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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 3 mai 1990, n° ECOC9010069X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Publi-Cazal (SARL)

Défendeur :

Edition et Presse de la Réunion (SARL), Presse de la Réunion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Montanier

Avocat général :

M. Jobard

Conseillers :

MM. Guérin, Bargue, Mmes Simon, Favre

Avoués :

Me Meurisse, SCP Narrat-Peytavi

Avocat :

Me Greffe.

CA Paris n° ECOC9010069X

3 mai 1990

Agence de publicité située à Saint-Denis-de-la-Réunion et filiale à 98,7 p. 100 de la société Cazal, éditrice du quotidien Le Journal de l'île, la société Publi-Cazal a, par requête du 18 novembre 1988, saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en reprochant aux deux sociétés concurrentes SPR (Société de Presse de la Réunion) et EPR (Edition et Presse de la Réunion), qui éditent respectivement le journal Le Quotidien et l'hebdomadaire Visu, de s'être concertées pour pratiques à son égard des conditions discriminatoires de vente d'espaces publicitaires et lui refuser des ordres d'insertions publicitaires.

Par décision du 14 novembre 1989, le Conseil de la concurrence a estimé :

D'une part, que les dispositions de l'article 7 relatives aux ententes prohibées ne pouvaient recevoir application en l'espèce, puisque les décisions contestées ont été prises par le dirigeant commun des deux sociétés dont l'une ne possédait pas l'autonomie commerciale par rapport à l'autre ;

D'autre part, que les conditions d'application de l'article 8 prohibant l'exploitation abusive d'une position dominante pour entraver le libre jeu de la concurrence sur un marché n'étaient pas réunies puisque les pratiques dénoncées, qui pourraient relever du titre IV de l'ordonnance précitée, n'ont pas eu pour objet, ni pour effet, d'affecter le jeu de la concurrence sur les différents marchés où interviennent les parties.

Tout en renonçant à son grief d'entente prohibée, la société Publi-Cazal a formé un recours en réformation de cette décision, en invoquant les dispositions des articles 8 et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et en demandant de :

Constater que les pratiques anticoncurrentielles utilisées par le groupe EPR-SPR à son encontre entravent le libre jeu de la concurrence sur le marché de la publicité sur l'île de la Réunion ;

Dire que les sociétés EPR et SPR seront tenues, sous astreinte de 3 000 F par jour de retard, d'accepter les ordres de publicité transmis par la société Publi-Cazal et de lui verser les commissions correspondantes ;

Condamner in solidum les sociétés EPR et SPR à payer à la société Publi-Cazal la somme de 1 400 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier par elle subi du fait de leurs agissements, celle de 600 000 F en réparation de son préjudice commercial et celle de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Bien qu'ayant constitué avoué, les sociétés EPR et SPR n'ont pas conclu sur ces diverses demandes.

Considérant qu'il convient tout d'abord d'observer qu'une action en responsabilité pour pratiques discriminatoires et refus de vente, fondée sur l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relèverait de la juridiction civile ou commerciale territorialement compétente et non du Conseil de la concurrence ; que, dès lors, la cour se trouve incompétente dans le cadre du présent recours pour statuer sur les diverses demandes de mesures réparatrices présentées de ces chefs et qu'il importe uniquement de rechercher si les poursuites engagées devant le Conseil sur le fondement de l'article 8 de la même ordonnance étaient ou non justifiées ;

Considérant qu'après avoir relevé que le groupe des sociétés SPR et EPR occupait 53 p. 100 du marché de la diffusion des annonces publicitaires, le Conseil a admis sa position dominante.

Considérant qu'il est par ailleurs établi par les documents versés aux débats que ce groupe s'est livré à l'égard de la société Publi-Cazal à des pratiques discriminatoires et à des refus de ventes, en refusant de la commissionner, puis d'insérer ses ordres de publicité ;

Mais considérant que si ces deux griefs, qui pourraient éventuellement donner lieu à réparation dans le cadre d'une autre instance engagée sur le fondement de l'article 36 de l'ordonnance précitée, se trouvent également visés à son article 8 comme manifestations possibles d'un abus de position dominante, cette dernière infraction ne peut être constituée que dans la mesure où les pratiques visées ont eu pour objet ou pour effet d'entraver le fonctionnement d'un marché et d'affecter en conséquence le jeu de la concurrence ;

Or, considérant qu'en l'espèce le refus opposé à la société Publi-Cazal, dont les demandes d'insertion adressées au groupe EPR-SPR représentent seulement 2 p. 100 du chiffre d'affaires total des ventes d'espaces Publicitaires dans la presse écrite, n'a pas eu d'effet sur le marché global, puisque les nombreuses autres agences de publicité présentes sur l'île de la Réunion étaient en mesure de rendre les différents services demandés par les annonceurs.

Considérant dès lors que, si la société Publi-Cazal pourrait être recevable à se plaindre devant la juridiction de droit commun des atteintes portées à sa situation personnelle, c'est à juste titre que le Conseil de la concurrence a estimé qu'il n'y avait pas eu en l'espèce atteinte au fonctionnement global de la concurrence sur le marché considéré et qu'il ne pouvait en conséquence être donné suite à la procédure engagée sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise et de débouter la société Publi-Cazal de son recours,

Par ces motifs : Rejette le recours formé par la société Publi-Cazal contre la décision n° 89-D-37 rendue le 14 novembre 1989 par le Conseil de la concurrence au regard des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Déclare irrecevables les demandes fondées sur l'article 36 de la même ordonnance relevant de la juridiction commerciale territorialement compétente ; La condamne aux dépens.