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Décisions

Conseil Conc., 22 octobre 1996, n° 96-D-62

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur de la production et de la distribution de produits en béton dans le département de l'Aveyron

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Loïc Guérin, par M. Barbeau, président, M. Cortesse, vice-président, , M. Rocca, membre, désigné en remplacement de M. Jenny, vice-président, empêché.

Conseil Conc. n° 96-D-62

22 octobre 1996

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 9 août 1993 sous le numéro F 619, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur de la production et de la distribution de produits en béton dans le département de l'Aveyron ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les lettres du président du Conseil de la concurrence en date du 11 juillet 1996 notifiant aux parties intéressées et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter cette affaire devant la commission permanente, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement, les sociétés Carayon, Matériaux Béton Aveyron (MBA), Ségala Matériaux et Simat ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur généraL le commissaire du Gouvernement et les sociétés Carayon, Matériaux Béton Aveyron (MBA), Ségala Matériaux et Simat entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I- Constatations :

A. - Les produits, les entreprises et les caractéristiques du marché :

1. Les produits :

Les produits en béton préfabriqués sont utilisés dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics par une clientèle de professionnels (négociants, entreprises de maçonnerie, agriculteurs) ou de particuliers.

Pour l'essentiel, il convient de distinguer les produits de construction des produits de travaux publics et d'environnement. A la 1re catégorie appartiennent des petits éléments de construction, tels les blocs d'agglomérés ou les parpaings, les hourdis, les tuiles, les marches d'escalier, ou des éléments plus grands servant à l'édification des murs, de grands planchers, de conduits et gaines. Les entrepreneurs de travaux publics sont utilisateurs de canalisations, de bordures, de pavages et de poutres destinés au génie civil.

Les produits visés par l'enquête sont des blocs de béton agglomérés. Aux termes de la norme NF P 14-101 du mois de septembre 1983, un bloc se définit comme : " Un produit en béton homogène, non armé, de granulats courants ou légers, de forme parallélépipédique générale, de fabrication industrielle, possédant des caractéristiques régulières et contrôlées, montées à joints de mortier et éventuellement à joints secs ".

Ces blocs sont classés en trois catégories : les blocs " courants ", utilisés pour les parties pleines des murs et cloisons, les blocs " accessoires ", dont la structure interne est différente, utilisés pour la réalisation des linteaux, chaînages verticaux et enfin les blocs de parement.

L'enquête administrative n'a porté que sur les produits appartenant aux deux premières catégories qui sont désignés et présentés par leurs différentes dimensions (épaisseur, largeur, hauteur). Les blocs les plus utilisés sont de dimensions : 20 x 20 x 50, pour un poids variant de 18 à 22 kilogrammes par bloc selon les fabricants.

Ces produits sont commercialisés en quantités variables. La palette est une unité de vente couramment utilisée par les professionnels pour les blocs, les hourdis ou les tuiles ; les palettes sont en règle générale consignées. Le transport est souvent assuré par les vendeurs qui disposent d'un tarif départ ou livré. Le caractère particulièrement pondéreux de ces matériaux impose au chargement et au déchargement la présence de moyens de levage.

La faible valorisation de ces produits et leur caractère pondéreux limitent leur distance d'expédition à un rayon égal à environ 50 kilomètres de leur point de stockage.

2. Les entreprises :

a) Les fabricants :

Le marché aveyronnais est dominé par deux fabricants qui possèdent leur propre réseau de distribution, le " groupe Simat " et le " groupe François ", à côté desquels subsistent quelques concurrents de taille plus modeste.

Le groupe Simat :

La société financière Balard regroupe plusieurs sociétés parmi lesquelles la SA Société industrielle de matériaux (Simat), dont l'activité est composée de trois " secteurs " : le " secteur Vitrerie " (Miroiterie du Rouergue), le " secteur Fabrications industrielles " comprenant cinq centrales à béton (Millau, Rodez, Séverac-le-Château, Villefranche-de-Rouergue, auxquelles s'ajoute une centrale mobile), trois usines de produits en béton (Onet- le-Château, Lapanousse, Millau) et deux carrières (La Vialatelle, Lapanousse), enfin, le " secteur Négoce " comprenant cinq dépôts en Aveyron (Espalion, Rodez, Villefranche-de- Rouergue, Viviez, Séverac), trois établissements dans le Lot et un en Corrèze à l'enseigne " Le Comptoir des Matériaux ".

Le groupe François :

Le groupe François est constitué de plusieurs sociétés dont M. René François est président- directeur général : la SA des établissements François, dont le siège est à La Primaube (fabrication et négoce de matériaux en béton) et dont les établissements de négoce, à l'enseigne " Gédimat ", sont implantés à Villefranche-de-Rouergue, Rodez, Luc et Baraqueville ; les Carrières de la Cordenade, à Rodez ; la SA Rodez Matériaux qui gère une centrale à béton sise à Rodez ; enfin, les sociétés Socobomat et Ségala Matériaux.

Les autres fabricants :

Sept autres fabricants aveyronnais ont été recensés au cours de l'instruction. Il s'agit de la SARL Sévigné Marc Travaux publics et industriels (SMTPI), de la SARL des Établissements Audouard René (EAR), de la SARL Albenque, de la SARL Matériaux Béton Aveyron (MBA) dont l'enseigne est " Bâti Center Mialanes ", de la SARL Sablières Agglo-béton Flagnac (S.A.F.), des Établissements Gratio et des Établissements Falière.

b) Les négociants :

L'instruction a permis de dénombrer une trentaine d'entreprises de négoce, dont les cinq dépôts de la société Simat, et les quatre dépôts de la société François précités.

Les autres négociants sont le plus souvent des entreprises familiales indépendantes pour lesquelles la part des ventes de produits en béton peut être relativement faible par rapport au négoce des autres matériaux. Peuvent être citées, par exemple, les entreprises Ségala Aliments, Matériaux Béton Aveyron qui est également fabricant, Audouard, Valenq, Banes.

3. Les caractéristiques du marché :

a) Délimitation géographique :

Comme il a été dit supra, les agglomérés en béton sont des produits pondéreux faiblement valorisés. Il s'ensuit un coût relatif du transport élevé et donc un rayon de livraison n'excédant pas 50 kilomètres autour du point de fabrication ou de stockage.

L'examen des implantations des entreprises montre une répartition en deux zones correspondant aux moitiés nord et sud du département.

La zone nord a pour principales agglomérations les villes de Rodez et Villefranche-de- Rouergue. Sont implantées à proximité de Rodez les entreprises François, Simat, MBA, Albenque, Gratio et autour de Villefranche-de-Rouergue les entreprises Falières et SAF, mais aussi en tant que négociants les sociétés Simat et François (Gédimat).

Sur la partie sud du département sont implantées les entreprises Simat à Millau, SMTPL à Saint-Rome-du-Tarn, EAR à Requista et, à proximité, dans le département du Tarn, la société Carayon, à Vianes.

b) Les tendances économiques :

Pendant la période précédant les constatations, le secteur du bâtiment et des travaux publics a connu une relative atonie relevée par le journal Le Moniteur en septembre 1991 : " En 1988, le bâtiment représentait 62 p. 100 des ventes totales de la filière, contre 38 p. 100 au secteur des travaux publics. Deux ans plus tard, leurs parts respectives sont passées à 61 p. 100 et 39 p. 100 (mais à 72 p. 100 et 28 p. 100 des tonnages). L'explication de cette nouvelle donne réside avant tout dans l'effondrement du secteur de la maison individuelle en l'espace d'une seule année. C'est le secteur des bâtiments tertiaires, scolaires inclus, qui profite de cette réorientation avec une part progressant de 29 p. 100 à 35 p. 100 des ventes.

" Le déclin de la construction de maisons individuelles entraîne dans sa chute des pans entiers de l'industrie, comme les tuiles, les clôtures, les conduits ou encore les carreaux. Heureusement, les blocs se maintiennent (16,2 millions de tonnes vendues en 1989), et les planchers (4,7 millions de tonnes) progressent de 10 p. 100 sur 1988. Ainsi, les petits éléments en béton destinés au bâtiment (blocs, poutrelles, entrevous, tuiles, boisseaux.) représentaient 37 p. 100 du chiffre d'affaires de la branche en 1989 ; tandis que les " grands éléments " (panneaux de façade, ossatures, dalles et pré-dalles pour planchers) poursuivent leur ascension et représentent 24 p. 100 du chiffre d'affaires. "

S'agissant plus précisément du département de l'Aveyron, une note de conjoncture rédigée par M. Reneault le 15 octobre 1991 décrit la situation dans les termes suivants : " L'activité du bâtiment a été soutenue sur le marché aveyronnais durant les sept premiers mois de l'année, avec des disparités locales importantes. En effet, les régions de Rodez et Millau, grâce à quelques gros projets, ont encore un bon niveau d'activité, alors que les zones de Villefranche et du bassin de Decazeville souffrent. " Il poursuit en écrivant : " La maison individuelle devrait garder donc son rythme de croisière autour de 700 logements par an avec vraisemblablement un tassement par rapport aux années passées des financements PLA ou PAP Dans les locaux autres qu'habitations (bâtiments agricoles, industries, commerces), on note une évolution plutôt favorable des mises en chantier, mais une stagnation des autorisations par rapport à 1990. "

B. Les pratiques constatées :

1. Les réunions des fabricants et négociants de produits en béton :

1. Selon les déclarations recueillies par procès-verbal du 2 juin 1992, M. Reneault a été invité le 30 mai 1991 à une réunion entre fabricants de produits en béton des départements du Tarn et de l'Aveyron : " Le jeudi 30 mai, j'ai été invité à participer à une réunion des producteurs de produits béton du Tarn et de l'Aveyron. Le sujet en était la sensibilisation au problème des prix marchés plus importants encore dans le Tarn qu'en Aveyron. "

L'examen à la date du 30 mai 1991 du cahier de messages téléphoniques de M. Reneault, annexé au procès-verbal précité, montre en effet que celui-ci a été informé par M. Carayon, responsable de la société Carayon, concurrent de la société Simat, du fait que celui-ci : " organise une réunion le vendredi 7 à 10 h 30 à l'hôtel Noël, à Réalmont, avec les fabricants agglos du Tarn : seront présents. et peut-être Sévigné et François " (M. Sévigné est le gérant de la SARL SMPTI, société sise dans l'Aveyron).

En réponse à cette information, il est indiqué par M. Reneault sur le même cahier : " Très certainement MM. Houlès et Nérot y participeront. " Le lendemain, il est confirmé à M. Carayon sur son appel qu'il est prévu que MM. Houlès et Nérot, salariés de la société Simat, participeront à la réunion du 7 mai 1991.

2. Des réunions des " producteurs de produits béton " de l'Aveyron et du Lot se sont également tenues le 2 juillet 1991 ainsi que le révèle l'examen du cahier de messages téléphoniques de M. Reneault à la date du 30 juin 1991.

Interrogé sur le contenu de la réunion des entreprises de l'Aveyron, M. Reneault a déclaré qu'elle avait pour objet de : " Définir le marché local et connaître les parts de marché de chacun pour connaître leur évolution au cours des dernières années. Participants: l'ensemble des producteurs de l'Aveyron. "

3. Les fabricants de produits en béton du département de l'Aveyron se sont de nouveau réunis le 9 juillet 1991. M. Reneault a déclaré que cette réunion avait pour objet :

" - information de mes confrères sur les nouveaux tarifs applicables par ma société au 1er août 1991 ;

- faire le point sur les prix pratiqués. La nouvelle grille de mes tarifs leur a été remise plus tard. De même pour 1992 j'ai adressé à mes confrères ma nouvelle grille tarifaire.

Participants : les mêmes que lors de la réunion du 2 juillet. "

4. Une réunion mixte regroupant fabricants et négociants de produits en béton opérant dans le département de l'Aveyron s'est tenue à Millau le 24 juillet 1991. A priori, les organisateurs n'avaient pas prévu d'inviter l'ensemble des négociants du département puisque le cahier de messages téléphoniques de M. Reneault fait état d'un appel de M. Paulhe (société François) qui s'inquiète le 17 juillet 1991 du fait que : " Lors de notre R.V. de ce matin vous n'avez pas parlé d'inviter certains négociants à la réunion du 24 (Mialanes-Audouard) " ; il en était de même de certains fabricants ainsi qu'en atteste l'interrogation suivante portée en marge du même document : " Faut-il inviter les fabricants (Albenque, Gratio, Destruel) ? " à laquelle il est répondu : " OK ".

D'après les déclarations de M. Reneault l'objet de cette réunion était " d'envisager la création d'un nouveau syndicat professionnel. Officiellement le syndicat a vu le jour le 20 mai 1992. Son président est M. Jean-Michel Nérot, responsable d'exploitation de l'activité négoce de la S.A. Simat ".

Le 23 juillet 1991, M. Reneault reçut un appel téléphonique de M. Carayon dont le contenu, retranscrit sur le cahier de messages téléphoniques, est le suivant : " M. Carayon demande si vous pouvez lui envoyer par fax la tarification des blocs (rendu) sur le secteur de Saint- Affrique ". La réponse de M. Reneault fut : " L'appeler, nous avons une réunion demain à Millau où ces prix seront fixés définitivement avec les négociants de Millau Saint-Affrique. ".

Le 6 août 1991, à l'information suivant laquelle une entreprise (société SMPTI) n'avait pas procédé à une hausse de prix : " J'ai rappelé M. Carayon. Il me signale qu'il y a encore un problème avec Sévigné. Il n'a pas bougé ses prix, il attend de vous rencontrer ", M. Reneault répondit en marge : " Dire à M. Carayon que sur Millau la hausse a été reportée au 1er septembre. "

5. Le 24 septembre 1991, la Société Ségala Aliments informa M. Reneault de son absence à une réunion professionnelle organisée le soir même : " Ségala Aliment à Baraqueville a appelé pour s'excuser mais il ne pourra pas venir ce soir à la réunion (problème de santé). Ce qu'il a à dire c'est que depuis le 1er août il ne vend pas beaucoup d'agglos. Il imagine qu'il y a des coups en dessous. "

D'après les déclarations de M. Reneault la réunion du 24 septembre avait pour objet : " (.) création syndicat. Traitement des impayés. Tour d'horizon de l'activité économique ".

6. Le 11 octobre 1991, a eu lieu une réunion de direction du groupe Simat. L'auteur du compte rendu de cette réunion récapitule les actions entreprises afin d'améliorer la rentabilité du " groupe " ;

" Facturation des transports :

C'est l'un des enjeux également très importants et voisin du précédent à court terme.

Pour cela nous avons :

- mis en place un tarif transport très simple (....) ;

- agi auprès de nos confrères pour qu'ils appliquent la même grille. "

Interrogé sur le sens de ces propos, M. Reneault a déclaré :

" Au cours de cette réunion a été évoqué le problème de la facturation des transports et où j'affirme être intervenu auprès de mes confrères pour qu'ils appliquent la même grille, dans ce sens où je les ai informés de ce que nous allions faire en matière de tarification des transports, ce qui n'a pas obligatoirement entraîné leur adhésion. "

7. Une nouvelle réunion de fabricants de produits en béton du département de l'Aveyron, qui eut pour objet " le crédit client ", fut organisée le 29 octobre 1991. Les mentions portées sur le cahier téléphonique de M. Reneault permettent de constater qu'y étaient invités les négociants de produits en béton du département et certains fabricants parmi lesquels les sociétés Simat et François.

8. Le 12 novembre 1991, M. Reneault reçut un appel de M. Barthélémy, dont les termes, tels que retranscrits sur le cahier de messages téléphoniques, furent les suivants : " M. Barthélémy, société Mialanes, souhaite vous parler car il a des problèmes de prix sur certains secteurs. Téléphone: 66-32-00-54. "

9. L'instruction a établi que plusieurs autres réunions ont été organisées en 1992 :

- le 16 mars 1992, il est fait état sur le " carnet téléphonique " de M. Reneault d'un appel de M. Paulhe (société François) qui " n'a encore rien fait pour la réunion du 27. Il va s'en occuper ". M. Giancaterina appelle M. Reneault le 24 mars pour lui parler de " l'opportunité d'organiser une réunion sur le secteur de Millau avec S.C.C.A.T., Mialanes, Carayon, Simat et autres (.) " ;

- une nouvelle réunion s'est tenue le 22 avril, ainsi que le montrent les notes téléphoniques de M. Reneault. Alors que M. Sévigné (société SMPTI) demandait à le rencontrer, il lui fait répondre : " Lui dire que j'ai une réunion à 9 heures à Albi et que je crains de ne pouvoir arriver avant 12 h 30. Je peux le rencontrer à Millau le 22 vers 15 heures (avant la réunion produits béton à laquelle il participera) (.) ". Cette réunion devait rassembler notamment les sociétés Mialanes, SCCAT et Carayon, ainsi que l'atteste le compte rendu de l'appel téléphonique de M. Giancaterina en date du 21 avril : " M. Giancaterina m'a rappelé.

Seront présents à la réunion du 22 à Millau: Mialanes, SCCAT et Carayon. Il voulait vous demander si c'était utile d'inviter Sévigné (...) " ;

- le 28 avril, les négociants et fabricants en matériaux de l'Aveyron se réunissaient de nouveau ; enfin, le 20 mai 1992, se tenait l'assemblée générale constituante du syndicat.

2. Les relations bilatérales :

L'instruction a révélé l'existence de nombreux contacts bilatéraux portant sur les prix et les quantités produites ou vendues, entre les entreprises opérant sur le marché de l'Aveyron.

Ces échanges peuvent résulter de l'existence de relations commerciales entre les opérateurs qui conviennent par exemple d'un prix de cession courant, comme l'illustre la note interne du 7 août 1991 adressée à M. Reneault concernant les relations avec la société François : " J'ai eu M. François qui est d'accord d'avoir un prix de cession entre nos deux sociétés. Il attend nos propositions ", ce à quoi M. Reneault répond : " Nous pouvons convenir avec François que, pour les cessions entre industriels, nous faisons le prix diminué de 5 p. 100, soit T 5 x 0.95 ".

Ces deux sociétés ont également eu des échanges d'informations ponctuels sur certaines opérations, ainsi que l'atteste une retranscription d'appel datée du 6 août 1991 : " M. Paulhe demande si vous pouvez l'appeler pour le prix du béton de Saint-Ayria ", ou celle datée du 5 décembre 1991 qui se présente de la façon suivante :

" - Prix par télécopie + descriptif + délais

M. Paulhe ->nouveaux prix aggios. "

Il en est de même d'une note portée dans le cahier de messages téléphoniques de M. Reneault à la date du 27 mars 1992 :

" Rappeler M. Paulhe (Français) en lui demandant de m'excuser de ne pas avoir appelé avant mon départ. En lui disant que :

1° Simat ne peut pas se retirer de la fourniture de la B.P.E. sur Foch compte tenu que nous n'avons pas eu les autres fournitures envisagées avec M. Estrade (carrelage en particulier) ;

2° En contrepartie, on vous couvrira sur le chantier SDIS 1 700 mètres cubes. "

D'autres sociétés du département de l'Aveyron ont communiqué à la société Simat des informations de nature confidentielle portant par exemple sur les quantités produites. Ainsi en est-il, le 26 novembre 1991, de M. Gratio (société Gratio) :

" M. Gratio a appelé pour vous communiquer les tonnages de produits fabriqués :

août : 225 tonnes

septembre : 420 tonnes

octobre : 335 tonnes

->ciments compris "

Des informations sont échangées entre entreprises à propos d'affaires ponctuelles, ainsi que le montre l'examen du cahier de messages téléphoniques de M. Reneault à la date du 13 décembre 1991 :

" Tel. Albenque

Audouard aff. Cavalero - 10.000 agglos 20

plancher Rect. "

Cette note est complétée le lendemain par la note suivante :

" Audouard ->Cavaiheiro

HLM La Primaude 3,50 F. "

II - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil :

Sur l'imputabilité des pratiques à la société Ségala Matériaux :

Considérant que la société Ségala Matériaux sise à Baraqueville, dont l'activité principale est la vente de bois et matériaux de construction et dont le président du conseil d'administration est M. René François, fait valoir qu'une confusion a été faite dans la notification de griefs entre elle-même et la société Ségala Aliments, également sise à Baraqueville et dont l'activité principale est la vente d'engrais et d'aliments pour bétail ;

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces annexées à la notification de griefs (cotes 134, 136, 142, 145, 168, 191) que la société Ségala Aliments est mentionnée à plusieurs reprises, alors que la société Ségala Matériaux ne l'est sur aucun document ; que, par ailleurs, selon les extraits du registre du commerce de la société Ségala Aliments, cette société a également une activité de vente de matériaux de construction ; qu'en conséquence, la société Ségala Matériaux est fondée à demander sa mise hors de cause ;

Sur la procédure :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de la présente ordonnance " ; qu'en vertu de l'article 46 de la même ordonnance : " Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès- verbaux et, le cas échéant, de rapports. Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Un double en est laissé aux parties intéressées. Ils font foi jusqu'à preuve contraire " ; qu'aux termes de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Les enquêteurs peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transports à usage professionnel, demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements ou justifications " ; qu'enfin, aux termes de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 : " Les procès-verbaux prévus à l'article 46 de l'ordonnance sont rédigés dans le plus court délai. Ils énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés de l'enquêteur et de la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci mention en est faite au procès-verbal " ;

En ce qui concerne les procès-verbaux de MM. Français et Cluzel :

Considérant que le commissaire du Gouvernement soutient que les procès-verbaux de déclaration de M. Guy François, directeur général de la société François, daté du 2 juin 1992, et de M. Daniel Cluzel, cogérant de la société Cluzel, daté du 31 janvier 1992, sont réguliers au motif que leurs déclarations ne peuvent s'expliquer que dans la mesure où ils avaient été " précisément informés de l'objet de l'enquête " ;

Considérant que la preuve que les enquêteurs ont fait connaître clairement aux personnes interrogées l'objet de leur enquête peut être rapportée par la mention, faisant foi jusqu'à preuve contraire, que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l'intéressé sans qu'il y ait lieu de décrire cet objet ; qu'à défaut de visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ainsi que de mention de l'objet ou à tout le moins que celui-ci a été porté à la connaissance des personnes interrogées, le contrôle de la régularité des investigations porte sur le contenu des actes ; qu'il doit à cette fin être vérifié, par l'examen des déclarations, que l'agent verbalisateur n'a pas laissé la personne auditionnée dans l'ignorance de l'objet du contrôle ou ne l'a pas trompée sur son contenu ;

Considérant que les procès-verbaux d'audition de MM. François et Cluzel ne portent ni le visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni la mention de l'objet du contrôle, ni que celui-ci leur a été communiqué ; qu'en conséquence, la régularité de ces actes ne peut être appréciée qu'à travers l'examen des déclarations qu'ils retranscrivent ;

Considérant que M. François a déclaré : " J'ai effectivement et personnellement participé aux réunions des 2, 9 et 24 janvier 1991 à la CCI de Rodez, organisée par l'ensemble des fabricants aveyronnais et auxquelles ont assisté pour les deux premières l'ensemble des fabricants aveyronnais dont ma propre entreprise. Ces réunions, dont l'initiative ne revient pas à telle ou telle entreprise en particulier, mais qui ont été convenues collectivement, avaient pour objet de définir un niveau de prix à pratiquer qui soit le plus proche possible du prix de marché constaté " ; que, pour sa part, M. Cluzel a déclaré : " A la réunion du 24 septembre 1991, il a été fait le point sur l'application du nouveau tarif., malgré les problèmes (posés) par cette augmentation il a été décidé de ne rien changer à ce tarif(.) " ;

Considérant que ces déclarations contiennent la reconnaissance explicite, d'une part, de l'existence d'une concertation entre fabricants aveyronnais portant sur le prix des produits en béton et, d'autre part, de la participation des entreprises François et Cluzel à ladite concertation ;

Considérant que la reconnaissance par une personne auditionnée de sa participation à une entente prohibée ne peut être considérée comme régulièrement recueillie qu'autant qu'elle n'a pu se méprendre sur la portée de ses déclarations et sur le fait qu'elles pouvaient ensuite être utilisées contre elle ;qu'en l'espèce, à défaut de visa de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de la mention que les agents de contrôle ont fait connaître cet objet à l'intéressé, ou, à tout le moins, que celui-ci a été porté à leur connaissance, MM. François et Cluzel ont pu se méprendre sur la portée de leurs déclarations ; que la preuve du respect de l'obligation de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves ne peut se déduire simplement de la clarté et de la précision des déclarations, dès lors qu'il n'est pas attesté qu'elles ont été énoncées en pleine connaissance de leur portée ;qu'en conséquence, les procès-verbaux de MM. François et Cluzel ne pouvaient être qu'écartés de la procédure ;

En ce qui concerne le procès-verbal d'audition de M. Reneault :

Considérant que la société Simat soutient que le procès-verbal d'audition de M. Reneault en date du 2 juin 1992 est irrégulier en raison du comportement déloyal des enquêteurs et de l'absence des mentions requises par l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 ; que, s'agissant du respect par les enquêteurs du principe de loyauté des investigations, ceux-ci auraient cherché à amener M. Reneault à avouer des pratiques illicites en l'informant qu'ils savaient qu'il avait " orchestré cette opération et animé toutes les réunions " et en lui demandant de confirmer leurs allégations, sans produire les pièces sur lesquelles ils les fondaient ; que de plus l'enquête a été effectuée en dehors des heures normales d'ouverture de l'entreprise, puisque, selon une attestation de M. Reneault, elle aurait débuté à 8 h 15 pour s'achever à 15 h 30 " sans même une interruption pour l'heure du déjeuner " ;

Considérant que la société Simat fait encore valoir que les enquêteurs auraient formulé des demandes de communication générales et imprécises portant sur des documents dont ils ne connaissaient pas l'existence ; que, de plus, ils se seraient adressés, pour les obtenir, à une personne non habilitée à représenter l'entreprise ; qu'enfin, M. Reneault n'aurait pas pu relire par lui-même son procès-verbal de déclaration, ni n'aurait été informé sur son droit de ne pas le signer immédiatement ; que, d'autre part, s'agissant du respect des règles énoncées à l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, le procès-verbal contesté ne relate pas l'ensemble des opérations, en particulier en ce qu'il omet de rappeler " les manœuvres d'intimidation mises en œuvre par les enquêteurs afin d'amener M. Reneault à reconnaître l'existence de pratiques illicites " et le fait qu'ils se sont adressés à sa secrétaire pour obtenir les " anciens cahiers de téléphone " ; que l'acte contesté comporte des mentions erronées sur l'heure à laquelle ont débuté les opérations et ne mentionne pas celle à laquelle elles se sont achevées ; qu'enfin, il ne permet pas de vérifier la compétence territoriale d'un enquêteur, ni ne mentionne l'adresse des administrations concernées ; que la société Simat en déduit que ce procès-verbal doit être écarté de la procédure ;

Considérant, enfin, que la société Simat fait valoir que la mention " certifié conforme à l'original " que, selon elle, " les enquêteurs doivent apposer sur les documents dans le cadre de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " est absente des documents annexés au procès-verbal d'audition de M. Reneault ;

Mais considérant, en premier lieu, que s'agissant du respect des dispositions de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, les règles de forme des procès-verbaux telles que prévues par ce texte ne font pas obligation de mentionner l'identité du service administratif auquel l'agent enquêteur est rattaché ; que la compétence territoriale de l'enquêteur a pour seul fondement l'habilitation ministérielle prévue par l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;que celle-ci, qui n'est d'ailleurs pas contestée, pouvait être vérifiée par l'entreprise qui avait connaissance tant de l'identité des agents que de leurs résidences administratives qui étaient portées au procès-verbal contesté ; que ce moyen n'est donc pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant de l'exactitude de la relation du déroulement des investigations dans le procès-verbal en date du 2 juin 1992, l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les procès-verbaux rédigés en application de ce texte " font foi jusqu'à preuve contraire " ; que M. Reneault a signé cet acte après avoir pris connaissance de son contenu et sans émettre de réserve sur le déroulement des opérations ou sur l'exactitude des mentions portées ; qu'au surplus, une copie lui a été remise dès sa conclusion, lui permettant de la sorte d'émettre ultérieurement toutes réserves ; que ce moyen n'est donc pas fondé ;

Considérant, en troisième lieu, que s'agissant du caractère loyal des investigations, M. Reneault a été dûment informé qu'elles se déroulaient, comme l'indique le procès-verbal, " dans le cadre d'une enquête concernant l'augmentation des prix de vente et de la structure tarifaire des produits en béton constatées dans le département de l'Aveyron " ; que, dès lors, à supposer que la sollicitation d'aveux formulée par les enquêteurs et relatée par M. Reneault dans l'attestation jointe aux observations de la société Simat ait été réellement effectuée, ce qui n'est pas attesté par le procès-verbal, il ne peut être utilement soutenu que le représentant de la société Simat n'aurait pas été informé de l'objet de l'enquête diligentée et que les enquêteurs auraient outrepassé les pouvoirs qui leur sont conférés par les dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en quatrième lieu, que s'agissant du caractère général de la demande de communication de documents, il ressort des mentions du procès-verbal d'audition relatant le déroulement des opérations auxquelles ont procédé les enquêteurs, que ceux-ci ont demandé à M. Reneault des explications sur l'objet de différentes réunions professionnelles qui se sont tenues dans le courant de l'année 1991 ; qu'à la suite ils ont demandé copie de documents afférents à l'organisation et à l'objet de ces réunions, telles les listes de participants ou les convocations ; que l'attestation de M. Reneault, produite par la société Simat, confirme d'ailleurs le fait que les enquêteurs lui ont notamment demandé communication de ses " agendas " et cahiers de messages téléphoniques ; que l'existence de ces derniers, qui pouvaient contenir des informations sur le contenu des réunions concernées par les investigations, pouvait être déduite de la présence d'un cahier de messages téléphoniques de l'année 1992 sur le bureau de M. Reneault lors de son audition ; qu'en conséquence les demandes formulées par les enquêteurs n'étaient ni générales ni imprécises ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que la secrétaire de M. Reneault ait communiqué les cahiers de messages téléphoniques aux enquêteurs, alors que celui-ci leur avait répondu ne pas les conserver, n'entache pas la régularité de la communication dès lors que la demande portait sur des documents professionnels, qu'elle a été formulée dans les locaux de l'entreprise à un de ses préposés et que ces documents sont mentionnés au procès-verbal ; qu'au surplus l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'impose pas la communication des pièces directement par la personne entendue ; que le moyen tiré du caractère déloyal des investigations n'est donc pas fondé ;

Considérant, en sixième lieu, que la mention de la formule " certifié conforme à l'original " sur les pièces annexes aux procès-verbaux n'est imposée ni par l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni par l'article 31 du décret du 29 décembre 1986 ; qu'au surplus, les documents annexés au procès-verbal du 2 juin 1992 sont numérotés par ordre croissant ; que leur contenu est sommairement décrit dans le procès-verbal qui relate, par ailleurs, les commentaires de M. Reneault y afférents ; qu'en conséquence le moyen tiré du défaut de mention de la formule " certifié conforme à l'original " sur les documents annexés au procès- verbal du 2 juin 1992 de M. Reneault n'est pas fondé ;

En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire :

Considérant que la société Simat fait valoir que la notification de griefs ne contient aucun élément d'appréciation au regard des articles 13 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'elle en tire pour conséquence l'obligation pour le Conseil de la concurrence de surseoir à statuer pour ordonner un complément d'instruction, ce afin d'instaurer un débat pleinement contradictoire conformément à l'article 18 du même texte sur le montant des sanctions ;

Mais considérant que, des dispositions combinées des articles 21 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ainsi que de l'article 18 du décret du 29 décembre 1986, il résulte que le président du Conseil de la concurrence procède à la notification des griefs et du rapport qui constitue l'acte d'instruction contenant l'exposé des faits et griefs finalement retenus à la charge des intéressés ; que les dispositions précitées ne prévoient pas que ces actes portent une appréciation sur le montant des sanctions ; que, par lettre du 1er octobre 1996, le rapporteur a demandé aux représentants des sociétés poursuivies de préciser le montant de leur chiffre d'affaires pour le dernier exercice connu ; qu'au surplus, les chiffres d'affaires et résultats comptables de ces entreprises étaient joints aux observations du commissaire du Gouvernement ; qu'enfin les parties ont été en mesure, pendant la séance, de discuter contradictoirement les éléments devant servir à déterminer le montant de la sanction ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Considérant que la société Carayon fait valoir, d'une part, qu'elle n'a été entendue ni dans le cadre de l'enquête administrative ni dans celui de l'instruction menée par le rapporteur et, d'autre part, qu'elle n'a pas été mise en mesure d'apprécier " les conséquences que le rapporteur tire, dans son analyse des pratiques, des éléments concernant la réunion d'avril 1992, envisagée, d'après le cahier des messages, par M. Giancaterina " ;

Mais considérant, en premier lieu, que les règles de l'enquête définies par l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'agissant des enquêtes administratives, ne font pas obligation aux agents qui y procèdent ou au rapporteur du Conseil de la concurrence de confronter les responsables des entreprises avec les auteurs des déclarations qui les mettent en cause ou de les interroger sur les pièces saisies chez les tiers ; que ce moyen n'est donc pas fondé ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas fait grief à la société Carayon d'avoir participé à une concertation résultant d'une réunion tenue au mois d'avril 1992, mais, ainsi qu'il apparaît en page 13 de la notification de griefs, d'avoir adhéré à une concertation qui a donné lieu à une réunion le 24 juillet 1991 ; qu'en conséquence le moyen tiré de l'incertitude pesant sur les conséquences tirées par le rapporteur de la participation de la société Carayon à une réunion du mois d'avril 1992 est inopérant ;

Sur la valeur probante du cahier de messages téléphoniques de M. Reneault :

Considérant, en premier lieu, que les sociétés Simat et Carayon font valoir qu'il ne peut être accordé foi à un document incomplet dont le rédacteur est inconnu et qui porte une simple retranscription, à la fidélité incertaine, de communications téléphoniques ; qu'elles en tirent pour conséquence l'absence de force probante de ces documents ;

Mais considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la communication des cahiers de messages téléphoniques aux enquêteurs est régulière ; que le procès-verbal d'audition de M. Reneault en date du 2 juin 1992 montre que celui-ci n'a pas contesté en être l'utilisateur et pour partie l'auteur ; que, d'ailleurs, il résulte de l'attestation de M. Reneault jointe aux observations de la société Simat qu'un des cahiers se trouvait sur son propre bureau ; qu'enfin M. Reneault a accepté de répondre aux questions qui lui ont été posées sur le sens de certaines annotations contenues dans ces documents, sans contester en être l'auteur ou qu'elles lui aient été destinées ;

Considérant enfin que, si les cahiers de messages téléphoniques n'ont été photocopiés que partiellement, les dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'imposent pas aux enquêteurs de prendre copie de l'ensemble des documents dont ils obtiennent communication ;qu'en conséquence le moyen n'est pas fondé ;

Sur la qualification des pratiques :

Considérant que l'existence d'une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 peut être établie au moyen soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de divers éléments graves, précis et concordants recueillis au cours de l'instruction, même si chacun de ces éléments pris isolément n'a pas un caractère suffisamment probant ;

Considérant que, le 23 juillet 1991, M. Reneault, directeur général de la société Simat a reçu un appel téléphonique de M. Carayon (société Carayon) demandant à ce que lui soit communiquée : " La tarification des blocs (rendu) sur le secteur de Saint-Affrique " ; que M. Reneault a fait répondre à son interlocuteur : " L'appeler, nous avons une réunion demain à Millau où ces prix seront fixés définitivement avec les quatre négociants de Millau Saint- Affrique " ; que, le 6 août 1991, M. Reneault était informé par sa secrétaire des préoccupations de la société Carayon, société sise dans le département du Tarn à proximité du " secteur de Saint-Affrique ", dans les termes suivants : " .rappelé Carayon. Il me signale qu'il y a encore un problème avec Sévigné (société S.M.T.P.I.). II n'a pas bougé ses prix. Il attend de vous rencontrer " ; qu'ayant pris connaissance du contenu du message de M. Carayon, M. Reneault demande de : " Dire à M. Carayon que sur Millau la hausse a été reportée au 1er septembre " ; qu'au surplus, le 24 septembre 1991, M. Reneault a reçu un appel téléphonique de la société Ségala Aliments qui indique que : " .depuis le 1er août il ne vend pas beaucoup d'agglos. Il imagine qu'il y a des coups en dessous " ; qu'enfin, le 12 novembre 1991, M. Barthélémy (société MBA) fait à son tour état de " problèmes de prix sur certains secteurs " ;

Considérant qu'une réunion, dont l'organisation relevait de la société Simat et à laquelle ont participé plusieurs fabricants et négociants de produits en béton opérant dans le département de l'Aveyron, s'est tenue à Millau le 24 juillet 1991 ; que l'objet de cette réunion était de fixer " définitivement " les prix des produits en béton vendus par les entreprises sises dans le Sud du département de l'Aveyron ; que M. Carayon (société Carayon) a été informé le 23 juillet de l'existence de cette réunion et de son objet ; que le message adressé le 6 août 1991 par M. Carayon à M. Reneault selon lequel : " Il y a encore un problème avec Sévigné. Il n'a pas bougé ses prix. Il attend de vous rencontrer ", et la réponse de M. Reneault dans les termes suivants : " Dire à M. Carayon que sur Millau la hausse a été reportée au 1er septembre " constituent autant d'indices graves, précis et concordants de l'existence d'une concertation et, même si M. Carayon n'a pas assisté à la réunion du 24 juillet 1991, de la participation de la société Carayon à l'entente sur les prix entre producteurs et négociants ;

Considérant que la société Simat fait valoir que les mentions figurant aux dates du 23 juillet et du 6 août 1991 retranscrivant le contenu des communications téléphoniques adressées par M. Carayon à M. Reneault prennent un tout autre sens que celui retenu par la notification de griefs dès lors qu'elles sont considérées dans le contexte d'un marché où les opérateurs, qui veulent par ailleurs constituer un syndicat professionnel, ont des relations commerciales fréquentes ; que la société Simat avait informé ses confrères de l'augmentation de ses tarifs au 1er août 1991 dès le 9 juillet ; que, par ailleurs, la réunion du 24 juillet avait pour objet la création d'un syndicat professionnel ; qu'enfin, les retranscriptions d'appels téléphoniques contenues dans le cahier de messages téléphoniques de M. Reneault peuvent tout au plus, en dehors de tout autre élément, constituer un indice d'entente et non un faisceau d'indices graves, précis et concordants ;

Mais considérant que les différents messages téléphoniques reçus ou donnés par M. Reneault montrent que la société Simat a participé à une réunion des négociants en produits en béton qui s'est déroulée à Milan le 24 juillet 1991, à laquelle étaient présents certains fabricants ; que le fait que, selon les propos du directeur général de la société Simat, cette réunion avait notamment pour objet de fixer " définitivement (les prix) avec les négociants de Millau Saint- Affrique " constitue un indice grave et précis de l'existence d'une concertation ; qu'il en est de même du message téléphonique de la société Ségala Aliments et du message téléphonique de la société Carayon signalant les difficultés rencontrées avec un concurrent ; que la combinaison de ces indices graves, précis et concordants démontre l'existence d'une entente concernant les hausses des prix des produits en béton applicables dans le département de l'Aveyron à compter du 1er août 1991, à l'exception du secteur de Millau où ces hausses ont été différées au 1er septembre ;

Considérant que la société Carayon fait valoir qu'elle n'est ni négociant en matériaux ni sise dans le département de l'Aveyron et qu'elle n'a pas participé à la réunion du 24 juillet 1991 dont elle ignorait la tenue ; que d'ailleurs elle n'est pas mentionnée dans la liste des participants à cette réunion (cote 134) ; que l'appel téléphonique du 23 juillet 1991 s'explique par l'existence d'approvisionnements croisés entre fabricants et prouve que la société Carayon n'était pas invitée à la réunion précitée ; que, par ailleurs, il ne peut être déduit du contenu de l'appel téléphonique du 6 août 1991 que la société Carayon était informée des résultats de cette réunion et s'y était associée notamment par la mise en œuvre des hausses concertées qui y auraient été décidées ;

Mais considérant, d'une part, que la société Carayon a reconnu en séance qu'elle intervenait dans le département de l'Aveyron ; que, d'autre part, il résulte de ses observations écrites qu'elle a réalisé pendant l'année 1991 un chiffre d'affaires de 411.770 F dans ce même département ; que, par ailleurs, si les messages échangés par MM. Reneault et Carayon le 23 juillet 1991 peuvent s'expliquer par l'existence d'approvisionnements croisés entre les sociétés Simat et Carayon, une telle explication ne peut être retenue s'agissant du message du 6 août 1991 de M. Carayon à M. Reneault, qui porte sur la politique commerciale et les prix pratiqués par une entreprise concurrente ; que les informations communiquées le 23 juillet 1991 et le 6 août 1991 combinées à la réponse alors apportée par M. Reneault, invoquant le différé des hausses sur le secteur de Millau, constituent autant d'indices graves, précis et concordants de l'existence d'une concertation entre ces entreprises portant sur le prix des produits en béton ;

Considérant que la société MBA fait valoir que le message adressé à M. Reneault concernait la fourniture d'agrégats calcaires par la société Simat " pour les différents secteurs lozériens " de la société Mialanes ;

Considérant, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la mise en cause de la société MBA, que le seul message adressé à M. Reneault par M. Barthélémy le 12 novembre 1991 faisant état " de problèmes sur certains secteurs " n'est pas suffisant pour établir que la société MBA ait participé à une concertation partant sur le prix des produits en béton ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les différents messages téléphoniques adressés ou reçus par M. Reneault constituent autant d'indices graves, précis et concordants de l'existence d'une concertation entre les sociétés Simat et Carayon sur le marché des produits agglomérés en béton de l'Aveyron ; que la réunion de ces indices graves, précis et concordants constitue la preuve de l'existence d'une concertation qui avait pour objet de fixer le prix des produits en béton applicable dans le département de l'Aveyron ; que cette pratique, qui a eu pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 10 millions de francs " ; qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : " La commission permanente peut prononcer les peines prévues à l'article 13. Toutefois, la sanction pécuniaire prononcée ne peut excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées " ;

Considérant que, pour apprécier la gravité des pratiques de la société Simat, il y a lieu de tenir compte de la position de celle-ci sur le marché des produits en béton dans le département de l'Aveyron, résultant de sa taille et du nombre de ses filiales ; que cette société a joué un rôle essentiel dans la concertation ; que, toutefois, la gravité de la pratique doit être appréciée en tenant compte du fait qu'il n'a pas été démontré qu'elle ait été suivie d'effets ; qu'enfin, le président-directeur général de la société Simat a déclaré en séance avoir pris toutes dispositions afin que son entreprise respecte dorénavant " les règles de concurrence " ;

Considérant que la société Simat a réalisé en 1995, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 188.215.000 F ; qu'il y a lieu, au vu des éléments ci-dessus exposés, de lui infliger une sanction pécuniaire de 275.000 F ;

Considérant que la gravité des pratiques reprochées à la société Carayon doit être appréciée en tenant compte de la circonstance que, si elle s'est efforcée de faire respecter par ses concurrents les décisions concertées, ces agissements sont demeurés ponctuels et qu'il n'a pas été démontré qu'ils ont été suivis d'effets ;

Considérant que la société Carayon a réalisé en 1995, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 14.218.731 F ; qu'il y a lieu, au vu des éléments ci-dessus exposés, de lui infliger une sanction pécuniaire de 12.000 F ;

Décide :

Article 1 : - II est établi que les sociétés Simat et Carayon ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Article 2 : - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 275.000 F à la société Simat ;

- 12.000 F à la société Carayon.