Cass. com., 9 mai 1990, n° 88-17.687
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
ODA (SA)
Défendeur :
Leroux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defontaine
Rapporteur :
M. Cordier
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, Me Ancel.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 juin 1988), que M. Leroux a souscrit pour l'année 1986 un ordre tendant à l'insertion, dans l'édition professionnelle de l'annuaire des abonnés au téléphone, d'une annonce publicitaire concernant son activité d'artisan ; qu'à la parution de l'annuaire, l'annonce s'est révélée tronquée, le numéro de téléphone de l'intéressé ayant été omis ; que M. Leroux a assigné la société Office d'Annonces (société ODA), régisseur exclusif de la publicité des annuaires de l'administration des télécommunications, en réparation du préjudice qu'il alléguait avoir subi de ce fait ; que la société ODA a fait valoir qu'en vertu de la clause limitative de responsabilité insérée dans le document contenant l'ordre d'insertion, elle ne pouvait être tenue au-delà du remboursement, du reste effectivement opéré, du coût de l'annonce publicitaire ; que le tribunal a écarté le jeu de la clause limitative de responsabilité et condamné la société ODA à verser à M. Leroux des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que, formulant les griefs reproduits en annexe et pris de la violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et des articles 50 et 51-2° de l'ordonnance du 30 juin 1945, la société ODA reproche à l'arrêt d'avoir déclaré illicite la clause limitative de responsabilité précitée aux motifs, selon le pourvoi, que l'argumentation de la société ODA, selon laquelle cette clause était le contrepartie nécessaire de la modération de ses tarifs, ne pouvait être prise en considération et que cette stipulation constituait un abus de position dominante ;
Mais attendu que, la cour d'appel ayant confirmé la décision des premiers juges en ce qu'ils avaient retenu que, ayant commis une faute lourde dans l'exécution de ses obligations contractuelles, la société ne pouvait se prévaloir de la clause litigieuse, les motifs critiqués sont surabondants ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société ODA fait encore grief à l'arrêt d'avoir écarté l'application de la clause limitative de la responsabilité insérée au contrat, alors, selon le pourvoi, que la faute lourde, de nature à écarter l'application d'une clause limitative de responsabilité, s'entend d'une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et révélant l'inaptitude du débiteur à accomplir la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'ainsi, en affirmant, sous la forme d'un principe général, que l'omission susceptible d'affecter l'exécution par la société ODA d'un ordre d'insérer émis par un annonceur devait être qualifiée de faute lourde, sans relever, eu égard aux aléas d'une activité comportant nécessairement un risque résiduel d'erreur en raison de la multiplicité, qui est de l'essence du contrat, des annonces insérées, aucune circonstance faisant apparaître que l'omission considérée n'avait pu se produire qu'en raison d'une négligence particulièrement grossière et révélant l'inaptitude de la société ODA à remplir son obligation, la cour d'appel n'a pas donné de base à sa décision au regard des articles 1134 et 1146 et suivants du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la société ODA ne se livrait à aucune vérification avant l'impression de l'annuaire bien que l'intérêt principal de l'annonce litigieuse fût d'assurer à des fins commerciales la publicité du numéro de téléphone de l'annonceur, de sorte que la mention de celui-ci dans l'annonce commandée était un élément substantiel de son consentement ; que la cour d'appel a dès lors pu décider qu'en raison du caractère essentiel de l'obligation inexécutée, le manquement constaté constituait à la charge de la société ODA une faute lourde rendant inopposable à son cocontractant la limitation de responsabilité dont elle se prévalait; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société ODA fait enfin grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement l'ayant condamnée à verser des dommages-intérêts à M. Leroux, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu de l'article 1151 du Code civil, même dans le cas où l'exécution de la convention résulte du dol du débiteur, auquel est assimilé la faute lourde, les dommages-intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution ; qu'ainsi, ayant constaté que le lien de causalité entre l'omission ayant affecté l'insertion commandée à la société ODA par M. Leroux, qualifiée de faute lourde, et la baisse de son chiffre d'affaires que ce dernier invoquait comme conséquence de cette faute, n'était pas caractérisé, la cour d'appel qui a néanmoins confirmé l'indemnisation forfaitaire d'un préjudice commercial qualifié de pretium doloris dont, par motifs propres et adoptés, elle a relevé le caractère à la fois éventuel et indirect, a violé le texte ci-dessus mentionné ;
Mais attendu qu'ayant, en se prononçant comme elle a fait, retenu que la faute de la société ODA avait causé à M. Leroux un préjudice commercial distinct de celui allégué comme résultant de la baisse de chiffre d'affaires constatée, la cour d'appel n'encourt pas le grief du moyen ; que celui-ci n'est donc pas fondé ;
Sur la demande présentée au titre de l'arrêt 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que M. Leroux sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 20 000 francs ;
Et attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.