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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 29 septembre 1994, n° ECOC9410209X

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lechène, Association Ecole de ski et bureau des guides Snow Fun, Régie municipale des sports de montagne de Cauterets, Syndicat local des moniteurs de l'école de ski français de la vallée de Méribel, Téléskis du Grand-Bornand (Sté), Méribel Alpina (Sté), Syndicat local des moniteurs de ski français du Grand-Bornand, Super-Grand-Bornand

Défendeur :

Syndicat national des moniteurs de ski français, Syndicat local des moniteurs de ski français de l'école de Cauterets, Ministre de l'Économie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerin

Avocat général :

M. Jobard

Conseillers :

MM. Mandel, Albertini, Mmes Favre, Chadeville

Avoués :

Me Moreau, SCP Bommart Forster, SCP Barrier Monin, SCP Valdélièvre, Garnier, SCP Teytaud

Avocats :

SCP Montamat, Cheval, Lier, Fillastre, Larroze, Mes Bordier, Louchet, Guillaumond, Paris.

CA Paris n° ECOC9410209X

29 septembre 1994

Saisi par M. Jean-Louis Lechène, agissant en tant que moniteur de ski et président de l'association École de ski Snow Fun, puis par le ministre de l'économie, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 91-D-07 du 19 février 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur de l'enseignement du ski, constaté que :

- les stipulations du dernier alinéa du chapitre Ier, paragraphe 5, de la " Convention nationale type entre les moniteurs des écoles du ski français (ESF) ", adoptée par l'assemblée restreinte du Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF), interdisant à un moniteur quittant l'école ou qui en est exclu d'exercer sa profession durant trois ans dans la commune ou les communes limitrophes, a pour objet ou pour effet de limiter le libre exercice de l'enseignement du ski sur le marché considéré ;

- les clauses de la convention cadre datée du 1er août 1985, établie par la Régie municipale des sports de montagne (RMSM) de Cauterets en concertation avec l'ESF locale et le SNMSF, fixant à quatorze le nombre minimum de moniteurs qu'une école de ski doit comprendre pour bénéficier des avantages prévus, notamment de tarifs préférentiels et d'un droit de passage prioritaire pour l'utilisation des remonte-pentes, ont pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de l'enseignement du ski à Cauterets ;

- les pratiques temporairement mises en œuvre par la société Méribel Alpina et par la société d'économie mixte Les Téléskis du Grand-Bornand, concessionnaires des remontées mécaniques, en concertation avec les moniteurs des ESF locales et sur la base des recommandations du SNMSF, consistant à refuser à des groupements de moniteurs le bénéfice de la priorité ou de la gratuité sur leurs installations alors qu'elles l'accordaient aux moniteurs de l'ESF, ont eu pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de l'enseignement du ski sur le site de Méribel-Mottaret et dans la station du Grand-Bornand..

Il a en conséquence enjoint au SNMSF et à la RMSM de Cauterets d'abroger les conventions susvisées, infligé des sanctions pécuniaires aux entreprises et organismes impliqués et ordonné à leurs frais la publication de sa décision.

Les parties sanctionnées ont poursuivi l'annulation de cette décision en faisant valoir :

- que le conseil était incompétent pour connaître d'actes accomplis par des collectivités locales dans le cadre de leurs prérogatives de puissance publique relatives à l'organisation des concessions de transports et du tourisme dans les stations de montagne;

- que fondée sur des correspondances échangées entre le SNMSF et son avocat saisies par le conseil, la décision a été prise en violation du secret professionnel et de la protection des communications entre un avocat et son client;

- que les pratiques anticoncurrentielles retenues ne sont pas constituées ou ne leur sont pas imputables;

- qu'elles ont eu pour effet d'assurer le progrès économique;

- que le montant des sanctions pécuniaires infligées n'est pas motivé.

Subsidiairement, elles demandaient la réformation de la décision sur le montant des sanctions pécuniaires, le contenu des injonctions ou l'étendue des publications.

Par arrêt du 26 septembre 1991, la cour d'appel de Paris, tout en rejetant le moyen relatif à l'incompétence du conseil pour sanctionner les faits poursuivis, a admis le bien-fondé du second moyen soulevé par les requérants et annulé la décision n° 91-D-07 du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a constaté et sanctionné des infractions aux articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur le marché de l'enseignement du ski dans les stations de Cauterets et du Grand-Bornand et sur le site de Méribel-Mottaret.

Elle a en revanche rejeté le recours du SNMSF contre les dispositions relatives à la clause de non-établissement et a fixé à un million de francs le montant de la sanction pécuniaire infligée de ce chef en ordonnant la publication de cette décision.

Sur pourvoi de M. Lechène, la Cour de cassation a, par arrêt du 9 novembre 1993, cassé cette décision d'annulation en reprochant à la juridiction d'appel de ne pas avoir pris en compte les éléments objectifs retenus par le Conseil de la concurrence, abstraction faite de la correspondance entre le SNMSF et son avocat, à juste titre écartée des débats.

Ce même arrêt a par ailleurs rejeté le pourvoi incident formé par le SNMSF contre la décision rendue à son encontre.

Le 11 février 1994, M. Lechène a saisi à nouveau la cour de Paris en tant que juridiction de renvoi pour qu'elle confirme la décision du Conseil de la concurrence.

Les 8 et 9 mars, 5 avril et 17 mai suivants, la Régie municipale des sports de montagne de Cauterets, l'ESF de Méribel, les sociétés Méribel Alpina et Téléskis du Grand-Bornand et l'ESF du Grand-Bornand ont successivement saisi la cour en demandant au contraire l'annulation de cette décision et subsidiairement sa réformation.

À cet effet, les sociétés Méribel Alpina et Téléskis du Grand-Bornand ainsi que l'ESF de Méribel réitèrent l'exception d'incompétence initialement soulevée, l'ESF de Méribel demandant en outre de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'ait été tranchée par la juridiction administrative la question préjudicielle de la licéité du contrat par elle conclu avec la commune des Allues.

Les cinq requérants font surtout valoir que les infractions d'ententes anticoncurrentielles qui leur sont reprochées ne sont pas établies et demandent à bénéficier des dispositions de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Mis en cause par ordonnance du 28 février 1994, le SNMSF demande pour sa part de ne pas aggraver la sanction prononcée à son encontre en soutenant que la preuve n'est pas rapportée qu'il ait donné des injonctions aux syndicats locaux pour la réalisation de ces ententes.

Enfin, bien qu'ayant été également mise en cause par l'ordonnance susvisée, l'ESF de Cauterets n'est pas intervenue dans le cadre de cette instance sur renvoi après cassation.

Le ministre de l'économie a présenté des observations dans lesquelles, tout en contestant la recevabilité des recours exercés, il demande la confirmation de la décision du Conseil de la concurrence.

Enfin le représentant du ministère public a, tout en constatant la régularité de la saisine de la cour, conclu au rejet des moyens soulevés par les requérants.

Sur ce, LA COUR,

Sur la recevabilité :

Considérant que dans ses observations écrites le ministre de l'économie conteste la recevabilité des différentes saisines de la Cour pour avoir été formées après l'expiration des délais prescrits par l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et le décret du 19 octobre 1987;

Mais considérant que ces dispositions ne concernent que les recours formés contre les décisions du Conseil de la concurrence et ne sauraient s'appliquer à la saisine de la juridiction de renvoi désignée par un arrêt de cassation qui, aux termes de l'article 1034 du nouveau Code de procédure civile, peut être effectuée pendant les quatre mois suivant la notification de cet arrêt aux parties concernées ;

Qu'en effet, le décret précité précise en son article 1er qu'il ne déroge qu'au titre VI du livre II du nouveau Code de procédure civile concernant les procédures d'appel et non au titre VIII de ce même livre relatif aux dispositions particulières aux juridictions de renvoi après cassation;

Considérant qu'en l'espèce il est constant que l'arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1993 n'a fait l'objet d'aucune notification et que dès lors le délai de quatre mois prévu à l'article 1034 du nouveau Code de procédure civile n'a pu commencer à courir ;

Qu'il s'ensuit que les diverses saisines de la cour de céans comme juridiction de renvoi se trouvent toutes recevables ;

Sur les exceptions d'incompétence et la question préjudicielle :

Considérant que les sociétés Méribel Alpina et Téléskis du Grand-Bornand ainsi que l'ESF de Méribel réitèrent l'exception d'incompétence déjà soulevée dans leur recours initial en faisant valoir que le Conseil de la concurrence était incompétent pour connaître d'actes accomplis par des collectivités locales dans le cadre de leurs prérogatives de puissance publique relatives à l'organisation des concessions de transports et du tourisme dans les stations de montagne;

Mais considérant que dans son arrêt du 26 septembre 1991, la cour a déjà écarté cette exception en relevant que les poursuites exercées devant le conseil tendaient uniquement à sanctionner les pratiques mises en œuvre par les entreprises exploitant les remontées mécaniques en concertation avec les ESF locales et le SNMSF;

Considérant que cette décision n'a fait l'objet d'aucun pourvoi devant la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 9 novembre 1993, a pris soin de préciser que l'arrêt du 26 septembre 1991 ne faisait l'objet que d'une cassation partielle pour n'avoir pas recherché si la décision du Conseil de la concurrence ne se trouvait pas justifiée par d'autres éléments que les pièces échangées entre le SNMSF et son avocat, à juste titre écartées des débats;

Considérant qu'il s'ensuit que les requérants ne sauraient à nouveau contester la compétence du Conseil de la concurrence, alors que les pratiques sanctionnées portant sur les modalités d'accès aux remontées mécaniques concernent le fonctionnement et non l'organisation de ce service;

Considérant par ailleurs que c'est en vain que l'ESF de Méribel soulève une question préjudicielle tendant à soumettre à la juridiction administrative la licéité du contrat par elle conclu avec la commune des Allues le 22 janvier 1987, dès lors que le tribunal administratif de Grenoble a déjà, par jugement du 20 janvier 1988, sanctionné les dispositions de ce contrat relatives au nombre de moniteurs requis pour pouvoir bénéficier du libre accès aux remontées mécaniques qui seules concernent le présent litige;

Au fond :

Considérant que les requérants font essentiellement valoir au soutien de leur demande d'annulation que les pratiques qui leur sont reprochées ne sont pas établies;

Qu'il convient d'examiner les faits incriminés sur chacun des sites concernés;

Sur les pratiques constatées sur le site de Cauterets :

Considérant qu'il est constant et qu'il ressort des pièces versées aux débats :

- que, dans la station de Cauterets, le service des remontées mécaniques est exploité par la Régie municipale des sports de montagne (RMSM), établissement public industriel et commercial dirigé par un conseil d'administration composé de neuf membres parmi lesquels trois sont des moniteurs de ski de l'ESF;

- qu'aux termes d'une convention conclue en 1978, la RMSM accordait à l'ESF le passage gratuit et prioritaire sur ses installations pour ses moniteurs accompagnés de leurs clients;

- qu'après avoir été condamnée par un jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 6 mars 1985 pour ne pas avoir accordé les mêmes avantages à une école concurrente de l'ESF, la RMSM a mis au point le 1er août 1985 une convention cadre réservant un tarif préférentiel et un accès prioritaire aux seuls groupements assurant la présence continuelle de quatorze moniteurs sur la station, cette condition n'étant remplie que par l'ESF;

Considérant qu'ayant créé une école de ski exerçant son activité sous l'enseigne Snow Fun, M. Lechène se vit notifier par la RMSM le 14 février 1986 son refus de le faire bénéficier des mêmes avantages en l'absence d'adhésion à cette convention qui lui était impossible, faute par lui de réunir l'effectif de moniteurs requis;

Considérant par ailleurs qu'il ressort des déclarations des dirigeants du SNMSF qu'à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Tarbes, ce syndicat est intervenu auprès de l'ESF de Cauterets pour qu'elle demande à la RMSM de définir l'école de ski susceptible de bénéficier d'avantages en se référant à un nombre minimum de moniteurs;

Considérant que la preuve est ainsi rapportée d'une entente concertée entre le SNMSF, l'ESF de Cauterets et la RMSM pour éliminer les écoles susceptibles de porter préjudice aux ESF et que cette entente a eu un effet anticoncurrentiel manifeste, puisqu'il ressort d'attestations de clients de l'école de ski Snow Fun (Mme Rue, M. Le Gall, M. Cherdel) qu'ils ont dû l'abandonner en raison de la disparité de traitement dont elle était l'objet;

Considérant que la RMSM a d'ailleurs elle-même finalement admis le bien-fondé des prétentions de M. Lechène, puisqu'elle déclare dans ses conclusions lui avoir appliqué l'égalité de traitement sollicitée depuis la saison 1990-1991 et avoir dénoncé la convention litigieuse;

Considérant, enfin, que c'est en vain que la RMSM fait valoir que M. Lechène a été débouté d'une instance en référé par lui engagée pour faire cesser la discrimination dont il était victime, dès lors que l'infraction aux articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 se trouve établie pour les années 1985 à 1990;

Sur les pratiques constatées sur le site du Grand-Bornand :

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats :

- qu'au Grand-Bornand le service des remontées mécaniques est exploité par la société anonyme d'économie mixte Les Téléskis du Grand-Bornand;

- que, jusqu'en 1986, les moniteurs de l'ESF, qui étaient les seuls à offrir des prestations d'enseignement de ski alpin, disposaient de la priorité et de la gratuité sur les installations de remontées;

- que, le 28 octobre 1986, l'association Star Ski, qui avait décidé d'installer une école de ski sur cette station, demanda à la société Téléskis le bénéfice des mêmes avantages;

- que, le 9 novembre 1986, cette société écrivit alors au maire de la commune du Grand-Bornand pour appeler son attention sur les " inconvénients " qu'engendrerait la création de cette nouvelle école en déclarant contacter l'ESF au sujet de l'attitude à adopter vis-à-vis de l'association Star Ski;

- que, le 11 décembre 1986, l'ESF a alors conclu avec la commune du Grand-Bornand une convention lui réservant l'accès prioritaire aux remontées mécaniques à la condition d'assurer la présence de trente-cinq moniteurs sur la station, ce qui a permis à la société Téléski de refuser à l'association Star Ski les avantages sollicités dans la mesure où elle ne remplissait pas cette condition;

- que le dirigeant de l'ESF a déclaré s'être inspiré pour l'élaboration de cette convention, rédigée "à son initiative", du projet qui lui avait été remis par le SNMSF;

Considérant que la preuve est ainsi rapportée d'une entente entre ce syndicat, l'ESF du Grand-Bornand et la société Les Téléskis afin d'écarter de cette station toute école concurrente de l'ESF;

Considérant qu'il convient toutefois de relever que le refus opposé à l'association Star Ski n'a duré qu'une saison, puisque, le 21 septembre 1987, il a été décidé de lui accorder les mêmes avantages qu'à l'ESF;

Sur les pratiques constatées sur le site de Méribel :

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats :

- que, sur la commune des Allues, les domaines skiables de Méribel et de Mottaret sont accessibles par le service des remontées mécaniques concédé à la société Méribel Alpina; .

- que les moniteurs de l'ESF bénéficiaient de la priorité et de la gratuité pour le passage sur ses installations;

- qu'en 1986, l'école Ski Cocktail, exploitée par la société Wave Hill International, a demandé à la société Méribel Alpina de faire bénéficier ses moniteurs des mêmes avantages que ceux de l'ESF;

- qu'après avoir refusé cette société a, par courrier du 5 novembre 1986, informé de cette demande le maire des Allues en faisant état de sa liaison privilégiée avec l'ESF;

- que le 21 janvier 1987, l'ESF de Méribel, se référant à la convention conclue par l'ESF du Grand-Bornand, a décidé de fixer à trente-cinq moniteurs sur le site de Méribel et à vingt-cinq moniteurs sur celui du Mottaret l'effectif maximum requis pour pouvoir bénéficier du libre passage sur les remontées mécaniques ;

- et qu'elle a fait accepter cette disposition dans une convention signée avec la commune des Allues le 22 janvier 1987;

Considérant que le dirigeant de l'ESF a en outre expressément reconnu " s'être toujours battu pour qu'il n'existe qu'une école de ski à Méribel " ;

Considérant que la preuve est ainsi rapportée de son entente avec la société Méribel Alpina pour écarter de la concurrence l'école Ski Cocktail et que cette société a maintenu cette disparité de traitement jusqu'à la saison 1988-1989, après qu'un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 janvier 1988 eut annulé la décision du maire de la commune des Allues du 18 août 1987 refusant de modifier le nombre de moniteurs fixé dans la convention litigieuse, en relevant que l'exigence d'un effectif minimum de soixante moniteurs (trente-cinq - vingt-cinq) conduisait en fait à interdire toute implantation d'une école autre que l'ESF;

Sur l'exception de progrès économique :

Considérant que les requérants font valoir subsidiairement que les ententes qui leur sont reprochées se trouvaient, conformément aux dispositions de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, justifiées par le progrès économique qu'elles permettaient, dans la mesure où la réunion d'un nombre suffisant de moniteurs pouvait seule permettre un enseignement de qualité ainsi que la participation à l'animation des stations et aux services de secours;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les moniteurs des écoles Snow Fun, Star Ski et Ski Cocktail possédaient les diplômes requis pour dispenser leur enseignement et que divers articles de presse ont même estimé que la qualité de l'enseignement de M. Lechène avait contribué à la réputation de la station de Cauterets ;

Considérant par ailleurs qu'il n'est nullement établi que les moniteurs des trois écoles évincées aient refusé de s'associer aux services rendus par les moniteurs des ESF, la société Méribel Alpina ayant au contraire fait état dans sa lettre précitée du 5 novembre 1986 des services gratuits que l'école Ski Cocktail se déclarait prête à rendre ;

Considérant qu'il s'ensuit que si l'exigence d'un nombre minimum de moniteurs constituait le prétexte permettant de refuser aux écoles concurrentes des ESF les avantages dont elles bénéficiaient pour l'accès aux remontées mécaniques, il n'est nullement démontré que cette exigence ait eu pour effet d'assurer un progrès économique, de sorte que l'exception soulevée par les requérants ne peut qu'être rejetée;

Sur la responsabilité du SNMSF :

Considérant que le SNMSF dénie toute responsabilité dans les pratiques ci-dessus exposées en soutenant qu'après retrait du dossier de la correspondance échangée avec son conseil la preuve de son intervention auprès des syndicats locaux ESF ne serait pas rapportée;

Mais considérant qu'il ressort des propres déclarations de ses dirigeants que s'ils ont renoncé à signer avec l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver un protocole définissant la notion d'école de ski pour accorder des avantages dans l'utilisation des remontées mécaniques, ils ont recommandé aux syndicats locaux, et notamment à celui de Cauterets, de négocier directement des arrangements avec les exploitants des remontées mécaniques afin d'écarter le risque de création de deux écoles concurrentes dans une même station;

Que, par ailleurs, ainsi que cela a déjà été exposé plus haut, le dirigeant de l'ESF du Grand-Bornand a déclaré s'être inspiré pour l'élaboration de la convention ayant permis d'évincer l'association Star Ski du protocole qui lui avait été remis par le SNMSF et que ce même projet a également servi de support à la convention conclue par l'ESF de Méribel pour que l'école Ski Cocktail ne puisse bénéficier des mêmes avantages qu'elle;

Considérant que l'intervention du SNMSF dans les ententes anticoncurrentielles ci-dessus exposées se trouve ainsi établie et que c'est à juste titre que le Conseil de la concurrence a retenu sa participation aux faits incriminés;

Sur les sanctions :

Considérant que les requérants demandent subsidiairement la réformation de la décision entreprise du chef des sanctions prononcées;

Considérant que la Régie municipale des sports de montagne de Cauterets déclarant avoir abrogé la convention critiquée du 1er août 1985, il n'y a pas lieu de maintenir l'injonction délivrée à cet effet, dès lors qu'elle est devenue sans objet;

Considérant par ailleurs que les pratiques incriminées ayant pris fin, il n'apparaît pas nécessaire de maintenir les dispositions relatives aux publications qui avaient été suspendues par ordonnance du 17 mai 1991;

Considérant en revanche que le Conseil de la concurrence tenant de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la faculté de sanctionner des faits remontant à moins de trois ans lors de sa saisine, les requérants ne sauraient tirer argument de ce qu'ils ont mis fin aux pratiques incriminées pour se soustraire à toute sanction pécuniaire à leur sujet;

Considérant qu'il ressort de la relation des faits ci-dessus exposés que ces pratiques ont duré cinq saisons sur le site de Cauterets, deux saisons sur celui de Méribel et une saison sur celui du Grand-Bornand ;

Considérant qu'il s'ensuit que c'est de manière équitable, en tenant compte de la durée des infractions par elles commises, que le conseil a infligé aux sociétés chargées du service des remontées mécaniques de ces stations des sanctions pécuniaires d'un montant respectif de 500.000 F pour la Régie municipale des sports de montagne de Cauterets, de 200.000 F pour la société Méribel Alpina et de 100.000 F pour la société Les Téléskis du Grand-Bornand, et que leurs chiffres d'affaires annuels s'élevant respectivement à 18, 51 et 30 millions de francs, leurs demandes de minoration de ces sanctions doivent être rejetées;

Considérant en revanche que la responsabilité des syndicats locaux dans les pratiques incriminées étant identique sur chacun des trois sites susvisés, la majoration de la sanction infligée à l'ESF de Méribel par rapport à celles concernant les ESF de Cauterets et du Grand-Bornand n'apparaît pas justifiée ;

Qu'il convient en conséquence de réduire de 100.000 à 50.000 F le montant de cette sanction ;

Considérant, enfin, que le pourvoi incident formé par le SNMSF contre l'arrêt du 26 septembre 1991 ayant été rejeté, la sanction pécuniaire d'un million de francs qui lui a été infligée par cet arrêt revêt un caractère définitif ;

Que, toutefois, cette sanction ne visait que la clause de non-rétablissement qu'il lui était enjoint de supprimer dans la convention type entre les moniteurs ESF et ne portait pas sur sa participation aux ententes anticoncurrentielles constatées sur les sites de Cauterets, de Méribel et du Grand-Bornand;

Que les syndicats locaux de ces trois stations ayant agi à son instigation, il convient de lui infliger de ce chef une sanction pécuniaire complémentaire de 300.000 F, étant observé que ses ressources annuelles s'élèvent, selon le rapport d'enquête, à près de 10.000.000 F, dont 4.600.000 F proviennent des cotisations de ses adhérents,

Par ces motifs : Ordonnons la jonction des saisines enregistrées sous les numéros de rôle général 94-5534, 94-5667 et 94-11373 avec celle enregistrée sous le numéro 94-977 ; Rejette les recours en annulation formés contre la décision du Conseil de la concurrence 91-D-07 du 19 février 1991 ; Confirme les sanctions pécuniaires infligées à la Régie municipale des sports de montagne de Cauterets, aux sociétés Méribel Alpina et Téléskis du Grand-Bornand et aux syndicats locaux des moniteurs de ski ESF de Cauterets et du Grand-Bornand ; Réformant cette décision pour le surplus ; Réduit à 50.000 F la sanction infligée au syndicat ESF de Méribel ; Fixe à 300.000 F la sanction pécuniaire infligée au Syndicat national des moniteurs du ski français, en plus de celle déjà prononcée par l'arrêt du 26 septembre 1991, pour sa participation aux ententes anticoncurrentielles constatées sur les sites de Cauterets, de Méribel et du Grand-Bornand ; Dit n'y avoir lieu au maintien des dispositions visées aux articles 2 et 4 du dispositif de la décision déférée ; Condamne les requérants aux dépens.