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Décisions

Cass. com., 12 mars 1996, n° 94-17.283

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

G. Doras (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Geerssen

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Mes Pradon, Ricard.

TGI Dijon, prés., du 15 juin 1994

15 juin 1994

LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 15 juin 1994 modifiée le 22 juin, le président du Tribunal de grande instance de Dijon a autorisé des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de sept sociétés et une entreprise personnelle fournissant du béton prêt à l'emploi et des produits fabriqués en béton en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article 7, les 1 et 2 de l'article 8 et les articles 17 et 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur le marché du béton prêt à l'emploi et des produits fabriqués en béton dans le département de la Côte-d'Or ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés G. Doras, GD Services, Serdis, Doras matériaux, Dijon béton et M. Ronot font grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'Économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de la présente ordonnance ; qu'aux termes de l'article 48 du même texte, les enquêteurs ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents que dans le cadre d'enquête demandée par le ministre chargé de l'Économie ou le Conseil de la concurrence et sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui ; que, dès lors qu'il résulte de ces textes que seules les personnes habilitées par le ministre peuvent procéder à des enquêtes sur autorisation du président du tribunal de grande instance compétent et que seuls les enquêteurs sont habilités à solliciter l'autorisation ; qu'il résulte des arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993 visés par l'ordonnance que M. Rezel n'est pas au nombre des personnes habilitées comme enquêteurs par le ministre, et ce qu'elle que soit l'importance des fonctions qui lui sont conférées ; que, dès lors, M. Rezel n'était pas recevable à solliciter l'autorisation de faire procéder à des visites domiciliaires et à des saisies de documents ; qu'en faisant droit à la requête présentée par lui, la décision attaquée a violé les articles 45 et 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'ordonnance constate que la requête a été présentée par le chef du service régional de la Côte-d'Or mandaté par le directeur régional chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Rhône-Alpes, Bourgogne, Auvergne, Franche-Comté en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par le directeur de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes agissant par délégation de signature du ministre chargé de l'Économie ; qu'il ne résulte d'aucun texte que seuls les enquêteurs peuvent saisir le juge d'une demande en autorisation de visite et saisie domiciliaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés G. Doras, GD Services, Serdis, Doras matériaux, Dijon béton et M. Ronot font aussi grief à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, que, retenant des présomptions circonscrites à certains marchés ou appels d'offres et à certains agissements déterminés, l'ordonnance ne pouvait autoriser des visites et des saisies ayant un objet général en ce qui concernait des pratiques " dans le secteur du béton prêt à l'emploi et des produits fabriqués en béton ", ne mettant pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

Mais attendu qu'il résulte de l'ordonnance que le président du tribunal a autorisé les visites de huit entreprises suspectées d'une entente économique déterminée à savoir dans la fourniture du béton prêt à l'emploi et des produits fabriqués en béton dans le département de la Côte-d'Or à seule fin de rechercher la preuve des pratiques anticoncurrentielles prohibées par l'article 7 et les paragraphes 1 et 2 de l'article 8 énoncés par l'ordonnance et les agissements définis par l'ordonnance punissables en application des articles 17 et 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'ainsi, le dispositif critiqué n'a pas pour effet d'étendre l'autorisation au-delà du marché visé par l'ordonnance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés G. Doras, GD Services, Serdis, Doras matériaux, Dijon béton et M. Ronot font, de plus, grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, que dans le cas où le juge est saisi par requête pour rendre une ordonnance dans des circonstances qui exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, la requête doit être présentée par un avocat postulant ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité, que la requête dont a été saisi le président du tribunal de grande instance de Dijon n'ayant été présentée ni par un avocat postulant, ni par un officier public ou ministériel habilité, le juge aurait dû déclarer irrecevable la requête sur laquelle M. Rezel, ès qualités, lui demandait de statuer ; qu'en ne décidant pas ainsi, il a violé l'article 813 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile relatives à la présentation des requêtes par ministère d'avocat ou d'un officier public ou ministériel ne sont pas applicables aux ordonnances de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que les sociétés G. Doras, GD Services, Serdis, Doras matériaux, Dijon béton et M. Ronot font encore grief à l'ordonnance attaquée d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, que seuls les fonctionnaires de la liste A étant habilités à agir au titre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le juge, à défaut de désigner nominativement les fonctionnaires habilités à effectuer les visites et saisies autorisées, doit préciser que les agents enquêteurs qui seront désignés seront inscrits sur la liste A et que l'ordonnance n'a pu laisser le libre choix des fonctionnaires à désigner par M. Rezel, sans préciser qu'ils devront être inscrits sur la liste A, qu'en violation des articles 43 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'arrêté du 22 janvier 1993 ;

Mais attendu que le juge n'est pas obligé, à peine d'irrégularité de son ordonnance, de rappeler les prescriptions de l'arrêté du 22 janvier 1993; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen : - Attendu que les sociétés G. Doras, GD Services, Sercis, Doras matériaux, Dijon béton et M. Ronot font, au surplus, grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que nul jugement, nul acte ne peuvent être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, que l'ordonnance attaquée ne comportant pas de formule exécutoire, son exécution était entachée de nullité, qu'en ordonnant les visites et saisies litigieuses sans apposer sur sa décision la formule exécutoire, le président du Tribunal a violé l'article 502 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'ordonnance attaquée ne pouvant être exécutée dès l'instant où elle ne se trouvait pas revêtue de la formule exécutoire, elle se trouvait caduque à la date du 31 juillet 1994 et, du fait de cette caducité, l'ordonnance devra être cassée en raison de la contradiction interne qu'elle comporte ;

Mais attendu que l'apposition de la formule exécutoire sur les ordonnances autorisant une visite et saisie domiciliaire n'est pas exigée par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le sixième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu qu'en fixant un délai maximum de six mois pour la présentation des requêtes tendant à l'annulation des opérations achevées alors qu'il ne résulte pas de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'un tel recours soit enfermé dans un délai légal ou dans un délai à la discrétion du juge, le président du tribunal a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'elle a fixé un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires, l'ordonnance rendue le 15 juin 1994, entre les parties, par le président du Tribunal de grande instance de Dijon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Rejette.