, l'agence Audace ne s'est pas fait passer pour l'ODA ou un service de celle-ci mais comme une agence de publicité habilitée à prendre les commandes pour les pages jaunes de l'annuaire. Je n'ai pas entendu dire autre chose dans mon courrier ci-joint."

Le 8 novembre 1990, M. Constantzer, hôtelier à Toulon, a adressé une lettre à l'agence Audace dans laquelle il informait le responsable de cette entreprise qu'un représentant de l'ODA lui aurait déclaré, fin octobre 1990, que "seuls les représentants de l'ODA sont habilités à prendre des encarts publicitaires sur l'annuaire France Télécom", qu'il courait un "risque de non-parution" et lui conseillait d'"annuler simplement le contrat passé avec Audace et Stratégies, afin de signer un contrat avec l'ODA".

L'ODA a produit, en annexe à ses observations à la notification de griefs, un rapport de visite du représentant de l'ODA concerné, M. Duparq, dans lequel l'intéressé déclare que l'annonceur lui aurait indiqué que le représentant de l'agence Audace se serait présenté en qualité de "sous-traitant des pages jaunes". L'annonceur aurait, selon ses dires, été convaincu que la visite de l'agence Audace faisait suite à une demande de l'ODA.

M. Constantzer a déclaré par procès-verbal d'audition en date du 31 juillet 1991 : "Je vous confirme les termes de ma lettre en date du 8 novembre 1990. Le représentant de l'ODA m'a affirmé qu'Audace et Stratégies n'était pas habilitée et qu'il s'agirait d'une "maison bidon". Il m'a demandé avec instance de faire un courrier à l'ODA indiquant qu'Audace et Stratégies s'était présentée faussement comme ODA en jouant sur la ressemblance des noms.

"Comme c'était faux et qu'Audace et Stratégies s'était présentée très clairement, j'ai refusé.

"Le représentant d'ODA m'a également demandé d'annuler mon contrat avec Audace et Stratégies en m'affirmant que seuls les représentants d'ODA disposant d'une carte officielle étaient habilités à commercialiser les pages jaunes et que mon encart commandé à Audace et Stratégies ne paraîtrait pas."

Le 19 novembre 1990, M. Espinosa, responsable de Sefalu, entreprise spécialisée en menuiserie aluminium sise à Carqueiranne (83), déclare par écrit à l'ODA : "Suite à la création de mon entreprise, j'ai reçu la visite de votre représentant qui m'indique que l'entreprise Audace et Stratégies (agence de publicité) n'existe pas et n'est pas habilitée pour recueillir des encarts publicitaires sur les pages jaunes et qu'il faut demander la restitution du versement effectué et ne pas passer par eux.

"Ensuite, ce représentant est revenu à plusieurs reprises et à la fin avec son directeur régional, et celui-ci m'indique la même chose, que j'ai fait une très mauvaise affaire, et que c'est mieux de passer par l'ODA.

"Cette attitude de dénigrement est inadmissible et j'en étais à l'extrémité de les mettre purement et simplement dehors.

"C'est une pratique indigne d'une grosse entreprise. Je tenais donc à vous signaler ces faits.

"Et, après vérification, l'entreprise Audace et Stratégies existe bien à La Garde (83130).

"Pour tous éclaircissements complémentaires, veuillez me contacter (...)."

L'ODA a versé au dossier un rapport de visite établi par M. Mannoni, représentant concerné, qui a déclaré : "J'ai conseillé au client de résilier son contrat avec Audace au vu des avantages qu'il pourrait trouver chez nous et j'ai surtout insisté sur le fait qu'actuellement, en signant chez Audace, il n'était pas sûr de paraître car c'était une nouvelle société et il faut que l'ODA prenne des garanties (bancaires notamment). Je lui ai expliqué que de toute façon Audace était obligée de passer par nous pour toutes parutions annuaires. Le frère du patron (qui a signé le contrat) m'a fait comprendre qu'Audace s'était présentée comme les pages jaunes et s'est présentée avec les tarifs ODA ."

Lors de l'enquête, M. Espinosa a déclaré par procès-verbal d'audition en date du 31 juillet 1991, suite à la lettre adressée le 19 novembre 1990 à l'ODA : "Je vous confirme les termes de la lettre ci-jointe que j'ai adressée à l'ODA.

"Lorsque nous avons décidé de passer dans les pages jaunes, nous avons appelé l'ODA à Paris. Quelques mois plus tard, alors que je n'avais eu aucune nouvelle, un représentant est venu me voir. Je lui ai demandé s'il venait de la part de l'ODA suite à notre coup de téléphone, il m'a répondu que non, qu'il représentait Audace et Stratégies. Il a pris notre commande quinze jours après environ, le représentant ODA est venu, il nous a dit qu'ils avaient le monopole et que nous nous étions fait escroquer. Il a tenté de nous faire annuler notre commande, j'ai eu l'impression qu'il était choqué que quelqu'un ait osé vendre sur son territoire.

"Il est revenu plusieurs fois et finalement avec son directeur régional, il a confirmé les dires du commercial, à savoir qu'il y avait de gros risques pour que ma publicité ne passe pas et que nous ne reverrions pas notre argent."

M. Pioteix, responsable de la SARL Repro Pioteix, 42, avenue Edith Cayell, à Hyères (83), a adressé, le 11 décembre 1990, une lettre à l'agence Audace dans laquelle il informait cette agence qu'un représentant de l'ODA lui aurait déclaré que sa commande ne serait pas honorée et lui aurait conseillé d'annuler sa commande.

L'ODA a produit, en annexe à ses observations à la notification de griefs, un rapport de visite du représentant de l'ODA concerné selon lequel celui-ci aurait expliqué à l'annonceur que "seuls les vendeurs de l'ODA sont habilités à vendre au nom de France Télécom les produits des annuaires", en montrant audit client sa "carte de vendeur de l'ODA". L'intéressé n'aurait, selon ses dires, "à aucun moment remis en cause l'intégrité de l'agent de publicité" en soulignant simplement la qualité "d'intermédiaire supplémentaire" de l'agence Audace.

M. Pioteix a déclaré, dans un procès-verbal d'audition en date du 31 juillet 1991 : "Je vous confirme les termes de mon courrier en date du 11 décembre 1990 à Audace et Stratégies. En effet, alors que j'avais souscrit une insertion dans l'annuaire avec cette agence, un représentant de l'ODA s'est présenté dans mon entreprise. Il m'a indiqué que seuls les représentants, de l'ODA étaient habilités. Il m'a dit que je devrais résilier, qu'Audace et Stratégies serait obligée de me rembourser, qu'ODA me ferait le courrier que je n'aurais plus qu'à signer. J'ai refusé et j'ai appelé Audace et Stratégies pour me renseigner.

"Le représentant de l'ODA m'a également demandé de lui faire un courrier indiquant qu'Audace et Stratégies s'était présentée faussement sous le nom de l'ODA. J'ai refusé de nouveau car Audace et Stratégies m'avait clairement indiqué qu'elle était une agence de publicité."

M. Claude Bourcier, gérant de la SARL La Norya, Bonsaï Création a déclaré, dans un procès-verbal d'audition en date du 31 juillet 1991 : "A la fin de l'année dernière, j'ai reçu la visite d'un représentant d'Audace à qui j'ai passé commande pour une insertion dans les pages jaunes.

"Nous avons réduit la taille de mon encart dans les pages jaunes.

"Quelque temps plus tard, j'ai reçu la visite d'un représentant de l'ODA. Celui-ci m'a fait part de son mécontentement car j'avais traité avec Audace et Stratégies. Il m'a indiqué que ces gens étaient des escrocs et que ma publicité ne passerait pas.

"J'ai appelé Audace et Stratégies dont j'ai rencontré le patron qui m'a indiqué qu'il était d'accord pour que j'annule ma commande.

Un représentant d'ODA est revenu me voir pour établir un contrat. Il était très mécontent que j'aie réduit la taille de mon encart avec Audace et Stratégies et a tenté de me forcer à prendre une insertion de plus grande taille.

"Devant mon refus, il a été virulent; finalement, j'ai traité avec ODA, mais je suis mécontent de la qualité de leurs services."

L'ODA a versé au dossier une attestation du représentant concerné en date du 15 mars 1991 dans laquelle l'intéressé affirme qu'"à aucun moment notre entretien n'a été désagréable ou diffamatoire envers A. et S. "

M. Ristori, directeur de la société FAC, sise à Ollioules (83), a déclaré par procès-verbal d'audition du 31 juillet 1991: "Je confirme pleinement les termes de mes courriers du 17 décembre 1990 à ODA et du 26 décembre 1990 à Audace et Stratégies.

"J'avais traité à l'époque avec Audace et Stratégies, à la suite de quoi j'avais reçu un coup de téléphone du représentant de l'ODA qui m'a indiqué qu'Audace et Stratégies était une vaste escroquerie. Je lui ai demandé de venir me voir pour m'en dire plus. Il a trouvé divers prétextes pour retarder sa venue et ne m'a rappelé que la veille du jour de forclusion pour les agences de publicité, me fixant un rendez-vous pour la semaine suivante. J'ai appelé le directeur d'Audace et Stratégies qui m'a expliqué qu'à cette date je ne pourrai plus traiter qu'avec l'ODA.

"Par la force des choses, j'ai donc traité avec ODA. Hier soir un représentant d'ODA m'a à nouveau rappelé. Il m'a demandé si pour l'édition 1992 je comptais travailler avec ODA. Je lui ai dit que non, que je traiterai avec Audace et Stratégies. Il m'a dit de me méfier; que les annonces passées par l'intermédiaire d'Audace et Stratégies sur Marseille n'étaient pas passées.

"Je n'ai pas spécialement noté d'augmentation abusive de tarif de la part de l'ODA mais la complexité de leur système de tarification rend impossible tout contrôle."

L'ODA a produit, en annexe à ses observations à la notification de griefs, un compte rendu de visite en date du 14 janvier 1991, établi par le représentant concerné, M. Bessous, dans lequel l'intéressé déclare qu'il aurait indiqué à l'annonceur que "le directeur d'Audace et Stratégies nous détournait du chiffre d'affaires à nous, conseillers commerciaux et anciens collègues de travail. Je lui ai alors demandé s'il trouvait cela normal. Mais en aucun cas je ne lui ai dit qu'Audace et Stratégies est une vaste escroquerie".

Le 22 novembre 1990, le responsable de la société Cuers Automobile, à Cuers (83), s'adresse en ces termes à Audace et Stratégies : "Suite à ma lettre recommandée, je vous remercie d'avoir bien voulu annuler ma commande pour les pages jaunes. Pour répondre à la question que vous me posez, la raison de mon annulation est causée par le fait que j'ai reçu la visite d'un représentant ODA, service officiel des PTT, qui m'a indiqué que j'ai été abusé car vous n'existez pas et que vous n'avez absolument pas le droit de recueillir ces types de publicité.

"Je viens de créer mon garage et je suis dans l'obligation de croire aux PTT.

"J'ai donc passé le lendemain, lors de la visite du représentant ODA, la même commande avec lui.

"L'année prochaine, je reconsidérerai la problème si vous revenez me voir."

L'ODA a versé au dossier une attestation du représentant concerné, M. Scalbert, dans laquelle l'intéressé affirme que l'annonceur lui aurait déclaré que le représentant de l'agence Audace se serait présenté en tant que "mandaté par l'ODA pour prendre des publicités dans les pages jaunes".

Le 1er août 1991, l'annonceur concerné déclare par procès-verbal d'audition :

"Je vous confirme les termes de mon courrier (...) joint. Le représentant de l'ODA qui est venu me voir à la suite de la visite d'Audace et Stratégies m'a affirmé que lui seul, service officiel des PTT, pouvait prendre des commandes pour des insertions publicitaires dans les pages jaunes."

Au courant du mois de décembre 1990, Mme Chauvin, agent d'assurance à Toulon, s'était adressée en ces termes à Audace et Stratégies : "Après entretien téléphonique avec un représentant de l'ODA, je suis fort étonnée d'apprendre que mon ordre d'insertion d'annonce publicitaire sur les pages jaunes de l'annuaire téléphonique n'est toujours pas enregistré.

"Je me suis donc vue dans l'obligation de faire opposition à tous prélèvements bancaires d'Audace et Stratégies.

"L'ODA m'ayant vivement recommandé de porter plainte contre vous pour escroquerie, je vous saurais gré de bien vouloir soit procéder au remboursement du premier acompte de 1 530,52 francs, versé en date du 4 octobre 1990 par chèque bancaire, soit de prendre contact rapidement avec Télécom pour l'enregistrement de mon annonce publicitaire. "Le 11 janvier 1991, l'annonceur concerné a confirmé, par écrit, à l'ODA qu'un de ses représentants lui avait déclaré "au cours de plusieurs entretiens téléphoniques" qu'il avait été victime d'une "escroquerie" de la part de l'agence Audace et qu'il fallait qu'il cesse ses prélèvements bancaires. Dans le même courrier, l'annonceur déclare que l'agence Audace lui avait apporté la preuve que sa commande avait bien été enregistrée et qu'il trouvait l'attitude de l'ODA "diffamatoire" et "inadmissible".

Le 19 novembre 1990, M. André rappelle, par écrit, à l'ODA les termes de sa lettre en date du 23 octobre 1990 dans laquelle il exprime la nécessité, selon lui, de régler les "problèmes urgents", "sous huitaine". Devant le "silence" de l'ODA, il désire recevoir immédiatement la visite d'un correspondant ODA pour passer ses commandes. Le responsable de l'agence Audace demande également que lui soit communiquée toute la documentation nécessaire à l'exercice de son activité, dans le respect de la "réglementation ODA".

La 20 novembre 1990, le représentant de l'agence Audace se plaint auprès de l'agence France Télécom de Toulon de l'existence d'une mise en garde dans les annuaires officiels au sujet de l'exclusivité dont bénéficierait l'ODA pour ce qui concerne l'activité de démarchage auprès des annonceurs. Dans cette correspondance, annexée à la lettre de saisine, il était également demandé à l'opérateur public l'autorisation que soit portée, sur les documents commerciaux de l'agence concernée, la mention : "Conseil spécialiste en publicité sur les annuaires officiels de France Télécom". A la suite de cette demande, restée sans réponse, un mailing sera diffusé aux annonceurs par l'agence Audace. Ce document, qui porte l'en-tête de l'agence concernée, rappelle que l'"ODA est le régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires et commercialise les espaces publicitaires soit par ses représentants, soit par l'intermédiaire des agences de publicité. En qualité d'agence de publicité-conseil en communication, spécialisée dans tous les annuaires officiels imprimés et électroniques (11) de France Télécom, nous participons à la préparation de la nouvelle édition... (phrase soulignée, répétée à deux reprises dans le corps du texte) (...). Le coût sera sans surprise, car c'est fidèlement le tarif officiel de l'ODA qui vous sera appliqué et auprès duquel votre ordre d'insertion sera transmis". Pour l'ODA, la diffusion, auprès des annonceurs, de cette publicité "manifestement et sans doute sciemment trompeuse" a pu provoquer des réactions de la part des vendeurs, "choqués" par cette "pratique déloyale". Aucune action en concurrence déloyale ne sera toutefois engagée ni par l'ODA ni par France Télécom, à la suite de la diffusion de ce mailing.

Le 22 novembre 1990, un responsable de l'ODA s'adresse ainsi à un annonceur, Ambulanciers associés, à Hyères (83), qui avait souscrit une annonce auprès de l'agence Audace : "Je vous précise que les seules personnes habilitées à prospecter pour l'ODA sont les conseillers commerciaux titulaires de la carte ODA Nous n'avons aucune société mandataire, concessionnaire, sous-traitante ou spécialement agréée. Audace et Stratégies que vous évoquez est un commerçant personne physique qui exerce une activité d'agent de publicité et qui, à ce titre, souhaite devenir client de l'ODA. Par ailleurs, il apparaît qu'Audace et Stratégies n'a, à ce jour, souscrit aucun contrat auprès de l'ODA pour votre compte. En conséquence, nous vous conseillons de vous renseigner directement auprès de Audace et Stratégies, avec lequel vous avez contracté, pour connaître l'état de votre dossier."

Le 11 décembre 1990, le directeur des affaires juridiques et immobilières adresse à l'agence Audace des photocopies de catalogues, de spécifications techniques, d'instructions de vente, de tarifs et le calendrier du suivi des "forclusions" pour les agences de publicité, édition 1991. Ce document révèle que la date de limite de signature de contrat et de modification, par les agences de publicité, était fixée au 14 décembre 1990, pour l'édition 1991 du département des Alpes-Maritimes, et au 4 janvier 1991 pour le département du Var.

Le 14 décembre 1990, suite à un entretien avec M. Martinache, un collaborateur de l'ODA, M. Dominique André, transmet à l'ODA une copie du "contrat de collaboration" portant la mention : "non approuvé".

Le 20 décembre 1990, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA adresse une lettre ainsi rédigée à l'agence Audace : "Les documents transmis la semaine dernière ainsi que ceux joints au présent courrier devraient répondre aux besoins que vous avez exprimés et ce conformément à l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dont vous avez fait état. Conditions de collaboration : ainsi que je vous l'avais indiqué par téléphone, je vous confirme que les conditions applicables à Audace et Stratégies sont celles appliquées d'une façon générale et indiquées dans le document qui vous a été remis par M. Martinache, le vendredi 14 décembre. Sur un plan pratique, il convient donc : 1° que vous vous positionniez clairement en tant qu'agence de publicité de sorte à pouvoir exercer l'activité commerciale correspondante en passant, notamment auprès de l'ODA, des ordres de publicité pour des annonceurs tiers par rapport à votre société; 2° que vous acceptiez les conditions de collaboration avec les agences de publicité telles que présentées par M. Martinache(...) la solution dont vous m'avez fait part consistant à ne pas vous positionner comme agence de publicité mais comme un client souscrivant pour le compte de tiers n'est pas acceptable pour l'ODA(...) L'ensemble de ces dispositions nous paraît de nature à permettre aux agences de publicité d'exercer leur activité à l'égard des supports dont l'ODA assure la régie publicitaire tout en laissant le choix le plus large possible à un annonceur de retenir le canal commercial lui semblant le plus approprié (ODA en direct ou agence de publicité)." Le responsable de l'ODA ajoutait en post-scriptum : "J'adresse un double de la présente à M. Coulmeau, directeur des ventes de l'ODA, de sorte que, selon la position que vous souhaiterez prendre, vous puissiez demander le passage d'un vendeur de l'ODA, sur la base des conditions connues de l'ensemble des parties concernées."

Le 21 décembre 1990, le responsable de l'agence Audace signe les "conditions de collaboration" et peut passer ses premiers ordres d'insertion auprès du représentant de l'ODA.

La campagne de prospection dans la département des Alpes-de-Haute-Provence (04), édition 1992, a commencé en avril 1991, la date de fin de prospection (forclusion) étant fixée au 7 septembre 1991 dans ce département. Dès le 25 mars 1991, l'agence Audace s'était adressée à l'ODA, de manière à disposer de documents commerciaux complémentaires à l'édition 1991 et des documents relatifs à l'édition 1992. Le 11 avril 1991, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA répond à l'agence Audace que les documents lui seront adressés "dès qu'ils seront établis dans la forme adaptée aux agences de publicité (à la fin du mois d'avril)". S'agissant des questions relatives à l'édition 1991, il conseille au responsable de l'agence de "prendre contact avec le conseiller commercial de l'ODA" car, souligna-t-il, "il s'agit souvent d'aspects techniques".

La 22 avril 1991, l'agence Audace interroge l'ODA sur la marche à suivre, pour ce qui concerne la passation des commandes : "Les ordres d'insertion doivent-ils être envoyés au siège de l'ODA, à Sèvres, ou chez M. Jean Martinache ?"

Le 25 avril 1991, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA répond à M. André : "Correspondant ODA : Il me semble que le plus simple est de vous adresser à M. Parsiani, chef de vente de la zone géographique concernée pour les éditions 1991 et 1992, qui pourra faire en sorte que votre correspondant désigné prenne contact avec vous dès que nécessaire."

Le 30 avril 1991, divers documents commerciaux, dont les tarifs, le calendrier de forclusion et les catalogues, sont adressés à l'agence Audace par l'ODA.

Mme Guigues, directrice des Etablissements Guigues, quincaillerie, sise 31, boulevard Gassandi, à Digne (04), a déclaré par procès-verbal d'audition, la 23 mai 1991 : "J'ai été démarchée par la société Audace et Stratégies. Ils se sont présentés sur rendez-vous le 25 avril. Nous avons signé une commande n° 0379 pour la parution de publicités dans les pages blanches et les pages jaunes de l'annuaire.(...)

"Le mardi 30 avril, j'ai reçu un coup de fil le matin d'une dame qui s'est présentée comme Madeleine Julliard, représentant ODA, et m'a demandé un rendez-vous. Je lui ai dit que j'avais déjà traité avec Audace et Stratégies mais elle a insisté pour me voir. Elle nous a dit que cette dernière firme n'avait pas le droit de prendre de publicité, que cette publicité pourrait ne pas paraître, que les chèques que nous avions faits à Audace et Stratégies risquaient d'être encaissés mais que nous ne verrions rien paraître. Elle nous a dit que nous nous étions faits escroquer. Elle m'a demandé une copie du contrat passé avec Audace et Stratégies. Je la lui ai donnée. Inquiète, je suis allée aux Télécom. J'ai été reçue par un inspecteur principal à Digne et lui ai demandé de me faire un papier pour éventuellement faire opposition sur le chèque que j'avais fait à Audace et Stratégies. Il m'a répondu qu'il ne pouvait pas nous confirmer par écrit que l'agence Audace et Stratégies n'était pas habilitée à démarcher la clientèle mais que cette société avait de l'audace comme son nom l'indiquait.

"J'ai maintenu ma commande à Audace et Stratégies trouvant les procédés ODA pas très commerciaux."

M. Briche, opticien à Sisteron (04) a également déclaré, par procès-verbal d'audition, le 23 mai 1991 : "J'ai été démarché par la société Audace et Stratégies le 26 avril 1991. J'ai souscrit un contrat avec eux pour faire passer une publicité dans les pages jaunes de l'annuaire. J'ai eu, peu après, un ou deux jours après, la visite d'un représentant de la société ODA qui m'a dit que le contrat passé avec Audace et Stratégies n'était pas conforme au point de vue de la tarification et a émis des doutes quant à la parution de ma publicité en précisant même qu'il pourrait s'agir d'escroquerie. J'ai alors téléphoné au responsable d'Audace et Stratégies qui m'a précisé qu'il n'y aurait aucun problème quant à la parution de mon annonce. J'ai reçu une nouvelle fois la visite du même représentant ODA qui m'a une nouvelle fois signalé, après s'être renseigné, que je n'avais pas la garantie de parution. J'ai alors fait un courrier à l'attention d'Audace et Stratégies pour annuler la commande. Alors que j'allais l'envoyer, j'ai reçu la visite de M. André qui m'a expliqué de vive voix et documents à l'appui qu'il était habilité à demander à la société ODA de faire paraître ma publicité. J'ai reçu depuis les maquettes de la publicité concernée."

M. Joseph Volpe a déclaré, par procès-verbal d'audition en date du 23 mai 1991 : "Le 25 avril 1991, j'ai été démarché par un représentant de la société Audace et Stratégies pour passer une publicité dans les pages jaunes de l'annuaire. J'ai souscrit un contrat (...) similaire à celui passé l'année précédente avec ODA. Le 27 avril est passée Mme Jocelyne Prigent, représentante de l'ODA (...) Je lui ai dit que j'avais souscrit une commande avec la Société Audace et Stratégies. Elle a manifesté son étonnement en disant que c'étaient eux qui démarchaient le secteur. Elle m'a demandé une photocopie de la commande, ce que j'ai fait, et elle m'a dit qu'elle allait se renseigner auprès de son siège pour savoir ce qui se passait. Elle est repassée en début d'après-midi. Elle m'a dit qu'effectivement Audace et Stratégies avait le droit de démarcher et que si ma publicité ne passait pas c'était un risque à courir, ODA ne serait pas responsable. Elle m'a fait remarquer que ma commande comportait des références qui n'existaient plus, c'est-à-dire la commande G 3. Elle m'a dit que si je voulais changer d'avis j'avais sept jours pour annuler ma commande. Le soir même, j'ai téléphoné à Audace et Stratégies, à La Garde (83). M. André est venu me voir. Il m'a dit que les références portées sur la commande existaient bien et m'a rassuré sur le passage de ma publicité. Il s'est engagé à ce que ma publicité passe. Avant-hier, j'ai eu un appel de M. Michel Moussay d'ODA qui s'est présenté comme responsable départemental, qui m'a reconfirmé que les références sur ma commande à Audace et Stratégies n'existent plus. J'en ai fait part à M. André qui m'a dit qu'il mettait les choses en conformité sans modification de la somme portée au contrat." L'intéressé a communiqué une carte de visite qui lui avait été laissée par la représentante de l'ODA.

Mme Falli, épouse de M. Falli, agent d'assurances à Digne (04), a déclaré, le 23 mai 1991, par procès-verbal d'audition : "La société Audace et Stratégies m'a démarché le 25 avril 1991 et nous leur avons passé une commande pour une publicité sur l'annuaire de France Télécom. Le lundi 29 avril, une personne de l'ODA m'a téléphoné pour prendre un rendez-vous (...) le 30 avril 1991. Dans l'après-midi, M. Paoli, qui s'est présenté comme directeur de l'ODA. Il m'a dit qu'il n'était pas sûr que la publicité paraisse et que je n'avais aucune garantie à cet égard. Je ne me souviens plus s'il m'a donné des raisons. J'ai résilié par précaution avec Audace et Stratégies puis M. André est venu me voir le soir même et m'a convaincu de sa bonne foi."

Le 25 juin 1991, Mlle Chantal Arnaud, attachée commerciale de l'agence immobilière LM Immobilier à Château-Arnoux (04), a déclaré par procès-verbal d'audition : "Notre agence a reçu la visite d'une représentante d'Audace et Stratégies qui a été reçue par M. Parmeggiani Georges, responsable de l'agence. Ultérieurement, le mardi 14 mai, j'ai reçu la visite d'un commercial de la société ODA qui m'a indiqué qu'il fallait que nous nous méfiions car les clients de la société Audace et Stratégies risquaient de ne jamais voir paraître leurs pavés publicitaires."

Mme Plantevin Lucie, exploitante d'un garage à Château-Arnoux (04), a déclaré, le 25 juin 1991, par procès-verbal d'audition : "Une représentante de la société Audace et Stratégies est venue me voir courant mai pour me proposer ses services (.). Deux jours après un représentant de la société ODA est venu me voir. (...) Il m'a dit que je risquais de voir une publicité ne pas paraître si je traitais avec cette agence (...). Je lui ai demandé un peu plus de précisions. Il m'a répondu que si je traitais avec Audace et Stratégies "il ne me connaissait plus" et que si, par exemple cette boîte faisait faillite ils ne seraient pas responsables. Cela a semé le doute dans mon esprit et j'ai alors décidé de traiter avec ODA".

M. Barge Alain, agent immobilier à Manosque (04), a également déclaré, par procès-verbal d'audition du 23 mai 1991, qu'un représentant de l'ODA lui avait déclaré que sa publicité "risquait de ne pas paraître", à la suite de la commande contractée auprès de l'agence Audace.

Les accusés de réception de commandes signés, les 22 mai et 13 juin 1991, par M. Martinache, correspondant commercial de l'agence Audace au titre de l'édition 1991, établissent que ce dernier a été en relations avec l'agence Audace jusqu'en juin 1991. Des commandes lui ont ainsi été transmises, pour l'édition 1992 du département des Bouches-du-Rhône, dont la limite de prospection était fixée au 29 juin. Les accusés de réception signés par M. Martinache portent la mention manuscrite suivante : "Commandes (...) transmises pour exploitation ultérieure." Cette mention faisait suite à un litige faisant suite à l'exigence de l'ODA et au refus de l'agence concernée de faire figurer sur les ordres d'insertion la mention manuscrite suivante : "Ordre pris sous réserve de fourniture par le signataire de l'ordre de la garantie bancaire correspondant aux conditions de collaboration agences de publicité avant le 22 juin 1991, et de la validation de celle-ci par la direction comptable de l'ODA". M. André, signataire des conditions de collaboration prévoyant expressément la fourniture d'une garantie par les agences, estimait en effet qu'il n'avait pas à accepter cette procédure, non prévue aux conditions de vente de l'ODA. M. Paoli a déclaré, lors d'une audition, la 7 octobre 1991: "Cette exigence résulte d'une contestation, à chaque transmission de commande, de la fourniture d'une garantie bancaire. Il ne s'agit en aucun cas d'une procédure particulière appliquée à l'agence Audace."

Le 8 août 1991, le chef de vente de l'ODA, M. Parsiani, répond à M. André : "En réponse à votre lettre du 5 août 1991, je vous confirme qu'aucune décision n'a été prise en ce qui concerne l'identité du correspondant commercial qui sera chargé de vos dossiers pour l'édition 1992. Toutefois, je peux vous assurer que vous serez contacté et visité en temps utile de manière à éviter la forclusion des départements qui vous intéressent."

La 7 octobre 1991, entendu au siège du Conseil de la concurrence, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA déclare, par procès-verbal d'audition : "Je confirme que c'est M. Martinache qui est désigné comme correspondant d'Audace." Il n'est, par ailleurs, pas contesté par l'ODA que l'absence de correspondant désigné au cours du mois d'août 1991 a eu pour effet d'empêcher l'agence Audace de transmettre ses commandes avant septembre 1991, alors que le calendrier de "forclusion" applicable aux agences de publicité fixait la date limite de vente et de modifications au 23 août 1991, pour ce qui concerne l'édition 1992 dans le département des Alpes-de-Haute-Provence (04). La date de fin de prospection, par la force de vente de l'ODA, était fixée au 7 septembre 1991 dans ce même département.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 janvier 1992, l'agence Audace informe la directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA des faits suivants : "(...).Le 12 novembre 1991, vous m'avez envoyé la dossier PAP Europages. Le 3 décembre 1991, vous m'avez envoyé la nomenclature Europages et la table des rubriques PAP. Il manque encore les règles de cumuls-ventes PAP - Question 5 : pourquoi les mêmes documents ont-ils été prêts et remis au complet à vos représentants, lors de la réunion d'information du 16 septembre 1991 à Solliès (3 kilomètres de mon siège) ? "

Dans une lettre datée du 28 avril 1992 et postée la 4 mai, le directeur des affaires juridiques et immobilière de l'ODA confirme à M. André, qui aurait déjà été informé lors d'un entretien en date du 27 avril, que M. Davos serait son correspondant, tant pour l'édition 1992 que pour l'édition 1993.

Dans une lettre datée du 28 avril et reçue le 7 mai 1992, l'ODA reçoit des commandes qui lui sont adressées par l'agence Audace, le responsable de cette agence déclarant avoir été informé, le 4 mars 1992, que M. Martinache n'était plus son correspondant, "ni pour l'édition 1992 ni pour l'édition 1993".

Dans une lettre du 7 mai 1992, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA s'"étonne" que M. André n'ait pas informé M. Devos, son nouvel interlocuteur, de l'existence de commandes en suspens, au lieu de transmettre lesdites commandes directement au siège de l'ODA.

Le 15 mai 1992, M. André se plaint auprès de l'ODA de l'indisponibilité de M. Devos qui se serait trouvé en séminaire et qui devait se rendre en Corse jusqu'au 24 juin 1992. Le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA a déclaré, par procès-verbal d'audition en date du 12 octobre 1992 :

"M. Devos a été présenté à M. André par M. Martinache et en ma présence, le 27 avril 1992. Il est vrai que M. Devos a dû aller en Corse pour des raisons professionnelles. Il a été convenu (...) que MM. André et Devos se rencontrent le 22 juin pour la prise de commandes." Un fax de confirmation a bien été adressé, le 4 juin 1992, par M. Devos à M. André, au sujet du rendez-vous du 22 juin. Mais, le même jour, ce dernier accusait l'ODA de procéder à un "refus de vente déguisé" en désignant M. Devos en remplacement de M. Martinache, en raison de l'"indisponibilité" de l'intéressé. Aucune suite ne sera donnée par l'ODA à la doléance de M. André avant le 25 juin, date à laquelle le régisseur exclusif rappelait que le rendez-vous du 22 juin avait été fixé d'un "commun accord".

Des ordres d'insertion ont été établis par la force de vente de l'ODA, au cours du mois de février 1992, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, pour ce qui concerne l'édition 1993. Le calendrier de prospection ("version n°1"), remis au rapporteur par le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA à l'issue de son audition, le 12 octobre 1990, indique que la date initiale du début de prospection se situait au 10 février 1992, et non au mois d'avril 1992 ainsi que l'avait déclaré initialement l'ODA qui déclare, dans ses observations écrites, que c'est "par erreur que le calendrier visait la date de la "prospection". Celle-ci n'a commencé que le 27 avril. C'est le test qui a commencé le 10 février".

L'enquête a cependant établi que des annonceurs, déjà clients de l'agence Audace au cours de l'édition précédente, avaient été l'objet de pressions de la part de la force de vente de l'ODA, dans la période du "test", afin qu'ils renoncent à passer des commandes auprès de l'agence Audace. Ainsi, la SA Guigues à Digne (04) a déclaré, par écrit, à l'agence Audace, le 6 mai 1992 :

"J'ai reçu la visite d'un représentant ODA, vers le 3 ou 4 mars 1992, qui m'a demandé expressément de renouveler ma publicité annuaire pour l'édition 1993 avec elle car il y aurait quelques problèmes avec votre société. Veuillez me confirmer que vous ne faites plus ce genre de travail." De son côté, l'entreprise Auberge des Pénitents, sise aux Mées (04), écrivait à l'agence Audace, le 12 mai 1992 : "J'ai reçu, début avril 1992, la visite d'une représentante de l'ODA qui me demande de passer ma publicité dans les pages jaunes avec elle et non plus avec vous. Cette représentante m'a indiqué que vous avez de gros ennuis et que ma publicité ne paraîtra plus avec vous et qu'elle revenait me voir pour prendre ma commande."

L'agence Audace, entreprise personnelle, n'ayant pas de capital social, a dû fournir, dès le début de son activité, une caution bancaire égale à la différence entre le montant des ordres souscrits et le montant des acomptes versés. A compter de l'entrée en vigueur des nouvelles "conditions de collaboration" en avril 1992, cette agence a pu, pour ce qui concerne certains clients, utiliser la faculté qui lui était offerte de remplacer la caution bancaire par la production d'un mandat écrit, dans les formes imposées par l'ODA et reproduites au paragraphe D de la présente décision. Le responsable de l'agence Audace a fait valoir que, dans la pratique, il s'était heurté au refus de la plupart des annonceurs de souscrire un tel engagement en raison de la complexité de la procédure et du risque financier qu'elle faisait courir auxdits annonceurs. Le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA avait déclaré à l'agence Audace, au sujet du texte du "mandat", le 23 janvier 1992 : "il me semble en effet, qu'au-delà du texte lui-même, dont la formulation peut effectivement ne pas être forcément toujours évidente à la première lecture, il est extrêmement facile, en prenant quelques cas de figure dont vous trouverez les exemples ci-joints en annexe, d'expliquer avec des chiffres comment le système peut être amené à fonctionner en cas de défaillance de votre part."

L'agence Audace avait vainement proposé à l'ODA la mise en application d'un modèle de mandat ainsi libellé : "L'entreprise.., représentée par M. ... agissant en qualité de mandant donne mandat à l'entreprise Audace et Stratégies (...), représentée par M. Dominique André agissant en qualité de mandataire, donne mandat pour souscrire ses ordres d'insertion relatifs aux espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom, auprès du régisseur ODA (Office D'Annonces), 7, avenue de la Cristallerie, 92317 Sèvres Cedex. Fait en double exemplaires originaux. A ... le ... le mandant. Ecrire à la main : "Lu et approuvé, bon pour accord du mandat." Cachet et signature." Le mandataire.

L'ODA qui soutient que la système de garantie existait "empiriquement" avant l'entrée en vigueur, en janvier 1991, du "contrat de collaboration" a fourni deux exemples d'agences, MB Conseils et Force Media, ayant été contraintes de fournir une garantie, préalablement à l'entrée en vigueur du contrat, et ce sur un nombre total d'environ 380 agences clientes.

2. L'agence Arc-en-Ciel Diffusion

La société anonyme Arc-en-Ciel Diffusion (ci-après Arc-en-Ciel) au capital social de 250 000 F, sise à Manduel dans le département du Gard, a été créée en novembre 1989. Cette agence de publicité, spécialisée dans la vente d'espaces publicitaires dans les annuaires officiels, a débuté son activité dans le département de Saône-et-Loire et l'a progressivement étendue aux départements de l'Aude, de l'Ariège, de l'Ardèche, du Gard, de Vaucluse, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 5,15 millions de francs au cours de l'exercice clos le 30 juin 1991 dont 3,73 millions de francs avec l'ODA. Le directeur général de l'entreprise, Mme Danielle André, est une ancienne salariée de l'ODA.

Le 8 décembre 1989, l'agence Arc-en-Ciel adressait un "minitélex" ainsi rédigé à l'ODA : "Suite à ma demande et à votre rappel du 23 novembre 1989, je suis très surprise de constater qu'il semble impossible d'obtenir vos tarifs. En effet, votre représentant m'a contactée le soir où j'avais envoyé mon télex. Il avait promis de m'adresser, le jour même, copie des tarifs et des dates de forclusion. En fait, il téléphonait suite à un de mes précédents coups de téléphone et n'a plus donné signe de vie." La 9 février 1990, cette agence adressait divers documents commerciaux à l'ODA en espérant que la production de ces documents permettra d'"obtenir enfin la copie de (vos) tarifs et les dates de forclusion des départements".

Le 27 février 1990, le chef des ventes de l'ODA, M. Michel Sarrazin, adressait la correspondance suivante à l'agence Arc-en-Ciel "Pour faire suite à votre courrier du 9 février 1990 et aux éléments que vous avez bien voulu fournir concernant votre nouvelle entreprise, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint la copie de notre tableau calendrier de prospection, édition 1990. Pour ce qui concerne nos tarifs, il va sans dire que le conseiller commercial titulaire du secteur auquel vous appartenez reste à votre disposition pour vous amener toutes précisions concernant toutes commandes éventuelles que vous voudrez bien faire auprès de l'ODA;"

Dans un procès-verbal d'audition en date du 25 novembre 1991, M. Orsat, représentant de l'ODA, a déclaré, en présence de M. Paoli, directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA : "J'ai rencontré pour la première fois en tant que cliente Mme André que je connaissais par ailleurs comme ancienne collègue, en février ou en mars 1990 (...). A cette époque, j'avais l'habitude de transmettre un dossier aux agences de publicité. Ce dossier contenait le tarif et, très succinctement, les principales règles de vente. En mars 1990, le client de Mme André étant sur mon secteur, j'ai accepté de traiter la commande. Je ne lui ai pas remis mon dossier que je remets habituellement aux agences, bien qu'elle, me l'ait demandé. En effet, j'avais répercuté cette demande à mes supérieurs qui m'ont affirmé faire le nécessaire et m'ont demandé de ne pas lui communiquer ces documents. Mon responsable de l'époque était M. Sarrazin. C'est de lui qu'émanait cet ordre."

Le 25 novembre 1991, M. Marc Lesueur, représentant de l'ODA, a déclaré par procès-verbal d'audition, en présence de M. Paoli : "J'ai pour la première fois pris contact avec Mme André et sa société Arc-en-Ciel Diffusion, début avril 1990, dans le cadre de la prospection du département 71 pour l'édition 1990. Etant en charge de l'équipe de représentants couvrant géographiquement le siège d'Arc-en-Ciel Diffusion, M. Orsat m'avait demandé de m'en occuper. A l'occasion de cette première rencontre, Mme André était surtout préoccupée d'obtenir différents documents, à savoir les tarifs et quelques règles particulières de vente (,..). Je ne lui ai remis aucun document ce jour-là mais je lui ai indiqué pour tous les cas de figure qu'elle me soumettait la tarification en vigueur oralement. C'est la manière dont je travaille habituellement avec les annonceurs directs, je ne lui ai pas laissé de documents tarifaires car nous ne les communiquons jamais. Je n'ai revu Mme André que beaucoup plus tard, début juin, pour enregistrer ses commandes, à sa demande. Le jour dit, j'ai vu Mme André pour enregistrer ses ordres. Je lui ai demandé de signer le contrat de collaboration. Elle a refusé. J'avais pour instruction de ne pas accepter ses dossiers tant qu'elle n'aurait pas signé les conditions de collaboration. Nous nous sommes donc quittés sans que les ordres soient enregistrés (...). Le 22 juin, Mme André a adressé ses commandes au siège par huissier, ma direction m'a demandé de les retranscrire sur des ODI. Par deux fois, à l'automne 1990, je me suis rendu chez Mme André et j'ai enregistré ses commandes en lui appliquant simplement les règles "nouveaux clients" sans caution et sans lui demander de nouveau de signer les conditions de collaboration. A cette époque, Mme André ne me demandait plus les documents tarifaires puisque l'édition 1990 était forclose et que les tarifs 1991 lui avaient été communiqués."

Le 17 juin 1991, lors d'une audition précédente, le directeur des affaires juridiques et immobilières de l'ODA avait déclaré : "Les tarifs et documents annexes communiqués aux agences et prévus au contrat de collaboration suffisent à vendre à l'annonceur les emplacements qu'il souhaite dans les annuaires." Ce même responsable a précisé, le 17 juillet 1992, que le "contrat de collaboration" qui était entré en vigueur le 2 janvier 1991 avait pour objet de "rassembler en un même texte des modalités de collaboration existant déjà depuis plusieurs années".

Le 10 mai 1990, le président de la société Arc-en-Ciel renouvelle sa demande de tarifs "ainsi que les instructions concernant les modifications intervenant au changement d'édition".

En réponse à cette demande, l'ODA adresse à l'agence, le 17 mai 1990, une lettre ainsi rédigée : "Nous faisons suite à votre lettre recommandée du 10 mai 1990 et nous vous confirmons que la prospection de l'Annuaire officiel de France Télécom de votre département est en cours. Notre conseiller commercial va prendre contact avec vous afin de vous présenter les multiples possibilités d'insertions publicitaires dans l'annuaire; nous vous remercions (...)".

Les 18 et 21 juin 1990, l'ODA déclarait à Arc-en-Ciel qu'elle soumettait l'acceptation de ses commandes à la fourniture d'une garantie bancaire "pour tout budget global supérieur à 50 000 francs".

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 juin 1990, le chef des ventes de l'ODA déclarait au président de l'agence Arc-en-Ciel : "...En ce qui concerne votre demande tendant à obtenir d'une manière générale l'ensemble de nos tarifs, nous ne pouvons que vous inviter à vous rapprocher de notre responsable de vente, Marc Lesueur, dont vous avez les coordonnées et qui répondra comme à l'accoutumée à toutes les demandes précises que vous voudrez bien nous formuler."

Le 9 juillet 1990, l'ODA indiquait à l'agence Arc-en-Ciel qu'elle avait omis de lui demander la garantie financière qu'elle demandait aux agences de publicité mais qu'"en raison de cette erreur de nos (ses) services commerciaux", elle se voyait contrainte d'accepter les autres commandes "aux mêmes conditions que la première", en soulignant la caractère "tout à fait exceptionnel" de cette situation. Le 12 juillet 1990, la direction juridique de l'ODA confirmait à l'agence concernée qu'elle acceptait ses commandes aux "mêmes conditions que la première, à savoir la signature de l'ordre d'insertion ODA et le versement de 40 p. 100 du montant des commandes à la souscription".

Le 31 octobre 1990, la direction juridique de l'ODA déclarait à Arc-en-Ciel, par lettre recommandée avec avis de réception : "... M. Lesueur viendra cependant, par dérogation, vous voir le lundi 5 novembre 1990. Il vous remettra le document contractuel qui reprend l'ensemble des conditions de collaboration que nous vous avions d'ores et déjà indiquées dans nos précédents courriers (26 juin 1990, plus documents transmis par huissier). Ces conditions de collaboration sont celles appliquées par l'ODA aux agences de publicité avec lesquelles elle travaille. En conséquence, les ordres de souscription que vous aurez signés seront acceptés sous la condition suspensive du retour à l'ODA de ce document signé avant le 30 novembre 1990". Ledit document précisait que "si la différence entre le montant de l'acompte versé et le montant total des contrats correspondants dépasse, pour une même édition, une fois et demie le montant du capital social de l'agence de publicité concernée, lesdits contrats ne pourront être enregistrés que sous réserve de la fourniture d'une garantie bancaire égale au montant de cette différence. Cette garantie évoluera en fonction d'éventuels contrats supplémentaires".

Un contentieux est né de l'exigence de garantie par ODA. Dans un premier temps, une procédure de référé a été intentée par l'agence Arc-en-Ciel devant le Tribunal de commerce de Paris. Le 19 septembre 1991, l'ODA a confirmé à l'agence que ses commandes relatives au département de l'Aude (édition 1992) "ne pourront être prises que jusqu'au 20 septembre 1991 avec une garantie financière d'un montant égal à la totalité du chiffre d'affaires. Passé cette date, nous serons contraints de contacter nos annonceurs directement en urgence, afin qu'ils ne soient pénalisés par votre position et qu'ils puissent paraître". Devant le refus d'Arc-en-Ciel de fournir la garantie exigée, l'ODA a adressé, le 3 octobre 1991, la circulaire suivante aux annonceurs concernés du département de l'Aude : "Nous vous informons que l'Office d'annonces, régisseur exclusif des annuaires officiels de France Télécom, n'est pas en mesure d'accepter les commandes relatives à des insertions publicitaires dans lesdits annuaires que l'agence de publicité Arc-en-Ciel Diffusion pourrait lui transmettre pour l'édition 1992 du département de l'Aude." Le 18 octobre, le Tribunal de commerce de Paris a rendu une ordonnance de référé dans laquelle il était enjoint à l'ODA d'accepter les commandes de l'agence Arc-en-Ciel dans les départements de l'Aude, de l'Ain, de l'Ardèche et des Hauts-de-Seine, moyennant la constitution d'une caution égale à 35 p. 100 de chaque commande. Le même jour, l'ODA adressait une lettre à la société Arc-en-Ciel, "après avoir pris connaissance de l'ordonnance du 18 octobre 1991" dans laquelle le régisseur exclusif de France Télécom déclarait : "En ce qui concerne les commandes du département de l'Aude, nous vous confirmons la position que nous avions exprimée clairement dans nos courriers recommandés avec accusé de réception des 12, 19 et 27 septembre 1991. Ces contrats n'ont donc pas été acceptés et ne peuvent plus l'être. Pour les départements de l'Ardèche et de l'Ariège, nous vous rappelons que les dates limites de forclusion sont respectivement le 26 octobre 1991 et le 9 novembre 1991."

Or, le calendrier de prospection applicable au moment des faits établit que la date d'annulation des commandes dans le département de l'Aude était fixée au 2 novembre 1991, cette situation offrant donc à l'ODA la possibilité matérielle d'accepter l'enregistrement des commandes après le 18 octobre. Pour l'ODA, cette pratique serait une "action ponctuelle liée aux circonstances particulières créées volontairement par Arc-en-Ciel Diffusion".

L'affaire ayant été portée devant la Cour d'appel de Paris, un "accord transactionnel" est intervenu, le 5 février 1993, entre l'agence Arc-en-Ciel et l'ODA, et ce dans le cadre d'une médiation. Le texte de l'accord précise que les parties ont décidé de "régler amiablement et transactionnellement les divers différends qui les opposent" et qu'elles se "désistent de toutes instances et actions actuellement pendantes tant devant les tribunaux de commerce de Paris et de Nîmes, la Cour d'appel de Paris, que devant le Conseil de la concurrence".

F.- La "mise en garde" effectuée dans les annuaires officiels de France Télécom

Le texte suivant est inséré dans la partie "édito" des pages jaunes de l'édition 1992 des annuaires officiels de France Télécom : "L'ODA, régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels de France Télécom, est à ce titre chargé d'assumer la prospection de la publicité à insérer dans ces annuaires. Exigez la présentation de la carte professionnelle, modèle ci-dessus, de toutes les personnes se présentant au nom de l'ODA.

"Pour les conseillers ODA opérant par téléphone (70 sur toute la France), vous devez recevoir la facture à en-tête : France Télécom /ODA. "

Cette mise en garde, qui existait dans les éditions précédentes, a été modifiée. Le texte qui apparaissait antérieurement était le suivant :

"Seuls les représentants de l'Office d'annonces (ODA), porteurs d'une carte officielle (modèle ci-contre), sont habilités, à l'exclusion de toute autre personne, à recueillir vos souscriptions. Exigez la présentation de cette carte avant de signer tout contrat pour insertion de publicité dans les annuaires officiels des télécommunications."

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Considérant que les saisines déposées par l'agence Audace et Stratégies et le CDCA, d'une part, et l'agence Arc-en-Ciel Diffusion, d'autre part, portent sur des pratiques d'exclusion de l'ODA vis-à-vis d'agences de publicité nouvellement créées et spécialisées dans la prospection d'annonceurs; qu'il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision;

Sur la procédure :

Considérant que, par lettre en date du 13 novembre 1992, le CDCA a fait connaître au Conseil qu'il retirait sa saisine dans la procédure F 385, engagée conjointement, avec l'agence Audace; qu'il y a lieu de prendre acte de cette demande;

Considérant que par lettre enregistrée au conseil, le 17 février 1993, soit postérieurement à l'envoi de la notification de griefs, la société Arc-en-Ciel Diffusion a déclaré se désister, à la suite de la signature d'une transaction intervenue dans le cadre d'une procédure judiciaire; qu'il y a donc lieu de classer la saisine F 489;

Considérant que l'ODA fait valoir que la rapporteur ne pouvait, en l'absence de décision de saisine d'office par le Conseil, décider de poursuivre l'instruction de la saisine déposée par l'agence Arc-en-Ciel Diffusion; que, par ailleurs, la jonction des dossiers devait être abandonnée;

Considérant qu'à la suite des saisines déposées par Audace et Stratégies et le CDCA (F 385) et Arc-en-Ciel Diffusion (F 489), des griefs ont été notifiés au régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels et à France Télécom sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance susvisée; qu'à la date d'établissement du rapport, aucune décision de classement de la saisine F 489 n'avait été prise par le conseil; que, par ailleurs, le conseil demeurait valablement saisi par l'agence Audace de pratiques relevées sur le marché concerné et constatées lors d'une enquête administrative, qui s'est déroulée antérieurement à la saisine F 489; qu'il appartient dès lors au conseil d'examiner l'ensemble des pratiques susceptibles d'affecter le fonctionnement du marché, pratiques qui, aux termes d'une instruction commune, ont fait l'objet de griefs notifiés puis retenus dans le rapport; qu'il s'ensuit que le moyen soutenu par l'ODA n'est pas fondé;

Sur le marché de référence et sur la place occupée par l'ODA :

Considérant que,dans sa décision n° 90-D-31 du 18 septembre 1990 relative a des pratiques relevées sur le marché de la publicité dans les pages jaunes des annuaires officiels des abonnés au téléphone, la Conseil de la concurrence avait considéré que l'ODA "détient un monopole sur le marché des espaces publicitaires dans les pages jaunes des annuaires officiaIs des usagers du téléphone";

Considérant que l'ODA fait valoir, en premier lieu, que, dans la décision n° 90-D-31 susmentionnée, les demandeurs étaient des annonceurs; que,dans le présent dossier, les demandeurs étant des agences de publicité, il doit en être tenu compte pour la définition du marché pertinent; qu'en effet, selon le régisseur exclusif de France Télécom, le "polymorphisme" du marché pertinent résulterait de la fonction des agences de publicité dont le rôle est, à la différence des annonceurs, d'acheter de l'espace publicitaire en général, sans distinction entre les différents médias et supports; que, sur le marché de la publicité en général, les annuaires de France Télécom ne représentent qu'une très faible part de l'espace publicitaire total offert aux agences de publicité;

Mais considérant que la demande des agences de publicité, qui pouvaient, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 susvisée, passer des ordres pour leur propre compte ou pour le compte de leurs clients annonceurs, ne représente qu'une part marginale de la demande globale d'espace publicitaire dans les annuaires officiels de France Télécom; qu'au surplus, il ressort explicitement des observations écrites de l'ODA qu'à la différence d'autres intermédiaires qui "achètent et revendent un ensemble de supports divers", seules 380 agences de publicité seraient actuellement clientes de l'ODA sur un nombre total d'agences de publicité, en France, estimé à 1 700; que la spécificité de l'annuaire officiel, par rapport aux autres supports, est attestée par la spécialisation de la société PMA, filiale de l'ODA spécialisée dans la vente d'espace publicitaire dans les annuaires officiels auprès d'annonceurs nationaux qui, selon son propre président, considèrent l'annuaire comme un support nécessitant "un conseil et des services particuliers"; que, partant de ce constat, se sont développées des agences spécialisées dans la vente d'espace publicitaire dans les annuaires officiels qui, à l'instar des entreprises Arc-en-Ciel Diffusion, AG Pub Conseils et Audace et Stratégies figuraient, au moment des faits, parmi les clients les plus importants de l'ODA ; qu'il en résulte que l'ODA n'est pas fondée à soutenir que le marché doit être apprécié du point de vue de la demande globale de publicité de la part des agences de publicité, demande qui serait différente de celle des annonceurs concernés, dirigée vers les seuls espaces publicitaires dans les annuaires officiels;

Considérant que l'ODA fait observer, en second lieu, que la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a modifié les conditions dans lesquelles pouvaient être édités des annuaires; que, par ailleurs, la concurrence entre les annuaires s'exercerait sur un plan local et non sur un plan national; qu'ainsi la forte implantation de l'annuaire Soleil au cours de l'année 1993, en région parisienne, serait l'illustration de la substituabilité des annuaires privés locaux aux éditions départementales de l'annuaire officiel;

Mais considérant que, dans sa décision n° 90-D-31 du 18 septembre 1990, le Conseil de la concurrence avait estimé que les annonces publicitaires figurant dans les pages jaunes de l'annuaire officiel constituaient une activité "associée à celle du service public empruntant partiellement au prestige de ce même service public"; que la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 qui a créé France Télécom a confié à cette personne morale de droit public l'exécution du service public du téléphone, sous la tutelle du ministre chargé des postes et télécommunications; que,de ce point de vue, il ressort des déclarations d'annonceurs recueillies en cours d'enquête que l'annuaire officiel demeure, pour un nombre important de professions, un outil indispensable en raison des services qu'il offre aux abonnés au téléphone et à la qualité de personne publique de l'éditeur qui utilisait déjà la marque France Télécom, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 1990 susmentionnée; qu'à la différence de la société CMS, présentée par l'ODA comme son principal concurrent, la régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels, qui offre aux annonceurs des services complémentaires telle la partition couplée d'annonces dans les annuaires "papier" et électronique, est le seul offreur d'espaces publicitaires dans les annuaires à proposer, simultanément, des annonces dans chacune des éditions départementales du territoire national; qu'ainsi que le fait justement remarquer l'ODA dans ses observations écrites, 20 p. 100 des annonceurs choisissent d'être présents simultanément dans plusieurs éditions départementales; qu'il résulte de ce qui précède que l'ODA détient le monopole des espaces publicitaires dans les annuaires officiels mis à disposition des abonnés dans chacun des départements français et dans lesquels les annonceurs, qui, selon l'ODA, sont "essentiellement une clientèle PME-RMI et commerçants", sont confrontés à un offreur unique;

Considérant que l'ODA, régisseur exclusif, détient donc une position dominante sur le marché de la publicité dans les annuaires de France Télécom, marché sur lequel la commercialisation des espaces publicitaires auprès des annonceurs est assurée à la fois par le canal de la propre force de vente de l'ODA et par les agences de publicité;

Sur les pratiques constatées :

Sur les déclarations faites par les représentants de l'ODA aux annonceurs, clients potentiels des agences Audace et Arc-en-Ciel :

Considérant qu'il ressort explicitement des déclarations de nombreux annonceurs, recueillies par procès-verbaux d'audition et citées dans la partie I de la présente décision, que des représentants de l'ODA ont tenté, par divers moyens, de discréditer l'agence Audace auprès des annonceurs en tentant notamment de laisser croire à certains clients potentiels que cette agence n'était pas habilitée à recueillir de la publicité dans les annuaires officiels et en mettant en cause les procédés de démarchage utilisés par cette agence; que ces pratiques mises en œuvre à l'encontre d'une entreprise récente dont l'activité était connue de la part des responsables de l'ODA, dès le mois de septembre 1990, se sont poursuivies au cours des mois qui ont suivi la décision de mesures conservatoires n° 91-MC-0l du 5 mars 1991 dans laquelle le Conseil avait enjoint à l'ODA d'informer certaines agences que l'agence Audace était habilitée, comme toute autre agence de publicité, à commercialiser les espaces publicitaires dans les annuaires de France Télécom; qu'il s'en suit que l'agence de publicité Audace, spécialisée dans la commercialisation d'espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom s'est heurtée, dès sa création, il est vrai par un ancien salarié de l'ODA, à des difficultés liées au comportement des représentants locaux de la régie;

Considérant que l'ODA allègue, s'agissant des annonceurs Barcovici, Massart, Fun Vidéo, Axa et Belmonte, que les pratiques recensées lors de l'enquête concernaient le service de vente par correspondance, lequel aurait ignoré l'existence de l'agence Audace; que les déclarations des personnes en cause seraient le résultat d'une négligence de l'ODA, aucun élément ne permettant d'établir le "caractère volontaire" de ces pratiques;

Mais considérant que les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée prohibent les ententes expresses ou tacites, les actions concertées, conventions ou coalitions ou encore l'exploitation abusive d'une position dominante lorsque ces pratiques "ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché"; que n'échappent donc pas à ces règles les pratiques ayant un effet ou pouvant avoir un effet anticoncurrentiel sur le marché, sans qu'il soit besoin d'établir l'intention de les enfreindre; qu'il appartenait aux services compétents de l'ODA qui, au moment des faits, connaissaient l'activité de l'agence Audace et les difficultés qu'elle rencontrait, de donner les instructions appropriées à ses représentants;

Considérant, s'agissant des annonceurs hôtel Saint-Nicolas, Sef Alu, Repro Pioteix, Bonsaï Création, Cuers Automobiles et FAC, que l'ODA fait valoir qu'elle avait produit des attestations fournies par les vendeurs concernés qui seraient, à ses yeux, "en contradiction avec les interprétations et affirmations des clients" ; qu'elle déclare également qu'il n'est pas acceptable que les vendeurs concernés n'aient pas été entendus par les enquêteurs alors que les annonceurs ont été entendus, ceci contrairement à une demande du 31 janvier 1992;

Mais considérant qu'à la suite de l'envoi par le rapporteur, le 13 octobre 1992, de témoignages d'annonceurs, l'ODA s'est trouvée en mesure de répondre, avant l'établissement de la notification de griefs et de manière contradictoire, aux accusations portées à son encontre par l'agence Audace; qu'en effet, le 7 décembre 1992, soit antérieurement à la réception de la notification de griefs, le régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels a fait parvenir au Conseil une note intitulée "Note relative au grief de dénigrement présentée par Audace et Stratégies", note à laquelle était annexée une attestation de M. Bethge en date du 20 octobre 1992 dans laquelle l'annonceur déclarait avoir été démarché par un représentant qui se serait présenté comme "la personne chargée d'effectuer le renouvellement de mon (son) inscription publicitaire dans l'annuaire des postes (pages jaunes et pages blanches)"; qu'à la suite de la notification de griefs, l'ODA a versé au dossier des rapports de visite établis, en début d'année 1991, par les représentants concernés et cités dans la partie I de la présente décision; que ces rapports de visite ne permettent toutefois pas de mettre en doute les déclarations des annonceurs concernés qui ont tous confirmé leurs déclarations initiales, par procès-verbaux d'audition; qu'en outre, la procédure contradictoire instaurée par l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'impose nullement aux enquêteurs ou aux rapporteurs de se livrer à des confrontations ou auditions de toutes les personnes physiques concernées;

Considérant, par ailleurs, qu'en prenant l'initiative, en octobre 1991, de diffuser une circulaire, décrite dans la partie I de la présente décision, à des annonceurs situés dans le département de l'Aude, qui avaient souscrit des encarts publicitaires auprès de l'agence Arc-en-Ciel, et en refusant, postérieurement, d'enregistrer les commandes de certains des annonceurs concernés, l'ODA, qui ne peut justifier cette décision par des impératifs d'ordres juridique ou technique, a entravé l'activité de l'agence concernée;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques de l'ODA ci-dessus analysées constituent un abus de position dominante sur le marché, visé par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur les relations commerciales entre l'ODA et les agences Audace et Arc-en-Ciel :

Considérant, ainsi que le démontrent les déclarations de plusieurs annonceurs, que les lenteurs de l'ODA dans la désignation du correspondant commercial de l'agence Audace et les changements répétés, lors de la préparation des éditions 1991 et 1992, ainsi que l'indisponibilité temporaire du correspondant nouvellement désigné en 1992, ont pu avoir pour effet de placer l'agence de publicité dans une situation commerciale difficile vis-à-vis de sa propre clientèle en raison, d'une part, de l'obligation faite par l'ODA aux agences de transmettre leurs commandes par l'intermédiaire du seul correspondant commercial désigné à cet effet, et ce, sur des "ordres d'insertion" dûment remplis par ce même correspondant et, d'autre part, de la nécessité, pour l'agence concernée, de pouvoir justifier auprès des annonceurs de la passation d'ordres d'insertion auprès du régisseur exclusif, du fait, notamment, des informations tendancieuses diffusées par la force de vente de l'ODA auprès de la clientèle;

Considérant par ailleurs qu'il ressort des constatations faites lors de l'enquête et décrites au I de la présente décision que l'agence Arc-en-Ciel s'est heurtée, entre le début de son activité et la notification de son désistement, à une opposition systématique de la part de l'ODA, pour ce qui concerne la communication des tarifs; que le représentant de l'ODA a en effet déclaré qu'il avait reçu pour instructions, de la part de sa hiérarchie, de ne pas remettre lesdits documents à l'agence concernée; que cette politique d'obstruction de la part de l'ODA a pu avoir pour effet d'entraver temporairement l'implantation de l'agence Arc-en-Ciel sur le marché considéré;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en faisant obstacle, par diverses manœuvres, à l'activité des agences Audace et Arc-en-Ciel, nouvellement créées, sur le marché de la vente d'espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom, l'ODA a abusé de sa position dominante sur le marché;

Sur la modification du système de commissionnement des agences, en début d'année 1992 :

Considérant qu'en début d'année 1992, l'ODA a modifié, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 susvisée, le système de commissionnement jusqu'alors appliqué aux agences de publicité; que le nouveau système aboutissait, dans les faits, à supprimer toute rémunération de l'agence lorsque la baisse du chiffre d'affaires annuel, avec l'ODA atteignait 30 p. 100.

Considérant que l'ODA soutient que le nouveau système était "par certains aspects" plus favorable aux agences que l'ancien système; qu'en particulier, le fait de rémunérer les agences pour des ventes d'espaces à des annonceurs qui étaient déjà clients de l'ODA était de nature à améliorer favorablement la situation des agences par rapport à l'ancien système, dans la mesure où, préalablement à l'entrée en vigueur des nouvelles conditions, les agences ne percevaient aucune commission pour ce type de clients;

Mais considérant que si le fait de commissionner les agences, la première année, pour des ordres émanant de clients déjà en portefeuille de l'ODA, peut s'avérer bénéfique pour les agences, cette modification ne peut aucunement justifier la décision de supprimer toute rémunération aux agences dont le chiffre d'affaires annuel avait subi une baisse de l'ordre de 30 p. 100; que cette condition de vente injustifiée, imposée par une entreprise en situation de position dominante, qui perçoit une commission, quelle que soit la variation de son chiffre d'affaires, constitue, compte tenu des autres entraves mises à l'accès au marché, un abus visé par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur la politique de garantie de l'ODA, à l'égard des agences de publicité :

Considérant qu'à partir de l'entrée en vigueur des "conditions de collaboration", en janvier 1991, l'ODA a mis en application, outre les mesures de paiement équivalentes à celles appliquées aux nouveaux annonceurs, des mesures de garanties à l'égard des agences dont le contenu est rappelé dans la partie I de la présente décision; que ces mesures avaient pour effet de contraindre des agences de création récente, sans capital social ou à faible capital social à obtenir auprès d'organismes bancaires ou financiers des garanties proportionnelles au volume des commandes enregistrées; qu'à compter du début de l'année 1992, l'ODA a modifié ces exigences en donnant notamment la possibilité aux agences concernées de fournir un mandat signé par l'annonceur, dans les formes imposées par le régisseur exclusif et reproduites à la partie I de la présente décision; que l'ODA justifia ces mesures préventives par le risque important que constituent pour lui les agences spécialisées dans la commercialisation des espaces publicitaires dans les annuaires officiels de France Télécom, en raison du volume d'affaires traité;

Mais considérant que, s'il peut être légitime, pour un vendeur d'espaces publicitaires, d'exiger des garanties de paiement de la part des entreprises clientes ou des intermédiaires, même en l'absence d'incident de paiement, les mesures prises doivent être proportionnées au risque encouru et ne doivent pas être de nature à dissuader les annonceurs de souscrire des annonces par des intermédiaires; qu'en effet, comme l'a justement déclaré le chef des ventes de l'ODA, "le fait de s'adresser directement à elle (l'ODA) ou à une agence de publicité ne doit, en aucune façon, entraîner avantage ou inconvénient pour l'annonceur concerné"; qu'il s'avère qu'en imposant un texte de mandat aux agences de publicité, l'ODA est, compte tenu des autres modalités de garantie imposées aux nouvelles agences, intervenu dans la politique commerciale desdites agences et a pu, de la sorte, entraîner des difficultés entre ces agences et les annonceurs;

Sur la "mise en garde" effectuée par France Télécom dans les annuaires officiels :

Considérant que France Télécom fait valoir que le texte de l'insertion, dans la partie "édito" de l'édition 1992 des pages jaunes, reproduite dans la partie I de la présente décision, n'a pas pour objet de reconnaître à l'ODA une exclusivité dans la prospection mais d'informer les annonceurs que l'activité publicitaire dans les annuaires de France Télécom est assurée par un régisseur exclusif; qu'il ne s'agirait donc pas d'écarter les agences de publicité de cette activité et que le texte de l'annonce incriminé serait destiné à protéger les annonceurs contre les démarcheurs indélicats, en raison de nombreux abus qui seraient recensés;

Mais considérant que l'information en cause, située immédiatement après l'annonce selon laquelle "l'ODA, régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels de France Télécom, est à ce titre chargé d'assumer la prospection de la publicité à insérer dans ces annuaires", présente, en l'absence de toute information sur le rôle d'intermédiaires que peuvent être amenées à jouer les agences de publicité, un caractère ambigu et peut apparaître comme un avertissement de nature à limiter l'accès du marché aux agences concernées; que cette pratique d'exclusion mise en œuvre par France Télécom et l'ODA, qui jouit d'une autonomie commerciale par rapport à son actionnaire, est visée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence "peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...). Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'il désigne, l'affichage dans les lieux qu'il indique et l'insertion de sa décision dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, la conseil d'administration ou de directoire de l'entreprise. Les frais supportés par la personne intéressée";

Considérant que l'importance du dommage à l'économie doit s'apprécier en tenant notamment compte de la durée des pratiques d'exclusion à l'égard d'agences nouvellement créées qui se sont poursuivies au-delà de la décision de mesures conservatoires n° 91-MC-01 du 5 mars 1991; que, dans l'appréciation de la gravité des faits, il convient de tenir compte de la position dominante occupée par l'ODA sur le marché des annuaires officiels de France Télécom ainsi que des liens financiers unissant cette régie à France Télécom, établissement public, dont la position constitue pour sa filiale, qui utilise la marque France Télécom dans ses documents commerciaux, une référence indispensable pour la majorité des annonceurs et des usagers du téléphone; que s'agissant des conditions de collaboration des agences, il y a toutefois lieu de prendre en compte la durée limitée dans le temps des effets anticoncurrentiels potentiels, en raison de l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993; que, pour ce qui concerne les autres entraves au marché, il convient également de tenir compte du nombra d'agences et de départements concernés;

Considérant que l'ODA a réalisé un chiffre d'affaires de 4 154 988 000 F au cours de l'exercice 1992, dernier exercice connu, étant précisé que le montant de la commission versée à France Télécom s'est élevée à 2 783 916 000 F; qu'en fonction des éléments généraux et individuels ainsi appréciés, il y a lieu d'infliger une sanction pécuniaire de 7 millions de francs à l'ODA;

Considérant que la montant du chiffre d'affaires de France Télécom s'est élevé à 122,6 milliards de francs au cours de l'exercice 1992, dernier exercice connu; qu'en fonction des éléments généraux et individuels ainsi appréciés, il y a lieu d'infliger une sanction pécuniaire de 1 million de francs à France Télécom,

Décide :

Article 1er : Il est pris acte du désistement du CDCA.

Article 2 : La saisine enregistrée sous la numéro F 489 est classée.

Article 3 : Il est infligé une sanction pécuniaire de 7 millions de francs à la société Office d'Annonces (ODA).

Article 4 : Il est infligé une sanction pécuniaire de 1 million de francs à France Télécom.

Article 5 : Il est enjoint à France Télécom et à l'ODA de modifier le texte de la recommandation insérée dans les prochaines éditions des annuaires officiels à destination des annonceurs, de manière que ces derniers, soient informés, sans équivoque, que les agences de publicité peuvent assurer, comme l'ODA, régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires officiels, la prospection de la publicité à paraître dans les annuaires officiels de France Télécom.